Deux questions méritent d'être posées : pourquoi les OGM en agriculture ? Pourquoi un projet de loi ?
Pourquoi les OGM ? S'agit-il de répondre aux attentes des consommateurs, qui saliveraient à l'idée de découvrir de nouveaux goûts, de nouvelles textures ? Bien sûr que non ! Ils sont hostiles, pour une partie non négligeable d'entre eux, prudents, à une écrasante majorité, et interloqués de constater que tant de moyens sont développés pour protéger les intérêts de quelques firmes et leur permettre de revendiquer la propriété commerciale d'éléments du patrimoine de l'humanité.
Dans un contexte marqué par des « controverses passionnées et irrationnelles » - ce sont vos propres mots, monsieur le ministre ! - ces citoyens, ces consommateurs, sont probablement victimes de la scandaleuse désinformation d'« obscurantistes faucheurs » !
Soyons sérieux, monsieur le ministre ! Les ONG disposent de beaucoup moins de moyens que vous, que Limagrain ou Monsanto, que les grandes coopératives agricoles, pour informer et influencer le citoyen.
S'agit-il de faire reculer la faim ? Non plus ! Il faut d'ailleurs souligner que les industriels, qui invoquaient, la main sur le coeur, le sort des enfants affamés du continent africain, se sont faits plus discrets sur ce terrain. Plus discrets que vous, qui semblez ignorer que ce n'est pas pour des céréales moins gourmandes en eau ou pour des riz enrichis en vitamines diverses qu'on dépose des brevets !
S'agit-il de limiter l'usage des pesticides, herbicides ou insecticides ? Évidemment pas ! Au lieu d'apporter avec doigté et mesure les produits nécessaires à la plante aux différentes étapes de sa croissance, on se propose de la gorger du pesticide maison, vendu « en kit » avec la semence, apporté en une seule fois, idéalement par voie aérienne. C'est « super » ! On cultive des surfaces plus importantes, avec moins de travail humain.
Cependant, est-ce une si bonne nouvelle pour des pays dont la plus grande partie de la population vit de l'agriculture ? Est-ce un si grand progrès de proposer à des paysans habitués depuis toujours à sélectionner et reproduire leurs semences d'acheter au prix fort les semences OGM ?
S'agit-il de renforcer l'agriculture ? On manque évidemment de recul pour apprécier l'impact des OGM en Europe, mais il faut regarder ce qui se passe ailleurs. En Argentine, par exemple, où le soja transgénique a été introduit il y a dix ans, les 710 000 actifs que comptait ce secteur en 1996 ne sont plus que 257 000 aujourd'hui, soit trois fois moins.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que la transparence doit être assurée, que l'information doit être totale. N'avez-vous pas demandé à la Commission européenne, par une note qui n'avait pas vocation à être rendue publique, que l'article 25 de la directive 2001/18/CE soit interprété d'une façon plus conforme aux intérêts des firmes ? C'est en Allemagne qu'ont été publiées des données démontrant que l'ingestion de maïs MON 863 par des rats n'était pas exempte de conséquences sur leur santé. Pourquoi ce silence ?
Prenez des initiatives, monsieur le ministre ! Ouvrez le débat ! De quoi, de qui avez-vous peur ? Pas de José Bové, tout de même !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je n'ai pas l'intention de chercher à amender votre projet de loi. Il est faible, parce qu'il n'apporte aucune réponse concrète aux problèmes posés par la cohabitation des cultures et ne mentionne même pas le principe de précaution ; il est dangereux, parce qu'il consacre le droit des firmes face aux besoins des peuples. Il doit être retiré.
La charte de l'environnement a été votée en grande pompe, à Versailles, il y a un an à peine. Je ne résiste pas au plaisir de vous en rappeler les principaux considérants.
« Considérant,
« Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ;
« Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ;
« Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;
« Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;
« Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ; ».
Ce ne sont que des mots, mais ils nous obligent, et nous conduiront à revenir sur les dispositions qui nous sont proposées aujourd'hui. Le plus tôt sera le mieux, monsieur le ministre, pour les citoyens et pour la planète !