Délégation sénatoriale aux outre-mer

Réunion du 8 février 2018 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • interministériel
  • outre-mer
  • sportif

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Nous sommes heureux d'accueillir M. Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer, afin qu'il nous fasse part de son travail et de son expérience auprès de la jeunesse des outre-mer afin d'enrichir nos travaux. Je vous prie d'excuser notre président, M. Michel Magras, qui a dû retourner à Saint-Barthélemy.

Dans la perspective des prochains événements sportifs, et notamment des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, et en considérant la contribution notoire des outre-mer à l'excellence nationale, notre délégation s'intéresse aux parcours offerts aux jeunes sportifs ultramarins visant la haute performance, ainsi qu'au rayonnement des territoires à travers le sport. Notre étude s'intéressera aussi à la place du sport dans les politiques de santé publique, et aux enjeux du développement de la pratique sportive comme vecteur d'insertion sociale. Élus, nous savons combien la pratique sportive est vertueuse : elle canalise les énergies et inculque le respect des règles et de l'autre. C'est particulièrement important lorsqu'il s'agit de jeunes, souvent fortement touchés par le chômage.

Pour mener à bien cette étude, nous avons désigné quatre rapporteures : Mmes Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique, Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, Viviane Malet, sénatrice de la Réunion, et Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française. Viviane Malet, élue de la commune de Saint-Pierre submergée par les eaux lors du passage récent du cyclone Berguitta, est excusée : elle a dû retourner dans son île.

C'est à double titre que nous vous entendons, pour l'action que vous menez auprès des jeunes ultramarins et aussi eu égard à votre parcours personnel. Originaire de la Guadeloupe, vous avez grandi en Seine-Saint-Denis et vous vous êtes passionné très tôt pour la boxe. Cette passion et beaucoup de travail vous ont permis de tutoyer les sommets : vous avez remporté à six reprises le titre de champion du monde. Ainsi, vous faites partie des ultramarins qui ont honoré notre pays à l'échelle internationale. Les services que vous avez rendu à notre pays ne s'arrêtent pas là ; avant même d'exercer vos fonctions actuelles, vous avez utilisé votre notoriété comme un levier pour faire fructifier certaines valeurs auprès des jeunes originaires des outre-mer : la tolérance et l'écoute d'autrui, l'engagement et la persévérance et, au bout du chemin, l'excellence.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

Je ne suis pas le plus compétent pour parler du sport, ma fonction depuis vingt mois étant surtout de transposer les actions réalisées en métropole dans les outre-mer, pour une réelle égalité des chances. J'espère que ma venue ici permettra à la délégation interministérielle de disposer de davantage de ressources, puisque nous sommes peu dotés et utilisons surtout notre réseau relationnel.

Je suis né en Guadeloupe et suis venu en métropole à l'âge de six ans, afin de rejoindre mon père pour ce que je pensais être des vacances... Je suis resté et j'ai grandi à Bobigny, dans un quartier prioritaire. À 13 ans, j'ai décidé d'être champion du monde de boxe, alors qu'à l'époque tout se passait aux États-Unis. Je jouais au football comme mon père, puis je me suis rendu dans un club de boxe où l'entraîneur m'a appris la rigueur et le respect des règles ; sinon c'était la porte. J'ai progressé en respectant ces valeurs. Mon père me voyait champion de France ; je le suis devenu en 1997. On voulait que je prépare d'abord les championnats d'Europe, mais j'ai directement participé aux championnats du monde et, le 23 février 2002 à Rennes, je combattais la légende Virgil Hill. J'étais donné perdant contre le champion du monde mais j'ai gagné car je voulais, à mon tour, devenir une légende.

Selon moi, il faut vivre ses rêves et non rêver sa vie. Nous sommes tous égaux par les rêves et on peut aussi les matérialiser, ce que j'ai fait. En août 2002, j'ai défendu mon titre. Je suis ensuite parti aux États-Unis où j'ai combattu dans de grandes soirées de boxe, signant avec Don King, le producteur de Mohamed Ali et de Mike Tyson. Je me suis enrichi. Que pouvais-je apporter aux jeunes, hormis du rêve ? J'ai patrouillé avec la police de Cleveland, dans l'Ohio, et je me suis renseigné sur le système judiciaire américain. En 2007, je suis rentré en métropole. J'ai soigné mon apparence et j'ai frappé aux portes des télévisions pour organiser des combats de boxe et me produire dans des salles de 6 000 personnes, notamment des personnalités politiques et des chefs d'entreprise. Je me suis constitué un vrai réseau.

