Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 21 mars 2006 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment le nier, nous ressentons un profond malaise à l'idée de devoir à nouveau nous prêter à ce qui ressemble, au regard de l'exigence démocratique, à une sorte de mascarade.

Ainsi, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui a été élaboré dans le secret des cabinets. Nous ne l'aurions probablement découvert dans la presse qu'à l'occasion de son adoption en conseil des ministres si une fuite rocambolesque n'avait permis à Geneviève Perrin-Gaillard, députée des Deux-Sèvres, d'en prendre connaissance, au moment même où vous affirmiez, monsieur le ministre, que le projet avait « fait l'objet d'une vaste consultation ».

Vous le savez mieux que personne, les organisations regroupant des agriculteurs qui ne veulent ni ne peuvent utiliser des OGM - agriculteurs biologiques, apiculteurs - alors même qu'ils peuvent en être les victimes directes ou indirectes, les gestionnaires d'espaces naturels et les défenseurs de la biodiversité susceptibles d'être la cible involontaire de transgènes non désirés, les associations de consommateurs que rien n'a pu convaincre de l'intérêt de ces techniques, les scientifiques, qui, sans être forcément hostiles au principe même des OGM, restent perplexes quant aux modalités même de leur développement actuel, ont été consultés, comme les syndicats de salariés et les organisations étudiantes l'ont été sur le CPE ou l'apprentissage à quatorze ans, c'est-à-dire...pas du tout !

Le grand débat démocratique promis n'a pas eu lieu. Certes, et contrairement à ce qu'affirma hier la rumeur, le texte ne sera pas examiné selon la procédure d'urgence. Pourtant - il faut l'avouer ! - cette rumeur, nous lui avons accordé du crédit, tant la procédure d'urgence est utilisée de façon routinière par le Gouvernement : sur la loi mort-née sur l'éducation, sur la loi dite pour l'égalité des chances, sur la loi sur le contrôle et la transparence des activités nucléaires, sur la loi sur les obtentions végétales, qui dormait depuis dix ans sur les bureaux du Sénat et qui entérina en quelques heures la toute- puissance des obtenteurs de semences.

Monsieur le ministre, je regrette qu'un débat approfondi n'ait pas eu lieu, non seulement sur le texte lui-même, mais aussi sur le type d'agriculture qu'il sous-tend et encourage.

Vous ironisez, monsieur le rapporteur, sur la façon dont les médias rendraient compte du débat sur les OGM - « réduit par les médias à des images de fauchage » -, mais comment en serait-il autrement alors qu'il n'a jamais été possible de débattre sereinement de cette orientation majeure et probablement irréversible de l'agriculture en France, en Europe et dans le monde ? Le tribunal d'Orléans n'a-t-il pas, en décembre dernier, relaxé des faucheurs, invoquant l'article 122-7 du code pénal et l'état de nécessité dans lequel ils se trouvaient ?

Le débat sera-t-il possible ici ? En vous écoutant, monsieur le ministre, j'ai douté un moment.

Comment pouvez-vous céder à la tentation d'amalgames aussi grossiers ? Les OGM, le génie génétique, les biotechnologies, tout cela, c'est la même chose pour vous ? Que croyez-vous prouver en rappelant qu'on utilise depuis plus de vingt ans, en milieu confiné, des levures et cellules génétiquement modifiées pour produire des facteurs de coagulation ou de l'insuline ? Que penseriez-vous d'un scientifique qui justifierait le recours à l'arme nucléaire ou la dissémination tous azimuts de déchets nucléaires par le fait bien réel, et que personne ne conteste, qu'on peut tuer des cellules cancéreuses par l'irradiation ciblée, en milieu très protégé, des tissus malades ?

Monsieur le ministre délégué à la recherche - l'absence des ministres de l'agriculture, de la santé et de l'écologie reste totalement mystérieuse à mes yeux -, vous avez également jugé bon de nous faire rêver un peu, invoquant l'utilité des OGM pour faire reculer la faim ou faire en sorte que les cochons qui empoisonnent la Bretagne excrètent moins de phosphates.

Quelle crédulité, monsieur le ministre ! Une crédulité inattendue, à vrai dire, chez un homme aussi expérimenté que vous : en d'autres temps, vous auriez cru aux avions renifleurs ! La réalité est tout autre : la quasi-totalité des dossiers d'autorisation concerne des plantes rendues résistantes aux herbicides ou qui se comportent elles-mêmes comme des herbicides.

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