La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de sept membres du parlement hellénique.
Nos collègues parlementaires appartiennent au groupe d'amitié interparlementaire Grèce-France et sont en mission d'information cette semaine à Paris.
Sous la conduite de son président, M. Christos Zoïs, cette délégation est accueillie au Sénat par le groupe d'amitié présidé par notre excellent collègue Marc Massion.
Cette visite vient renforcer, c'est l'évidence, les liens d'amitié indéfectibles que nous entretenons aujourd'hui avec la Grèce dans la perspective d'un avenir commun au sein de l'Union européenne.
En votre nom à tous, je souhaite à nos amis grecs une très cordiale bienvenue. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre délégué se lèvent et applaudissent.)
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Établissement public de réalisation de défaisance.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des finances à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement.
Monsieur le ministre, c'est seulement le lundi 20 mars, vers dix-sept heures, que nous avons appris, de sources syndicales, que des faits extrêmement graves s'étaient déroulés place de la Nation, à la fin de la grande manifestation pour le retrait du CPE, qui, je le rappelle, avait réuni samedi 18 mars à Paris 350 000 manifestants - et un million et demi de personnes dans le pays.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Vous étiez moins bavards pendant les débats !
M. Cyril Ferez, un syndicaliste SUD-PTT de 39 ans, a été victime, selon les images disponibles et tous les témoignages concordants, de brutalités policières extrêmement graves.
Il est depuis dans le coma et lutte pour la vie.
Monsieur le ministre, au nom du Gouvernement, vous devez donner un certain nombre d'indications au Sénat. Pourquoi ce silence durant près de 48 heures ?
Pourquoi avoir masqué la réalité alors que la scène a été filmée et photographiée ?
Une enquête de l'inspection générale des services, l'IGS, est en cours. Le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, devait rencontrer à quinze heures le syndicat SUD auquel appartient M. Cyril Ferez, salarié du centre Orange France Télécom de Torcy.
Quels premiers éléments d'information pouvez-vous nous donner aujourd'hui ?
Par ailleurs, mes collègues et moi-même tenons à nous élever contre le caractère indécent, à l'heure où un homme est entre la vie et la mort, des informations diffusées en boucle sur le taux d'alcoolémie de la victime au moment des faits.
Quoi qu'il en soit de la véracité de ces informations, les coups et la violence s'en trouveraient-ils justifiés ? Bien sûr que non !
Monsieur le président, monsieur le ministre, les incidents violents se multiplient. Il faut cesser de jouer la carte du pourrissement ! Pour cela, il existe une réponse à l'urgence : le retrait du CPE !
Protestations sur les travées de l'UMP.
M. Roland Muzeau. Aucun aménagement, aucun arrangement ne peuvent répondre à cette grave crise. Seul le retrait constitue une solution. Le Président de la République peut, d'une minute à l'autre, agir en ce sens en ne promulguant pas cette loi massivement rejetée par tout un peuple, toute une jeunesse ! Telle est l'exigence du groupe communiste républicain et citoyen !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. -M. Jean Desessard applaudit également. -Exclamations sur les travées de l'UMP.
M. le président. Monsieur Muzeau, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui représente plus qu'une simple transposition de deux directives européennes, la directive 98/81/CE du 26 octobre 1998 relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés et la directive 2001/18/CE, relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement.
La question des organismes génétiquement modifiés, les OGM, est largement débattue dans notre pays depuis de longues années et a fait l'objet de rapports parlementaires, l'un au Sénat - n'est-ce pas M. le rapporteur ? -, l'autre plus récemment à l'Assemblée nationale.
Ce sujet alimente aussi couramment d'assez nombreuses controverses, aboutissant à des prises de position quelquefois passionnées et, pour certaines d'entre elles, irrationnelles. Il suscite de la part de nos concitoyens d'assez nombreuses interrogations et pâtit surtout d'une relative méconnaissance, sur le plan tant scientifique que technique. Reconnaissons qu'il est difficile, sans une étude préalable approfondie, de se constituer une opinion totalement éclairée sur la question.
Pourtant, les organismes génétiquement modifiés - appellation sous laquelle on désigne d'ordinaire le génie génétique et les biotechnologies - constituent dans notre pays, et plus généralement dans le monde d'aujourd'hui, une réalité très tangible dans les domaines scientifique, thérapeutique et économique.
Sur le plan scientifique et thérapeutique, peu de nos compatriotes savent à quel point les OGM sont aujourd'hui, et depuis d'assez nombreuses années, très largement utilisés. Bactéries et levures génétiquement modifiées servent depuis plus de vingt ans - je dis bien « plus de vingt ans » - à la fabrication de médicaments. C'est ainsi que plus de cent cinquante spécialités pharmaceutiques sont produites par génie génétique, à partir de micro-organismes.
Le génie génétique permet de produire, dans des conditions plus sûres, des médicaments qui, auparavant, étaient obtenus par voie d'extraction. L'insuline, l'hormone de croissance et des facteurs de coagulation sanguine sont ainsi produits à partir des biotechnologies. Des médicaments trop complexes pour être synthétisés chimiquement ou trop peu abondants pour que l'extraction soit envisageable sont aujourd'hui produits par génie génétique. C'est le cas de l'interféron ou de l'interleukin dans le traitement des cancers.
Les OGM constituent aussi une réalité économique.
On estime en effet qu'en 2004 plus de 80 millions d'hectares dans le monde étaient plantés d'organismes génétiquement modifiés. Il en existe, par exemple, aux États-Unis, où sont issus d'espèces OGM plus de 80 % du coton, plus du tiers du maïs et 50 % du soja, au Brésil, en Inde, en Chine ou, plus près de nous, en Espagne, où près de 60 000 hectares sont aujourd'hui plantés en OGM.
En réalité, comme toutes les technologies nouvelles, cette technologie peut ouvrir des perspectives pour l'humanité, pour notre avenir, être source de progrès, d'amélioration des modes de production, voire être à l'origine d'innovations d'une portée éventuellement considérable.
On évoque, par exemple, la possibilité de produire, demain, des plantes qui consommeraient moins d'eau. Or, beaucoup d'entre vous le savent, un problème majeur se profile à l'horizon pour nourrir tout simplement l'humanité du fait, non pas d'une pénurie de surfaces cultivables, mais d'un manque d'eau à l'échelle de la planète tout entière. Faute de progrès dans les techniques de cultures, on estime en effet que d'ici à cinquante ans nous n'aurons pas, avec les méthodes de cultures actuelles, les ressources en eau suffisantes pour nourrir la population mondiale d'alors. Il est possible, et même sans doute envisageable, que des plantes génétiquement modifiées permettent d'apporter à ce problème terrible une solution parfaitement acceptable.
Dans un autre ordre d'idée, des recherches aujourd'hui conduites sur des maïs, sur des sojas, permettraient que les porcs qui absorbent ces plantes produisent moins de déchets phosphorés. Parvenir à limiter la teneur en phosphate du lisier contribuerait à régler un problème environnemental que les élus bretons - mais pas seulement eux - connaissent bien.
Les nouvelles technologies, les progrès de la science suscitent donc des espoirs, ouvrent des perspectives. La France, qui est un grand pays scientifique, mais aussi un grand pays agricole, ne peut tourner le dos à ces éventuels facteurs de progrès.
Mais notre époque nous a aussi montré que le progrès apporté par telle ou telle technologie nouvelle pouvait malheureusement, sur d'autres plans, à d'autres points de vue, être synonyme d'inconvénients, parfois graves. C'est ainsi qu'au fil des années s'est forgée la conviction que l'on devait également mesurer préalablement les éventuels inconvénients des technologies nouvelles, des progrès attendus.
Ce mouvement des idées, relativement récent à l'échelle de l'humanité et relativement court mesuré à la grande phase de la révolution industrielle et de la révolution scientifique, nous a conduits à échafauder des principes nouveaux. Celui que nous mettons en oeuvre et qui est l'objet principal du texte qui vous est présenté, mesdames et messieurs les sénateurs, s'appelle, dans notre pays, le principe de précaution.
Ce principe est entré dans notre système juridique grâce à la Charte de l'environnement, qui a été voulue par le Président de la République et à l'adoption de laquelle vous avez participé. Il figure à l'article 5 de la Charte, laquelle prévoit également le respect de ce principe par l'ensemble des textes, tant les lois votées par notre Parlement que les mesures réglementaires.
Ce principe inspire donc ce projet de loi tout comme il est à l'origine, mais exprimé différemment et traduit autrement, des directives communautaires dont nous assurons, dans ce texte, la transposition.
Compte tenu des craintes légitimes qui s'expriment face aux conséquences des technologies nouvelles et des produits nouveaux, nous devons nous assurer que la mise en oeuvre des organismes génétiquement modifiés ne comporte aucun inconvénient, ni pour la santé humaine bien évidemment ni plus largement pour notre environnement, et qu'elle n'entraînera en particulier aucun recul de ce que l'on appelle « la biodiversité ».
Mesdames et messieurs les sénateurs, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter instaure des régimes de contrôles rigoureux tendant à donner à nos concitoyens toutes garanties en la matière. Il est sous-tendu par une volonté totale de transparence : tout doit être public, accessible, tout doit pouvoir faire l'objet de débats. Ce n'est que de cette façon que l'on peut espérer conquérir la confiance de nos concitoyens sur des sujets controversés.
Nous mettons en place un régime de contrôles rigoureux pour l'utilisation confinée des OGM, avec des autorisations préalables ; nous mettons en place un régime d'autorisation préalable, après consultation du public, pour tous les essais et expérimentations en champ Tous les scientifiques s'accordent en effet à dire qu'il est nécessaire, pour pousser l'expérimentation, de suivre le comportement des plantes en plein champ, car leur culture exclusivement en espace confiné ne permet pas de mesurer les conséquences de leur introduction dans le milieu naturel. Naturellement, cela ne peut se faire qu'avec un régime d'autorisations, une fois toutes les précautions prises et un plan de surveillance rigoureux mis en place.
Ce texte comporte l'interdiction des OGM contenant des gènes de résistance aux antibiotiques, qui pourraient éventuellement avoir des conséquences sur la santé humaine. S'agissant des plantes bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché décidée au niveau européen, ce texte met également en place un régime d'autorisations préalables, avec une validité limitée à dix ans et des plans de surveillance. Sont également prévus un régime d'étiquetage obligatoire des OGM et une déclaration des lieux de culture.
Bref, obéissant au principe de précaution, assurant la transparence, ce projet de loi est, pensons-nous, de nature à rassurer ceux que, pour telle ou telle raison, rationnelle ou moins rationnelle, les OGM inquiètent.
Pour créer une instance de contrôle, une instance d'expertise, chargée d'éclairer le public et les décideurs, nous mettons en place un conseil des biotechnologies qui rassemble les trois organismes antérieurement chargés d'émettre des avis. Ce conseil comportera deux sections : l'une composée de scientifiques de toutes les disciplines, susceptibles d'éclairer les décisions en la matière ; l'autre composée de personnalités socio-économiques, pour que le débat trouve une expression au sein de la société civile.
Voilà la teneur de ce texte de précaution, sage et conforme, naturellement, aux deux directives européennes qu'il est chargé de transposer.
Les amendements adoptés par la commission des affaires économiques vont dans le même sens. Avant même que nous ne procédions à leur examen, je souhaite dire que le travail attentif et particulièrement compétent de M. le rapporteur et de l'ensemble de la commission nous permettront certainement de disposer d'un texte plus clair, à certains égards plus précis, et par conséquent répondant mieux aux objectifs que nous avons en commun.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vivement que, dans la sérénité qui marque toujours vos débats, ...
M. François Goulard, ministre délégué. ...nous puissions parfaire ce texte qui est utile, même nécessaire aujourd'hui, et qui traduit la volonté du Gouvernement de traiter enfin une question trop longtemps laissée en jachère sous d'autres législatures.
Très bien ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, je vous remercie des compliments que vous avez adressés au Sénat, en particulier à la commission, et auxquels nous avons été très sensibles.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous avouerai que c'est avec une certaine émotion qu'il me revient de présenter aujourd'hui le rapport de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif aux OGM.
Voilà dix ans, en effet, que je travaille sur ce sujet dans le cadre des travaux de la Haute Assemblée. De ces dix dernières années, je retiendrai notamment la mission d'information qui avait été mise en place en 2002 par la commission et qui avait débouché sur l'excellent rapport de notre collègue Jean-Marc Pastor. Il faut le rappeler, ce rapport avait été adopté à l'unanimité des groupes politiques du Sénat. Cela prouve qu'une approche constructive, respectueuse de tous les points de vue et pragmatique est possible.
Je ne reviendrai pas longuement sur le détail des dispositions du projet de loi. Monsieur le ministre, vous les avez fort justement présentées. Je voudrais simplement rappeler quelle est aujourd'hui la situation dans ce dossier.
En 1998 et en 2001, l'Union européenne a adopté deux textes sur les OGM. Le premier est relatif aux essais en milieu confiné ; le second traite des essais au champ et de la culture de plantes génétiquement modifiées. La France ne s'était pas opposée à ces directives. C'est un point important, car il ne faut pas que nos concitoyens imaginent que ce projet de loi est la conséquence de décisions auxquelles la France n'aurait pas été associée et auxquelles l'opposition actuelle, alors au pouvoir, n'aurait pas participé.
Concernant l'argument selon lequel tout cela ne serait pas très démocratique, je rappelle que le Parlement européen avait adopté ces textes dans le cadre de la procédure de codécision ; ne l'oublions pas non plus !
Depuis lors, le retard que nous avons accumulé pour transposer ces textes a entraîné logiquement la condamnation de la France pour ce motif et nous expose prochainement au paiement de lourdes astreintes qui s'élèvent - je me permets de vous le rappeler, mes chers collègues - à 168 000 euros par jour de retard ; ce n'est pas négligeable ! Nous ne pouvons par conséquent que nous réjouir de voir le Parlement enfin saisi de la transposition de ces deux directives. Je profite de l'occasion, monsieur le ministre, pour vous remercier d'avoir choisi le Sénat comme première assemblée saisie de ce texte.
Depuis que je travaille sur ce dossier, j'ai naturellement entendu dire beaucoup de choses sur les OGM. Il me semble toutefois qu'avec le temps on assiste à une certaine évolution dans les discours, du moins dans ceux de la majorité des acteurs de ce dossier.
Cette évolution s'explique par la prise de conscience progressive de ce que sont les OGM, c'est-à-dire les produits naturels d'une technologie innovante. Si vous ne deviez retenir qu'une seule chose, mes chers collègues, c'est bien celle-là ! De plus, cette technologie n'est en elle-même ni bonne ni mauvaise. Je suis très frappé, par exemple, de voir que certains opposants aux OGM affirment, sur la base d'un sondage qu'ils ont récemment commandé, que 78 % des Français seraient hostiles aux OGM. Le sont-ils dans la même proportion au vaccin luttant contre le virus H5N1 de la grippe aviaire ? Je ne le crois pas. Pourtant, il s'agit bien d'un OGM ! Un autre sondage montre que trois quarts des Français sont aussi hostiles aux destructions des essais.
Sourires
Ne mélangeons pas les genres, mon cher collègue !
En réalité, comme les travaux parlementaires sur ce sujet l'ont souvent mis en évidence, tout comme la conférence citoyenne de 1998 qui a été mise en place par notre collègue député Jean-Yves Le Déaut, les interrogations de nos concitoyens portent essentiellement sur la production de plantes génétiquement modifiées en milieu ouvert.
J'estime que le projet de loi du Gouvernement apporte aujourd'hui les réponses que nos concitoyens attendaient dans ce domaine. En effet, il traite des trois aspects fondamentaux de cette question.
Premièrement, il aborde les conditions relatives à l'évaluation et au contrôle strict des innovations biotechnologiques, et ce - on ne le dira jamais assez - dans le total respect du principe de précaution. Il faut rappeler que, jamais en France ou en Europe, nous n'avons élevé à ce point le niveau de contrôle d'une technologie.
Un grand scientifique spécialiste de ces questions a, par exemple, estimé qu'il n'était pas sûr que tous les légumes de consommation courante passeraient avec succès les contrôles aussi sévères que ceux que nous prévoyons aujourd'hui pour les OGM. Pourtant, je n'ai encore entendu personne demander un moratoire sur la culture des pommes de terre ou sur celle des betteraves !
Rires sur les travées de l'UMP.
Deuxièmement, ce projet de loi traite de l'information de nos concitoyens et de la transparence.
Il prévoit d'informer ces derniers dans des conditions de transparence qui n'ont jamais été jusqu'à présent atteintes, et la commission proposera d'aller encore au-delà.
Enfin, troisièmement, ce texte organise, pour la première fois, la coexistence de toutes les cultures, pose des règles et apporte des solutions.
J'ai entendu dire que le dispositif proposé n'était pas parfait, mais, mes chers collègues, quel projet de loi est parfait avant même d'être discuté par le Parlement ? Je suis du reste convaincu que nos débats permettront d'améliorer encore ce dispositif.
Je ne prolongerai pas mon propos, car nous aurons l'occasion de revenir tant sur ces grands axes que sur des questions plus spécifiques lors de la discussion des articles ; je souhaite toutefois vous faire part, mes chers collègues, de ce que je crois être la position quasiment unanime de la commission.
Outre la nécessité d'honorer les engagements auxquels la France a librement souscrit, la relance de la recherche, notamment de la recherche publique dans le domaine des biotechnologies, est une nécessité absolue. §Nous pouvons avoir des divergences de vues sur les modalités techniques relatives à la production des innovations de la biotechnologie, mais nous sommes pratiquement unanimes pour reconnaître qu'il faut aujourd'hui que la recherche puisse avancer, que nos chercheurs puissent travailler en France et que cessent véritablement les destructions d'essais.
Ces destructions, que les médias présentent volontiers comme de sympathiques fauchages de mauvaises herbes, ont paralysé la recherche française dans ce domaine. Je rappelle qu'un essai sur deux a été, ces dernières années, détruit en France ! Mes chers collègues, ce n'est pas à l'honneur de notre pays !
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
Elle est très simple : alors que nous avions une avance considérable en matière de sélection variétale et d'obtention végétale, nous voyons notre capital intellectuel et notre savoir-faire s'éroder, et l'écart se creuser avec les autres pays du monde.
Le rapport de la mission d'information mise en place en 2003 a souligné que les OGM représentaient 60 millions d'hectares dans le monde, contre simplement quelques dizaines d'hectares en France. Depuis trois ans, la surface mondiale a augmenté de 50 %. Je dois vous dire, mes chers collègues, que je ne comprends pas que l'on puisse imaginer que notre recherche reste à l'écart des biotechnologies végétales. Je ne conçois pas non plus que la France persiste à ne pas ratifier le protocole de Londres qui faciliterait l'accès des PME au brevet européen. Toutefois, je sais le souci qu'a le Premier ministre de traiter le dossier crucial de l'innovation, et je salue l'initiative qu'il vient récemment de prendre, à savoir confier aux délégations parlementaires pour l'Union européenne tant du Sénat que de l'Assemblée nationale le soin de réfléchir activement sur ce sujet.