À la fin de ma carrière, il y a trois ans, Patrick Karam et Victorin Lurel m'ont proposé le poste de délégué interministériel. J'ai accepté, entouré d'une petite équipe. Comment aider les jeunes d'outre-mer ? Je les ai écoutés. Ils avaient besoin de stages, de formations, de contrats d'apprentissage, de travail... J'ai monté une plate-forme pour que les jeunes d'outre-mer et des banlieues puissent rencontrer les chefs d'entreprise. Alexandre Bompard, ancien de Canal Plus et patron de la FNAC, m'a transmis les offres de la FNAC et les a déposées sur la plate-forme. Désormais, une vingtaine de sociétés y déposent leurs offres, pour presque tous les corps de métier. Une association gérée en outre-mer aide les jeunes à refaire leur CV et à se prendre en main, avant d'aller sur la plate-forme pour déposer leur dossier. Ils sont suivis de près. Nous avons pu aussi agir dans le Pacifique, où il y avait des problèmes de sécurité sociale. Parfois, ces jeunes d'outre-mer ont un sentiment d'injustice, ils ne se sentent pas français lorsqu'ils sont en métropole. J'ai aussi rencontré Jacques Toubon, le Défenseur des droits, et suis intervenu pour des cautions bancaires. Compte tenu du nombre de jeunes concernés, il nous faudrait plus de moyens car notre budget se limite à 100 000 euros. Nous avons sauvé l'équipe de foot de Bobigny que le nouveau maire, récemment élu, voulait supprimer pour créer un club élitiste. Nous devons valoriser le travail de ces jeunes ; l'argent ne se donne pas, il se gagne. Je leur ai demandé une estimation des sommes nécessaires et un cahier des charges pour lever des fonds. J'ai appelé Philippe Peyrat, membre du fonds d'investissement d'Engie, qui a apporté les fonds pour sauver le club.

Nous essayons d'aider ces jeunes avec 2, 3 ou 10 000 euros, mais l'essentiel est le travail relationnel. J'ai rencontré le président Hollande. Depuis trente ans, la politique de la ville ne fonctionne pas. Auparavant, les jeunes partageaient les mêmes codes et avaient l'impression d'être compris. Comme pour les outre-mer, la politique de la ville ne doit pas se résumer uniquement à un changement de façade. Il y a un besoin d'écouter les jeunes, de les former.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Quelles difficultés les jeunes sportifs des outre-mer rencontrent-ils dans leur parcours métropolitain ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

À titre personnel, j'ai grandi en métropole et ai subi le déracinement. Les jeunes devraient pratiquer leur sport dans les outre-mer et venir le plus tard possible en métropole, car l'adaptation est plus dure pour les plus jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Monsieur le délégué interministériel, votre cursus est impressionnant, et je vous félicite d'avoir pu accéder à vos fonctions actuelles. En tant que sénatrice de la Polynésie française, je vous remercie au nom de ma collectivité, car vous êtes intervenu, par le biais de ma collègue députée, ancienne ministre de l'éducation dans le gouvernement de la Polynésie française, Mme Nicole Sanquer, afin de solutionner la prise en charge de nos étudiants pour leur couverture sociale.

La délégation a commencé ses auditions par celle de la ministre des outre-mer, avant un déplacement à l'Insep. Nous y avons notamment rencontré de jeunes Polynésiens athlètes de taekwondo et une basketteuse de Mayotte, qui nous ont expliqué la difficulté des jeunes à quitter leur famille et la douceur du climat. Nous avons aussi assisté à une visioconférence avec les élus de La Réunion et quelques présidents de fédérations sportives de l'île. J'ai compris que votre budget n'était pas très important. Or, les élus ultra-marins que nous sommes cherchent des moyens pour nos actions en faveur du sport au sein de nos collectivités, qu'il s'agisse du sport à l'école, du sport facteur de santé ou de cohésion sociale.

