La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et du groupe Les Républicains, sur l’avenir de l’audiovisuel public.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que les orateurs de la commission et du groupe qui ont demandé ce débat disposeront d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
Dans le débat, la parole est à Mme la présidente de la commission auteur de la demande.
Monsieur le président, madame la ministre, mes très chers collègues, face à la mutation numérique, je me suis attachée de longue date à ce que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication réfléchisse et travaille, en lien avec la commission des finances, à l’avenir de l’audiovisuel.
Ainsi, il y a bientôt trois ans, était engagé au Sénat le débat sur une profonde réforme de l’audiovisuel public à l’occasion de la publication du rapport de nos collègues, que je salue, Jean-Pierre Leleux et André Gattolin. Les recommandations de ce rapport demeurent très largement d’actualité.
Cependant, nous avions sans doute encore sous-estimé l’ampleur de la révolution technologique en cours qui menace jusqu’à la pérennité d’un secteur audiovisuel, privé comme public d’ailleurs, exposé aux coups de boutoir de la concurrence des grandes plateformes américaines, bouleversant totalement nos usages et nos modèles économiques.
Nous sommes, en fait, face à une situation que l’on pourrait résumer ainsi : l’audiovisuel public est-il encore capable de répondre aux attentes de tous ses publics, notamment des plus jeunes, qui ont accès à des milliers de programmes sur des plateformes numériques ?
Les programmes publics se distinguent-ils suffisamment des programmes privés – par leur audace, leur spécificité, leur qualité – pour justifier un financement public à hauteur de 3, 7 milliards d’euros ?
Ces entreprises publiques ont-elles bien pris la mesure des évolutions en cours et sont-elles prêtes à changer de logiciel pour relever le défi, ce qui implique nécessairement de modifier certaines habitudes ?
Autant le dire tout de suite, la réponse à ces trois questions est loin d’être évidente ! Les plus jeunes de nos concitoyens ne regardent plus la télévision publique, dont les téléspectateurs ont largement dépassé la moyenne d’âge de soixante ans. Ses programmes sont considérés comme peu innovants et peu exportables. Quant à la situation financière de ces entreprises, il faut distinguer Arte, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, qui font des efforts pour contrôler leurs dépenses, de France Télévisions et Radio France, dont les coûts de structure poursuivent, malgré les efforts, leur progression, notamment quant à la masse salariale.
Au-delà des missions à redéfinir, c’est aussi le financement de ces entreprises qui pose question. Parce que l’innovation technologique coûte cher, l’audiovisuel public doit dégager des marges de manœuvre financières en faisant des économies sur ses structures.
Pour ce qui est des ressources, c’est l’incertitude qui domine. Outre que la publicité – elle compte pour environ 400 millions d’euros s’agissant de France Télévisions et Radio France – banalise l’offre publique, elle est aujourd’hui accaparée par les plateformes numériques et ne peut donc constituer une ressource d’avenir.
Le paiement de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP, reste fondé sur la possession d’un téléviseur. Or le taux d’équipement baisse à mesure que progressent les nouveaux usages sur les supports numériques. Une réforme de la CAP est donc devenue indispensable.
Dans ces conditions, nous devons faire un choix. Soit l’audiovisuel public – notamment France Télévisions – poursuit sur la pente de la banalisation de son offre, et c’est la légitimité même d’un financement public qui pourrait être – tôt ou tard – posée. Soit on estime que cet audiovisuel public a un rôle à jouer en termes de culture, d’éducation et de démocratie – ce que je crois profondément –, et alors il faut mettre en œuvre une réforme systémique.
Ce choix de société doit concerner tous les Français. C’est pourquoi nous sommes heureux d’ouvrir aujourd’hui, en votre présence, madame la ministre, ce grand débat d’intérêt national.
Autant le reconnaître, il n’y a pas d’unanimité pour défendre le service public ! Il y a ceux qui ne jurent que par la course à l’audience et à la publicité, pour le privé comme pour le public. Il y a ceux qui estiment que l’audiovisuel public coûtera toujours trop cher et qu’il faut réduire ses moyens. Il y a ceux, de moins en moins nombreux, qui jugent qu’il ne faut rien changer et qu’il faut continuer à augmenter les dépenses de l’audiovisuel public. Il y a enfin, et c’est nouveau, toute une partie de la population qui considère qu’elle ne doit payer que ce qu’elle consomme et refuse donc – par principe – d’acquitter une redevance.