En conclusion, je me réjouis, mes chers collègues, du débat que nous allons avoir. Je suis convaincu que le Sénat dispose là d'une opportunité d'informer nos concitoyens sur les enjeux complexes de ce dossier et de faire oeuvre constructive et pragmatique.
Je voudrais enfin vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir fait le choix d'organiser un débat au Parlement, car ce n'était pas évident.
M. Jean Bizet, rapporteur. Vous auriez pu tout simplement décider de transposer ces deux directives par ordonnance.
Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste.
M. Jean Bizet, rapporteur. Je tenais à le souligner, car chacune et chacun d'entre nous sommes conviés à un grand et large débat.
Applaudissementssur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'homme a de tout temps cherché à améliorer le végétal et l'animal en utilisant des méthodes de sélection naturelle, de greffage ou d'hybridation.
Il y a environ un siècle et demi, au cours de ses travaux, Gregor Mendel a constaté la transmission de facteurs des parents vers la progéniture. Ces facteurs ou gènes ont ouvert le grand livre de la génétique, qui a pris un essor particulier depuis les travaux de Watson et Crick, lesquels, en 1953, ont décrit la structure de l'ADN. Ce n'est que depuis un quart de siècle que les technologies de pointe du génie génétique permettent de transférer les gènes d'une espèce à l'autre, c'est-à-dire de pratiquer la transgénèse.
Le terme « OGM » est apparu à la fin des années quatre-vingt dans le langage réglementaire de la Commission européenne, désigne les « organismes génétiquement modifiés ». Il s'agit de plantes, d'animaux, de bactéries, de champignons et de virus, dont le profil génétique a été transformé en laboratoire. Tous ces organismes ont pour trait commun d'avoir subi une opération de génie génétique aboutissant à la greffe d'un ou de plusieurs gènes dans leur patrimoine héréditaire. De ce fait, tous ont acquis un ou plusieurs nouveaux caractères génétiques qu'ils exprimeront durant leur vie et qu'ils transmettront à leur descendance. La transgénèse permet d'aller au-delà des lois naturelles de l'hybridation, par la transgression de la barrière des espèces. Par exemple, on peut transférer un gène animal sur une plante, ce qui n'est pas sans poser des questions d'ordre éthique.
On présente ce débat comme opposant le progrès scientifique à l'irrationnel et aux peurs engendrées par l'ignorance populaire. Or, la réalité est tout autre. L'inquiétude de l'opinion trouve ses racines dans des réalités historiques, qu'il s'agisse des crises sanitaires récentes - vache folle, listeria, amiante, dioxine, sang contaminé -, de la première génération de plantes génétiquement modifiées, les PGM, avec sa pire illustration, Terminator, la plante dont il faut racheter la semence chaque année, qu'il s'agisse de la transgression de la barrière des espèces, de l'appropriation du vivant et sa brevetabilité par les multinationales, premier prélude à la guerre alimentaire, ou encore de la mondialisation et de la dépendance des États les plus faibles à l'égard des plus forts en matière de souveraineté alimentaire.
Je pourrais encore citer de multiples éléments concrets qui ne relèvent pas vraiment de l'irrationnel, mais plutôt du vécu, et qui appuient nos réflexes de rejet.
L'utilité des OGM est loin d'être évidente dans la société française. Aussi, avant d'aller plus avant dans la discussion, convient-il de se demander à quoi servent les OGM.
Que peuvent apporter les OGM sur les plans humanitaire, sanitaire et environnemental ?
Les OGM et leurs applications sont infinies et ouvrent tous les espoirs dans les domaines variés, comme la pharmacie, la médecine, la lutte contre l'effet de serre, les biocarburants, la phytoremédiation pour dépolluer les sols, l'industrie chimique ou agroalimentaire.
Ces domaines nécessitent essentiellement une recherche confinée et doivent devenir prioritaires dans la recherche. Cela ne doit aucunement justifier un relâchement de précautions. Mais venons-en à ce qui justifie la transposition des directives qui nous concernent, à savoir les directives relatives aux plantes génétiquement modifiées.
Selon le groupe coopératif Limagrain, l'enjeu de cette loi est celui de la compétitivité de la recherche, de l'agriculture et des industries agro-alimentaires françaises sur les marchés nationaux, européen et mondial. Tout est dit : il s'agit, avant tout, d'une affaire d'argent ; les mots magiques de « compétitivité » et de « marché » sont lâchés.
La conception très agricole et alimentaire du projet de loi n'est certes pas le meilleur argument pour le rendre acceptable, tant ce secteur est controversé dans l'opinion publique à l'idée même que tout finira dans son assiette.
Les objectifs initiaux des PGM étaient de combattre la faim dans le monde, de protéger l'environnement et d'économiser l'eau. Mais qu'en est-il de la faim dans le monde et de l'aide apportée aux paysans des pays les plus pauvres ?
Ainsi, 99 % des surfaces cultivées en 2001 étaient du soja, du maïs, du coton et du colza, à savoir, avant tout, des cultures destinées à l'exportation et aux profits de l' « agrobusiness », au détriment des cultures vivrières.
La faim touche 840 millions de personnes dans le monde ; les objectifs de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, consistant à descendre à 400 millions en 2015 ne seront pas atteints, alors même que nous connaissons de multiples exemples de surproduction mondiale et que l'on nous demande en Europe de laisser 10 % des terres agricoles en jachère. De qui se moque-t-on ?
Selon les dires de certains, les OGM apporteraient un « plus » économique aux pays. Prenons l'exemple de la pyrale du maïs. L'économie de 5 % à 8 % des produits de traitement est absorbée par le coût de la semence et la vente à un prix inférieur de la récolte. Où est alors le bénéfice ? Chez les semenciers bien sûr !
Les motivations à caractère environnemental de la première génération d'OGM, et plus particulièrement le recours réduit aux herbicides, fongicides, insecticides et pesticides, laisse interrogatif le citoyen face aux avis partagés des scientifiques qui déplorent la mise en champ massive sans avoir de certitudes quant aux risques sanitaires possibles, et ce tout particulièrement à moyen et à long terme.
Les phénomènes d'accoutumance des plantes, des adventices et des insectes se confirment. À titre d'exemple, les quantités d'herbicides utilisées par des agriculteurs américains sur le maïs, le coton et le soja transgénique ont augmenté de 67 000 tonnes entre 1996 et 2004. Au regard des modifications des micro-organismes dans le sol, aucune étude sérieuse ne permet de dire si la réversibilité vers des cultures conventionnelles ou bio sera possible ; des millions d'hectares seraient ainsi gelés et condamnés aux PGM.
De surcroît, les recherches actuelles portent sur des plantes dont la semence aura besoin de produits chimiques pour développer certaines caractéristiques génétiques de rendement ou de résistance.
Je citerai un autre exemple. Le retrait du maïs Starlink, particulièrement allergène, et celui de Terminator caractérisent bien le comportement américain : on expérimente d'abord les cultures à grande échelle, et on constate ensuite les dégâts !
Le comportement français et européen doit exactement être inverse. La maîtrise de la technologie du génie génétique reste, à ce jour, relativement instable. En effet, le nombre de caractères cibles se limite, pour l'essentiel, à la tolérance aux herbicides, à la production d'insecticides, à la résistance aux virus et à l'enrichissement en acide laurique du colza. La plupart des caractères sont gouvernés par une multitude de gènes, ce qui rend plus difficile leur stabilité dans le temps et a conduit les biologistes à ajouter un gène d'intérêt d'origine virale et un gène marqueur de résistance aux antibiotiques, qui va d'ailleurs être supprimé pour sa dangerosité, ou aux herbicides, lesquels ne sont pas a priori sans danger.
Enfin, avant d'en venir plus précisément au texte qui nous occupe aujourd'hui, je voudrais aborder, dans le droit-fil de la position que nous avons défendue lors du débat relatif aux obtentions végétales, le certificat d'obtention végétale que nous retrouvons dans ce texte et que j'avais alors qualifié de « cheval de Troie de la brevetabilité du vivant ». Les PGM notamment font l'objet, dans de nombreux pays, de brevets justifiés par le fait d'avoir été transformés artificiellement au moyen de procédés techniques.
Il est inadmissible et impensable, à nos yeux, de laisser une poignée d'oligopoles mondiaux contrôler la totalité des marchés de semences OGM et de peser sur l'ensemble de la chaîne alimentaire et de la sécurité alimentaire.
Mais j'en viens au projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés qu'il aurait mieux valu intituler « projet de loi relatif aux plantes génétiquement modifiées », tant le texte y fait référence et tant les semenciers attendent les dispositions pour démultiplier les surfaces emblavées en maïs Bt et autres.
Il est désormais habituel et non moins désagréable d'être amené à transcrire des directives européennes sous la contrainte puisque l'Europe nous menace en l'espèce d'une amende de 168 000 euros par jour, si nous ne nous mettons pas au garde-à-vous.
Il est particulièrement ennuyeux de lire, dès la première page de l'exposé des motifs du projet de loi : « Ces textes communautaires [...] visent à harmoniser les pratiques communautaires avec les pratiques internationales ». Autant dire que l'OMC et ses plaignants, les Etats-Unis, le Canada et l'Argentine, dictent leur loi à l'Europe qui, elle-même, répercute sa faiblesse sur ses ressortissants ! C'est désormais bien connu, le lobby le plus puissant à Bruxelles est américain !
Les deux premiers articles du projet de loi traitent de la définition de l'OGM en la renvoyant à un décret et du champ d'application de la réglementation relative aux OGM défini de façon négative. Autrement dit, est autorisé tout ce qui n'est pas interdit.
Les articles 7 et 8 concernent plus particulièrement les informations dites « confidentielles » qui, au nom de la concurrence ainsi que du secret industriel et commercial, ne sont pas tenues d'être communiquées au public et à l'autorité administrative. Il apparaît essentiel que les deux sections du conseil des biotechnologies soient complètement informées avant de rendre leur avis au Gouvernement et que le public intéressé puisse être avisé des risques connus attachés à l'OGM en cours d'agrément.
L'article 3 porte création du conseil des biotechnologies, qui se substitue à la commission du génie génétique, à la commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire et au comité de biovigilance.
Composé d'une section scientifique et d'une section socio-économique, le conseil évaluera les risques, éclairera les choix du Gouvernement et rendra ses avis sur les dossiers de demande d'autorisation.
Monsieur le ministre, le renvoi à un décret de la composition, des attributions et des règles de fonctionnement du conseil des biotechnologies ne satisfait personne et choque l'opinion publique. Je vous demande donc d'être plus explicite sur cette partie du texte afin de faire la lumière nécessaire sur les décrets y afférents.
À cet égard, nous soutiendrons un amendement relatif à l'indépendance des scientifiques à l'égard des grands groupes semenciers ainsi qu'un amendement visant à la participation de toutes les sensibilités politiques représentées au Parlement. Enfin, nous demandons l'avis conforme du Gouvernement et du conseil des biotechnologies avant toute décision.
L'article 4 définit quatre groupes de risques en fonction de la « pathogénicité » des OGM. Cela a le mérite de montrer le vrai danger des OGM - danger non irrationnel -, mais présente l'inconvénient d'être un prétexte à l'assouplissement, dès l'article 5, de la réglementation pour les groupes les moins pathogènes.
Le chapitre III a trait à la dissémination volontaire. L'article 11 exclut néanmoins de cette définition la mise sur le marché, ce qui tend à déresponsabiliser les semenciers au détriment des exploitants agricoles.
Il est étonnant de constater aux articles 12 et 13 que, d'un côté, le refus d'une autorisation de dissémination doit être motivé par l'autorité administrative, et que, d'un autre côté, la rétention de données dites « confidentielles » devient la règle.
C'est au sein du chapitre II du titre II que les agriculteurs sont chargés « comme des baudets » : déclaration des parcelles OGM à la direction départementale de l'agriculture - c'est normal -, responsabilité sans faute - ce n'est pas normal. Les agriculteurs font par nature confiance aux techniciens qui ont à la fois une mission de conseil et un objectif de vente. On ne voit pas pourquoi ceux qui tirent le plus grand bénéfice du système, à savoir les semenciers et les organismes revendeurs, ne porteraient pas leur part de responsabilité en cas de dissémination et ne contribueraient pas au fonds de garantie et d'indemnisation.
Par ailleurs, l'indemnisation ne porte que sur la perte économique de la récolte et ignore d'éventuels déclassements de l'exploitation ou d'autres dégâts collatéraux irréversibles.
Quant au recours à l'assurance dans cinq ans, date à laquelle le fonds de garantie s'éteindra, il présente le double inconvénient, d'une part, de charger l'agriculteur à nouveau sur les plans financier et juridique, d'autre part, de ne pas apporter de réponse assurantielle, sinon à un prix exorbitant.
Le maintien du fonds de garantie avec participation obligatoire des semenciers et de l'État serait nettement préférable à ce qui est prévu en l'état actuel du texte.
Monsieur le rapporteur, vous présentez ce projet autour de trois axes : précaution, transparence et libre choix. Je souhaiterais ici dire notre sentiment sur ces trois axes et sur la réalité du texte et de ses conséquences.
À propos du principe de précaution, l'indépendance du conseil des biotechnologies n'est pas assurée. Certes, le passage au champ est prudent, mais la question des responsabilités n'est pas réglée correctement, non plus que celle des risques, qui sont largement sous-estimés. Par ailleurs, nous constatons que les OGM de plein champ ne concernent que de grandes cultures qui constituent un enjeu mondial en termes de domination alimentaire.
Quant à la biovigilance, qui est restée très théorique depuis 1999, ce n'est pas la consultation du conseil des biotechnologies sur les protocoles de surveillance qui changera quoi que ce soit.
La transparence, quant à elle, demeure entachée des informations confidentielles non transmissibles, et il est vrai que la conception de la notion même de public et de débat public n'est pas très claire dans le texte.
Confier le débat public au conseil des biotechnologies me paraît réducteur et élitiste. C'est pourquoi, avant d'aller plus loin, nous proposons qu'un grand débat d'information ait lieu dans notre pays. Il est indispensable que nos associations, nos instances élues et nos concitoyens s'emparent de ce sujet de société et que l'information soit diffusée partout.
La position que vous avez adoptée ce matin en commission, monsieur le rapporteur, sur le rôle qui doit être joué par les commissions locales d'information et de suivi et les élus locaux n'est pas pour nous rassurer. Elle nous éclaire sur une conception très restrictive du débat démocratique.
Enfin, s'agissant de la coexistence, rien n'est dit sur l'irréversibilité des risques provoqués par les OGM, qu'il s'agisse des sols, des adventices ou de plantes modifiées, comme la ravenelle. Le libre choix du consommateur est-il vraiment garanti ? Prévoir 0, 9% de tolérance est un aveu d'échec, ce seuil risquant de devoir être revu à la hausse demain, au regard des milliers d'hectares qui seraient ensemencés. N'est-il pas d'ailleurs déjà prévu de redéfinir à la baisse les exigences de labellisation bio sur le plan européen ?
Le groupe CRC votera contre ce projet de loi portant transposition de deux directives européennes, pour des raisons essentielles que je souhaite rappeler : il s'agit d'un texte voté sous la contrainte de Bruxelles et de l'OMC qui n'a été précédé d'aucun grand débat public national ; il prône une conception mondialiste et capitalistique de domination des grandes firmes internationales et de certains pays dans le cadre de la guerre alimentaire ; il confirme le concept de brevetabilité du vivant ; il promeut une technologie incomplètement maîtrisée, alors qu'elle aura des effets irréversibles sur la biodiversité ; il entraînera une remise en cause des formes d'agriculture à dimension humaine, conventionnelle ou biologique ; enfin, il comporte un chantage à la délocalisation et à la dépendance technologique.
Les communistes ont toujours été ouverts à la science et aux progrès techniques, à condition que ceux-ci se mettent au service de l'humanité. Il s'agit non pas de tomber dans l'obscurantisme ou la diabolisation, mais de faire avancer les recherches dans un cadre sécurisé et non pollué par des intérêts financiers ou géostratégiques.
Il apparaît désormais indispensable de donner aux OGM les orientations humanitaires, sanitaires et environnementales qu'elles méritent et de permettre à la recherche publique d'en maîtriser les enjeux.
Il convient également d'avancer avec la société en informant, en débattant, en décidant démocratiquement. Certains pays, telle la Suisse, ont recouru au référendum pour dire « non » ; d'autres ont prolongé le moratoire.
Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous prenons position contre ce texte, tout en étant ouverts aux progrès de l'humanité.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux semaines après avoir examiné le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le Sénat est à nouveau appelé, en première lecture, à débattre d'un autre sujet qui suscite des échanges passionnés au sein de la société.
Les OGM appartiennent au domaine des biotechnologies. Ils sont source d'innovations scientifiques et de progrès. Les chercheurs attendent depuis des années qu'on leur accorde enfin le droit de mener leurs recherches, tant en milieu confiné qu'en champ.
Le rapporteur de la commission des affaires économiques, notre collègue Jean Bizet, aborde aujourd'hui ces problèmes avec une expérience certaine, ayant participé aux auditions et aux travaux que le Sénat et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, ont menés à deux reprises sur les biotechnologies, travaux repris dans deux rapports remarquables. Je le remercie de son travail et souhaite vivement que les amendements qu'il présentera au nom de la commission reprennent des dispositions écartées par le Conseil d'État concernant notamment l'information du public et du Parlement.
Ainsi, soucieux d'asseoir au mieux leur examen sur des faits établis, les sénateurs de l'Union centriste-UDF ont reçu la semaine dernière les représentants de la filière semences, de l'agriculture biologique, des consommateurs et des associations de protection de l'environnement.
Ils présenteront également des amendements qui leur semblent nécessaires pour préciser à la fois ce que doivent être l'information, la transparence et la coexistence des producteurs.
Par ailleurs, en tant que membre de l'OPECST, j'ai le privilège de participer à une expérience de jumelage et de partenariat avec un membre de l'Académie des sciences en vue de favoriser la relation entre la science et la société.
Puisque le but de ce jumelage est de nouer de plus étroites relations entre le Parlement et la communauté scientifique, j'ai souhaité, à l'occasion de l'examen de ce texte, mettre en pratique cet échange privilégié, d'autant que mon partenaire scientifique est une personnalité internationale de la génomique végétale.
Cet éminent chercheur académicien a souhaité rappeler que le progrès génétique en amélioration des plantes n'est pas chose nouvelle, et qu'il a été mené de manière empirique durant des millénaires. Sur les bas-reliefs de la civilisation perse, on représentait déjà le sélectionneur muni d'un pinceau déposant du pollen sur une fleur de figuier pour la féconder.
