Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque vous effectuez une recherche sur Internet à propos des organismes génétiquement modifiés, vous obtenez deux catégories de sites : ceux qui vous les présentent comme l'avenir d'un nouveau monde radieux et ceux qui vous mettent en garde contre les horreurs qu'ils recèlent. Entre ces deux approches, il n'y a rien !
Les organismes génétiquement modifiés sont devenus un symbole, symbole d'une époque qui fait peur, où chaque pas semble nous entraîner vers l'inconnu. Pour nombre de nos concitoyens, les OGM évoquent surtout la fable de l'apprenti sorcier. Pouvons-nous vraiment les blâmer quand nous lisons, ici et là, des histoires à propos de fruits qui ne pourrissent jamais ou qui ne gèlent plus, ou encore de saumons génétiquement modifiés pour être plus gros et moins manger ?
Dans un tel climat, les fantasmes prennent le pas sur l'information, chaque camp soupçonnant l'autre des plus noirs desseins. Dépassionner le débat est donc le préalable nécessaire à toute réflexion sereine.
Pour illustrer le phénomène des OGM, je citerai quelques chiffres significatifs.
La surface mondiale des cultures de plantes transgéniques a couvert 90 millions d'hectares en 2005. Depuis 1996, elle a augmenté de 11 % par an en moyenne. Entre 2003 et 2004, sa croissance fut de 20 %. Les six principaux producteurs de plantes transgéniques, tous non européens, cultivent 94, 8 % de la surface consacrée aux plantes génétiquement modifiées. En 2005, le nombre des pays cultivateurs de plantes génétiquement modifiées a progressé de quatre unités, pour passer à vingt et un. Parmi ces nouveaux entrants, la France et le Portugal ont repris la culture du maïs Bt en 2005, après respectivement quatre et cinq ans d'arrêt, ce qui porte à cinq le nombre des pays de l'Union européenne commercialisant ce type de maïs.
Ces chiffres le prouvent : les OGM et les PGM font maintenant partie de notre quotidien.
Une telle expansion rend caduc le débat manichéen opposant les défenseurs et les adversaires des OGM. Désormais, la question se pose en termes de maîtrise : maîtrise savante par la connaissance scientifique, maîtrise citoyenne par le contrôle des finalités recherchées.
Avec le projet de texte qui nous est soumis, le Gouvernement s'inscrit bien dans cette voie puisqu'il conforte la recherche et accroît l'information du citoyen. Il promeut le dialogue entre ces deux mondes, en réunissant, dans une instance unique, une section scientifique et une section sociale et économique. Il serait d'ailleurs intéressant de préciser comment celles-ci s'articulent, même si je présume que la section scientifique sera garante de la sécurité et que la section économique et sociale pourra, quant à elle, orienter sa réflexion vers la finalité des produits présentés, sans se limiter à leurs seules conséquences économiques.
Sur le fond, je ne doute pas que l'on se soit posé la question somme toute essentielle : les OGM, pour quoi faire ? En effet, quelle est leur véritable finalité : abaisser les coûts de revient, développer des produits commerciaux, améliorer la vie des hommes ?
« En doutant, on atteint la vérité », écrivait Cicéron. Il n'est donc pas interdit de douter du bien-fondé des OGM. Ceux-ci n'ont en effet de sens que s'ils représentent une avancée pour les hommes, laquelle, pour l'instant, n'est pas totalement démontrée.
Le Gouvernement, lui-même, n'est pas exempt d'un certain doute, comme en témoigne sa volonté de créer un fonds d'indemnisation pour les exploitants de cultures non génétiquement modifiées. Il laisse ainsi entendre que les OGM pourraient constituer un préjudice donnant lieu à indemnisation. Le caractère limité dans le temps de ce fonds n'a-t-il pour justification que de rassurer et d'en montrer, finalement, l'inutilité ? N'entraînera-t-il pas des expertises complexes, ainsi que des difficultés supplémentaires, pour les agriculteurs comme pour les consommateurs ? Par exemple, que deviendront nos AOC dans ce monde « OGMisé » ? N'oublions pas que la loi de 1990 a été votée à l'unanimité et que ses dispositions ont été reprises par l'Europe. Dans ces conditions, comment protégerons-nous les AOC ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous exposer mes doutes, que je crois partagés par le public, me conduit à évoquer le délicat sujet de la transparence et de la circulation de l'information concernant les OGM et les biotechnologies.
Dans son projet de loi, le Gouvernement, à juste titre, pose clairement les règles d'information du public. Un effort immense d'explication est en effet nécessaire à l'égard des citoyens consommateurs. Cet effort incombe aux pouvoirs publics, mais aussi aux professionnels des différentes filières des biotechnologies. Je conçois qu'il soit très difficile pour les néophytes d'appréhender des sujets aussi techniques et complexes que « l'incidence du gène Bt sur la contamination du maïs par les mycotoxines ». Pourtant, il faut nous attacher à expliquer, clairement et honnêtement, les bénéfices et les risques des OGM.
Aussi les pouvoirs publics devraient-ils prendre l'initiative de publier des documents d'information et d'explication. À mes yeux, il s'agit d'un complément nécessaire à l'étiquetage, qui, lui aussi, doit être clair.
J'ai conscience que le principe de transparence en matière d'OGM est une arme à double tranchant, car il est régulièrement utilisé à des fins malveillantes par les destructeurs d'essais en plein champ. Or, seuls ces essais permettent d'appréhender les effets des OGM sur l'environnement.