Ce débat, nos voisins suisses sont en train de le conduire, et ils le trancheront, le 4 mars prochain, par un référendum sur le maintien ou non de la redevance. Si la suppression de celle-ci est adoptée, la Société suisse de radiodiffusion et télévision, la SSR, ses 17 radios et 7 chaînes de télévision, ainsi que ses 6 000 salariés devront cesser leur activité d’ici à un an.
Face à cette menace, la SSR a pris acte de la nécessité de se transformer avec un maître mot : rendre accessible l’ensemble des contenus télévisés et radiophoniques sur une plateforme globale multisupport et renforcer l’attractivité de ses programmes. Cette priorité donnée aux contenus est partagée par la Radio-télévision belge francophone, la RTBF et par la BBC britannique. Elle doit être le fil d’Ariane de la réforme qu’il nous revient de conduire en France.
Renforcer la spécificité de l’audiovisuel public ; donner la priorité à l’audace, à l’innovation, à la rigueur ; regrouper l’ensemble des programmes sur une même plateforme numérique ; opérer des mutualisations de services par thématique – information, culture, sport, territoires : telle doit être notre ambition.
Nous devons aller jusqu’au bout de la révolution des usages et ne pas nous apitoyer sur des structures qui nous sont, certes, familières, mais qui sont vouées à se transformer radicalement si elles veulent perdurer. D’ici peu, les téléspectateurs regarderont d’abord leurs programmes de manière complètement délinéarisée et sur internet à travers les télévisions connectées. Pour la radio, on peut penser que la 5G attendue pour 2020 constituera également une nouvelle frontière permettant de dépasser l’antique FM et ses problèmes de pénurie de fréquences.
Le changement de paradigme technologique emporte la nécessité de repenser l’organisation des sociétés de l’audiovisuel public et, donc, de leur gouvernance. La commission continue de penser que la création d’une holding permettrait d’assurer la coordination des moyens et le développement d’une offre nouvelle dans le respect des identités des entreprises et des personnels.
Nous n’avons jamais proposé de fusion, car cette forme de rapprochement aurait aussi un coût social important, dont il appartient au Gouvernement de mesurer l’ampleur. C’est l’option qui a été privilégiée par nos voisins suisses, belges et britanniques, mais elle comporte le risque d’y laisser beaucoup de temps et d’énergie, au détriment d’une mise en œuvre rapide des adaptations nécessaires.
Ce qui importe – au-delà des systèmes et des schémas de rapprochement –, c’est de permettre aux salariés de ces sociétés de retrouver confiance dans l’avenir de l’audiovisuel public. Pour cela, soyons pragmatiques !
L’audiovisuel public a besoin d’être incarné par une personnalité dont la mission consistera à garantir, devant la Nation, l’indépendance de l’institution, la déontologie de l’information, le respect du pluralisme et l’équité de la répartition des crédits issus de la CAP entre les différentes entreprises, sans préjudice notamment pour la chaîne franco-allemande Arte et l’audiovisuel extérieur, qui font un travail remarquable. À cet égard, je déplore, au regard des responsabilités de la présidente de France Médias Monde, l’absence de discernement qui a mis un terme de manière mécanique à son mandat.
Compte tenu de cette ambition, nous devons trouver un mode de nomination indiscutable, sachant que tout ou presque a été essayé dans ce domaine, sans donner satisfaction.
Un consensus semble se dessiner pour prévoir une nomination par le conseil d’administration. Il va de soi que cette modalité de nomination n’aura de sens que si l’indépendance des membres du conseil d’administration est garantie, ce qui signifie que la représentation des tutelles soit simplifiée.
Des missions réaffirmées, une ambition culturelle et éducative renforcée, des personnels remobilisés, une gouvernance commune et indépendante instaurée, ces piliers de la réforme doivent être consolidés par une profonde modernisation de la contribution à l’audiovisuel public pour garantir, dans la durée, les moyens nécessaires à l’accomplissement des missions. Là encore, la proposition formulée par nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, en 2015, d’une contribution forfaitaire universelle sur le modèle allemand apparaît comme le chemin le plus solide pour boucler cette réforme systémique.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous devons penser cette réforme pour les quinze ou vingt années à venir. En toute logique, nous devons également nous interroger sur l’adaptation de la régulation au nouveau contexte marqué par le numérique. Nous avons déjà eu ces réflexions, mais nous devons de nouveau les avoir. Faut-il rapprocher le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, qui sont tous deux confrontés à l’émergence d’opérateurs de télécommunications devenus des poids lourds des médias ? Ainsi, il nous faut conduire ce travail.