Il juge regrettable les craintes souvent irraisonnées suscitées par les OGM, car, dans les cultures les plus naturelles, dans les sols mêmes, on trouve des plantes et des substances toxiques ou des micro-organismes porteurs de résistances aux antibiotiques.
Il rappelle la recherche publique s'est interrogée très tôt sur la toxicité éventuelle des aliments dérivés des OGM, bien avant que ces questions ne soient débattues dans la presse et dans les médias.
De ces divers travaux sont issues les règles qui encadrent la culture et la commercialisation des plantes génétiquement modifiées, les PGM. Il n'y a guère de technologies pour lesquelles on constate une telle anticipation des risques.
Les PGM sont-elles dangereuses pour ceux qui les consomment ?
L'ADN qui porte les gènes est-il dangereux lorsqu'il est présent dans l'alimentation ? En fait, notre alimentation contient naturellement une grande quantité de gènes. Une bouchée de salade contient des millions de cellules, chacune comportant 30 000 gènes dans son ADN. Ce sont des milliards de gènes qui, chaque jour, passent dans notre tube digestif. Ils sont dégradés au cours de la digestion, et les gènes recombinants présents dans les OGM subissent le même sort, car ils ont la même structure et la même composition chimique que les gènes de la plante hôte utilisée comme aliment. Ce ne sont pas des corps étrangers, comme le serait un fragment de sac plastique éventuellement présent dans notre alimentation. Nos cellules ne peuvent donc pas être transformées par l'ADN qui circule dans notre tube digestif. Nous n'avons aucun risque d'hériter des gènes des tomates que nous mangeons et de devenir nous-mêmes des OGM si nous mangeons du riz génétiquement modifié.
Dans les PGM, le gène supplémentaire introduit va permettre la synthèse d'une protéine supplémentaire, qui sera mélangée aux autres protéines des cellules de la plante.
Composition et toxicité sont vérifiées de manière approfondie dans le cas des PGM. En sus de leurs caractères agronomiques, les variétés de PGM sont analysées par une série de tests de composition et de mesure de toxicité sur des animaux avant d'être commercialisées.
Le principe est d'autoriser leur commercialisation une fois qu'il aura été montré que leur composition est équivalente en substance à la variété non génétiquement modifiée dont ils dérivent et qu'ils ne présentent pas une toxicité nouvelle imprévue.
Il est à noter que la commercialisation d'une variété améliorée par le croisement sexué hors OGM n'est pas soumise à ces contrôles, le principe étant de la considérer comme inoffensive dans la mesure où la plante dont elle dérive est déjà commercialisée. Or, souvent, ces variétés améliorées ont reçu par croisement des fragments entiers de chromosomes porteurs de gènes d'intérêt, mais aussi de nombreux autres gènes de fonction inconnue.
Les PGM sont-elles dangereuses pour l'environnement ?
Les botanistes et les sélectionneurs savent depuis longtemps que les plantes d'une même espèce peuvent brasser leurs gènes par croisements.
Ce brassage des gènes entre plantes via le pollen est donc un processus tout à fait naturel que les sélectionneurs utilisent pour la production de semences hybrides. Les plantes, génétiquement modifiées ou non, produisent du pollen et peuvent se croiser avec les plantes voisines de la même espèce. Cela présente-t-il un risque ? Oui, le risque que le pollen de la plante génétiquement modifiée féconde une plante de la même espèce dans le champ cultivé attenant. Cela présente-t-il un danger ? Non, tant que la PGM cultivée n'est pas elle-même dangereuse.
Ce sont notamment ces fécondations croisées qui amènent l'agriculteur à utiliser des semences certifiées plutôt que de semer les graines qu'il produit. Si les PGM cultivées dans un champ produisaient des médicaments, on pourrait à juste titre s'inquiéter des conséquences de tels croisements aboutissant à la présence de médicaments dans l'alimentation, ce qui nécessiterait alors un isolement géographique prononcé. Dans le cas de PGM destinées à un usage standard, ce sont les règles usuelles de production et de multiplication des semences qui doivent s'appliquer, selon des procédures validées de longue date pour la production de semences certifiées : ou bien la PGM est destinée à produire une substance particulière qui peut constituer un danger si elle est présente dans la chaîne alimentaire - il faut alors la maintenir confinée -, ou bien tel n'est pas le cas, et elle est certifiée comme une autre variété non génétiquement modifiée de la même espèce.
En Europe, les cultures de PGM sont en pratique interdites - exception faite de la Roumanie et de l'Espagne -, les essais sur les PGM étant quant à eux aussi bloqués. De ce fait, l'agriculture européenne est freinée dans son développement méthodologique et dans sa compétitivité, alors que les importations de protéines dérivées de cultures PGM sont privilégiées. Nous assistons à un accroissement progressif de notre dépendance agro-alimentaire à l'égard du reste du monde. Cela est d'autant plus paradoxal que l'Europe bénéficie d'une grande diversité de sols et de climats, qui devrait nous permettre de subvenir à nos besoins agro-alimentaires ou énergétiques, grâce aux biocarburants. Les technologies liées aux modifications génétiques ont prouvé leur intérêt en médecine et en santé, et nombreux sont les médicaments qui en sont issus. Ces technologies présentent aussi un intérêt réel en agriculture comme compléments des pratiques d'amélioration des plantes. Les difficultés peuvent être surmontées en utilisant les pratiques déjà employées pour la production de semences certifiées.
Ces technologies PGM sont aujourd'hui diabolisées au nom du principe de précaution. Il est certes possible de se passer de ces techniques si tel est le souhait des citoyens. Il faudrait cependant évaluer les conséquences de ce type de décisions, en particulier en matière d'environnement, décisions en vertu desquelles les besoins et l'usage des phytosanitaires en production végétale seront maintenus à un niveau élevé, faute d'alternative. Rappelons-nous l'exemple du phylloxéra au début du siècle passé.
Je pense sincèrement que seules l'information et la transparence sont susceptibles d'éclairer le débat. Le conseil des biotechnologies doit jouer un rôle prépondérant. Les experts qui seront nommés doivent être compétents et indépendants. Ils devront assurer une parfaite diffusion de l'ensemble des travaux, participer au débat, et, par leurs conseils, éclairer le Gouvernement, le Parlement et, enfin, le public, notamment par le dépôt d'un rapport annuel.
La recherche publique doit pouvoir mener en toute indépendance ses travaux sur les OGM et répondre à la demande d'expertise. La confiance en cette expertise scientifique est essentielle pour responsabiliser les acteurs de la filière, pour apporter l'information légitime et transparente souhaitée par la société. Ce texte encadre et ajuste l'utilisation raisonnée des OGM et nous permet de respecter nos engagements communautaires.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui intéresse un grand nombre de nos concitoyens, nous en avons bien conscience.
Les OGM continuent d'alimenter bien des discussions, et de fournir matière à des milliers de pages de comptes rendus, d'analyses, de développements, d'études ou de rapports.
L'expression des points de vue a pris un tour sociétal depuis maintenant près de dix ans sans que, en définitive, le débat n'aboutisse dans les faits à autre chose qu'à une confrontation entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Cette confrontation a pris l'ampleur que l'on sait, parce qu'elle fait jouer les ressorts d'un rapport de forces dans lequel s'affrontent l'agriculture paysanne et une autre agriculture devenue, dans bien des cas, une strate de l'iceberg agroalimentaire mondialisé.
Il s'agit d'une lutte au titre de laquelle les uns parlent de progrès en passant sous silence les profits escomptés quand les autres se forgent une forme de conscience politique en évoquant la résistance à l'irréversible.
Pour ma part, je ne crois pas que « pour ou contre les OGM » soit aujourd'hui la seule bonne question. On ne peut pas nier ce qui existe. En revanche, comment encadrer les OGM, prévenir les dérives, ne pas laisser le champ libre à une poignée d'industriels et les empêcher de dominer le monde sous prétexte qu'ils seraient maîtres de la technique ? Comment permettre à la science de répondre à une commande de la société ? Voilà ce qui doit retenir l'attention du législateur.
C'était d'ailleurs le sens du moratoire européen de 1999, qui a pris fin après la publication de la directive de 2001. Entre craintes de l'opinion publique et espoirs de la génomique, il convient de construire un consensus d'étape. C'est ce que nous avions souhaité dans le cadre de la mission constituée au sein de la commission des affaires économiques du Sénat en 2002-2003.
Je me permettrai d'évoquer rapidement quelques-unes des propositions qui avaient été formulées à la quasi-unanimité des membres de cet hémicycle : soutenir la recherche en rétablissant les budgets de la recherche publique, en encourageant les partenariats de recherche entre les secteurs public et privé ; transmettre l'information dans la transparence ;...
...rendre le risque éventuel OGM assurable ; lutter contre l'appropriation du vivant en défendant le certificat d'obtention végétale ; confier le contrôle des cultures en amont et en aval à une seule et même instance de contrôle et d'évaluation scientifique, qui est d'ailleurs prévue dans le texte ; élaborer une loi fondatrice.
Or, monsieur le ministre, je vous l'avoue franchement, je ne retrouve pas, dans le texte que vous nous proposez, ce consensus qui avait dominé les débats au Sénat et fait l'objet de notre rapport.
Certes, le texte a pour objet de transposer dans notre droit interne les directives de l'Union européenne. Mais qui dit transposition dit aussi adaptation et donc manifestation de la volonté de l'État.
Or il n'y a manifestement aucune volonté de prendre en compte toutes les approches qui existent sur le sujet à l'occasion de cette opération. Il aurait pourtant été essentiel d'en profiter pour mettre l'accent sur l'encadrement éthique de ces dernières, pour organiser des normes environnementales afin de garantir la coexistence des cultures, et pour encourager la recherche.
Ce texte n'est pas une véritable loi fondatrice sur les biotechnologies, comme nous le demandions au Gouvernement en 2003 et comme le rapport des quatre sages le préconisait bien avant nous.
Du reste, je note que la commission des affaires économiques n'a procédé à aucune audition sur ce projet de loi. Nous n'avons ainsi pas eu l'honneur de vous recevoir pour échanger avec vous sur ce dossier, monsieur le ministre.
De même nous n'avons pas rencontré vos collègues ministres de l'agriculture, de l'environnement ou de la santé, alors que ces ministères sont directement concernés.
Je le regrette fortement, d'autant plus que je connais l'honnêteté intellectuelle de M. le président de la commission des affaires économiques et de M. Jean Bizet, rapporteur, avec qui nous avions produit le rapport de mission de 2003. Nous avions pu, alors, faire valoir des sensibilités différentes dans un même document. C'était d'ailleurs l'un des intérêts majeurs de ce rapport.
J'évoquerai successivement deux aspects du débat sur les OGM qui me paraissent essentiels - l'état de la recherche en la matière, ainsi que la transparence et l'information - avant de vous livrer la position du groupe socialiste sur ce texte.
Les sciences du vivant constituent un levier majeur pour le développement humain dans notre pays et en Europe. L'enjeu du fonctionnement des êtres vivants, celui de l'identification des gènes et de leurs fonctions, et celui du séquençage de l'ADN est à la fois thérapeutique, environnemental et économique. Et je ne parle pas du volet politique ou éthique.
Pourtant, on ne perçoit pas spontanément les apports des PGM. Cela a certainement contribué à creuser des antagonismes à présent difficiles à surmonter. Le consommateur, par exemple, ne perçoit pas directement l'avantage des OGM. En revanche, il imagine les risques sanitaires qui peuvent y être associés, même si rien ne prouve la toxicité d'une PGM associée à sa nature d'OGM.
L'affaire du maïs Monsanto, en 2004, dont les effets sur les rats ont donné lieu à une analyse toxicologique révélant des anomalies, a alimenté le débat sur les méthodes d'évaluation ; on s'est alors rendu compte que ces dernières pouvaient sans doute être améliorées. En fait, il semblerait que les études toxicologiques sur les rats à quatre-vingt-dix jours soient très difficiles à réaliser et à interpréter, qu'ils aient ingurgité un aliment OGM ou pas. Y a-t-il des gènes OGM dans leur sang ? Cela entretient le doute dans notre société, ce qui est normal.
D'un autre côté, on a tous en tête des potentialités de résorption de carences alimentaires, de dépollution des sols, ou d'autres possibilités que vous avez vous-même évoquées, monsieur le ministre. Mais ces hypothèses ne parviennent pas à dissiper le sentiment de méfiance spontané de l'opinion publique, surtout quand 10 % de nos terres pouvant produire des protéines sont « gelées ».
Dès lors, il est primordial de chercher à optimiser le débat si nous ne voulons pas entretenir l'exaspération de nos concitoyens, prompts à dire « non » quand ils ont l'impression de ne pas avoir été suffisamment associés - et j'insiste sur ce dernier terme.
Face aux nombreuses questions posées, la légitimité des scientifiques est primordiale. Pourtant, dans notre pays, ils peuvent justement avoir le sentiment de ne pas être légitimes et céder alors au découragement. Il importe de les conforter dans leurs recherches, car c'est grâce à eux - et uniquement à eux - et à leurs travaux que nous aurons le recul nécessaire sur la technique de la transgénèse et que nous en apprécierons et maîtriserons mieux les tenants et les aboutissants.
Leur rôle est d'éclairer la société, les décideurs ayant ensuite à faire les choix.
Évidemment, cela passe par la recherche publique, car seule une recherche publique forte est à même d'oeuvrer dans l'intérêt général.
Or nous en sommes à moins de 2, 2 % du PIB consacrés à ce ministère, en très net retrait par rapport aux efforts consacrés à la recherche ailleurs dans le monde.
Ce ne sera pas la loi de programme qui vient d'être votée qui portera le ratio à la hauteur de 3 % du PIB prévu par la stratégie de Lisbonne pour l'Europe.
Cette loi de programme ne suffira pas non plus à redonner confiance aux chercheurs, et notamment aux biologistes, ni à conforter des vocations qui peuvent trouver à s'exercer plus facilement outre-Atlantique.
Conforter les scientifiques, cela revient à faire en sorte qu'ils puissent poursuivre leurs recherches dans des conditions optimales et correspondant à une demande de la société sur des sujets majeurs comme les médicaments. Cela suppose une participation citoyenne, donc une acceptation du projet, chacun recevant l'information nécessaire dans la plus grande transparence.
Pour parler plus précisément, je prendrai l'exemple de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, dont l'objectif, en ce qui concerne les OGM, est d'apporter à la société des connaissances et de l'expertise scientifique de niveau international.
Or si l'Institut national n'a plus de commandes, comme c'est le cas aujourd'hui, il ne peut éclairer la société et se trouve contraint de laisser le champ libre aux seuls opérateurs privés qui, eux, ont d'autres intérêts.
La recherche, mes chers collègues, c'est urgent ! En effet, l'innovation, la recherche appliquée, la recherche fondamentale, c'est le développement de notre pays, c'est une perspective pour nos ressortissants, pour la préservation de notre niveau de vie et pour notre indépendance.
L'internationalisation de la recherche est une réalité depuis dix ans. Et l'idée qui avait cours chez nous, idée selon laquelle les activités à forte valeur ajoutée n'étaient pas menacées par les pays à bas coût de main d'oeuvre, a été battue en brèche d'un coup. La délocalisation de la recherche européenne poursuit son accélération. En témoigne, monsieur le ministre, l'abandon de la participation de Bayer - ex Rhône-Poulenc - au programme Génoplante.
Il faut sauver la recherche ! Le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter à Mme Haigneré, alors ministre déléguée à la recherche, tirait particulièrement la sonnette d'alarme sur ce point dès 2003. Pourtant, quelle est l'évolution dans ce domaine depuis trois ans, monsieur le ministre ?
Nous voulons donc profiter du présent projet de loi pour réitérer cette demande et mettre en avant notre souci de relancer la recherche publique dans sa mission fondamentale. Le Gouvernement doit lui donner les moyens d'être à la pointe du progrès pour que de nombreux partenariats public-privé efficients voient le jour dans notre pays, en créant les conditions de l'indépendance des chercheurs. Cela fera spécialement l'objet de la discussion d'un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 3.
Il appartient donc à la recherche publique de faire de façon neutre toute la clarté sur le sujet en identifiant les risques et les avantages pour la société, l'environnement et l'homme. Il faut prendre le temps d'évaluer les impacts des OGM sur la santé et l'environnement.
Pourquoi ne pas tenter d'apporter la preuve que la transgénèse est une technique qui peut servir l'intérêt général sans qu'il y ait collusion avec d'autres intérêts ? Serait-ce impossible ?
Le deuxième angle essentiel évoqué par le rapport de 2003 est celui de l'information et de la transparence.
L'un des premiers à avoir souligné son importance est notre collègue député Jean-Yves Le Déaut en 1998, avant le rapport des quatre sages qu'il a d'ailleurs corédigé en 2002.
Qu'en est-il du débat avec la société aujourd'hui ? Comment les attentes de nos concitoyens sont-elles prises en considération et quelle est donc l'organisation de notre pays par rapport à cette attente ?
Depuis 2003, on ne sent rien de nouveau dans le débat, peut-être parce qu'il n'y avait rien à dire de plus.
De toute façon, monsieur le ministre, il importe de faire de ce texte, un instrument d'enclenchement d'un processus citoyen responsable.
Les élus locaux, les associations, la société civile en général ont le droit de savoir, de donner leur avis, et les pouvoirs publics ont le devoir de leur conférer les moyens d'être informés dans le détail, de sorte qu'ils puissent à leur tour être des acteurs éclairés du débat.
C'est l'esprit de l'article 7 de la Charte de l'environnement, qui figure désormais dans le préambule de la constitution de la Vème République et qui dispose : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. »
Monsieur le ministre, vous ne l'ignorez probablement pas, je ne suis pas un spécialiste scientifique de la question des OGM. J'y ai été confronté en tant qu'élu local et j'ai rapidement constaté que, en dépit de la profusion d'écrits et de débats, mes pairs élus locaux étaient en définitive peu informés, alors qu'ils sont parfois directement concernés sur le territoire de leur commune et qu'ils peuvent être conduits à prendre des décisions sans posséder le minimum d'éléments de compréhension ou d'information.
Depuis qu'il est de notoriété publique que certains maires n'avaient pas été informés des essais au champ conduits dans leur commune, le ministère de l'agriculture a fait en sorte, semble-t-il, que cela ne se reproduise plus. Mais cette information est-elle systématique et les modalités de sa délivrance sont-elles spécifiées dans un règlement ?
Vous soumettez à notre approbation la création d'une instance symétrique à l'instance d'évaluation et de contrôle scientifique qui permette la pleine expression de la société civile. En 2003, nous avions souhaité la création d'une telle instance. Le Gouvernement a donc évolué sur ce point - j'en suis heureux, monsieur le ministre -, mais il demeure à nos yeux que la définition du conseil des biotechnologies n'est pas suffisamment précise dans sa version actuelle, en particulier en ce qui concerne sa composition et son rôle ; nous vous proposerons un amendement à ce sujet.
