Les questions demeurent encore nombreuses et justifient donc la circonspection. L'exemple du maïs Bt en est une bonne illustration : il s'agit d'une plante modifiée pour résister aux insectes ravageurs tels que la pyrale ; ses propriétés de résistance sont bien supérieures à celles qui sont apportées par la lutte biologique ou chimique. Selon le rapport de l'AFSSA publié en 2004, le maïs résistant aux insectes permet de diminuer considérablement la quantité de traitements insecticides.
À première vue, cela pourrait constituer une réponse aux pollutions de l'environnement que causent tous les produits phytosanitaires. Mais cette apparente solution soulève à son tour de nouvelles questions. C'est en effet désormais la plante qui produit son propre insecticide de manière continue. Finalement, le remède ne sera-t-il pas pire que le mal ? Par essence, une telle plante n'est-elle pas par essence toxique ? Quels en seront les effets à long terme sur le corps humain ?
De telles questions restent sans réponse, car nous n'avons pas le recul nécessaire pour pouvoir présenter des travaux concluants. À l'heure actuelle, les tests sur la toxicité de ces plantes restent insuffisants et leur diffusion encore très confidentielle.
D'une manière générale, le silence génère la peur. Informer, c'est restaurer la confiance ; associer à la prise de décision, c'est responsabiliser. Il me semble donc essentiel, malgré les risques, d'exiger une transparence totale sans, bien entendu, porter atteinte au secret industriel.
Répondre aux questions, informer, assurer la transparence, tout cela suppose nécessairement un développement vigoureux de la recherche scientifique, qui est le préalable à toute maîtrise en la matière. Cependant, si la recherche fondamentale est nécessaire pour ouvrir la voie de la connaissance et de l'innovation, la recherche appliquée, organisée et maîtrisée, avec des buts définis, l'est tout autant.
Il faut donc s'orienter vers un approfondissement des connaissances sur les OGM, pour pouvoir disposer d'une évaluation exhaustive de leurs avantages, de leurs inconvénients et des critères objectifs pour décider de leur utilisation. En effet, nous ne pouvons nous en remettre uniquement aux lois du marché pour juger de la pertinence des innovations et des suites à leur donner.
Monsieur le ministre, le projet de loi de programme pour la recherche, adopté par le Sénat le 21 décembre 2005, a prévu les conditions de la mise en oeuvre d'une politique de recherche offensive et ambitieuse. Une réflexion particulière devrait être consacrée aux biotechnologies. À cet égard, je fais mienne l'idée d'un « Grenelle des biotechnologies » qui a été lancée.
Pour que la France devienne un acteur majeur des biotechnologies, il faut faire preuve d'une volonté stratégique forte.
Notre pays fut parmi les pionniers en la matière. Il fut notamment le premier à mettre en place, dès avant 1990, des mesures d'évaluation des risques liés aux OGM. Mais le climat conflictuel et le simplisme binaire du « pour ou contre » ont fini par provoquer un certain désintérêt. Ainsi, le nombre d'essais baisse, les chercheurs ne sont plus motivés, faute de perspectives de carrière, et les soutiens nationaux faiblissent.
Malgré tout, l'exemple de la Belgique montre que la tendance peut être inversée : érigeant les biotechnologies en priorité, ce pays a battu le rappel de ses chercheurs exilés à l'étranger, en leur offrant des salaires et des équipements équivalents.
Du reste, faute de relancer les investissements dans les biotechnologies, la France en perdra la maîtrise et se condamnera à la dépendance.