Avec le développement de la réception par la fibre, l’avenir de la télévision numérique terrestre, la TNT, est également en jeu, et donc la réglementation imposée aux grandes chaînes qui repose sur l’attribution d’une licence de diffusion hertzienne. Une simplification de cette réglementation constitue un horizon sans doute incontournable pour permettre un développement de la production française, notamment à l’export.
Il en est de même, madame la ministre, de la chronologie des médias, qui a besoin d’être modernisée. Nous avons fait des propositions en juillet dernier pour favoriser les comportements vertueux de ceux qui investissent dans le cinéma. Nous souhaitons qu’un accord soit trouvé, faute de quoi le législateur devra tirer les conséquences de cette situation.
On le voit, tous ces changements sont liés. C’est donc à une réforme globale qu’il faut penser.
Comme je vous l’ai écrit, madame la ministre, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est prête et compte jouer tout son rôle dans le débat qui va s’engager à partir de maintenant. Nous poursuivons d’ailleurs nos travaux et nous engagerons très prochainement un travail de fond sur France 3 et France Bleu, les chaînes des territoires, et sur bien d’autres sujets encore.
Pour l’heure, c’est un point d’étape, voire de départ, que nous souhaitons avoir tous ensemble en votre présence, madame la ministre. Mes collègues vont avoir beaucoup de questions à vous poser, et nous comptons sur vous pour y répondre de manière que vos réponses enrichissent durablement notre réflexion.
Applaudissements.
Merci, madame la présidente, d’avoir tenu à la seconde près votre temps de parole !
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour le groupe auteur de la demande.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais le choix du téléspectateur-auditeur-citoyen n’a été aussi varié et aussi large qu’aujourd’hui, et cette diversité de choix devrait se renforcer encore sous l’effet de la concurrence et de l’arrivée de nouveaux acteurs issus du numérique. En France même, il y a cinq chaînes d’information continue, plusieurs chaînes consacrées au sport – gratuites et payantes –, une multitude de chaînes dédiées au cinéma et à la production audiovisuelle, aux séries, des chaînes de musique, et la même diversité s’observe sur les ondes radiophoniques.
Dans ces conditions, quelles sont les justifications de l’existence d’un audiovisuel public qui bénéficie chaque année de plus de 3, 7 milliards d’euros de fonds publics et de 400 millions d’euros de recettes publicitaires ? La question se pose, en effet, et nous l’entendons de-ci, de-là.
Pour ma part, et je partage avec la commission de la culture cette idée forte, j’ai la conviction qu’un audiovisuel public puissant est nécessaire, pour autant que son offre soit différenciée et qu’il joue un rôle de référence, en particulier dans l’information et l’accès à la culture.
L’explosion des offres audiovisuelles, le développement des réseaux sociaux exigent, de mon point de vue, la présence d’un axe public fort qui se distingue dans le paysage global de l’audiovisuel ; nous y reviendrons.
L’existence d’un pôle audiovisuel extérieur puissant est une nécessité. C’est la vision de la France dans le monde, même si on peut parfois s’interroger sur l’intérêt que des fonds publics financent des programmes en langue anglaise. Voilà sans doute une piste de réflexion sur des économies ou des redéploiements possibles. Mais France Médias Monde, qui, dans ce système-là, n’a que peu de valeur ajoutée par rapport à la BBC et à CNN, fait un travail remarquable pour l’image de la France à l’extérieur.
Les programmes de Radio France sont, pour l’essentiel, conformes aux attentes, même si des doublons peuvent exister avec certaines offres privées, ainsi entre France Musique et Radio Classique.
Le bilan de la chaîne franco-allemande Arte est, pour sa part, conforme au projet de ses concepteurs : ouverture culturelle et internationale, exigence et accessibilité des programmes, invitation à la curiosité et à la découverte, ambition européenne.
