Intervention de Stéphane Artano

Réunion du 20 février 2018 à 15h00
Accession à la pleine souveraineté de la nouvelle-calédonie — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Stéphane ArtanoStéphane Artano :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, prévue par l’accord de Nouméa de 1998, la mise en œuvre de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie nécessite de transcrire dans la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie le résultat de l’accord politique obtenu au sein du comité des signataires de l’accord de Nouméa, tenu le 2 novembre 2017.

Le dépôt tardif du texte sur le bureau du Sénat a introduit une importante contrainte temporelle, avec laquelle nous devons composer compte tenu du nombre important de mesures réglementaires à publier et des délais de recours à respecter avant l’expiration du délai prévu par l’accord, au mois de novembre 2018. Dans son avis du 30 novembre 2017, le Conseil d’État n’a pas manqué de souligner un calendrier particulièrement serré.

Depuis 1998, les tensions se cristallisent essentiellement autour de la composition de la liste électorale spéciale rassemblant les électeurs habilités à prendre part à la consultation sur la pleine souveraineté, ses partisans dénonçant l’exclusion de près de 23 000 Kanaks sur 90 000 en âge de voter, soit une part non négligeable du corps électoral total, qui est de 160 000 personnes.

C’est pourquoi nos collègues Gérard Poadja et Pierre Frogier, ainsi que les députés Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, plaident auprès des partenaires politiques locaux et de l’État la nécessité de procéder à l’inscription d’office de ces quelque 11 000 natifs du pays sur les listes électorales.

La conciliation entre une telle préoccupation et la nécessité de permettre aux nouveaux résidents français de prendre part à la vie démocratique explique la coexistence de trois listes électorales distinctes en Nouvelle-Calédonie.

Conformément à la volonté exprimée lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa, le projet de loi organique soumis à notre examen comprend diverses mesures pour garantir la légitimité du scrutin et favoriser la plus large participation des « populations intéressées » à l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, assurant ainsi la sincérité de la consultation à venir.

Le projet de loi organique traduit fidèlement la volonté commune des signataires de l’accord de Nouméa, des représentants des institutions calédoniennes et des formations politiques locales. La commission des lois a approuvé ce texte, moyennant quelques améliorations, auxquelles le groupe du RDSE a souscrit en commission.

Lors de l’examen du texte la semaine dernière, j’ai défendu deux amendements émanant du président du groupe du RDSE, Jean-Claude Requier.

Le premier visait l’information des électeurs que nous considérions comme nécessaire sur les modalités d’exercice du droit d’option, afin de garantir la sincérité du scrutin.

Le second avait pour objet les meilleures conditions d’information des électeurs concernant les modalités d’exercice du droit de vote par procuration. Sur ce point, dans son avis du 23 novembre 2017, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis le souhait de voir précisé le vote par procuration. Je rappellerai que l’avis du Conseil d’État souligne une fois encore les lacunes de l’étude d’impact fournie par le Gouvernement s’agissant des mesures relatives au régime des procurations.

L’objectif de notre groupe était d’attirer l’attention de tous les acteurs sur la question des procurations. Mme la ministre de l’outre-mer, que je tiens à remercier, nous a apporté les éléments nécessaires pour nous rassurer sur les modalités pratiques d’information. C’est donc en toute logique que nous avons décidé de retirer ces deux amendements.

Sur le plan strictement législatif, le projet de loi organique entre dans le cadre en vigueur. Pourtant, notre groupe attire l’attention du Gouvernement sur l’organisation même de la consultation.

Le président de la commission des lois, dont j’ai salué l’engagement dans ce dossier, s’est rendu personnellement en Nouvelle-Calédonie au début du mois de janvier, pour s’assurer que le dispositif prévu correspondait bien à la volonté de toutes les forces en présence. Il a souligné en commission des lois, le 7 février dernier, que cette consultation comportait des risques pour la concorde civile en Nouvelle-Calédonie.

Notre collègue Gérard Poadja indiquait également qu’une consultation mal préparée pourrait provoquer des tensions ethniques et politiques. Ainsi, en contribuant à rendre le résultat incontestable, les dispositions de ce projet de loi organique sont de nature à favoriser une consultation référendaire apaisée.

Toutefois, j’aimerais y ajouter une autre préconisation, qui concerne le texte même de la question posée.

Notre groupe insiste sur l’impérieuse nécessité que la question posée pour la Nouvelle-Calédonie soit claire et sans ambiguïté. Les seules réponses possibles doivent être le « oui » ou le « non ».

La formulation de la question ne doit pas être l’occasion d’ouvrir un autre débat. Sinon, les efforts déployés pour rendre incontestable cette consultation voleraient en éclat, et nous risquerions d’ouvrir une crise politique majeure, que ce territoire n’a pas le luxe de s’offrir aujourd’hui. Madame la ministre, j’ai noté la semaine dernière votre détermination à faire en sorte que cette question posée soit d’une « indispensable clarté », pour reprendre vos propos. Le groupe du RDSE salue cette prise de position du Gouvernement.

Toutefois, ne nous y trompons pas : cette consultation ne réglera pas le sujet institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Celui-ci ne se résume pas à savoir si le territoire doit ou non devenir un État souverain. La réalité est beaucoup plus complexe.

Au-delà de l’aspect strictement législatif et institutionnel, j’aimerais insister sur le fait que tout doit être fait pour que cette consultation ne crée pas une fracture au sein de la population.

En réalité, ce qui se joue depuis quelques décennies en Nouvelle-Calédonie, c’est un « mieux vivre ensemble », que j’associe au troisième pilier de notre devise républicaine : la fraternité.

Dans un contexte que nos collègues calédoniens ont très bien décrit, cette consultation risque de créer une nouvelle fracture entre des populations qui cherchent une nouvelle voie pour mieux vivre ensemble.

Au-delà de la loi, se joue là le destin de populations qui souhaitent avant tout trouver un juste équilibre dans le respect de leurs réalités respectives. Nous ne prétendons pas avoir la solution. Je crois que, sur ce sujet, il appartient aux Calédoniens eux-mêmes de construire cette troisième voie du « mieux vivre ensemble ». Celle-ci ne passe pas seulement par la loi.

Mes chers collègues, vous aurez remarqué que nous avons parlé de « population calédonienne », et non de « peuple calédonien ». Cette dernière notion renvoie du point de vue constitutionnel à une souveraineté qui n’existe pas encore à cette heure. C’est ce que le rapporteur Philippe Bas a précisé à la fin de nos échanges la semaine dernière en se plaçant sur plan strictement juridique.

Il n’y a donc aujourd’hui ni souveraineté actée ni, par conséquent, peuple calédonien. Nous ne saurions qu’inviter les responsables politiques à ne pas entretenir de doute sur ce sujet en employant parfois des termes juridiques inappropriés.

L’allocution de Gérard Poadja la semaine dernière m’a beaucoup touché. Notre collègue disait être kanak, calédonien et français. Faisons simplement en sorte que cette triple appartenance puisse vivre en sérénité dans la République.

Le groupe du RDSE votera le projet de loi organique.

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