Ma question est la suivante : comment amener d'autres sportifs ultramarins, guyanais, mahorais, guadeloupéens, polynésiens, au niveau national et les aider à monter sur le podium dans l'équipe de France ? Je suis élue depuis vingt ans et je rencontre les mêmes problèmes structurels que mes collègues dans leurs départements et collectivités respectives. Comment pouvons-nous améliorer les infrastructures sportives délabrées et faire venir de métropole des cadres techniques pour accompagner les jeunes et les faire accéder à la performance ? Comment pourriez-vous être notre interface avec les multiples ministères concernés de l'éducation, de la santé, de la cohésion des territoires et des solidarités. L'égalité des chances des Français d'outre-mer n'est pas encore une réalité et cela nous oblige à de nombreuses démarches lors de chacun de nos déplacements à Paris.

Donnez-nous un signe encourageant pour les départements et collectivités en faveur de la continuité territoriale telle qu'elle a été prévue dans la loi sur l'égalité réelle outre-mer. La prise en charge du transport de nos jeunes est essentielle pour assurer la continuité territoriale et les solutions doivent être adaptées aux caractéristiques propres des territoires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

Je n'ai pas vocation à remplacer Mme la ministre des outre-mer mais, en tant qu'ancien sportif de haut niveau, je peux faire le lien entre vous et les ministères des sports et des outre-mer. Nous avons récemment rencontré les basketteurs de Mayotte, car la délégation interministérielle s'occupe des jeunes ultra-marins qui arrivent en métropole. Nous nous sommes aussi rendus en Guadeloupe où un pôle handball est très bien géré et fournit des jeunes à l'équipe de France. À Mayotte, les sportifs s'entraînent sur du béton en l'absence de gymnase. Comment être performants sans structures adaptées ?

Personnellement, je pense que les échanges entre les deux ministères concernés devraient favoriser la mise en place des équipements nécessaires. Pour ma part, je peux appuyer les demandes des jeunes et suggérer des moyens pour les satisfaire. Mais, comme je le dis à leurs parents, les jeunes doivent partir de chez eux le plus tard possible, car le dépaysement est très rude.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Merci de votre exposé sur votre parcours et les moyens d'améliorer la situation, monsieur le délégué interministériel. J'ai un peu la même réaction que ma collègue concernant votre qualité de délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer. Avant d'être sénatrice voilà trois ans, je me suis fortement impliquée dans le milieu associatif, et j'ai toujours pensé que le sport était un facteur d'intégration. Ce vecteur doit donc être développé pour favoriser l'égalité des chances sur ces territoires.

Notre collègue Lana Tetuanui s'est demandé si vous pouviez être un guichet unique. Je pense que vous pouvez être un pôle de coordination entre les différents ministères. Notre étude est plus particulièrement axée sur le sport dans les outre-mer et les difficultés rencontrées tant par les associations que par les sportifs, qu'ils soient jeunes ou à l'heure de leur reconversion professionnelle après un parcours de réussite brillant ou plus ordinaire. L'Insep prévoit en général un double projet pour accompagner les athlètes.

Monsieur le délégué interministériel, avez-vous établi un plan d'action pour l'outre-mer, aussi bien sur le volet intégration que sur le volet santé avec la pratique du sport pour le plus grand nombre ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

Je m'occupe surtout des jeunes à leur arrivée en métropole, afin qu'ils s'insèrent dans un réseau favorable à leur bien-être et qu'ils puissent trouver un logement, une formation, etc. J'interviens aussi dans les banlieues en expliquant que le sport est un facteur d'intégration, de cohésion. Mais la parole ne suffit pas ; il faut aussi pouvoir accompagner les jeunes et trouver des solutions à leurs besoins. Toutefois, je ne dispose ni des moyens ni de compétences assez larges pour répondre à toutes les problématiques ; je reste dans le cadre de la mission qui m'a été confiée. Cependant, je n'hésite pas à frapper à la porte des ministres des sports et des outre-mer, sans ingérence toutefois dans la gestion de leurs dossiers, pour leur suggérer des pistes d'action.

L'ambassade américaine organise des programmes d'échanges depuis dix ans pour de jeunes sportifs. Pourquoi les outre-mer n'y ont-ils jamais été associés ? Estimant cela intolérable, je me suis rendu à plusieurs reprises à l'ambassade américaine pour que les jeunes d'outre-mer participent à ces échanges avec de jeunes Américains : trois jeunes de Guadeloupe et trois autres de Martinique partiront ainsi bientôt. C'est cela l'égalité des chances. Pour le reste, je ne peux que vous suggérer de m'aider !