Nous vous proposerons surtout d'associer les territoires au débat, en mettant en place des commissions locales d'information et de suivi, les CLIS, en lien avec le conseil des biotechnologies. Ces commissions devront se prononcer sur les protocoles de mise en place éventuelle en milieu extérieur. Elles constitueront de véritables barrières, de vrais filtres participant aux choix de poursuite ou non d'une recherche en externe. Dans quelles conditions et dans quel but ? Pour plus de transparence et pour une participation plus grande de la société. Elles éviteront aussi aux maires de se retrouver seuls face à une question locale et permettront d'élargir ainsi le cercle des détenteurs des informations et des codécideurs.
Monsieur le ministre, dans l'exposé des motifs de ce texte, vous mentionnez deux directives européennes : la directive 98/81/CE relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés et la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés, cette dernière norme encadrant le prolongement de la recherche en milieu ouvert, comme la mise sur le marché de productions d'OGM.
Au fur et à mesure de notre analyse du projet de loi, nous avons affirmé une ligne de conduite claire, fondée sur le principe de précaution : il s'agit, d'une part, de promouvoir la recherche, y compris la recherche publique, et, d'autre part, d'appliquer le principe de transparence et de participation de la société à travers les CLIS. Cette ligne de conduite est ni plus ni moins conforme aux conclusions du rapport de la mission sénatoriale d'information de 2003.
À partir de là, trois étapes se distinguent : la première correspond bien à la recherche en milieu confiné ; la deuxième, au prolongement de la recherche en milieu ouvert ; la troisième, à la dissémination volontaire d'OGM en vue de leur mise sur le marché.
S'agissant de la première étape, celle de la transposition de la directive de 1998, le groupe socialiste du Sénat est globalement favorable à cette démarche, qui nous semble indispensable - vous l'avez entendu dans mes propos. Ce sont les articles 1er à 10 qui traduisent l'essentiel de cette transposition. Nous nous attacherons, au moment de leur discussion, à défendre des amendements tendant à présenter des propositions supplémentaires pour conforter la recherche, l'information et la participation de la société.
Pour marquer le passage de la première étape à la suivante, une évaluation doit être faite afin de déterminer dans quelle mesure il peut y avoir passage, ou non, du milieu confiné au milieu ouvert. Une CLIS doit être saisie à cet effet, en lien avec le conseil des biotechnologies, à l'occasion de chaque projet, pour en examiner l'opportunité, pour valider, ou non, le prolongement de l'opération, pour préciser les emplacements et assurer la plus grande transparence, en accompagnement des protocoles de cultures. C'est la première barrière, le premier filtre nécessaire. Ainsi la démocratie participative s'exprimerait sur des cas précis et pratiques.
Lorsqu'elle serait déclarée opportune, souvent pour des raisons médicales, la deuxième phase d'essai serait ensuite enclenchée, aux fins d'une analyse approfondie, tenant notamment compte de la composition biochimique et des variations climatiques de l'environnement naturel, en vue d'éclairer le conseil des biotechnologies et les CLIS.
Ces étapes sont incontournables avant toute dissémination volontaire en plein champ ayant pour objectif une mise en production et une commercialisation des OGM, lesquelles constituent la troisième étape du présent texte.
Pour l'heure, et sans préjuger le vote du Sénat sur nos amendements, mon groupe, compte tenu du fait que l'organisation du conseil des biotechnologies et des CLIS n'est à ce jour pas effective et que les efforts de l'État en faveur de la recherche publique se révèlent nettement insuffisants, s'opposera, dans l'attente d'en savoir davantage sur le sujet, à la troisième étape de mise en culture de plantes génétiquement modifiées, ou PGM, à vocation commerciale, dans notre pays.
En effet, il manque deux dispositifs essentiels : une mission forte dévolue à la recherche et la mise en place de barrières et de filtres permettant la transparence et la participation de la société.
La précipitation des industries agro-alimentaires à vouloir tirer des profits est en contradiction avec la notion de progrès, qui, selon nous, est attachée à l'importance des apports d'une innovation pour la société, lesquels ne sont pas perçus d'emblée en matière d'OGM.
Dès lors, il appartient aux pouvoirs publics, et singulièrement au législateur, de faire en sorte que les avancées scientifiques soient favorisées, en s'entourant cependant de toute la prudence rendue nécessaire par leurs implications potentielles. En effet, à ce jour, rien ne démontre que c'est la raison qui gouverne le monde... en dehors de la raison du plus fort.
Le principe de précaution, caractérisé par Philippe Kourilsky et Geneviève Viney, en 1999, ne doit pas être seulement pris en compte, comme l'écrit notre collègue Jean Bizet dans son rapport sur ce projet de loi, mais doit être véritablement mis en oeuvre, ce qui signifie non pas l'immobilisme, mais une obligation de recherche, dans laquelle l'absence totale de certitudes à l'heure actuelle est compensée par la rigueur des procédures. C'est fondamental !
Or, ce que le projet de loi nous présente en matière de coexistence des cultures est insuffisant. Des conditions de coexistence à définir par un arrêté dont nous ne savons rien à ce jour, tout comme la simple prévision d'une indemnisation en cas de présence fortuite d'OGM, ne peuvent nous satisfaire en termes de précautions. En l'état, ces mesures ne nous paraissent pas répondre à la proposition du rapport de la mission sénatoriale d'information de 2003 sur ce point.
C'est d'autant plus gênant que le rapport que la Commission européenne vient de publier, le 9 mars dernier, sur la mise en oeuvre des mesures de coexistence entre cultures OGM et cultures non OGM conclut à une expérience limitée, qui empêche une harmonisation des pratiques en Europe.
Monsieur le ministre, il nous faut plus de garanties en France sur une question qui ne fait l'objet que d'une recommandation de l'Union européenne - et non d'une réglementation -, laquelle laisse les États membres se débrouiller seuls en la matière.
En conclusion, et avant de laisser la parole à mon collègue Daniel Raoul, je souhaite reprendre la phrase finale du rapport de 2003, qui me paraît toujours d'actualité : « Seule une reprise en main politique permettra de ne pas subordonner le développement des OGM à la seule logique économique et de maîtriser une innovation qui touche à la place de l'homme sur terre et au devenir même de notre Humanité. ».
C'est cette ligne politique qui animera mon groupe politique dans ce débat.
Nous ne nous retrouvons pas dans le texte que vous nous présentez, ce qui devrait nous conduire, indépendamment de notre position sur les amendements, à émettre un vote négatif sur l'ensemble du projet de loi.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le ministre, je ne suis pas un scientifique, mais vous me permettrez d'exprimer cependant quelques réflexions d'un Français moyen...
... qui ne comprend pas grand-chose et s'étonne de tant de polémiques sur un sujet pourtant si prometteur a priori.
Nous avons actuellement pour mission de tenter de trouver un compromis, dont l'objectif est de rassurer les inquiets - y parviendra-t-il ? - par le biais de textes rigoureux et adaptés, tout en permettant aux spécialistes de poursuivre leurs recherches dans ce domaine hautement sensible que sont les organismes génétiquement modifiés.
L'affrontement de ceux qui sont « pour » et de ceux qui sont « contre » est assez détestable à mes yeux, ...
... car il ne s'agit de défendre ni une doctrine philosophique, ni une doctrine politique, ni un grand principe religieux ; il s'agit tout simplement de permettre à des chercheurs de travailler en paix et de s'exprimer clairement, sans contrainte, afin que nous puissions analyser, comparer tous les arguments qu'ils pourront nous proposer et en tirer des conclusions saines pour l'avenir.
Le sujet est d'importance et très délicat à traiter certes, mais, comme le disait Churchill, « on ne règle pas un problème en le laissant de côté ». Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de nous permettre enfin d'aborder clairement et publiquement ce sujet aujourd'hui.
Qu'il me soit permis de féliciter le rapporteur, M. Jean Bizet, pour l'immense travail qu'il a accompli, non seulement dans le cadre du présent projet de loi, mais aussi, voilà quelques années, en collaboration avec notre collègue Jean-Marc Pastor, lors de l'élaboration du rapport de la mission sénatoriale d'information, rapport qui nous a tous éclairés.
Technicien ou pas, nul ne peut ignorer ce qui se passe ni rester insensible à ces 8, 5 millions d'agriculteurs dans le monde qui cultivent des plantes génétiquement modifiées, notamment aux Etats-Unis, au Canada, en Inde, en Chine, comme cela a été dit à plusieurs reprises.
Chacun sait que les surfaces emblavées en OGM dans le monde dépassent 90 millions d'hectares, contre seulement quelques centaines d'hectares en France, qui n'ont d'ailleurs pas souvent donné lieu à des récoltes dans des conditions normales.
Les informations qui ont circulé sur ce sujet nous interpellent.
Pour les uns, les risques encourus avec ce type de production sont tels qu'ils nous amènent tout droit dans l'antichambre de l'Apocalypse !
Pour les autres, c'est un émerveillement et un véritable enthousiasme face à un progrès permettant de pénétrer un monde de l'infiniment petit et devant aboutir, nous l'espérons tous, à la suppression d'un certain nombre de produits fort désagréables, tels que les herbicides, les pesticides, et j'en passe, et contribuer à la lutte contre la faim dans le monde, grâce à des semences plus résistantes à la sécheresse, moins sensibles à la chaleur, qui auraient à l'évidence un effet fabuleux pour nos amis du Sahel !
Je souhaite que les scientifiques du plus haut niveau travaillent posément, sereinement, et se communiquent leurs résultats, afin que des conclusions claires, précises, assimilables soient tirées, de sorte que nous tordions le cou, une fois pour toutes, à tous ces amalgames ne débouchant que sur des invectives et des affrontements absurdes et déraisonnables, et que le consommateur puisse choisir un produit avec ou sans OGM en toute connaissance de cause.
Compte tenu des circonstances, de ce que l'on voit, de ce que l'on nous dit, il est bien difficile d'être un apôtre inconditionnel de l'objectivité ! Surtout quand on constate que ces fameux OGM sont considérés comme des poisons violents par les uns et allègrement consommés par les autres. D'ailleurs, et cela a été dit avant moi à cette tribune, nous en consommons tous peu ou prou, et depuis bien longtemps, dans le domaine médical, et nous sommes bien contents de trouver des médicaments qui nous soignent !
Sur 70 millions d'hectares de soja cultivés dans le monde, 50 millions proviennent de graines génétiquement modifiées. Quand on sait que le soja est une matière première indispensable et incontournable dans l'alimentation animale, pour sa richesse en protéines et son équilibre en acides aminés, il n'est pas besoin d'être un grand technicien pour en déduire que, chaque fois que l'on consomme une tranche de jambon ou une cuisse de poulet, il y a de fortes présomptions pour que l'on ait consommé un peu d'OGM.
Les gens de ma génération en ont vu et entendu d'autres. Les premiers poulets élevés en batterie ont eu bien mauvaise réputation ! Puis, il y eut les additifs antibiotiques dans l'alimentation animale, et même des hormones, qui, à une époque, ont laissé craindre, surtout aux éléments masculins de notre espèce, une métamorphose qui aurait pu devenir suspecte !
Sourires
Et comme nos informateurs aiment assez se vautrer dans le sensationnel, les sujets douteux n'ont pas manqué ces vingt dernières années, et il fallait avoir un solide appétit pour continuer de manger sans être trop dégoûté Il n'est qu'à se souvenir des listérioses, du poulet à la dioxine, de la vache folle ; maintenant, c'est la grippe aviaire !
Permettez au modeste citoyen que je suis de s'interroger. Si, depuis la révolution industrielle, nous avions succombé aux mêmes angoisses, aux mêmes craintes, pensez-vous que nous pourrions profiter du confort dont nous bénéficions aujourd'hui, ainsi que des soins que la médecine nous prodigue en complément de l'excellente alimentation qui nous a permis, en près d'un demi-siècle, de doubler quasiment notre durée de vie en ce bas monde ?
Nous n'avons donc pas le droit de suspecter systématiquement toutes les formes de progrès. Il ne tient qu'à nous de savoir en faire le meilleur usage. Nos scientifiques ne sont pas des apprentis sorciers !
Toutes les découvertes peuvent servir le meilleur comme pour le pire. Ainsi, quand le simple et bon vieux couteau a été inventé, quelle amélioration importante pour couper le jambon ou la miche de pain
Sourires
Les hommes sont ce qu'ils sont, ils inventent ce qu'ils inventent et ils en font ce qu'ils veulent.
Certes, je respecte la nostalgie d'un certain nombre d'entre nous qui regrettent « ce bon vieux temps », qu'ils n'ont d'ailleurs, pour la plupart, jamais connu, et qui ne supportent pas l'arrivée des nouvelles techniques dans quelque domaine que ce soit. Leur conception de notre planète et surtout de nos campagnes reste idyllique et engendre chez eux une véritable peur du progrès, et ce par simple conservatisme primaire et frileux !
M. Jean-Louis Carrère s'exclame.
Or ce sont les mêmes qui, après avoir lutté contre l'énergie nucléaire, ont vite abandonné leurs convictions, tant il est vrai que, aujourd'hui, l'énergie électrique consommée est produite, pour 80 %, par le nucléaire, ...
... et que tout le monde l'utilise allègrement, alors que l'on ne sait toujours pas quoi faire des déchets !
En d'autres temps, furent brûlés en place de Grève des gens qui osaient affirmer que les conclusions de leurs recherches et de leurs découvertes n'allaient pas dans le sens des croyances populaires. En serions-nous revenus à cette époque ?
Pendant ce temps, les autres pays du monde travaillent d'arrache-pied. Les chercheurs poursuivent leur travail inlassablement, méticuleusement et avec beaucoup de persévérance. Outre les essais en laboratoire, ils sèment de nombreuses variétés sur des millions d'hectares, ce qui leur permet de progresser très rapidement, grâce aux résultats obtenus.
De la même façon, nos chercheurs, nos agriculteurs ont, eux aussi, besoin de voir leurs graines pousser au milieu d'un champ afin d'étudier la manière dont elles évoluent face aux variations météorologiques et à l'agression de toute une faune d'insectes.
Dès lors, c'est une faute grave, hautement méprisable, que d'avoir empêché les essais en plein champ en arrachant sauvagement des plants avant leur maturité.
N'avons-nous pas entendu, à une époque, que ces essais n'étaient plus indispensables, au motif que notre production céréalière était excédentaire et que la fameuse agriculture intensive était condamnée ?
C'est faire bien peu de cas des 800 millions de nos semblables qui, en ce moment même, meurent de faim. Cela est même en contradiction avec le fait que d'aucuns - et ils ont raison - s'évertuent à promouvoir le développement des énergies renouvelables non polluantes, telles que le diester ou l'éthanol qui, jusqu'à nouvel ordre, sont fabriquées à base de céréales ou de betteraves.
C'est aussi faire bien peu de cas de tous ces plastiques non biodégradables, détergents, pesticides, fongicides et insecticides qui empoisonnent nos rivières et nos campagnes, alors même que les biotechnologies pourraient les transformer, voire les supprimer.
Ainsi, des progrès fabuleux pourraient être réalisés dans ce domaine, et nous n'avons que trop tardé en y mettant un frein.
Tous ceux qui travaillent sur les OGM ont jusqu'à présent fait preuve d'une bien grande sagesse et d'une patience encore plus grande. En effet, il est tout à fait admirable qu'ils ne se soient pas laissés séduire par les multiples offres de délocalisations venant de pays plus accueillants que le nôtre à l'égard des chercheurs.
À nous maintenant de savoir si nous sommes capables d'éviter la fuite des cerveaux. La balle est dans notre camp.
Nous ne pouvons que constater cette fameuse fuite des cerveaux, en effet !
À l'avenir, il nous faudra prendre des engagements sérieux, consistant, avant tout, à mieux informer nos concitoyens sur ces sujets complexes, car c'est l'ignorance qui crée l'affabulation et les fantasmes.
À cet égard, nous comptons sur la presse de vulgarisation, tant il est vrai que « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » !
Je suis donc, pour ma part, convaincu que nous pourrons disposer de l'ensemble de ces informations, afin que tout soit clair.
Au XVIIe siècle - ce sera ma conclusion -, l'Église de Rome a contraint Galilée à abjurer ses découvertes. Il a fallu attendre 359 ans avant que l'Église reconnaisse ses erreurs !
Heureusement, pendant ce temps, la terre continuait de tourner.
De grâce, ne recommençons pas le même scénario avec les OGM ! §
M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un lieu commun de dire que ce débat sur les OGM est pour le moins passionné. En effet, certaines déclarations qui sont parfois opposées, voire irrationnelles...
... sont aussi, le plus souvent, peu convaincantes si l'on songe qu'elles émanent de ceux-là mêmes qui devraient précisément défendre les OGM.
M. François Fortassin. Monsieur le rapporteur, en matière de foi, vous êtes sans doute mieux placé que moi, et je ne vous contredirai pas sur ce point !
Sourires
Cela étant dit, je voudrais rappeler que, selon les sondages, quelque 70 % de la population, si elle ne manifeste pas une réelle hostilité par rapport aux OGM, ne fait pas non plus montre d'un grand enthousiasme en la matière.
C'est la raison pour laquelle j'invite le Gouvernement à faire preuve d'un peu plus de prudence, faute de quoi l'on risque d'assister à des manifestations ailleurs qu'autour de la Sorbonne ! Mais après tout, cela relève de sa responsabilité.
En réalité, la situation est la suivante.
D'une part, les industriels philanthropes...
... estiment pouvoir régler le problème de la faim dans le monde, alors que, chacun le sait, le moteur essentiel est le profit.
D'autre part, des associations, ou certains responsables associatifs visionnaires veulent, comme c'est leur droit, sauver l'humanité et la planète, mais ne nous ont jusqu'à présent toujours pas expliqué comment nous allions pouvoir nourrir 8 milliards d'habitants sur cette même planète en 2050 !
Il y a donc là une confrontation délicate, et notre rôle, quelle que soit notre sensibilité politique, consiste, me semble-t-il, à essayer de convaincre l'opinion publique que, si certaines nécessités sont incontournables, il faut également adopter une attitude prudente.
N'oublions tout de même pas que la Haute Assemblée a adopté le principe de précaution - personnellement, je ne me suis pas associé à ce vote - ainsi que la Charte de l'environnement.
Or, s'il est évident que l'on ne saurait passer de tels textes par pertes et profits, il est non moins évident que la banalisation des OGM peut se révéler dangereuse.
Quant au refus systématique des OGM, il traduit en quelque sorte une ignorance du potentiel d'innovations technologiques, et, disant cela, je me fonde non pas sur un principe scientifique mais simplement sur une réflexion de bon sens à laquelle chacun de nos compatriotes peut se livrer.
Où sont les vrais problèmes ? Ceux-ci ont été soulignés par mon ami Jean-Marc Pastor.
Le premier concerne les moyens insuffisants alloués à la recherche publique, qui, seule peut constituer pour nos concitoyens une garantie de transparence. §
En effet, la recherche privée, quels que soient ses mérites, ne consentira jamais à énoncer un certain nombre de vérités, et ce au nom des règles de la concurrence.
