Intervention de Rémy Pointereau

Réunion du 21 mars 2006 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

Chacun sait qu'une pénalité de 168 000 euros par jour est imposée en cas de non-application en France desdites directives.

À partir de ce moment, nous devons tous ensemble, à travers ce texte, assurer la sécurité et la transparence à la fois pour les consommateurs et pour les producteurs, tout en garantissant la possibilité de coexistence des filières et en préservant nos capacités de recherche et d'innovation. Or nous avons pris un retard considérable dans le domaine des biotechnologies et nous n'avons pas le droit de bloquer la recherche dans le domaine médical, pharmaceutique ou agro-industriel.

Il nous faut également organiser la concertation avec les consommateurs, dont l'inquiétude est vive face aux OGM. Leur crainte est due, en grande partie, au manque d'information. Malgré la réglementation, l'étiquetage reste flou. Nombre d'affirmations, de contrevérités sont énoncées.

Il faut également rappeler que, jusqu'à cette réglementation, nous avons tous plus ou moins consommé des OGM sans le savoir, par le biais notamment de la lécithine de soja, OGM américain souvent présent dans de nombreux produits alimentaires français.

Monsieur le ministre, en France, la recherche des risques induits sur la santé humaine par la consommation d'OGM doit être fiable, transparente et opérée dans de bonnes conditions. Or, compte tenu de la destruction systématique des plantes transgéniques par les « faucheurs », les recherches sont limitées aux études effectuées en laboratoire.

Prenons un exemple de protocole type. Si vous nourrissez un rat uniquement avec du maïs génétiquement modifié pendant six mois, il ne se portera pas très bien. Mais si vous l'aviez alimenté avec du maïs classique pendant le même laps de temps, son état de santé aurait-il été meilleur ? Si, à titre de contre-test, vous vous nourrissiez exclusivement avec du chocolat pendant six mois, vous n'iriez pas bien non plus. De quelle fiabilité disposons-nous ? Il semble que la recherche sur la nature véritable du risque soit devenue quasiment impossible en Europe.

On peut se poser une autre question : est-il moins dangereux de consommer des céréales traditionnelles ayant reçu deux herbicides et trois fongicides et insecticides que des céréales génétiquement modifiées, que leurs propriétés permettent de cultiver en ayant recours à deux fois moins d'herbicide, à aucun insecticide et demain, peut-être, à aucun fongicide ?

Quant aux produits « bio », qui sont peut-être une solution alternative, les consommateurs accepteront-ils d'en payer le prix ? En effet, pour assurer une rentabilité aux agriculteurs, il faut multiplier par trois le prix des céréales. Sans compter que les mycotoxines sont davantage présentes dans les produits « bio ».

Mes chers collègues, comme vous le pouvez le constater, l'équilibre entre les différents éléments qui doivent être pris en considération est difficile à trouver.

Alors, pour rassurer les consommateurs, pourquoi ne pas consacrer les cultures d'OGM à la filière industrielle, aux biocarburants, aux bioénergies, aux isolants, aux produits industriels innovants ? Les perspectives en la matière sont importantes.

Les consommateurs ont besoin d'être rassurés, éclairés. Il leur faut des garanties et ils souhaitent que leurs choix soient respectés. Il y a une méfiance à l'égard des scientifiques en raison du manque d'information.

Il faut, en outre, organiser la concertation entre les agriculteurs et les producteurs de semences qui demandent depuis plusieurs années la mise en place d'un cadre clair et réaliste permettant à chaque agriculteur de choisir son mode de production car il faut respecter cette possibilité de choix entre les différentes filières : filière traditionnelle, filière biologique ou filière OGM.

Pour cela, nous devons faire confiance à la profession et à l'interprofession et souhaiter qu'elles soient davantage représentées dans les différents comités scientifiques et socio-économiques, par l'intermédiaire notamment de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences, la FNAMS, ou du Conseil national de l'information statistique, le CNIS.

Nous devons également appliquer des périmètres de sauvegarde, notamment pour protéger les cultures biologiques, à l'image de ce qui existe pour les semences porte-graines et les semences maïs de façon à éviter la contamination d'une parcelle à l'autre.

Que dire de la contribution maximale de 100 euros payée par les agriculteurs utilisant les semences d'OGM ? Soit on estime que les productions d'OGM doivent se développer, auquel cas cette taxe est beaucoup trop élevée par rapport à ce qu'elle est dans les autres pays européens - elle est, par exemple, de 16 euros au Danemark -, soit on est d'avis que le risque est élevé, et il ne faut alors pas s'engager dans cette voie des OGM. En ce qui concerne cette contribution, qui devrait d'ailleurs être également prise en charge par les opérateurs semenciers, il faut donc jouer la modération.

Enfin, il faut instituer une concertation avec les chercheurs en biotechnologies et les opérateurs, c'est-à-dire les firmes semencières.

Les difficultés auxquelles les opérateurs français doivent faire face sont intolérables. Je ne citerai que la destruction systématique de leurs programmes de recherche par une minorité d'anti-OGM. Ces arrachages ont des coûts humains et financiers énormes pour les entreprises et les agriculteurs ; ils mettent gravement en péril le potentiel d'expertise de la France en matière de recherche sur les biotechnologies végétales.

De nombreuses firmes ont, d'ailleurs, déjà délocalisé une partie de leurs capacités de recherche. Il conviendrait que la future loi contribue à restaurer la confiance dans la volonté de recherche de la France, sous peine de voir notre dépendance s'accentuer, en particulier vis-à-vis des États-Unis, qui n'attendent que cela.

Cet aspect des choses enlève d'ailleurs du crédit à l'un des arguments des anti-OGM : ils font beaucoup allusion au monopole, mais il faut savoir que si nous ne faisons rien, ce seront les firmes américaines qui imposeront leurs produits, au détriment de ceux des agriculteurs et des opérateurs français, ...

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