L’enjeu principal est donc double. Il est temps, tout d’abord, de redéfinir les missions de France Télévisions, qui a aujourd’hui une double identité, à la fois publique et commerciale. Il faudra lever cette ambiguïté ; c’est le rôle du législateur. Depuis des années, l’absence de décision sur ce sujet a compliqué la gouvernance et la gestion du groupe.
Nous sommes convaincus que rien ne justifie de payer une redevance annuelle de 139 euros pour des programmes souvent disponibles gratuitement sur les chaînes privées. Rien ne justifie, non plus, de conserver des programmes aussi coûteux que, peut-être, le sport si aucune valeur ajoutée éditoriale n’est apportée et si les mêmes épreuves sont diffusées, avec autant de publicité, sur les chaînes privées. Il nous revient, enfin, de nous interroger sur l’usage qui est fait des 400 millions d’euros consacrés chaque année à la production audiovisuelle, compte tenu du caractère peu innovant et insuffisamment marquant des programmes ainsi financés.
Le second enjeu concerne la transition numérique, qui doit nous conduire à nous interroger. Le contribuable est en droit d’accéder à tous les programmes du service public sur une même plateforme accessible sur tous les supports, ce qui nécessiterait un regroupement des contenus produits par les différentes sociétés de l’audiovisuel public.
Au lieu de cela, France Télévisions s’est engagé en solitaire dans la construction d’une plateforme de vidéo à la demande par abonnement, ou SVOD, payante et coûteuse à développer, sans proposer une offre vraiment distincte. Que faut-il penser de ce projet, qui a d’ailleurs pris beaucoup de retard ?
Madame la ministre, nous souhaitons que l’avenir de l’audiovisuel public passe par une clarification de ses missions, de son périmètre et de ses projets.
L’audiovisuel public n’a ni les moyens financiers ni les compétences technologiques pour concurrencer une grande part du privé dans le paysage médiatique qui s’annonce. Il doit tracer une voie complémentaire, avec des exigences et des moyens spécifiques, comme mon collègue André Gattolin et moi-même le proposions en 2015.
Comment donner la priorité à la culture, à l’éducation, au débat démocratique, à la curiosité et à l’ouverture, tout en continuant de subir la pression de l’audimat et des recettes publicitaires ? Tranchons cette contradiction en assumant qu’un service public de qualité est incompatible avec une gestion commerciale !
Un premier pas a été fait l’année dernière, sur l’initiative du Sénat, par la suppression de la publicité dans les émissions jeunesse.
Les regroupements et la clarification des missions du service public de l’audiovisuel doivent permettre d’engager une nouvelle étape fondée sur la différenciation de son offre, un financement spécifique, à travers la réforme de la CAP et la recherche d’une qualité accessible à tous.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste – Mme Colette Mélot et M. André Gattolin applaudissent également.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe auteur de la demande.
Mme Marie-Christine Chauvin applaudit.
C’est le Président de la République, et non pas moi, qui, voilà quelques semaines, dénonçait le gâchis qu’est l’audiovisuel public. Je regrette ce gâchis, mais je le constate. Aujourd’hui, si nous envisageons une énième réforme de l’audiovisuel public, c’est bien qu’il existe des problèmes de coût, de fonctionnement, de gouvernance et de mission. Cela fait beaucoup pour un seul secteur !
Tout le monde est responsable ; à droite comme à gauche, chacun a voulu sa réforme, chacun a voulu son mode de désignation des présidents de chaînes, pensant pouvoir ainsi exercer une influence surréaliste. Cela s’est souvent retourné contre les auteurs de ces changements.
Aujourd’hui, l’audiovisuel public nous coûte 3, 7 milliards d’euros, sans compter les recettes publicitaires ; c’est beaucoup d’argent. Je tiens à prévenir dès à présent mes collègues de la commission de la culture : la commission des finances est plutôt hostile, pour ne pas dire très hostile, à une éventuelle extension de la redevance qui constituerait en réalité, pour les Français, un prélèvement supplémentaire de plusieurs centaines de millions d’euros par an, et ce pour un résultat dont – c’est le moins que l’on puisse dire – on n’est pas certain.