Ainsi, l'on sait très bien que les industriels - et, à la limite, nous pouvons les comprendre - ne souhaitent pas divulguer un certain nombre d'éléments qu'ils considèrent comme secrets. Or cela pose, à l'évidence, un vrai problème.
C'est la raison pour laquelle nous devons lutter avec toute l'énergie nécessaire pour convaincre nos compatriotes, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
De ce point de vue, entre ces deux principes que sont, d'une part, la banalisation des OGM et, d'autre part, la méfiance extrême envers ces derniers, il existe à mon avis une troisième voie, à savoir précisément celle de la transparence complète du principe d'évaluation des risques, ce qui passe, bien entendu, par une information claire et totale de nos concitoyens.
Or que se passe-t-il aujourd'hui ? Je prendrai quelques exemples.
Les éleveurs de canards gras gavent leurs volailles avec du maïs, selon une méthode au demeurant tout à fait appropriée. Mais scientifiques et industriels expliquent que, si on laissait filtrer l'information selon laquelle il s'agit de maïs OGM, qui, par ailleurs, possède des qualités supérieures sur le plan nutritionnel, les éleveurs en question ne pourraient alors plus vendre leur foie gras !
C'est bien la preuve que la confiance est inexistante, et ce n'est pas le vote d'une loi qui va remédier à une telle situation !
Cette confiance ne pourra découler que du principe de transparence totale dont j'ai parlé et qui, aujourd'hui, ne revêt aucunement le caractère de nécessité absolue. C'est bien pourquoi il nous faut convaincre l'opinion publique du bien-fondé de notre position.
Par ailleurs, il convient que le libre choix de nos concitoyens soit préservé. Or, à mes yeux, ce projet de loi ne contient pas grand-chose à ce sujet.
Par conséquent, des garanties doivent protéger les filières OGM comme elles entourent les filières non OGM. Là encore, le débat des scientifiques n'est pas tranché.
Personnellement, je veux bien croire qu'il n'existe pas de prolifération...
Oui, monsieur le président.
Le dernier point de mon intervention portera sur l'opposition vigoureuse à la technologie dire « Terminator ». Comment expliquer que l'on permette à des sociétés de vendre des semences qui produisent des graines stériles ? Après tout, l'agriculteur des hauts plateaux d'Afghanistan ou du Maroc a parfaitement le droit, s'il le souhaite, de conserver ses semences.
Par conséquent, monsieur le ministre, en l'état actuel du texte, n'étant pas rassuré, je ne voterai pas ce projet de loi ; mais peut-être parviendrez-vous à me rassurer ?
Pour conclure, ...
...j'évoquerai les inquiétudes exprimées par un ancien ministre, Mme Corinne Lepage, selon laquelle ce projet de loi, qui organise le secret industriel, n'est pas satisfaisant. Il en va de même, me semble-t-il, des dispositions relatives à la participation et à l'information du public.
Monsieur le président, j'en ai terminé, et je vous demande de bien vouloir m'excuser d'avoir été si long. J'ai cru pouvoir prendre cette liberté dès lors que mes collègues suivaient mon intervention d'un oeil amusé et attentif !
Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -M. Bernard Barraux applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec ce projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, la Haute Assemblée se trouve saisie d'un sujet ô combien sensible, qui, par voie de conséquence, fait l'objet des appréciations les plus antagonistes.
Sans même attendre les analyses confirmant ou infirmant l'idée que les organismes génétiquement modifiés constitueraient une menace pour notre santé publique, notre environnement ou encore nos modes de production agricole actuels, il revient au législateur de fixer le cadre d'utilisation des OGM.
Pour autant, dès lors que ce texte vise à transposer des directives européennes, le Parlement ne dispose que de peu de marges de manoeuvre. Ainsi devrons-nous concilier notre légitime volonté de légiférer avec la nécessité de nous conformer à un cadre supranational, lui-même contraint par l'état actuel des connaissances scientifiques et par l'harmonisation des pratiques à l'échelle internationale.
Fort heureusement, quelques espaces de liberté subsistent, au premier rang desquels figure l'indispensable information du public. À l'heure où des crises, comme celles qui sont suscitées par l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, ou la grippe aviaire, révèlent la demande croissante des consommateurs en matière de traçabilité, il est indispensable que les gouvernants s'attachent à ériger en dogme la transparence sanitaire. Ce texte, qui renvoie dos à dos le progrès scientifique et la peur de l'inconnu, ne doit pas faire exception à la règle.
Ce projet de loi doit donc permettre le libre choix dans l'exercice des pratiques culturales, mais, surtout, éviter que quelque rétention d'informations n'aboutisse à altérer les conditions d'exploitation en agriculture « conventionnelle » ou « biologique », en raison de l'intrusion d'OGM dans un même produit au-delà du seuil fatidique de 0, 9 %.
À mes yeux, ce texte ne doit donc ni constituer un blanc-seing pour quelques apprentis sorciers ni annihiler les efforts entrepris par la recherche industrielle afin d'améliorer notre quotidien.
C'est cette approche pragmatique, équilibrée et responsable qui incite aujourd'hui les parlementaires du groupe Union centriste-UDF à proposer un certain nombre d'amendements. Soucieux de concourir à la parfaite information des Français, qui assistent à des conflits stériles entre les tenants du « 0 % OGM » et les fervents d'une libéralisation aveugle, nous proposerons, par exemple, de conférer au conseil des biotechnologies la mission de vulgariser des données scientifiques relatives aux OGM.
Pour mener à bien cette tâche, il importe que toutes les informations scientifiques détenues par la filière OGM soient transmises au conseil des biotechnologies, dans la limite fixée, bien évidemment, par les dispositions relatives au secret industriel ou commercial. Grâce à des communications périodiques ainsi qu'à la publication d'un rapport d'activité, que nous vous proposons de mettre à la disposition du plus grand nombre, après sa transmission au Parlement, nous souhaitons fournir des éléments objectifs d'appréciation aux consommateurs et aux agriculteurs.
Nous souhaitons les fournir aux consommateurs, tout d'abord, afin que ceux-ci puissent librement choisir entre les produits issus de l'agriculture conventionnelle, ceux qui sont élaborés dans un cadre « bio » et ceux qui relèvent de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés.
Nous souhaitons les fournir aux agriculteurs, ensuite, pour que ces derniers soient en mesure d'expérimenter, en toute quiétude, le recours aux OGM, ou de s'assurer que leur récolte conventionnelle ou biologique n'est pas altérée par un niveau anormalement élevé d'OGM.
Aujourd'hui, nous avons l'occasion à la fois de respecter nos engagements communautaires, de doter les organismes génétiquement modifiés d'un cadre juridique rénové, de montrer notre confiance dans la recherche, de responsabiliser les acteurs concernés, d'introduire une once de sérénité dans les relations entre des agriculteurs aux pratiques culturales différentes, enfin de répondre au souci d'information de l'opinion publique.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit en nous présentant tout à l'heure votre projet de loi que « tout doit être public, tout doit être transparent, tout doit faire débat ». Nous partageons cette volonté.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'espère que le débat que nous entamons aujourd'hui nous permettra de parvenir à cet équilibre tant recherché entre le progrès scientifique et la sécurité sanitaire et environnementale.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une proposition et un projet de loi relatifs aux certificats d'obtention végétale, ainsi qu'un projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, nous examinons aujourd'hui un projet de loi portant sur une technologie nouvelle, la transgénèse.
Je regrette que l'intitulé de ce texte, qui vise à transposer deux directives communautaires, comporte l'appellation générique « OGM », alors qu'aucune définition exacte de ce terme n'est donnée, celle-ci étant renvoyée à un décret, comme le précise l'exposé des motifs.
La transgénèse, comme toute technologie, qu'elle soit nouvelle ou non, et comme tout outil, peut être la meilleure ou la pire des choses. Si nous ne voulons pas diaboliser cette avancée scientifique en rangeant sous un même vocable toutes ses applications possibles, nous devons accomplir un effort important de pédagogie.
Souvenons-nous du sort qu'a connu, dans l'esprit du public, le mot « atomique », entaché du péché originel que fut l'utilisation de la bombe à Hiroshima : l'atomique et le nucléaire, la fission et la fusion, entre autres, sont désormais confondus.
La même confusion des esprits nous guette en ce qui concerne la transgénèse. Nous le voyons bien dans les réactions de nos concitoyens, à travers les sondages, et même dans les discussions au sein de la commission des affaires économiques.
Personne ne met en avant les progrès sanitaires constitués pour des vaccins dont certains sont des OGM ! C'est le cas pourtant, pour n'en citer que deux, du vaccin contre le virus H5N1, inoculé aujourd'hui dans les élevages avicoles, ...
... ainsi que du vaccin contre la rage, qui a permis d'arrêter la progression de cette maladie vers le centre de la France. Dans les deux cas, il s'agit d'OGM, et néanmoins personne ne réagit.
Il existe donc bien une confusion dans l'esprit des gens à propos de l'expression « OGM ». Au-delà de la pédagogie, nous devons aussi développer l'information et la transparence autour de l'utilisation de cette technologie. Faute de quoi, nous recommencerons les erreurs commises au sujet du développement et, surtout, de l'exploitation du nucléaire ; je ne citerai ici aucun des noms de ceux qui sont responsables de ces erreurs, car vous les avez tous en mémoire.
Nous approuvons la création d'un conseil des biotechnologies doté de deux sections, l'une scientifique et l'autre socio-économique, mais nous ferons des propositions afin que soient définis leurs rôles respectifs et l'ordre dans lequel elles devront donner leur avis, qui devra être rendu public. Ce conseil représente un progrès par rapport aux commissions qui existaient précédemment et qui connaissaient un certain mélange des genres.
Nous proposerons également, pour les sites expérimentaux en plein champ, la création de commissions locales d'information et de suivi. Celles-ci, qu'a déjà évoquées mon collègue Jean-Marc Pastor, devront être constituées et saisies de tout projet associant non seulement les élus et les associations, mais aussi et surtout les exploitants riverains.
En effet, toute expérience dans ce domaine ne se justifie que par l'évaluation tant du risque sanitaire ou environnemental que de l'avantage économique et social qu'elle peut comporter. Il est donc nécessaire que les exploitants riverains soient informés de la nature de l'expérimentation et sachent en particulier quel sera le couple « gène-plante » étudié et quelles prescriptions seront assorties à l'autorisation.
Toutefois, cette évaluation ne peut se faire sans une expertise indépendante, ni être laissée à l'initiative des obtenteurs. Il importe donc de rendre à notre recherche publique les moyens d'assurer ses missions. Lors de nos auditions en commission, nous avons constaté la démobilisation, pour ne pas dire la désespérance, des chercheurs dans ce domaine.
Monsieur le ministre, votre présence dans cet hémicycle, en tant que ministre chargé de la recherche, afin de présenter ce projet de loi, constitue un symbole fort. J'espère que vous entendrez l'appel à renforcer les moyens alloués à nos établissements publics de recherche, particulièrement ceux de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. En effet, lors de nos auditions, il nous a été dit que seuls quelques individus travaillaient encore dans ce secteur de recherche, et qu'ils n'avaient en tout cas pas de programme de recherche concernant les OGM.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué les applications envisageables, avec une pureté inégalable, dans la synthèse des médicaments, notamment l'interféron, l'interleukin, l'hémoglobine et la lipase gastrique, et je ne puis que vous conforter dans cette analyse.
Mais alors, pourquoi ne pas accepter l'information et la transparence, qui favoriseraient l'acceptation sociétale des OGM, en instituant une commission locale d'information et de suivi, également nécessaire pour permettre la coexistence des différentes formes de culture ?
Si les exploitants riverains ne connaissent pas les prescriptions, ni la nature du couple « gène-plante », ces expérimentations ne pourront continuer, car les OGM se dissémineront nécessairement, tout simplement en raison de mauvaises pratiques dans les champs. En refusant d'accorder l'accès à l'information et d'établir la transparence en ce domaine, nous bloquerons les avancées thérapeutiques, ou du moins, me semble-t-il, nous en courrons le risque.
Pourquoi aussi parler de « dissémination volontaire », au lieu d'« ensemencement volontaire », et d'« organismes génétiquement modifiés » plutôt que de « plantes génétiquement modifiées » ? Parmi ces dernières, il aurait sans doute d'ailleurs fallu distinguer celles dont la vocation est agro-alimentaire et celles qui reçoivent une autre destination, qu'elles deviennent des médicaments ou des biocarburants.
Je ne veux pas croire qu'il s'agisse là simplement d'un problème de traduction de la directive communautaire, qui introduirait une confusion entre les termes « dissipation » et « ensemencement ».
La discussion qui a eu lieu ce matin en commission au sujet des périmètres des AOC est tout à fait révélatrice et ne fait que confirmer notre ardent souhait d'information et de transparence. À cet égard, j'évoquerai l'amendement de notre collègue René Beaumont, à travers lequel se révèle toute l'inquiétude des exploitants riverains. Il nous faut réfléchir plus avant au périmètre des AOC.
Nous devons, à travers cette transposition, assurer l'information et la transparence, grâce à une expertise indépendante qui porterait, je le répète, à la fois sur l'évaluation du risque de dissémination des OGM dans l'environnement et sur les avantages économiques de tel ou tel couple « gène-plante ». En effet, j'imagine que ceux-ci existent, et je ne pense pas seulement ici aux médicaments, mais aussi aux biocarburants et à d'autres applications.
Monsieur le ministre, qu'avez-vous à craindre de la transparence, surtout si vous êtes intimement persuadé de l'innocuité des expériences menées en externe ? En la rejetant, vous prenez à coup sûr le risque de conforter ceux qui, pour différentes raisons, qu'elles soient idéologiques, politiques ou autres, refusent les progrès que pourrait apporter cette technologie.
Tant que cette condition de transparence ne sera pas remplie, nous ne pourrons admettre le passage à la culture en plein champ, qui risque de mettre à mal la biodiversité et, en tout cas, la coexistence des différentes formes de cultures.
Enfin, nous ne pouvons accepter que seuls les exploitants aient l'obligation de cotiser et de s'assurer contre les risques éventuels. À titre de comparaison, je prendrai l'exemple du secteur automobile, dans lequel plusieurs types de responsabilités sont prévus : la responsabilité du conducteur, pour la faute de conduite ou le non-respect du code de la route ; celle du constructeur, pour les vices cachés ; celle du service des mines, pour l'autorisation de mise sur le marché.
Il conviendrait donc de faire de même en ce qui concerne les PGM. Nous pourrions prévoir de sanctionner la faute de l'exploitant, pour le non-respect des bonnes pratiques, celle de l'obtenteur, pour le défaut de la semence, et celle de l'autorité administrative, pour l'autorisation de mise en culture. D'ailleurs, pourquoi prévoir un fonds d'indemnisation, abondé à hauteur de cent euros l'hectare, si le risque est considéré comme quasiment nul ?
Au reste, nous le savons, le risque zéro n'existe pas. Il faut donc constituer une grille de lecture présentant les avantages, les inconvénients et les risques, avant de songer à passer à la troisième phase qu'évoquait notre collègue Pastor. Cela pourra être obtenu après une expertise réalisée par une structure indépendante, qui ne peut être qu'un établissement public, sans doute l'INRA ou une structure équivalente.
En outre, comment définir un produit assuranciel tant que les expérimentations n'auront pas évalué les avantages et les risques pour chaque couple « gène-plante » ?
Pour toutes ces raisons, puisque les conditions ne sont pas actuellement réunies pour nous permettre de passer à la troisième phase, nous ne pourrons accepter les dispositions prévues par ce texte pour assurer la culture en plein champ et la mise sur le marché des OGM.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque vous effectuez une recherche sur Internet à propos des organismes génétiquement modifiés, vous obtenez deux catégories de sites : ceux qui vous les présentent comme l'avenir d'un nouveau monde radieux et ceux qui vous mettent en garde contre les horreurs qu'ils recèlent. Entre ces deux approches, il n'y a rien !
Les organismes génétiquement modifiés sont devenus un symbole, symbole d'une époque qui fait peur, où chaque pas semble nous entraîner vers l'inconnu. Pour nombre de nos concitoyens, les OGM évoquent surtout la fable de l'apprenti sorcier. Pouvons-nous vraiment les blâmer quand nous lisons, ici et là, des histoires à propos de fruits qui ne pourrissent jamais ou qui ne gèlent plus, ou encore de saumons génétiquement modifiés pour être plus gros et moins manger ?
Dans un tel climat, les fantasmes prennent le pas sur l'information, chaque camp soupçonnant l'autre des plus noirs desseins. Dépassionner le débat est donc le préalable nécessaire à toute réflexion sereine.
Pour illustrer le phénomène des OGM, je citerai quelques chiffres significatifs.
La surface mondiale des cultures de plantes transgéniques a couvert 90 millions d'hectares en 2005. Depuis 1996, elle a augmenté de 11 % par an en moyenne. Entre 2003 et 2004, sa croissance fut de 20 %. Les six principaux producteurs de plantes transgéniques, tous non européens, cultivent 94, 8 % de la surface consacrée aux plantes génétiquement modifiées. En 2005, le nombre des pays cultivateurs de plantes génétiquement modifiées a progressé de quatre unités, pour passer à vingt et un. Parmi ces nouveaux entrants, la France et le Portugal ont repris la culture du maïs Bt en 2005, après respectivement quatre et cinq ans d'arrêt, ce qui porte à cinq le nombre des pays de l'Union européenne commercialisant ce type de maïs.
Ces chiffres le prouvent : les OGM et les PGM font maintenant partie de notre quotidien.
Une telle expansion rend caduc le débat manichéen opposant les défenseurs et les adversaires des OGM. Désormais, la question se pose en termes de maîtrise : maîtrise savante par la connaissance scientifique, maîtrise citoyenne par le contrôle des finalités recherchées.
Avec le projet de texte qui nous est soumis, le Gouvernement s'inscrit bien dans cette voie puisqu'il conforte la recherche et accroît l'information du citoyen. Il promeut le dialogue entre ces deux mondes, en réunissant, dans une instance unique, une section scientifique et une section sociale et économique. Il serait d'ailleurs intéressant de préciser comment celles-ci s'articulent, même si je présume que la section scientifique sera garante de la sécurité et que la section économique et sociale pourra, quant à elle, orienter sa réflexion vers la finalité des produits présentés, sans se limiter à leurs seules conséquences économiques.
Sur le fond, je ne doute pas que l'on se soit posé la question somme toute essentielle : les OGM, pour quoi faire ? En effet, quelle est leur véritable finalité : abaisser les coûts de revient, développer des produits commerciaux, améliorer la vie des hommes ?
« En doutant, on atteint la vérité », écrivait Cicéron. Il n'est donc pas interdit de douter du bien-fondé des OGM. Ceux-ci n'ont en effet de sens que s'ils représentent une avancée pour les hommes, laquelle, pour l'instant, n'est pas totalement démontrée.
