Intervention de Jean-Marc Mormeck

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 8 février 2018 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marc Mormeck délégué interministériel pour l'égalité des chances des français d'outre-mer

Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer :

Je ne suis pas le plus compétent pour parler du sport, ma fonction depuis vingt mois étant surtout de transposer les actions réalisées en métropole dans les outre-mer, pour une réelle égalité des chances. J'espère que ma venue ici permettra à la délégation interministérielle de disposer de davantage de ressources, puisque nous sommes peu dotés et utilisons surtout notre réseau relationnel.

Je suis né en Guadeloupe et suis venu en métropole à l'âge de six ans, afin de rejoindre mon père pour ce que je pensais être des vacances... Je suis resté et j'ai grandi à Bobigny, dans un quartier prioritaire. À 13 ans, j'ai décidé d'être champion du monde de boxe, alors qu'à l'époque tout se passait aux États-Unis. Je jouais au football comme mon père, puis je me suis rendu dans un club de boxe où l'entraîneur m'a appris la rigueur et le respect des règles ; sinon c'était la porte. J'ai progressé en respectant ces valeurs. Mon père me voyait champion de France ; je le suis devenu en 1997. On voulait que je prépare d'abord les championnats d'Europe, mais j'ai directement participé aux championnats du monde et, le 23 février 2002 à Rennes, je combattais la légende Virgil Hill. J'étais donné perdant contre le champion du monde mais j'ai gagné car je voulais, à mon tour, devenir une légende.

Selon moi, il faut vivre ses rêves et non rêver sa vie. Nous sommes tous égaux par les rêves et on peut aussi les matérialiser, ce que j'ai fait. En août 2002, j'ai défendu mon titre. Je suis ensuite parti aux États-Unis où j'ai combattu dans de grandes soirées de boxe, signant avec Don King, le producteur de Mohamed Ali et de Mike Tyson. Je me suis enrichi. Que pouvais-je apporter aux jeunes, hormis du rêve ? J'ai patrouillé avec la police de Cleveland, dans l'Ohio, et je me suis renseigné sur le système judiciaire américain. En 2007, je suis rentré en métropole. J'ai soigné mon apparence et j'ai frappé aux portes des télévisions pour organiser des combats de boxe et me produire dans des salles de 6 000 personnes, notamment des personnalités politiques et des chefs d'entreprise. Je me suis constitué un vrai réseau.

À la fin de ma carrière, il y a trois ans, Patrick Karam et Victorin Lurel m'ont proposé le poste de délégué interministériel. J'ai accepté, entouré d'une petite équipe. Comment aider les jeunes d'outre-mer ? Je les ai écoutés. Ils avaient besoin de stages, de formations, de contrats d'apprentissage, de travail... J'ai monté une plate-forme pour que les jeunes d'outre-mer et des banlieues puissent rencontrer les chefs d'entreprise. Alexandre Bompard, ancien de Canal Plus et patron de la FNAC, m'a transmis les offres de la FNAC et les a déposées sur la plate-forme. Désormais, une vingtaine de sociétés y déposent leurs offres, pour presque tous les corps de métier. Une association gérée en outre-mer aide les jeunes à refaire leur CV et à se prendre en main, avant d'aller sur la plate-forme pour déposer leur dossier. Ils sont suivis de près. Nous avons pu aussi agir dans le Pacifique, où il y avait des problèmes de sécurité sociale. Parfois, ces jeunes d'outre-mer ont un sentiment d'injustice, ils ne se sentent pas français lorsqu'ils sont en métropole. J'ai aussi rencontré Jacques Toubon, le Défenseur des droits, et suis intervenu pour des cautions bancaires. Compte tenu du nombre de jeunes concernés, il nous faudrait plus de moyens car notre budget se limite à 100 000 euros. Nous avons sauvé l'équipe de foot de Bobigny que le nouveau maire, récemment élu, voulait supprimer pour créer un club élitiste. Nous devons valoriser le travail de ces jeunes ; l'argent ne se donne pas, il se gagne. Je leur ai demandé une estimation des sommes nécessaires et un cahier des charges pour lever des fonds. J'ai appelé Philippe Peyrat, membre du fonds d'investissement d'Engie, qui a apporté les fonds pour sauver le club.

Nous essayons d'aider ces jeunes avec 2, 3 ou 10 000 euros, mais l'essentiel est le travail relationnel. J'ai rencontré le président Hollande. Depuis trente ans, la politique de la ville ne fonctionne pas. Auparavant, les jeunes partageaient les mêmes codes et avaient l'impression d'être compris. Comme pour les outre-mer, la politique de la ville ne doit pas se résumer uniquement à un changement de façade. Il y a un besoin d'écouter les jeunes, de les former.

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