Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 20 février 2018 à 21h30
Avenir de l'audiovisuel public — Débat organisé à la demande de la commission de la culture et du groupe les républicains

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais le choix du téléspectateur-auditeur-citoyen n’a été aussi varié et aussi large qu’aujourd’hui, et cette diversité de choix devrait se renforcer encore sous l’effet de la concurrence et de l’arrivée de nouveaux acteurs issus du numérique. En France même, il y a cinq chaînes d’information continue, plusieurs chaînes consacrées au sport – gratuites et payantes –, une multitude de chaînes dédiées au cinéma et à la production audiovisuelle, aux séries, des chaînes de musique, et la même diversité s’observe sur les ondes radiophoniques.

Dans ces conditions, quelles sont les justifications de l’existence d’un audiovisuel public qui bénéficie chaque année de plus de 3, 7 milliards d’euros de fonds publics et de 400 millions d’euros de recettes publicitaires ? La question se pose, en effet, et nous l’entendons de-ci, de-là.

Pour ma part, et je partage avec la commission de la culture cette idée forte, j’ai la conviction qu’un audiovisuel public puissant est nécessaire, pour autant que son offre soit différenciée et qu’il joue un rôle de référence, en particulier dans l’information et l’accès à la culture.

L’explosion des offres audiovisuelles, le développement des réseaux sociaux exigent, de mon point de vue, la présence d’un axe public fort qui se distingue dans le paysage global de l’audiovisuel ; nous y reviendrons.

L’existence d’un pôle audiovisuel extérieur puissant est une nécessité. C’est la vision de la France dans le monde, même si on peut parfois s’interroger sur l’intérêt que des fonds publics financent des programmes en langue anglaise. Voilà sans doute une piste de réflexion sur des économies ou des redéploiements possibles. Mais France Médias Monde, qui, dans ce système-là, n’a que peu de valeur ajoutée par rapport à la BBC et à CNN, fait un travail remarquable pour l’image de la France à l’extérieur.

Les programmes de Radio France sont, pour l’essentiel, conformes aux attentes, même si des doublons peuvent exister avec certaines offres privées, ainsi entre France Musique et Radio Classique.

Le bilan de la chaîne franco-allemande Arte est, pour sa part, conforme au projet de ses concepteurs : ouverture culturelle et internationale, exigence et accessibilité des programmes, invitation à la curiosité et à la découverte, ambition européenne.

L’enjeu principal est donc double. Il est temps, tout d’abord, de redéfinir les missions de France Télévisions, qui a aujourd’hui une double identité, à la fois publique et commerciale. Il faudra lever cette ambiguïté ; c’est le rôle du législateur. Depuis des années, l’absence de décision sur ce sujet a compliqué la gouvernance et la gestion du groupe.

Nous sommes convaincus que rien ne justifie de payer une redevance annuelle de 139 euros pour des programmes souvent disponibles gratuitement sur les chaînes privées. Rien ne justifie, non plus, de conserver des programmes aussi coûteux que, peut-être, le sport si aucune valeur ajoutée éditoriale n’est apportée et si les mêmes épreuves sont diffusées, avec autant de publicité, sur les chaînes privées. Il nous revient, enfin, de nous interroger sur l’usage qui est fait des 400 millions d’euros consacrés chaque année à la production audiovisuelle, compte tenu du caractère peu innovant et insuffisamment marquant des programmes ainsi financés.

Le second enjeu concerne la transition numérique, qui doit nous conduire à nous interroger. Le contribuable est en droit d’accéder à tous les programmes du service public sur une même plateforme accessible sur tous les supports, ce qui nécessiterait un regroupement des contenus produits par les différentes sociétés de l’audiovisuel public.

Au lieu de cela, France Télévisions s’est engagé en solitaire dans la construction d’une plateforme de vidéo à la demande par abonnement, ou SVOD, payante et coûteuse à développer, sans proposer une offre vraiment distincte. Que faut-il penser de ce projet, qui a d’ailleurs pris beaucoup de retard ?

Madame la ministre, nous souhaitons que l’avenir de l’audiovisuel public passe par une clarification de ses missions, de son périmètre et de ses projets.

L’audiovisuel public n’a ni les moyens financiers ni les compétences technologiques pour concurrencer une grande part du privé dans le paysage médiatique qui s’annonce. Il doit tracer une voie complémentaire, avec des exigences et des moyens spécifiques, comme mon collègue André Gattolin et moi-même le proposions en 2015.

Comment donner la priorité à la culture, à l’éducation, au débat démocratique, à la curiosité et à l’ouverture, tout en continuant de subir la pression de l’audimat et des recettes publicitaires ? Tranchons cette contradiction en assumant qu’un service public de qualité est incompatible avec une gestion commerciale !

Un premier pas a été fait l’année dernière, sur l’initiative du Sénat, par la suppression de la publicité dans les émissions jeunesse.

Les regroupements et la clarification des missions du service public de l’audiovisuel doivent permettre d’engager une nouvelle étape fondée sur la différenciation de son offre, un financement spécifique, à travers la réforme de la CAP et la recherche d’une qualité accessible à tous.

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