Intervention de François Grosdidier

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 6 février 2018 à 14h45
Audition de M. Jean-Marie Godard journaliste auteur de l'ouvrage : « paroles de flics »

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier, rapporteur :

Nous avons lu attentivement votre ouvrage, qui n'est pas celui d'un policier en colère, mais d'un journaliste qui, plongé dans le sujet, conserve néanmoins une position distanciée. Pour nous qui voulons comprendre les raisons profondes, multifactorielles du malaise dans les forces de l'ordre, que l'on a vu s'exprimer dans des manifestations conduites hors du champ syndical, dans une corporation où le taux de syndicalisation est pourtant élevé, mais aussi, plus dramatiquement, par une série de suicides, qui atteignent un taux supérieur à la moyenne nationale, votre livre est précieux.

Nous devons examiner ces problèmes sans a priori. Nous aimerions savoir comment ceux avec qui vous avez passé des jours et des nuits ressentent les choses. Politiquement, chacun a voulu bien faire, sachant que si la sécurité est un enjeu électoral, c'est qu'elle est un enjeu pour la société. Dans les années 1990, ce que l'on a appelé la police de proximité n'a pas été critiquée comme telle, mais parce que les policiers estimaient qu'on leur demandait quelque chose qui n'était pas leur métier, en même temps qu'ils jugeaient insuffisant le suivi judiciaire et pénal. Puis est venue une politique sécuritaire à contrepied, politique du chiffre, critiquée comme telle mais néanmoins maintenue, ainsi que l'on s'en rend compte à la lecture de votre ouvrage, une politique mal ressentie par les forces de l'ordre parce qu'elle privilégie des critères quantitatifs plus que qualitatifs, et qui a dégradé les relations entre hiérarchie et subordonnés. Deux politiques à l'opposé, donc, mais qui ont chacune suscité leurs frustrations. L'augmentation des effectifs, quant à elle, a été suivie, avec ce que l'on a appelé la RGPP, la révision générale des politiques publiques, par une nouvelle déflation. Bref, les forces de l'ordre ont eu le sentiment que cette politique de fermeté n'était pas couronnée de succès. Comment vivent-ils ce sentiment, compliqué par l'impression que leurs efforts, se soldant trop souvent par une absence de poursuites, ne sont pas suivis d'effets ? D'où leur vient le sentiment de n'être soutenus ni par leur hiérarchie ni par les politiques, et moins encore par la justice ?

Entre aussi en compte ce qui concerne le budget de la nation, les moyens matériels, immobiliers, la formation, avec ses carences. Peut-on en faire plus, et comment, tant en matière de formation initiale, continue, que d'accompagnement ? Les jeunes policiers, qui sortent aujourd'hui d'un cocon pour entrer dans un monde qui connaît des irruptions de violence inouïes, sont-ils assez préparés ?

Il existe un vrai divorce, enfin, avec la Justice, et pas seulement entre la Chancellerie et la Place Beauvau, mais dans la base. Or, il ne saurait y avoir de politique de sécurité si police et justice ne travaillent pas en symbiose.

Quelle est votre analyse sur toutes ces questions, au-delà des exemples vivants, passionnants, que vous livrez dans votre livre ?

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