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

J'ai bien compris que votre enveloppe budgétaire était restreinte, mais je ne pensais pas nécessairement à des actions coûteuses. Pour parvenir à l'égalité des chances, et dans le respect du portefeuille des autres ministères, il faut mettre en synergie les acteurs, notamment les associations qui oeuvrent dans le domaine du sport ou dans les banlieues. Leur expérience de terrain est importante pour dégager des orientations intéressantes dans les départements d'outre-mer et l'Hexagone, notamment en faveur du sport-santé, car les affections liées au manque de sport sévissent partout.

Pour favoriser la prise de conscience, il faut réunir l'ensemble des partenaires autour d'une table et y associer tous les ministères concernés. L'égalité des chances est une quête insatiable pour chacun d'entre nous eu égard à l'ampleur des difficultés sociales.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

J'avais bien compris votre question, madame la rapporteure, mais pour que j'intervienne, il faut que j'y sois convié. Sinon, la délégation interministérielle pourrait être accusée d'ingérence. On nous a d'ailleurs reproché d'être intervenus sur la problématique de la couverture sociale. Quant au dispositif d'échanges mis en place par l'ambassade américaine en faveur des jeunes, nous avons sollicité la ministre des sports pour y contribuer, mais sans succès. Nous nous sommes débrouillés autrement pour obtenir des fonds.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

J'ai pris conscience de vos difficultés, monsieur le délégué interministériel, à jouer le rôle de passerelle entre la ministre des sports et toutes les revendications des jeunes ultra-marins. Ma question est assez personnelle : vous avez dit être arrivé de la Guadeloupe en France à l'âge de six ans pour finalement « malheureusement » y rester. Pourquoi employer ce terme concernant votre parcours alors que vous avez très bien réussi votre carrière ? Pensez-vous que cette trajectoire soit douloureuse pour tous les jeunes ultra-marins ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

Je suis arrivé au mois d'octobre ; il faisait froid, ma famille était recomposée et la séparation subie avec mon territoire ! Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, d'où le terme « malheureusement ». Mais « heureusement », le sport m'a permis de réaliser un rêve. Aujourd'hui, je dis aux jeunes que, si l'on veut vraiment quelque chose, il faut s'en donner les moyens car on n'obtient rien sans travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Les réformes concernant l'apprentissage vont intervenir. Or, peu d'entreprises de notre territoire sont capables d'accorder un stage aux jeunes suivant un BTS en contrat de qualification ou en alternance, d'autant qu'une contrepartie financière est obligatoire. Faute de trouver un stage à la fin du premier semestre, nombre de jeunes sont contraints d'arrêter leurs études, alors qu'ils ont des projets et sont motivés. Certaines entreprises proposent même à des étudiants de renoncer à la moindre ressource financière. Il faudrait trouver des solutions.

Je suis aussi préoccupée par la précarité de nos étudiants en métropole. Les bourses ne sont pas suffisantes pour qu'ils vivent décemment et puissent se soigner, et beaucoup doivent abandonner leurs études. Lorsque leur famille connaît de grandes difficultés financières, ils préfèrent ne pas revenir, mais vivent dans des conditions déplorables.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

La plateforme que j'ai mise en place permet aux jeunes ultra-marins de trouver des formations au sein de grandes sociétés implantées outre-mer comme Veolia ou Orange. Il faut étendre son rayon d'action au-delà de la Martinique et de la Guadeloupe outre-mer pour que tous les étudiants aient les mêmes droits et profitent des dispositifs mis en place en métropole. J'ai même démarché la caisse d'allocations familiales (CAF) pour y parvenir. Nous travaillons avec les moyens du bord, mais nous faisons tout notre possible pour le bien-être des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

En tant qu'élus, nous rencontrons tous les mêmes problèmes dans nos collectivités respectives. Je pensais que nous pourrions solliciter le champion que vous êtes, monsieur le délégué interministériel, pour être une tête de pont et un coordonnateur, notamment pour l'obtention de financements. Par ailleurs, pourriez-vous intervenir auprès des fédérations nationales sportives pour renforcer le lien avec les fédérations locales et aider celles-ci au sein de chaque collectivité ultra-marine ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

Je ne saurais que vous conseiller de me saisir des difficultés que vous rencontrez et de me faire part de vos besoins. J'ai ainsi pu agir lorsque m'ont été confiés certains problèmes en matière de sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