Le Gouvernement, lui-même, n'est pas exempt d'un certain doute, comme en témoigne sa volonté de créer un fonds d'indemnisation pour les exploitants de cultures non génétiquement modifiées. Il laisse ainsi entendre que les OGM pourraient constituer un préjudice donnant lieu à indemnisation. Le caractère limité dans le temps de ce fonds n'a-t-il pour justification que de rassurer et d'en montrer, finalement, l'inutilité ? N'entraînera-t-il pas des expertises complexes, ainsi que des difficultés supplémentaires, pour les agriculteurs comme pour les consommateurs ? Par exemple, que deviendront nos AOC dans ce monde « OGMisé » ? N'oublions pas que la loi de 1990 a été votée à l'unanimité et que ses dispositions ont été reprises par l'Europe. Dans ces conditions, comment protégerons-nous les AOC ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous exposer mes doutes, que je crois partagés par le public, me conduit à évoquer le délicat sujet de la transparence et de la circulation de l'information concernant les OGM et les biotechnologies.
Dans son projet de loi, le Gouvernement, à juste titre, pose clairement les règles d'information du public. Un effort immense d'explication est en effet nécessaire à l'égard des citoyens consommateurs. Cet effort incombe aux pouvoirs publics, mais aussi aux professionnels des différentes filières des biotechnologies. Je conçois qu'il soit très difficile pour les néophytes d'appréhender des sujets aussi techniques et complexes que « l'incidence du gène Bt sur la contamination du maïs par les mycotoxines ». Pourtant, il faut nous attacher à expliquer, clairement et honnêtement, les bénéfices et les risques des OGM.
Aussi les pouvoirs publics devraient-ils prendre l'initiative de publier des documents d'information et d'explication. À mes yeux, il s'agit d'un complément nécessaire à l'étiquetage, qui, lui aussi, doit être clair.
J'ai conscience que le principe de transparence en matière d'OGM est une arme à double tranchant, car il est régulièrement utilisé à des fins malveillantes par les destructeurs d'essais en plein champ. Or, seuls ces essais permettent d'appréhender les effets des OGM sur l'environnement.
Les questions demeurent encore nombreuses et justifient donc la circonspection. L'exemple du maïs Bt en est une bonne illustration : il s'agit d'une plante modifiée pour résister aux insectes ravageurs tels que la pyrale ; ses propriétés de résistance sont bien supérieures à celles qui sont apportées par la lutte biologique ou chimique. Selon le rapport de l'AFSSA publié en 2004, le maïs résistant aux insectes permet de diminuer considérablement la quantité de traitements insecticides.
À première vue, cela pourrait constituer une réponse aux pollutions de l'environnement que causent tous les produits phytosanitaires. Mais cette apparente solution soulève à son tour de nouvelles questions. C'est en effet désormais la plante qui produit son propre insecticide de manière continue. Finalement, le remède ne sera-t-il pas pire que le mal ? Par essence, une telle plante n'est-elle pas par essence toxique ? Quels en seront les effets à long terme sur le corps humain ?
De telles questions restent sans réponse, car nous n'avons pas le recul nécessaire pour pouvoir présenter des travaux concluants. À l'heure actuelle, les tests sur la toxicité de ces plantes restent insuffisants et leur diffusion encore très confidentielle.
D'une manière générale, le silence génère la peur. Informer, c'est restaurer la confiance ; associer à la prise de décision, c'est responsabiliser. Il me semble donc essentiel, malgré les risques, d'exiger une transparence totale sans, bien entendu, porter atteinte au secret industriel.
Répondre aux questions, informer, assurer la transparence, tout cela suppose nécessairement un développement vigoureux de la recherche scientifique, qui est le préalable à toute maîtrise en la matière. Cependant, si la recherche fondamentale est nécessaire pour ouvrir la voie de la connaissance et de l'innovation, la recherche appliquée, organisée et maîtrisée, avec des buts définis, l'est tout autant.
Il faut donc s'orienter vers un approfondissement des connaissances sur les OGM, pour pouvoir disposer d'une évaluation exhaustive de leurs avantages, de leurs inconvénients et des critères objectifs pour décider de leur utilisation. En effet, nous ne pouvons nous en remettre uniquement aux lois du marché pour juger de la pertinence des innovations et des suites à leur donner.
Monsieur le ministre, le projet de loi de programme pour la recherche, adopté par le Sénat le 21 décembre 2005, a prévu les conditions de la mise en oeuvre d'une politique de recherche offensive et ambitieuse. Une réflexion particulière devrait être consacrée aux biotechnologies. À cet égard, je fais mienne l'idée d'un « Grenelle des biotechnologies » qui a été lancée.
Pour que la France devienne un acteur majeur des biotechnologies, il faut faire preuve d'une volonté stratégique forte.
Notre pays fut parmi les pionniers en la matière. Il fut notamment le premier à mettre en place, dès avant 1990, des mesures d'évaluation des risques liés aux OGM. Mais le climat conflictuel et le simplisme binaire du « pour ou contre » ont fini par provoquer un certain désintérêt. Ainsi, le nombre d'essais baisse, les chercheurs ne sont plus motivés, faute de perspectives de carrière, et les soutiens nationaux faiblissent.
Malgré tout, l'exemple de la Belgique montre que la tendance peut être inversée : érigeant les biotechnologies en priorité, ce pays a battu le rappel de ses chercheurs exilés à l'étranger, en leur offrant des salaires et des équipements équivalents.
Du reste, faute de relancer les investissements dans les biotechnologies, la France en perdra la maîtrise et se condamnera à la dépendance.
Étant donné que les États-Unis investissent déjà trois fois plus que l'Europe des Quinze en ce domaine, nous pouvons mesurer l'ampleur de l'effort qui est nécessaire.
En 2000, l'Europe a affiché des ambitions élevées dans la stratégie de Lisbonne. Essayons donc de faire de la France un moteur dans le développement de la connaissance, qui est la condition indispensable tant au progrès économique qu'à la protection de la santé publique et de l'environnement ! Déjà principale promotrice d'une agriculture européenne efficace, moderne et respectueuse des traditions, la France est en excellente position pour être l'un des phares de la recherche dans le domaine des biotechnologies en Europe.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est encore temps d'agir !
Si nous réussissons, par exemple, à faire comprendre et à faire admettre que les citoyens ont le droit de décider par eux-mêmes de la manière dont ils souhaitent cultiver et consommer des OGM, qu'ils sont libres de refuser d'être mis devant le fait accompli face aux importations de produits « OGM » canadiens, brésiliens ou chinois, la France aura alors bien mérité de la démocratie, de la science et, même, des OGM. Quant à l'Europe, elle tient là une occasion formidable de s'affirmer aux yeux de ses citoyens comme l'espace pertinent d'influence et des grands choix.
En définitive, la transposition de ces directives est, à mon sens, une très belle occasion pour notre pays de marquer notre temps. Mais il faut le vouloir, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mes chers collègues, lorsque M. le ministre a évoqué les apports considérables des organismes génétiquement modifiés dans le domaine médical, je n'ai pas entendu une seule critique.
Pour ma part, je voudrais aborder un autre aspect du sujet : le risque majeur pour l'humanité, c'est le changement climatique. Il s'agit d'un risque certain, et non d'un simple aléa ou d'une simple éventualité pour lesquels il suffirait de prévoir une application du principe de précaution.
Les premières manifestations d'un tel changement sont d'ores et déjà constatées : au Bangladesh, avec des inondations catastrophiques ; en Chine, où le désert avance. Ainsi, les réserves en eau souterraines de la ville de Pékin ont tellement diminué que les autorités sont en train de lancer un programme de grands travaux pour diriger les eaux du Yang-Tsé-Kiang jusqu'au nord de la Chine. Le risque est également manifeste dans les Caraïbes, y compris au sud des Etats-Unis, où il prend de l'ampleur.
Les compagnies d'assurance et de réassurance ont pris la mesure du phénomène. D'après leurs calculs, elles constatent que le risque augmente de façon exponentielle, à tel point qu'elles seront bientôt contraintes d'augmenter, voire de doubler, les primes d'assurance pour couvrir les dégâts potentiels. D'ailleurs, les risques de dégâts non couverts par une assurance augmentent également.
Mon collègue Claude Saunier et moi-même présenterons, avant la fin du mois de juin, les conclusions d'une étude de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui a donné lieu à une centaine d'heures de réunions, d'auditions, puis d'études et de visites dans tous les grands pays. Riches de cette expérience, nous démontrerons dans ce rapport que ce sujet grave peut être résolu par la science et la technologie, ainsi que par une volonté politique forte.
Bien entendu, les mesures sont multiples et ne se résument pas aux organismes génétiquement modifiés. Parmi les technologies à développer dans d'autres secteurs, je citerai notamment la captation du gaz carbonique à partir des centrales à effet de serre et son stockage en sites géologiques, les économies d'énergie ou les recherches sur les batteries, etc. Pour le sujet qui nous occupe aujourd'hui, il importe de mentionner l'usage de la biomasse enrichie par les avancées des biotechnologies et du génie génétique, les plantes qui consomment moins d'eau, les plantes qui peuvent utiliser de l'eau salée ou encore celles qui fixent l'azote de l'air grâce à des gènes existants dans la luzerne. Ce sont autant d'exemples d'organismes génétiquement modifiés, qui permettront à l'agriculture de participer activement à la diminution des émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère.
Faut-il laisser ces nouvelles utilisations aux seules multinationales d'Outre-Manche ? Je rejoins sur ce point Gérard Le Cam. Il faut leur préparer des compétiteurs industriels européens avec l'appui de la recherche publique si l'on ne veut pas que ces entreprises monopolisent les nouvelles utilisations.
Je rejoins également les orateurs qui ont évoqué la nécessité de renforcer la recherche et je me réjouis que nous ayons, ici même, le 21 décembre 2005, voté une loi de programme pour la recherche et l'innovation, loi que nous avons améliorée avec votre accord, monsieur le ministre ; nous avons ainsi montré la voie.
Je souhaite enfin qu'une volonté d'information et de transparence permette l'information du public. C'est fondamental, la population doit savoir que les OGM ne sont pas les objets diaboliques que certains leur présentent en annonçant l'arrivée de l'enfer sur terre avec des imprécations hostiles, des arguments réactionnaires et parfois obscurantistes, voire antiscientifiques.
L'opacité et le manque de capacité à simplifier de certains experts ne facilitent pas les choses et il est absolument nécessaire de mener un effort renforcé de culture scientifique et technique. Nous l'avons évoqué à plusieurs reprises au sein de la commission des affaires culturelles, notamment dans un rapport que j'ai dirigé avec, pour rapporteurs, Mme Blandin et M. Renar, preuve que nous sommes éclectiques au Sénat et que nous percevons la nécessité de la vulgarisation.
L'INRA et le CEA ont montré la voie, notamment sous forme de bande dessinée, mais la diffusion en est restée confidentielle.
Un effort important doit être réalisé par la Cité des sciences comme par les fondations, notamment par la fondation spécialisée que vous avez créée, monsieur le ministre, et cet effort doit être relayé par les centres de culture scientifique technique et industrielle régionaux et par les multiples associations du type de celle des Petits Débrouillards, avec l'appui des collectivités locales.
M. Raoul a fait des propositions qui sont à mon sens utiles, mais qui n'ont pas besoin d'une loi pour exister.
Ne risquons-nous pas de vivre la même situation qu'en Allemagne, où, sous la pression obscurantiste des élus des Verts, les chercheurs en biotechnologie ont pratiquement tous dû émigrer aux États-Unis pendant un certain nombre d'années, renforçant ainsi les sociétés qui ont suscité les foudres de M. Le Cam ?
Je souhaite pour ma part que la France, conformément aux lois en vigueur, poursuive et renforce son action équilibrée, prudente, sereine et efficace dans ce domaine, en associant les secteurs publics et privés, y compris dans les pôles de compétitivité compétents.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Le débat qui nous réunit aujourd'hui est capital à plus d'un titre. En effet, nous devons concilier plusieurs nécessités qui sont aussi importantes les unes que les autres.
Tout d'abord, notre agriculture doit relever un nouveau défi et passer le cap des biotechnologies avec succès. Nous ne pouvons nous permettre d'accumuler un retard par rapport à certains pays situés, non seulement de l'autre côté de l'Atlantique, où, je le rappelle, les États-Unis cultivent quelque 50 millions d'hectares, sans compter l'Argentine et le Brésil, mais aussi à notre porte, puisque l'Espagne cultive également plusieurs dizaines de milliers d'hectares de plantes génétiquement modifiées.
Ensuite, cette étape doit être franchie avec le maximum de transparence et d'information vis-à-vis des Français afin que chaque citoyen puisse avoir confiance en l'opportunité des décisions qui vont être prises en la matière.
Enfin, la coexistence des cultures doit être garantie dans la pratique par des mesures adéquates qui permettent à chaque type d'agriculture de continuer à exister.
En ce qui concerne les enjeux économiques, la France ne doit pas adopter une position de repli et refuser tout ce qui a trait aux OGM. D'une part, pour connaître les risques réels, il faut pouvoir expérimenter et, à ce titre, je regrette profondément tous les actes qui visent à empêcher les chercheurs de faire de la recherche appliquée. D'autre part, un encadrement strict, une information publique et des mesures d'isolement efficaces sont des éléments indispensables pour que des essais puissent avoir lieu dans de bonnes conditions et que des autorisations de mise en culture soient données.
En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau, les OGM pourront certainement apporter des réponses dans l'avenir, au même titre que les semences hybrides par le passé. Laissons aux chercheurs la possibilité de faire leur travail !
Concernant l'information et la transparence, comme l'ont rappelé mes collègues Françoise Férat et Christian Gaudin, c'est grâce à notre exigence, à notre rigueur - notamment en matière de transparence et d'accès à l'information pour tous - que nous pourrons dépassionner le débat et en finir avec une peur qui est très souvent sincère mais pas toujours raisonnée.
Selon un sondage récent, 78 % des Français sont hostiles aux OGM. Il y a derrière ce chiffre un rejet qui vient pour beaucoup du manque d'information et de l'impression que ces cultures vont nous être imposées sans concertation ni moyen d'action. La transparence est donc le premier axe qui doit nous guider dans l'amélioration de ce projet de loi et dans sa mise en application.
Je voudrais développer un troisième point qui me paraît fondamental : la coexistence des cultures. Ce qui doit être réaffirmé haut et fort par ce projet de loi, c'est que chaque agriculture, qu'elle soit traditionnelle, biologique ou transgénique, a sa place et doit toujours l'avoir. Nous devrons être particulièrement exigeants et vigilants à cet égard.
Le projet de loi doit permettre à chaque agriculture de vivre, à chaque agriculteur de choisir le type d'agriculture qu'il souhaite développer sur son exploitation sachant que la liberté de chacun s'arrête là où commence celle du voisin. Aujourd'hui, pour la sauvegarde des agricultures traditionnelle et biologique, les mesures préventives sont trop modestes. Il faut agir sur deux points.
Premièrement, les mesures d'isolement doivent permettre de mieux lutter contre les disséminations possibles. Pourquoi ne pas reprendre les distances d'isolement prévues lors des périodes d'essais et qui peuvent aller jusqu'à 300 ou 400 mètres ? C'est un ordre de grandeur qui est reconnu en matière de production de semences.
Deuxièmement, à l'image de ce qu'une loi avait prévu pour la production de semences de maïs, pourquoi ne pas envisager la création de zones protégées où les OGM ne pourraient pas être produits ? C'est le sens d'un amendement que j'ai déposé et auquel j'attache une grande importance.
Je vois ici le problème avec les yeux d'un agriculteur du Sud-Ouest, et plus précisément du Lot-et-Garonne, où, en simplifiant à l'extrême, on passe des plaines les plus riches aux coteaux les plus secs, avec la possibilité ou non d'irriguer. Les différentes situations ont entraîné la formation d'exploitations diverses et une multitude de productions végétales et animales.
Cette diversité, qui était une richesse, engendre aujourd'hui bien des difficultés, notamment en matière d'organisation économique. L'équilibre trouvé dans cette région, qui n'est certainement pas un cas unique, où chacun a longtemps cherché ses orientations, est extrêmement fragile. C'est pourquoi il est à mon sens fondamental de veiller à ce que les nouvelles productions des uns ne mettent pas en danger les réalités économiques actuelles.
C'est à ce titre que je souhaite que nous réfléchissions aux moyens de mieux protéger des agricultures qui n'auront plus les moyens d'exister si d'aventure les mesures destinées à éviter la dissémination d'OGM ne s'avéraient pas suffisantes.
Par ailleurs, j'ai déposé des amendements destinés à garantir une séparation des filières plus efficace à tous les stades de la chaîne de production et une meilleure évaluation du préjudice économique.
Ainsi, pourquoi prévoir des mesures contraignantes pour les producteurs d'OGM afin que les disséminations soient limitées au niveau de la mise en culture et de la production et ne rien envisager sur les étapes en aval, à savoir la récolte, le stockage et le transport ?
Enfin, concernant le fonds d'indemnisation créé par la loi, j'ai deux remarques et propositions à faire.
D'une part, les exploitants ne doivent pas alimenter seuls le fonds ; M. le rapporteur a déposé un amendement en ce sens. Pour autant, si l'amendement de la commission supprime le caractère aléatoire de la contribution des organisations professionnelles et interprofessionnelles, il me semble que nous devons clairement spécifier que les obtenteurs et les producteurs de semences doivent participer au financement de ce fonds.
D'autre part, concernant la détermination du préjudice économique subi par les exploitants dont la production a été contaminée, l'évaluation actuelle est trop restrictive et ne prend pas en compte les multiples conséquences que peut avoir cette contamination sur une exploitation. Dans l'évaluation du préjudice économique, il faut intégrer tous les éléments suivants : la dépréciation du prix du produit, le type de production contaminée, la filière de commercialisation à laquelle était initialement destinée la récolte, ainsi que les conséquences financières résultant de la perte d'un signe de qualité.
Un producteur biologique, dont la récolte est contaminée, ne subit pas seulement un préjudice du fait de la dépréciation de sa production.
Dernier point sur lequel je veux insister : la disparition, au terme de cinq ans, du fonds d'indemnisation. À l'échéance de ce délai, les assureurs et les réassureurs vont-ils effectivement se positionner sur ce marché ou faudra-t-il maintenir ce fonds pendant des années ? Le rapporteur de la commission des affaires économiques a très justement proposé qu'un bilan d'étape ait lieu dans trois ans et qu'un rapport soit fait au Parlement sur le sujet. Nous suivrons avec beaucoup d'attention ce point pour que le secteur des assurances soit en mesure de prendre le relais.