Peut-être, madame la ministre, avant d’envisager une extension de cette redevance, devrait-on demander à l’audiovisuel public, au-delà des questions de gouvernance, de faire des économies de gestion. On le demande bien aux particuliers, aux collectivités, aux entreprises. Peut-être l’audiovisuel public, en se réorganisant, en veillant à ne pas encourir de dépenses excessives sur certains domaines, pourrait-il de même s’efforcer de rationaliser sa dépense.
En parlant de rationalisation, j’ai récemment eu l’occasion de lancer une étude sur les coûts de production. On ne peut pas dire que, dans ce domaine, les prix soient les mêmes partout ; on ne peut pas dire que, si l’on compare les coûts de production de l’ensemble des chaînes de télévision, il y ait toujours, du côté du service public, un plus par rapport aux chaînes privées.
Il ne s’agit pas de contester le secteur public ; en revanche, je suis de ceux qui pensent qu’il y a peut-être beaucoup de chaînes de service public. S’il existe une autre solution que de réduire leur nombre, trouvons-la ! Il fut un temps où il y en avait moins, et où l’on n’avait pas pour autant le sentiment que le service public était nul ou insuffisant. Fallait-il absolument créer, récemment, une chaîne d’information en continu, quand il en existait déjà autant dans le secteur privé ? Quel est le plus du secteur public dans ce domaine ? Je ne suis pas certain que tout cela ait du sens.
Dès lors, avant d’envisager l’extension de la redevance, avant de demander aux Français un effort supplémentaire pour l’audiovisuel public, peut-être peut-on demander à celui-ci de réformer ses méthodes de gestion, la rigueur de cette gestion, et ses coûts de production.
Peut-être peut-on aussi lui demander de réfléchir à ses missions de service public. Franchement, à comparer l’ensemble des chaînes, je ne suis pas absolument certain que l’on sente tout de suite la différence de mission du secteur public : ce jeu, cette émission de variétés sont-ils totalement différents de ce que propose le secteur privé ? Il existe des émissions remarquables sur les chaînes publiques, mais aussi beaucoup d’éléments comparables à l’offre privée. Il faut donc trouver, peut-être, plus de rationalité.
En attendant, madame la ministre, nous participerons volontiers à votre réflexion sur la réforme. Nous vous demanderons seulement de réfléchir avec l’ensemble des responsables aux moyens de réguler la dépense avant de déterminer s’il faut augmenter la recette.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste – Mme Colette Mélot et M. André Gattolin applaudissent également.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie la commission de la culture et le groupe Les Républicains d’avoir sollicité ce débat de contrôle, qui me permet de rappeler le sens de la transformation que nous engageons dans l’audiovisuel public, de présenter la méthode que nous avons choisie pour avancer, et de vous faire un point d’étape sur nos réflexions.
Revenons d’abord au sens de cette réforme : pourquoi engager cette transformation de l’audiovisuel public ? C’est parce que le paysage audiovisuel, dans son ensemble, se transforme. En quinze ans, il a subi plusieurs métamorphoses. De nouveaux usages sont apparus : le public de l’audiovisuel se transforme. De nouveaux acteurs existent aujourd’hui ; nous sommes désormais dans un monde d’hyperoffre : on compte 27 chaînes sur la TNT et plusieurs centaines de chaînes sur nos box. De nouveaux contenus sont disponibles, avec l’explosion des séries et des formats web, et l’apparition de nouveaux espaces de diffusion ; de par les GAFAN – Google, Apple Facebook, Amazon et Netflix –, l’audiovisuel est présent sur les réseaux sociaux et sur les sites de recommandation. En somme, le marché audiovisuel n’est plus national : il est de plus en plus mondial.
La transformation de l’audiovisuel public est aujourd’hui incontournable. Plusieurs de nos voisins européens l’ont engagée, comme vous l’avez évoqué dans votre intervention, madame la présidente de la commission. C’est pourquoi je me suis rendue à Londres afin de rencontrer les dirigeants de la BBC ; je suis également allée en Belgique, pour visiter la RTBF, qui a accéléré sa mue en réfléchissant aux contenus et aux publics. L’idée est, non pas d’importer ces modèles étrangers, mais de s’inspirer de ce qui fonctionne.
Or pour permettre à notre audiovisuel public non seulement de s’adapter aujourd’hui aux mutations, mais de les provoquer demain, nous devons dessiner une vision à dix ou quinze ans, comme vous l’avez bien rappelé. Nous sommes en train d’y travailler.