J'avoue connaître davantage votre carrière de champion, exceptionnelle, que les missions qui vous sont précisément dévolues comme délégué interministériel. Jusqu'aux années 1990, les clubs sportifs d'envergure nationale se déplaçaient en outre-mer pour recruter des talents et les jeunes sélectionnés partaient en métropole sous leur égide. Désormais, les parents rêvent pour leur enfant un avenir de champion ou, à tout le moins, de sportif professionnel, notamment en football. Malgré des moyens financiers souvent contraints, ils accompagnent leur progéniture sur les terrains, en stage jusqu'en Europe, sans songer au revers de la médaille que représente le taux d'échec élevé à l'issue de ces parcours. À rebours de l'esprit des Creps, qui prône pour les jeunes de moins de seize ans un double projet, à la fois scolaire et sportif, la course au contrat avec un club, chez certaines familles, conduit à privilégier le seul avenir sportif. Or, et notamment à l'arrivée en métropole, les échecs, je le répète, sont fréquents à l'issue d'un essai au sein d'un club. Nous ne disposons hélas pas d'un observatoire chargé de mesurer précisément le taux d'échec des enfants d'outre-mer partis en métropole à la recherche d'un eldorado sportif. Cette veille entre-t-elle dans votre champ de compétence ? Serait-il envisageable, à défaut de disposer directement des moyens d'agir, de vous confier une mission d'alerte sur les risques encourus par des jeunes et des familles souvent mal préparés aux réalités du sport professionnel ? Tant de jeunes de moins de quinze ans s'entraînent quotidiennement sur nos terrains de football ! Le sport n'apparaît plus tant comme un facteur de bien-être et de cohésion que comme un instrument de réussite sociale. Pourtant, moins de 1 % de ces jeunes réussiront un jour à vivre décemment du sport. Il est urgent de mettre en oeuvre une politique de prévention dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

Je partage absolument votre analyse : il y a dans le milieu du sport professionnel beaucoup d'appelés, mais peu d'élus. Lorsque j'ai l'opportunité d'intervenir dans un établissement scolaire, je rappelle chaque fois aux jeunes à quel point l'école doit demeurer prioritaire : le sport est un loisir, une passion ; le diplôme, un passeport pour l'avenir. La délégation interministérielle pourrait bien sûr, si elle était saisie de cette mission, agir en matière de prévention et d'information en coopération avec le ministère des sports.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Ma question prolongera celle de Victoire Jasmin relative aux actions menées en faveur de la jeunesse ultramarine. Dans le cadre des Cordées de la réussite, la Guadeloupe a engagé diverses actions au bénéfice de l'insertion de ses jeunes dans l'enseignement supérieur, en particulier pour faciliter leur logement en métropole : conclusion de contrats avec le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et les Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) pour réserver des chambres -les quotas n'étant pas autorisés par la législation française, nous avons dû trouver à cet effet une solution astucieuse- ; négociation d'un contingent de soixante chambres au sein de la Cité internationale universitaire pour nos étudiants en grandes écoles et à Sciences Po ; réservation de quelques places à l'internat du lycée Henri IV ; accord, enfin, avec Loca-pass pour mettre à disposition des logements dans le parc privé. D'autres collectivités d'outre-mer - je pense à la Nouvelle-Calédonie ou La Réunion, qui disposent également de chambres à la Cité internationale universitaire - ont mis en oeuvre des politiques similaires. La Guadeloupe a complété ses dispositifs en faveur du logement par un effort conséquent en matière d'attribution de bourses d'étude : elles s'établissent entre 1 750 et 1 800 euros, ce qui est peu toutefois au regard des 3 000 euros accordés en métropole ou 5 000 euros pour un étudiant à Sciences Po.

L'opération des Cordées de la réussite est-elle poursuivie par les ministères concernés ? Quel bilan peut-on en tirer ? D'autres initiatives sont-elles engagées pour limiter la précarité de nos jeunes en métropole et éviter un retour précipité dans nos territoires ? En d'autres termes, la discrimination positive est-elle envisagée dans certains domaines pour améliorer l'insertion ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Mormeck, Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer

Nous ne recevons que peu de demandes relatives à ces problématiques. Lorsque nous sommes néanmoins saisis, nous mettons à disposition notre réseau en métropole et intervenons comme caution bancaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Je vous remercie, monsieur Mormeck, d'avoir apporté votre contribution aux travaux de notre délégation sur le sport et les outre-mer. Votre mission est essentielle et le qualificatif « interministérielle » associé à votre délégation me semble fondamental pour renforcer la transversalité des politiques mises en oeuvre par divers ministères dans nos territoires.