Le groupe UC-UDF a fait des propositions d'amélioration sur les deux piliers de ce texte, qui sont la transparence et la coexistence des cultures. Nous souhaitons que le projet de loi aille plus loin sur ces deux aspects. J'espère, monsieur le ministre, que ce débat nous permettra d'apporter des garanties satisfaisantes à tous. Cette loi doit être claire et lisible pour que chacun puisse se rendre compte du cadre dans lequel les OGM seront autorisés sur notre territoire. C'est la condition nécessaire pour que, des agriculteurs aux consommateurs, les décisions que nous allons voter soient acceptées, et c'est dans cet esprit que nous abordons cette loi.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Il faut distinguer, dans ce projet de loi, les articles qui concernent l'expérimentation en milieu confiné et les articles qui permettent l'expérimentation en plein air et la commercialisation des plants transgéniques.
M. Bizet a évoqué le vaccin contre le virus H5N1 comme un exemple de consensus.
Certes, pour confectionner ce vaccin, il a fallu modifier le virus pathogène et lui enlever son gène responsable de la mort de l'oeuf sur lequel on devait le cultiver. Mais il ne faut pas faire l'amalgame entre l'opération que l'on pratique sur un virus dont on enlève un gène mortel en milieu hyperconfiné, un laboratoire P4 à environnement dépressurisé où l'on ne pénètre qu'en combinaison pressurisée, et la possibilité de promouvoir des cultures à risque en plein champ, sans finalité pour l'utilité publique, mais pour le bénéfice économique de certaines entreprises.
Notre critique du projet de loi porte donc sur la culture en champ et la production en vue de la commercialisation des cultures OGM.
M. Barraux se définit comme un Français moyen. Vous vous trompez, monsieur Barraux : 74 % des citoyens français refusent les OGM
Mais non ! sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
...redoutant que leurs cultures ne soient contaminées. Les élus ne veulent pas des OGM ; les conseils régionaux ont voté contre ; des conseils généraux ainsi que certaines villes ont pris des arrêtés anti-OGM...
Même la justice s'est prononcée contre les OGM. Le tribunal d'Orléans a acquitté des faucheurs volontaires. Le 9 décembre 2005, il a reconnu le danger actuel de la diffusion incontrôlée de gènes provenant des OGM dont la dissémination avait été autorisée, contrairement au droit constitutionnel à un environnement sain.
Cet acquittement de faucheurs volontaires...
...a été renouvelé par le tribunal de Versailles le 12 janvier dernier.
Il est à noter que 74 % des Français attendent des élus qu'ils respectent le principe de précaution...
Je le sais mieux que vous, monsieur le rapporteur !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous faites référence au principe de précaution garanti dans la Constitution. Vous avez affirmé que toutes les précautions étaient prises, notamment le respect d'un certain espace entre les cultures, l'instauration de demandes d'autorisations. Mais ce n'est pas cela le principe de précaution ! Il doit résulter de l'analyse écologique environnementale.
Certains collègues ont soutenu que nous refusions le progrès et que, voilà trois cents ans, nous aurions été contre les évolutions. Mais ce qui change, c'est qu'aujourd'hui le progrès menace la planète. En effet, certains progrès techniques peuvent être extrêmement dangereux d'un point de vue planétaire. Il en est ainsi du nucléaire qui peut tout faire sauter. Les armes utilisées voilà dix siècles ne mettaient pas toute la planète en péril même si, bien évidemment, des vies humaines étaient en jeu.
De nos jours, en raison de la circulation des marchandises et des hommes, si une épidémie se déclare, elle se répand à grande vitesse à travers le monde. Mes chers collègues, je ne vais pas vous citer des exemples, car vous les connaissez aussi bien que moi.
Aujourd'hui, dès qu'un risque existe, il peut être catastrophique pour l'environnement planétaire. De ce fait, lorsqu'il y a doute, le principe de précaution doit s'appliquer et la nouvelle technologie qui devait être mise en oeuvre doit être abandonnée. Tel est le principe de précaution.
Il ne suffit pas, dans le cas des cultures d'OGM, par exemple, d'installer une barrière ou d'imposer des distances entre les plantations et d'aviser ultérieurement de la suite à donner à l'expérimentation.
Si tel était le principe de précaution, on pourrait soutenir qu'il n'y aura plus d'accidents d'avion puisque, a priori, les précautions nécessaires sont prises en la matière. On pourrait également affirmer qu'une catastrophe du type de celle qui est survenue à Tchernobyl ne pourra pas se reproduire puisque les précautions nécessaires ont de même été prises.
Mais le principe de précaution consiste non pas à prendre des précautions en cas de danger, mais à décider, lorsque l'on estime qu'une mesure est dangereuse et menaçante pour l'environnement planétaire, de ne pas la mettre en oeuvre parce que le risque est trop grand et, une fois avéré, irréversible.
M. Jean Desessard. Eu égard aux arguments développés par certains, on peut se demander ce qu'ils auraient fait au moment où a été signalé le danger de l'amiante ? Mes chers collègues, diriez-vous aujourd'hui que l'on peut recourir à l'amiante, compte tenu du nombre de décès dus à l'amiante et du coût économique qui en a résulté ? Faites donc preuve d'un peu de mesure vis-à-vis de ceux qui soutiennent que la culture des OGM est dangereuse !
Mme Dominique Voynet applaudit.
L'étude nutritionnelle relative au maïs MON 863, qui était restée secrète à la demande de la société productrice Monsanto, a été publiée en 2005 à la suite de la décision prise par un tribunal allemand. Le lot de rats qui consommaient le maïs en question présentait des anomalies telles qu'une inflammation des reins, une augmentation des globules blancs chez les mâles, une baisse des globules rouges et une augmentation de la glycémie chez les femelles, évoquant des pathologies de type inflammatoire. Ces dysfonctionnements hépatiques induisaient des risques de cancer.
Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de vous parler de l'étude australienne relative au gène toxique de haricot inséré dans les pois. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir au cours du débat.
Aujourd'hui, même les assurances refusent de couvrir ce risque, ce qui montre bien qu'elles n'ont pas idée du coût que peut engendrer le recours aux OGM.
À partir du moment où l'on estime qu'une mesure est très dangereuse pour la planète, le principe de précaution conduit à ne pas la mettre en oeuvre.
Par ailleurs, est-il possible de faire coexister différentes agricultures, en particulier une agriculture respectueuse de l'environnement et une agriculture d'OGM cannibale ? Vous reconnaissez que les OGM seront partout, puisque le projet de loi soumet à étiquetage le produit d'une récolte contenant plus de 0, 9 % d'OGM, ce qui sous-entend la banalisation des OGM dans tous les produits.
Nous savons qu'il y a dissémination. En voici un exemple : il est maintenant acquis que le transfert de transgènes par les pollens est inévitable, y compris pour le maïs. Le conseil national de la recherche des États-Unis admet qu'il est impossible d'empêcher le flux génique entre espèces sexuellement compatibles qui habitent la même région parce que le pollen et les graines se dispersent trop facilement et trop loin pour rendre praticable un confinement reproductif complet.
Les distances d'isolement classiques de 100 mètres sont largement insuffisantes. Le National Research Council a déterminé qu'à un kilomètre le taux d'hybridation du maïs pollen lourd atteint encore 0, 1 %. Cela signifie qu'il y a risque de dissémination et qu'il ne sera plus possible de conserver une agriculture traditionnelle.
Mon cher collègue, vous avez déjà dépassé votre temps de parole. Je veux vous rendre attentif à ce fait afin que vous n'empiétiez pas trop sur celui qui est attribué à Mme Voynet.
Monsieur le président, je suis en parfait accord sur ce point avec ma collègue Dominique Voynet, mais, ne vous inquiétez pas, je vais interrompre mon propos.
J'aurais pourtant bien souhaité parler de la transparence. Cette transparence est assurée, selon le projet de loi, sauf lorsque l'information, dont la divulgation pourrait porter préjudice aux intérêts de l'exploitant, est couverte par le secret industriel et commercial.
Cela signifie donc qu'il n'y aura pas de transparence.
En conclusion, nous réclamons un moratoire pour la culture d'OGM en plein champ et pour la commercialisation des produits génétiquement modifiés. Si vous le souhaitez, nous sommes prêts à organiser un référendum avec vous pour que ce soient les citoyennes et les citoyens français qui tranchent.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à étudier le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, sujet sensible qui touche des aspects à la fois scientifiques, techniques, éthiques et politiques.
Compte tenu de la difficulté de faire cohabiter ces différents critères, je veux féliciter M. le rapporteur, Jean Bizet, qui, par sa compétence, sa connaissance de la matière et sa rigueur sur ce sujet passionnel, nous a permis, et m'a permis personnellement, de mieux appréhender l'enjeu des cultures issues des biotechnologies.
Je n'ai pas de dogme ni de certitude sur ce sujet ; j'ai plutôt une vision pragmatique.
Nous devons avoir une approche dynamique mais respectueuse d'éléments de précaution en nous référant, si besoin est, à certaines règles de la Charte de l'environnement. Nous devons également faire un effort de communication, rassurer la population, éclairer notre société sur les atouts et les faiblesses de cette technique, sur son évolution et sur les risques éventuels. Enfin, nous devons assurer la traçabilité de chacune des filières.
Aujourd'hui, nous avons l'obligation de transposer les textes des directives européennes relatives à l'utilisation confinée d'OGM et à la dissémination volontaire de tels organismes.
Ce projet de loi dépasse largement les clivages politiques habituels, puisque ces directives européennes ont été établies sous un gouvernement de gauche.
Chacun sait qu'une pénalité de 168 000 euros par jour est imposée en cas de non-application en France desdites directives.
À partir de ce moment, nous devons tous ensemble, à travers ce texte, assurer la sécurité et la transparence à la fois pour les consommateurs et pour les producteurs, tout en garantissant la possibilité de coexistence des filières et en préservant nos capacités de recherche et d'innovation. Or nous avons pris un retard considérable dans le domaine des biotechnologies et nous n'avons pas le droit de bloquer la recherche dans le domaine médical, pharmaceutique ou agro-industriel.
Il nous faut également organiser la concertation avec les consommateurs, dont l'inquiétude est vive face aux OGM. Leur crainte est due, en grande partie, au manque d'information. Malgré la réglementation, l'étiquetage reste flou. Nombre d'affirmations, de contrevérités sont énoncées.
Il faut également rappeler que, jusqu'à cette réglementation, nous avons tous plus ou moins consommé des OGM sans le savoir, par le biais notamment de la lécithine de soja, OGM américain souvent présent dans de nombreux produits alimentaires français.
Monsieur le ministre, en France, la recherche des risques induits sur la santé humaine par la consommation d'OGM doit être fiable, transparente et opérée dans de bonnes conditions. Or, compte tenu de la destruction systématique des plantes transgéniques par les « faucheurs », les recherches sont limitées aux études effectuées en laboratoire.
Prenons un exemple de protocole type. Si vous nourrissez un rat uniquement avec du maïs génétiquement modifié pendant six mois, il ne se portera pas très bien. Mais si vous l'aviez alimenté avec du maïs classique pendant le même laps de temps, son état de santé aurait-il été meilleur ? Si, à titre de contre-test, vous vous nourrissiez exclusivement avec du chocolat pendant six mois, vous n'iriez pas bien non plus. De quelle fiabilité disposons-nous ? Il semble que la recherche sur la nature véritable du risque soit devenue quasiment impossible en Europe.
On peut se poser une autre question : est-il moins dangereux de consommer des céréales traditionnelles ayant reçu deux herbicides et trois fongicides et insecticides que des céréales génétiquement modifiées, que leurs propriétés permettent de cultiver en ayant recours à deux fois moins d'herbicide, à aucun insecticide et demain, peut-être, à aucun fongicide ?
Quant aux produits « bio », qui sont peut-être une solution alternative, les consommateurs accepteront-ils d'en payer le prix ? En effet, pour assurer une rentabilité aux agriculteurs, il faut multiplier par trois le prix des céréales. Sans compter que les mycotoxines sont davantage présentes dans les produits « bio ».
Mes chers collègues, comme vous le pouvez le constater, l'équilibre entre les différents éléments qui doivent être pris en considération est difficile à trouver.
Alors, pour rassurer les consommateurs, pourquoi ne pas consacrer les cultures d'OGM à la filière industrielle, aux biocarburants, aux bioénergies, aux isolants, aux produits industriels innovants ? Les perspectives en la matière sont importantes.
Les consommateurs ont besoin d'être rassurés, éclairés. Il leur faut des garanties et ils souhaitent que leurs choix soient respectés. Il y a une méfiance à l'égard des scientifiques en raison du manque d'information.
Il faut, en outre, organiser la concertation entre les agriculteurs et les producteurs de semences qui demandent depuis plusieurs années la mise en place d'un cadre clair et réaliste permettant à chaque agriculteur de choisir son mode de production car il faut respecter cette possibilité de choix entre les différentes filières : filière traditionnelle, filière biologique ou filière OGM.
Pour cela, nous devons faire confiance à la profession et à l'interprofession et souhaiter qu'elles soient davantage représentées dans les différents comités scientifiques et socio-économiques, par l'intermédiaire notamment de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences, la FNAMS, ou du Conseil national de l'information statistique, le CNIS.
Nous devons également appliquer des périmètres de sauvegarde, notamment pour protéger les cultures biologiques, à l'image de ce qui existe pour les semences porte-graines et les semences maïs de façon à éviter la contamination d'une parcelle à l'autre.
Que dire de la contribution maximale de 100 euros payée par les agriculteurs utilisant les semences d'OGM ? Soit on estime que les productions d'OGM doivent se développer, auquel cas cette taxe est beaucoup trop élevée par rapport à ce qu'elle est dans les autres pays européens - elle est, par exemple, de 16 euros au Danemark -, soit on est d'avis que le risque est élevé, et il ne faut alors pas s'engager dans cette voie des OGM. En ce qui concerne cette contribution, qui devrait d'ailleurs être également prise en charge par les opérateurs semenciers, il faut donc jouer la modération.
Enfin, il faut instituer une concertation avec les chercheurs en biotechnologies et les opérateurs, c'est-à-dire les firmes semencières.
Les difficultés auxquelles les opérateurs français doivent faire face sont intolérables. Je ne citerai que la destruction systématique de leurs programmes de recherche par une minorité d'anti-OGM. Ces arrachages ont des coûts humains et financiers énormes pour les entreprises et les agriculteurs ; ils mettent gravement en péril le potentiel d'expertise de la France en matière de recherche sur les biotechnologies végétales.
De nombreuses firmes ont, d'ailleurs, déjà délocalisé une partie de leurs capacités de recherche. Il conviendrait que la future loi contribue à restaurer la confiance dans la volonté de recherche de la France, sous peine de voir notre dépendance s'accentuer, en particulier vis-à-vis des États-Unis, qui n'attendent que cela.
Cet aspect des choses enlève d'ailleurs du crédit à l'un des arguments des anti-OGM : ils font beaucoup allusion au monopole, mais il faut savoir que si nous ne faisons rien, ce seront les firmes américaines qui imposeront leurs produits, au détriment de ceux des agriculteurs et des opérateurs français, ...
... ce qui se soldera par l'impossibilité de ressemer des semences de ferme, ce que l'on appelle des semences stériles, dites Terminator, et l'obligation d'acheter des semences à un tarif forcément élevé, puisqu'il n'y aura plus de concurrence.
Il faut donc jouer « gagnant-gagnant » entre opérateurs et agriculteurs et rassurer les consommateurs.
Ce texte doit éviter les dérives et il serait souhaitable de prévoir qu'après trois ans d'application nous fassions le point pour étudier l'ensemble des problèmes rencontrés et y porter remède.
Les enjeux sont d'importance. Je ne doute pas que, dans l'intérêt général, nous pourrons amender ce projet de loi, qui me paraît bon mais peut être encore amélioré : nous devons en effet faire coexister plusieurs notions essentielles, parfois divergentes et, en tout cas, rassurer par une meilleure information les consommateurs. Telle est notre mission et la vôtre, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment le nier, nous ressentons un profond malaise à l'idée de devoir à nouveau nous prêter à ce qui ressemble, au regard de l'exigence démocratique, à une sorte de mascarade.
Ainsi, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui a été élaboré dans le secret des cabinets. Nous ne l'aurions probablement découvert dans la presse qu'à l'occasion de son adoption en conseil des ministres si une fuite rocambolesque n'avait permis à Geneviève Perrin-Gaillard, députée des Deux-Sèvres, d'en prendre connaissance, au moment même où vous affirmiez, monsieur le ministre, que le projet avait « fait l'objet d'une vaste consultation ».
Vous le savez mieux que personne, les organisations regroupant des agriculteurs qui ne veulent ni ne peuvent utiliser des OGM - agriculteurs biologiques, apiculteurs - alors même qu'ils peuvent en être les victimes directes ou indirectes, les gestionnaires d'espaces naturels et les défenseurs de la biodiversité susceptibles d'être la cible involontaire de transgènes non désirés, les associations de consommateurs que rien n'a pu convaincre de l'intérêt de ces techniques, les scientifiques, qui, sans être forcément hostiles au principe même des OGM, restent perplexes quant aux modalités même de leur développement actuel, ont été consultés, comme les syndicats de salariés et les organisations étudiantes l'ont été sur le CPE ou l'apprentissage à quatorze ans, c'est-à-dire...pas du tout !
Le grand débat démocratique promis n'a pas eu lieu. Certes, et contrairement à ce qu'affirma hier la rumeur, le texte ne sera pas examiné selon la procédure d'urgence. Pourtant - il faut l'avouer ! - cette rumeur, nous lui avons accordé du crédit, tant la procédure d'urgence est utilisée de façon routinière par le Gouvernement : sur la loi mort-née sur l'éducation, sur la loi dite pour l'égalité des chances, sur la loi sur le contrôle et la transparence des activités nucléaires, sur la loi sur les obtentions végétales, qui dormait depuis dix ans sur les bureaux du Sénat et qui entérina en quelques heures la toute- puissance des obtenteurs de semences.
Monsieur le ministre, je regrette qu'un débat approfondi n'ait pas eu lieu, non seulement sur le texte lui-même, mais aussi sur le type d'agriculture qu'il sous-tend et encourage.
Vous ironisez, monsieur le rapporteur, sur la façon dont les médias rendraient compte du débat sur les OGM - « réduit par les médias à des images de fauchage » -, mais comment en serait-il autrement alors qu'il n'a jamais été possible de débattre sereinement de cette orientation majeure et probablement irréversible de l'agriculture en France, en Europe et dans le monde ? Le tribunal d'Orléans n'a-t-il pas, en décembre dernier, relaxé des faucheurs, invoquant l'article 122-7 du code pénal et l'état de nécessité dans lequel ils se trouvaient ?
Le débat sera-t-il possible ici ? En vous écoutant, monsieur le ministre, j'ai douté un moment.
