Intervention de Jean-Marie Godard

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 6 février 2018 à 14h45
Audition de M. Jean-Marie Godard journaliste auteur de l'ouvrage : « paroles de flics »

Jean-Marie Godard, journaliste, auteur de l'ouvrage Paroles de flics :

Ce qui mine aujourd'hui les policiers dans leurs rapports à la justice et au monde politique, c'est ce qu'ils appellent la présomption de culpabilité systématique. Comme si l'on déniait tout usage de la force à la police, qui fait pourtant partie de ce que l'on appelle les forces de l'ordre, censées faire un usage légitime de la force, délégué et cadré par l'Etat. Or, chaque lancer de grenade lacrymogène dans une manifestation qui dégénère est immédiatement taxé de violence policière et suscite une polémique relayée par les réseaux sociaux. Les policiers ont l'impression, au-delà, qu'il y a des juges qui « veulent se faire du flic », et qu'il suffit, à l'heure de l'information en continu, que la machine s'emballe pour que la hiérarchie et les politiques, avant même qu'une enquête soit éventuellement lancée, ne les soutiennent plus et se mettent à couvert. Ils en viennent à penser que faire usage de la matraque ou des grenades lacrymogènes, alors que des images de n'importe quelle opération peuvent se retrouver dans la minute reprises en boucle sur les réseaux sociaux, peut leur valoir des ennuis. Lorsque j'ai demandé à un conseiller de la Place Beauvau si une place était faite, dans la formation, aux difficultés auxquelles un policier pouvait être confronté avec les réseaux sociaux, il m'a répondu que ce serait trop vertigineux pour un policier en formation...

Les rapports entre médias, policiers et justice sont à redéfinir. Oui, il existe des violences illégitimes, condamnables, et qui font, lorsqu'elles sont connues, l'objet d'enquêtes de l'Inspection générale de la police nationale. Mais tout usage de la force n'est pas illégitime dès lors que la police a pour mission le maintien de l'ordre.

Dans le rapport avec la justice, pour analyser le sentiment de « ras-le-bol » souvent exprimé par les policiers, qui ont l'impression que leurs interpellations ne servent à rien parce qu'elles sont suivies de relaxes, je suis tenté de citer le témoignage, que je relate dans mon livre, d'une magistrate. Le policier, proche du terrain, est confronté à des situations émotionnellement fortes, qui le frappent de plein fouet. L'officier de police judiciaire, quant à lui, ne voit plus la violence : ceux qui arrivent devant lui ont retrouvé du calme et tentent de s'expliquer. Il dialogue avec le magistrat de permanence pour décider s'il faut ou non déférer. C'est une première prise de recul. Vient ensuite le magistrat, le juge, qui examine l'affaire au fond, à froid, sous l'angle juridique.

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