Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 21 mars 2006 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

... ainsi que du vaccin contre la rage, qui a permis d'arrêter la progression de cette maladie vers le centre de la France. Dans les deux cas, il s'agit d'OGM, et néanmoins personne ne réagit.

Il existe donc bien une confusion dans l'esprit des gens à propos de l'expression « OGM ». Au-delà de la pédagogie, nous devons aussi développer l'information et la transparence autour de l'utilisation de cette technologie. Faute de quoi, nous recommencerons les erreurs commises au sujet du développement et, surtout, de l'exploitation du nucléaire ; je ne citerai ici aucun des noms de ceux qui sont responsables de ces erreurs, car vous les avez tous en mémoire.

Nous approuvons la création d'un conseil des biotechnologies doté de deux sections, l'une scientifique et l'autre socio-économique, mais nous ferons des propositions afin que soient définis leurs rôles respectifs et l'ordre dans lequel elles devront donner leur avis, qui devra être rendu public. Ce conseil représente un progrès par rapport aux commissions qui existaient précédemment et qui connaissaient un certain mélange des genres.

Nous proposerons également, pour les sites expérimentaux en plein champ, la création de commissions locales d'information et de suivi. Celles-ci, qu'a déjà évoquées mon collègue Jean-Marc Pastor, devront être constituées et saisies de tout projet associant non seulement les élus et les associations, mais aussi et surtout les exploitants riverains.

En effet, toute expérience dans ce domaine ne se justifie que par l'évaluation tant du risque sanitaire ou environnemental que de l'avantage économique et social qu'elle peut comporter. Il est donc nécessaire que les exploitants riverains soient informés de la nature de l'expérimentation et sachent en particulier quel sera le couple « gène-plante » étudié et quelles prescriptions seront assorties à l'autorisation.

Toutefois, cette évaluation ne peut se faire sans une expertise indépendante, ni être laissée à l'initiative des obtenteurs. Il importe donc de rendre à notre recherche publique les moyens d'assurer ses missions. Lors de nos auditions en commission, nous avons constaté la démobilisation, pour ne pas dire la désespérance, des chercheurs dans ce domaine.

Monsieur le ministre, votre présence dans cet hémicycle, en tant que ministre chargé de la recherche, afin de présenter ce projet de loi, constitue un symbole fort. J'espère que vous entendrez l'appel à renforcer les moyens alloués à nos établissements publics de recherche, particulièrement ceux de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. En effet, lors de nos auditions, il nous a été dit que seuls quelques individus travaillaient encore dans ce secteur de recherche, et qu'ils n'avaient en tout cas pas de programme de recherche concernant les OGM.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué les applications envisageables, avec une pureté inégalable, dans la synthèse des médicaments, notamment l'interféron, l'interleukin, l'hémoglobine et la lipase gastrique, et je ne puis que vous conforter dans cette analyse.

Mais alors, pourquoi ne pas accepter l'information et la transparence, qui favoriseraient l'acceptation sociétale des OGM, en instituant une commission locale d'information et de suivi, également nécessaire pour permettre la coexistence des différentes formes de culture ?

Si les exploitants riverains ne connaissent pas les prescriptions, ni la nature du couple « gène-plante », ces expérimentations ne pourront continuer, car les OGM se dissémineront nécessairement, tout simplement en raison de mauvaises pratiques dans les champs. En refusant d'accorder l'accès à l'information et d'établir la transparence en ce domaine, nous bloquerons les avancées thérapeutiques, ou du moins, me semble-t-il, nous en courrons le risque.

Pourquoi aussi parler de « dissémination volontaire », au lieu d'« ensemencement volontaire », et d'« organismes génétiquement modifiés » plutôt que de « plantes génétiquement modifiées » ? Parmi ces dernières, il aurait sans doute d'ailleurs fallu distinguer celles dont la vocation est agro-alimentaire et celles qui reçoivent une autre destination, qu'elles deviennent des médicaments ou des biocarburants.

Je ne veux pas croire qu'il s'agisse là simplement d'un problème de traduction de la directive communautaire, qui introduirait une confusion entre les termes « dissipation » et « ensemencement ».

La discussion qui a eu lieu ce matin en commission au sujet des périmètres des AOC est tout à fait révélatrice et ne fait que confirmer notre ardent souhait d'information et de transparence. À cet égard, j'évoquerai l'amendement de notre collègue René Beaumont, à travers lequel se révèle toute l'inquiétude des exploitants riverains. Il nous faut réfléchir plus avant au périmètre des AOC.

Nous devons, à travers cette transposition, assurer l'information et la transparence, grâce à une expertise indépendante qui porterait, je le répète, à la fois sur l'évaluation du risque de dissémination des OGM dans l'environnement et sur les avantages économiques de tel ou tel couple « gène-plante ». En effet, j'imagine que ceux-ci existent, et je ne pense pas seulement ici aux médicaments, mais aussi aux biocarburants et à d'autres applications.

Monsieur le ministre, qu'avez-vous à craindre de la transparence, surtout si vous êtes intimement persuadé de l'innocuité des expériences menées en externe ? En la rejetant, vous prenez à coup sûr le risque de conforter ceux qui, pour différentes raisons, qu'elles soient idéologiques, politiques ou autres, refusent les progrès que pourrait apporter cette technologie.

Tant que cette condition de transparence ne sera pas remplie, nous ne pourrons admettre le passage à la culture en plein champ, qui risque de mettre à mal la biodiversité et, en tout cas, la coexistence des différentes formes de cultures.

Enfin, nous ne pouvons accepter que seuls les exploitants aient l'obligation de cotiser et de s'assurer contre les risques éventuels. À titre de comparaison, je prendrai l'exemple du secteur automobile, dans lequel plusieurs types de responsabilités sont prévus : la responsabilité du conducteur, pour la faute de conduite ou le non-respect du code de la route ; celle du constructeur, pour les vices cachés ; celle du service des mines, pour l'autorisation de mise sur le marché.

Il conviendrait donc de faire de même en ce qui concerne les PGM. Nous pourrions prévoir de sanctionner la faute de l'exploitant, pour le non-respect des bonnes pratiques, celle de l'obtenteur, pour le défaut de la semence, et celle de l'autorité administrative, pour l'autorisation de mise en culture. D'ailleurs, pourquoi prévoir un fonds d'indemnisation, abondé à hauteur de cent euros l'hectare, si le risque est considéré comme quasiment nul ?

Au reste, nous le savons, le risque zéro n'existe pas. Il faut donc constituer une grille de lecture présentant les avantages, les inconvénients et les risques, avant de songer à passer à la troisième phase qu'évoquait notre collègue Pastor. Cela pourra être obtenu après une expertise réalisée par une structure indépendante, qui ne peut être qu'un établissement public, sans doute l'INRA ou une structure équivalente.

En outre, comment définir un produit assuranciel tant que les expérimentations n'auront pas évalué les avantages et les risques pour chaque couple « gène-plante » ?

Pour toutes ces raisons, puisque les conditions ne sont pas actuellement réunies pour nous permettre de passer à la troisième phase, nous ne pourrons accepter les dispositions prévues par ce texte pour assurer la culture en plein champ et la mise sur le marché des OGM.

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