Comment pouvez-vous céder à la tentation d'amalgames aussi grossiers ? Les OGM, le génie génétique, les biotechnologies, tout cela, c'est la même chose pour vous ? Que croyez-vous prouver en rappelant qu'on utilise depuis plus de vingt ans, en milieu confiné, des levures et cellules génétiquement modifiées pour produire des facteurs de coagulation ou de l'insuline ? Que penseriez-vous d'un scientifique qui justifierait le recours à l'arme nucléaire ou la dissémination tous azimuts de déchets nucléaires par le fait bien réel, et que personne ne conteste, qu'on peut tuer des cellules cancéreuses par l'irradiation ciblée, en milieu très protégé, des tissus malades ?
Monsieur le ministre délégué à la recherche - l'absence des ministres de l'agriculture, de la santé et de l'écologie reste totalement mystérieuse à mes yeux -, vous avez également jugé bon de nous faire rêver un peu, invoquant l'utilité des OGM pour faire reculer la faim ou faire en sorte que les cochons qui empoisonnent la Bretagne excrètent moins de phosphates.
Quelle crédulité, monsieur le ministre ! Une crédulité inattendue, à vrai dire, chez un homme aussi expérimenté que vous : en d'autres temps, vous auriez cru aux avions renifleurs ! La réalité est tout autre : la quasi-totalité des dossiers d'autorisation concerne des plantes rendues résistantes aux herbicides ou qui se comportent elles-mêmes comme des herbicides.
Enfin, ce texte ne répond pas réellement aux exigences des directives 98/81/CE et 2001/18/CE.
Il faut bien préciser de quoi on parle, monsieur le rapporteur. Vous avez tenu à préciser que la directive 2001/18/CE avait été négociée alors que vos amis n'étaient pas aux responsabilités ; j'en conviens.
Je regrette d'ailleurs que vous n'ayez pas jugé utile de me rencontrer. J'ai eu, en effet, à gérer et à assumer les conséquences de décisions prises en 1996 par le gouvernement de M. Alain Juppé : il avait demandé et autorisé la commercialisation mais pas la mise en culture d'un maïs Bt. Le Conseil d'État a confirmé la compétence liée ; j'ai dû l'assumer. J'ai eu à conduire, pendant la présidence française de l'Union européenne, au cours de l'été 2000, la procédure de co-décision entre le Conseil et le Parlement européen.
J'aurais pu vous expliquer quelles difficultés avait rencontrées le Conseil, très réservé sur les OGM, face au Parlement européen, qui ne partageait pas cette prudence.
J'aurais pu vous expliquer comment j'ai, au nom du gouvernement français, engagé la France, aux côtés de l'Allemagne, du Danemark, de l'Italie, de la Grèce, de la Belgique, dans la voie d'un moratoire européen, qui fit l'objet d'un contentieux devant l'OMC.
Comme vous le savez, le panel de l'OMC a donné largement raison aux Européens, reconnaissant notamment ceci : « Si de nouvelles preuves scientifiques apparaissent qui contredisent les faits scientifiques disponibles et qui concernent directement les produits transgéniques en phase d'autorisation, nous pensons qu'il pourrait être justifiable de suspendre toutes les autorisations en cours le temps d'évaluer les nouvelles preuves ». Encore faut-il disposer des informations, même si elles ont été conduites dans l'ombre des laboratoires des firmes.
Je veux le dire ici avec la plus grande netteté : la directive européenne n'a pas pour objet d'encourager l'usage des OGM ni de demander aux gouvernements de sacrifier leur agriculture. Elle propose d'encadrer cette pratique, avec une obsession, la transparence, et deux exigences, la santé et l'environnement.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Mme Dominique Voynet. Si mon propos vous semble tellement insupportable et tellement douloureux à entendre, mes chers collègues de la majorité, c'est le moment d'aller prendre un café !
Protestations sur les mêmes travées.
Deux questions méritent d'être posées : pourquoi les OGM en agriculture ? Pourquoi un projet de loi ?
Pourquoi les OGM ? S'agit-il de répondre aux attentes des consommateurs, qui saliveraient à l'idée de découvrir de nouveaux goûts, de nouvelles textures ? Bien sûr que non ! Ils sont hostiles, pour une partie non négligeable d'entre eux, prudents, à une écrasante majorité, et interloqués de constater que tant de moyens sont développés pour protéger les intérêts de quelques firmes et leur permettre de revendiquer la propriété commerciale d'éléments du patrimoine de l'humanité.
Dans un contexte marqué par des « controverses passionnées et irrationnelles » - ce sont vos propres mots, monsieur le ministre ! - ces citoyens, ces consommateurs, sont probablement victimes de la scandaleuse désinformation d'« obscurantistes faucheurs » !
Soyons sérieux, monsieur le ministre ! Les ONG disposent de beaucoup moins de moyens que vous, que Limagrain ou Monsanto, que les grandes coopératives agricoles, pour informer et influencer le citoyen.
S'agit-il de faire reculer la faim ? Non plus ! Il faut d'ailleurs souligner que les industriels, qui invoquaient, la main sur le coeur, le sort des enfants affamés du continent africain, se sont faits plus discrets sur ce terrain. Plus discrets que vous, qui semblez ignorer que ce n'est pas pour des céréales moins gourmandes en eau ou pour des riz enrichis en vitamines diverses qu'on dépose des brevets !
S'agit-il de limiter l'usage des pesticides, herbicides ou insecticides ? Évidemment pas ! Au lieu d'apporter avec doigté et mesure les produits nécessaires à la plante aux différentes étapes de sa croissance, on se propose de la gorger du pesticide maison, vendu « en kit » avec la semence, apporté en une seule fois, idéalement par voie aérienne. C'est « super » ! On cultive des surfaces plus importantes, avec moins de travail humain.
Cependant, est-ce une si bonne nouvelle pour des pays dont la plus grande partie de la population vit de l'agriculture ? Est-ce un si grand progrès de proposer à des paysans habitués depuis toujours à sélectionner et reproduire leurs semences d'acheter au prix fort les semences OGM ?
S'agit-il de renforcer l'agriculture ? On manque évidemment de recul pour apprécier l'impact des OGM en Europe, mais il faut regarder ce qui se passe ailleurs. En Argentine, par exemple, où le soja transgénique a été introduit il y a dix ans, les 710 000 actifs que comptait ce secteur en 1996 ne sont plus que 257 000 aujourd'hui, soit trois fois moins.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que la transparence doit être assurée, que l'information doit être totale. N'avez-vous pas demandé à la Commission européenne, par une note qui n'avait pas vocation à être rendue publique, que l'article 25 de la directive 2001/18/CE soit interprété d'une façon plus conforme aux intérêts des firmes ? C'est en Allemagne qu'ont été publiées des données démontrant que l'ingestion de maïs MON 863 par des rats n'était pas exempte de conséquences sur leur santé. Pourquoi ce silence ?
Prenez des initiatives, monsieur le ministre ! Ouvrez le débat ! De quoi, de qui avez-vous peur ? Pas de José Bové, tout de même !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je n'ai pas l'intention de chercher à amender votre projet de loi. Il est faible, parce qu'il n'apporte aucune réponse concrète aux problèmes posés par la cohabitation des cultures et ne mentionne même pas le principe de précaution ; il est dangereux, parce qu'il consacre le droit des firmes face aux besoins des peuples. Il doit être retiré.
La charte de l'environnement a été votée en grande pompe, à Versailles, il y a un an à peine. Je ne résiste pas au plaisir de vous en rappeler les principaux considérants.
« Considérant,
« Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ;
« Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ;
« Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;
« Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;
« Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ; ».
Ce ne sont que des mots, mais ils nous obligent, et nous conduiront à revenir sur les dispositions qui nous sont proposées aujourd'hui. Le plus tôt sera le mieux, monsieur le ministre, pour les citoyens et pour la planète !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Je vais apporter quelques éléments de réponse aux différents orateurs. J'aurai bien entendu l'occasion, lors de l'examen des articles, de répondre plus en détails.
Monsieur le rapporteur, vous avez bien fait de dire que nous courrions le risque d'accumuler un retard en matière de recherche et que nous donnions de nous au reste du monde une image assez peu flatteuse, du fait d'un certain nombre d'actes qui sont particulièrement condamnables. Vous avez bien fait, également, de rappeler, parce que c'est une réalité historique, que les directives dont nous parlons ont été adoptées sous une autre législature, qu'on le veuille ou non.
Monsieur Le Cam, vous avez critiqué - j'en ai l'habitude, venant de vous - le renvoi aux décrets. Il faudrait que vous vous habituiez enfin à notre Constitution, en vigueur depuis 1958 et dont l'article 34 établit une ligne de partage entre la loi et le décret : certaines dispositions sont législatives, d'autres, réglementaires.
Vous avez fait une mauvaise interprétation de nos intentions en ce qui concerne la confidentialité des données : on ne peut évidemment opposer un quelconque secret commercial ou industriel quand il s'agit de questions touchant à la santé humaine ou à l'environnement.
Je passe sur les intentions que vous prêtez aux grands groupes internationaux. Nous avons entendu ce type de propos à plusieurs reprises, dans la bouche de Mme Voynet voilà quelques instants.
Les grands groupes internationaux, c'est une chose, un texte de loi, c'en est une autre. Quand des normes précises sont posées par une loi, chacun s'y soumet, agriculteurs, petits entrepreneurs, simples citoyens ou responsables de grands groupes internationaux. C'est cela, la vertu de la loi dans une République : nous sommes un certain nombre à y croire profondément.
Monsieur Christian Gaudin, vous avez à très juste titre rappelé l'ancienneté de la pratique de l'amélioration génétique : si les technologies étaient, certes, différentes, l'intention était la même qu'aujourd'hui, à savoir la création d'espèces qui, antérieurement, n'existaient pas.
Vous avez rappelé aussi un certain nombre de grandes vérités scientifiques élémentaires. À entendre certains discours, on se rend compte que ces rappels étaient nécessaires, comme le rappel de cette évidence : l'absorption d'aliments issus de végétaux ou d'animaux dont les gènes ont été modifiés n'a aucun impact sur le patrimoine génétique de celui qui les ingère.
Monsieur Pastor, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Vous avez évoqué un rapport du Sénat auquel vous avez apporté une contribution éminente. Or il se trouve que les conclusions de M. le rapporteur et les miennes ne rejoignent pas les vôtres. Pour notre part, nous nous situons dans la droite ligne des conclusions du Sénat et de l'Assemblée nationale, qui s'inspirent directement de vos travaux.
S'agissant des dépenses de recherche, nous n'allons pas refaire le débat, ô combien positif, que nous avons eu au sein de la Haute Assemblée lors de l'examen de la loi de programme pour la recherche. Les dépenses de recherche en matière de sciences du vivant, comme dans les autres domaines, sont en progression. Du point de vue budgétaire, je rappelle que les sciences du vivant « se taillent la part du lion », puisqu'elles représentent environ 40 % de la totalité des dépenses publiques de recherche : cela montre bien notre volonté d'éclairer ce grand débat sur les OGM. Environ 60 millions d'euros de dotations sont prévus pour financer des programmes de l'Agence nationale de la recherche, récemment créée, qui concernent de près ou de loin le débat qui nous occupe à présent.
Je suis d'accord avec vous sur ce point : il est tout à fait certain que la recherche doit éclairer les questions que vous vous posez, les uns et les autres, sous des formes parfois différentes.
Monsieur Barraux, vous avez fait preuve d'une grande ouverture d'esprit et d'une totale absence d'a priori à l'égard de ce texte. Vous avez ainsi rappelé un certain nombre de vérités, qui tiennent du simple bon sens, et je ne résiste pas au plaisir d'en citer une : « L'ignorance crée l'affabulation et les fantasmes ». Il était utile que cela fût dit !
J'ai eu un peu de mal à saisir le sens de la conclusion de M. Fortassin, car il semblait hésiter entre diverses positions.)
Je souhaite lui rappeler que les plantes stériles ne sont pas l'apanage exclusif des OGM puisqu'on peut également en créer par des croisements obtenus à l'aide des technologies traditionnelles. Il n'y a donc pas de spécificité des OGM de ce point de vue.
Madame Férat, comme vous l'avez dit, l'information scientifique est la clef du débat et il est absolument nécessaire de s'en servir pour éclairer nos concitoyens.
MM. Gérard César et Dominique Mortemousque approuvent.
M. Raoul a exposé des arguments assez proches de ceux de M. Pastor, ce qui n'étonnera personne.
La définition des OGM existe d'ores et déjà dans la loi et le texte que nous examinons actuellement la précise. Ainsi, les termes de « dissémination volontaire » figurent en tant que tels dans la directive. Nous n'avons donc pas innové : nous nous sommes conformés strictement à la directive.
S'agissant du fonds de garantie, je pense que nous aurons de longues discussions sur le sujet. Loin d'épuiser à lui seul toutes les questions de responsabilité, qui peuvent être nombreuses et diverses, il vise un type particulier de responsabilité. Là encore, nos débats permettront d'éclairer la réalité des faits.
M. Ambroise Dupont a également posé une question fondamentale : les OGM constituent-ils une avancée pour les hommes ? Il est vrai que c'est une bonne question. En effet, si les OGM ne procurent pas d'avantages, pourquoi faudrait-il y recourir ? Mais il nous faut aussi garder l'esprit ouvert et ne pas oublier que la recherche peut nous permettre de progresser, dans ce domaine comme dans d'autres.
Vous avez eu raison, monsieur Dupont, de poser la question de la nature du fonds de garantie. En effet, si la seule existence des OGM ne constitue pas un préjudice, ceux-ci peuvent en revanche être à l'origine, sur le plan économique, d'une perte de valeur qu'il conviendra d'indemniser.
En ce qui concerne le maïs Bt et la production de toxine insecticide, les études sont nombreuses. En tout état de cause, la disparition de cette toxine dans le sol, par métabolisme, est infiniment plus rapide que celle de tout autre produit, notamment d'origine chimique.
Vous avez également réaffirmé la priorité de la recherche. Vous avez d'ailleurs été nombreux à le faire, mesdames, messieurs les sénateurs, à très juste titre.
M. Laffitte, comme à son habitude, s'est fait l'apôtre de la science et de la recherche, en évoquant d'autres sujets qui y sont liés et dont les problématiques, assez voisines, concernent notre débat, comme les biocarburants et l'utilisation de plantes pour d'autres usages que l'alimentation.
Vous avez eu raison, monsieur le sénateur, de fustiger l'obscurantisme et de rappeler que nous aspirons à une diffusion de la culture scientifique et technique. Nous en avons besoin, en effet, ne serait-ce que pour éclairer le présent débat.
Monsieur Soulage, vous avez bien fait d'affirmer le principe de coexistence des formes d'agriculture. Il s'agit en effet d'un droit, qui doit être reconnu : nos agriculteurs doivent pouvoir choisir la forme d'agriculture qu'ils souhaitent pratiquer.
Vous vous êtes dit convaincu qu'il ne fallait pas se fermer au progrès et avez évoqué d'autres possibilités pour alimenter le fonds de garantie. Je suis pour ma part très ouvert à ces propositions, sur lesquelles nous reviendrons à l'occasion de la discussion des amendements.
Monsieur Desessard, vous avez eu des phrases définitives.
Ainsi, vous avez prétendu que les agriculteurs ne voulaient pas des OGM. Or il se trouve que la principale organisation représentative des agriculteurs dans notre pays est favorable au développement des OGM, à condition bien sûr que soient respectées un certain nombre de précautions. Mais nous sommes tous des partisans du principe de précaution.
Nos informations sont donc divergentes.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, une de vos phrases m'a particulièrement choqué. Vous avez dit textuellement et de façon catégorique : « Le progrès menace la planète ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que cette phrase mérite réflexion et je vous invite à considérer la portée philosophique d'une telle pétition de principe.
Nous avons, monsieur le sénateur, une divergence fondamentale à cet égard. Chacun peut légitimement penser ce qu'il veut. Pour notre part, nous avons des principes différents des vôtres et ils sont, je crois, partagés par la majorité de cette assemblée : nous croyons au progrès, un progrès contrôlé et évidemment respectueux de l'environnement et de la santé de nos compatriotes. Oui, nous pensons que le progrès existe et qu'il est souhaitable !
Monsieur Pointereau, vous acceptez, vous aussi, les apports de la science, et vous avez eu raison de le dire. Vous en appelez à la fiabilité de la recherche, c'est en effet un point essentiel.
Je suis totalement d'accord avec vous quand vous évoquez la nécessité de rassurer les consommateurs. L'éclairage scientifique peut y contribuer.
Madame Voynet, vous avez qualifié de mascarade l'examen de ce texte par les assemblées parlementaires.
J'ai l'impression que de tels propos deviennent habituels par les temps qui courent. Et pourtant, dans une démocratie, à qui revient la tâche de fixer les termes de la loi, et ce dans tous domaines, sur tous les sujets, sinon au Parlement, élu démocratiquement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Quel lieu de débat est-il plus ouvert, plus transparent et plus démocratique que le Parlement, c'est-à-dire le Sénat et l'Assemblée nationale ? C'est en ces lieux que doivent s'échanger les arguments des uns et des autres. C'est là que se pratique la démocratie, c'est là que nos concitoyens peuvent être éclairés !
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
C'est en tout cas en ces lieux que réside la légitimité pour arrêter des décisions.
Madame la sénatrice, vous avez fait état de jugements, au demeurant fort peu nombreux. Je vous rappelle que le Parquet a fait appel de ces jugements.
Par ailleurs, je répéterai que nous ne sommes ni pour ni contre les OGM. Nous voulons simplement que des dispositions législatives soient prises afin de mettre en oeuvre le principe de précaution, d'envisager objectivement, scientifiquement les menaces et les risques éventuels pour la santé ou pour l'environnement, puis d'en informer la société. Tel est notre projet.
Je réfute d'emblée et catégoriquement les procès d'intention que vous avez faits, car j'estime qu'il n'est pas légitime de considérer nos positions comme systématiquement hostiles à l'intérêt des consommateurs et des citoyens. Même si telle est votre opinion, vous ne pouvez pas vous appuyer sur cet a priori pour qualifier un projet de loi qui est avant tout et principalement un texte de protection et de mise en oeuvre du principe de précaution.
Enfin, Mme Voynet et M. Desessard ont évoqué un article de presse paru il y a quelque temps et relatant des essais effectués sur des rats ayant consommé du maïs MON 863 et présentant un certain nombre de symptômes. En vérité, le seul fait que l'on peut reprocher à la société Monsanto, c'est d'avoir tenu secrets ces essais et l'étude nutritionnelle en question ! (M. Jean Desessard et Mme Dominique Voynet s'esclaffent.) Justement, le principe de transparence figure en tant que tel dans ce projet de loi : plus rien ne sera donc caché à nos concitoyens. C'est ainsi que nous rétablirons la confiance !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
En l'occurrence, ces animaux provenaient d'une lignée de rats qui présentaient tous une anomalie des reins, due à la faiblesse de leur taille et non à une quelconque consommation d'OGM.
Il faut savoir utiliser à bon escient les éléments scientifiques et fournir des informations complètes !
Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt-et-une heures trente.