Cet impératif de transformation s’applique aussi à la réglementation et à la régulation de l’audiovisuel.
J’ai déjà annoncé qu’il y aurait une grande loi audiovisuelle. Un projet de loi sera présenté avant la fin de l’année. Il permettra la transposition de la directive Services de médias audiovisuels, dite SMA, et une révision de la loi du 30 septembre 1986. Nous sommes en train de travailler sur ces différents sujets.
Quelle méthode est la nôtre ? La transformation va se nourrir de plusieurs réflexions et, en premier lieu, de celle que j’ai engagée avec les sociétés de l’audiovisuel public. Je réunis tous les mois les dirigeants des six sociétés dans un comité stratégique, qui se focalise sur le renforcement des coopérations entre ces sociétés. Cinq chantiers ont d’ores et déjà été identifiés : la reconquête des jeunes publics, l’international, l’offre de proximité, l’offre en ligne et les synergies sur les ressources transverses. Plus d’une centaine de collaborateurs participent à ces travaux, depuis maintenant plusieurs mois. C’est inédit !
La transformation profitera également des réflexions qui ont lieu dans le cadre du programme Action publique 2022, démarche de modernisation qui engage tous les ministères.
Elle doit aussi pouvoir se nourrir des travaux parlementaires, qui sont particulièrement riches sur ce sujet. Je pense singulièrement aux travaux de votre commission, madame la présidente, travaux dont je salue la qualité. Je connais par ailleurs votre investissement personnel sur ces questions.
Enfin, je souhaite que nous puissions organiser un débat avec les professionnels et nos concitoyens, une fois que nous aurons défini les orientations de cette transformation. En effet, c’est pour eux que nous la menons. En outre, comme vous l’avez bien dit, madame la présidente, ce choix de société doit concerner tous les Français.
Pour ce qui est du calendrier, comme nous l’avons déjà indiqué, nous ferons nos annonces d’ici à la fin du mois de mars. À ce stade, je ne peux donc faire qu’un point d’étape sur nos réflexions, qui ne sont pas finalisées.
La transformation tourne autour de quatre enjeux.
Le premier d’entre eux, ce sont les contenus et les programmes. Nous touchons ici à la raison d’être de l’audiovisuel public : sa singularité et ses missions.
Vous l’avez bien souligné dans vos différentes interventions, madame la présidente de la commission, messieurs les sénateurs : l’enjeu est que l’audiovisuel public réponde aux attentes de tous les publics et propose une offre qui se distingue de celle du secteur privé.
La question centrale est la suivante : comment continuer à faire la différence ? C’est véritablement la boussole de la transformation. Nous avons identifié plusieurs missions prioritaires : j’en évoquerai trois.
La première d’entre elles est l’offre pour la jeunesse. La reconquête des jeunes est une urgence, pour la télévision publique en particulier. En effet, l’âge moyen des téléspectateurs augmente. Pour France 3, il est de 63 ans contre 58 ans en 2012 ; pour France 2, il est de 60 ans, contre 57 ans en 2012. Pour les chaînes privées, l’âge moyen du téléspectateur augmente aussi, mais il reste bien en deçà. Pour M6, il est de 47 ans aujourd’hui ; pour TF1, de 53 ans, soit 10 ans de moins que pour France 3.
L’audiovisuel public offre une différence pour les programmes destinés aux moins de 12 ans de par l’absence de coupures de publicité, grâce à l’adoption de la proposition de loi du sénateur André Gattolin. Il faut maintenant reconquérir les adolescents et les jeunes adultes, qui délaissent la télévision linéaire, mais consomment beaucoup de contenus en ligne et, notamment, de vidéo à la demande. Les deux tiers des 15-24 ans regardent des vidéos en ligne quotidiennement ; un jeune sur cinq est abonné à une offre de vidéo à la demande, contre une personne sur douze pour la moyenne de la population.
L’audiovisuel public doit leur proposer, sur le canal numérique, une offre de contenus culturels, éducatifs et informatifs de référence que les jeunes ne trouveraient pas ailleurs.
Une autre mission prioritaire de l’audiovisuel public est la proximité. L’offre d’informations et de programmes locaux est une spécificité de l’audiovisuel public. Elle est fondamentale pour la vie de nos territoires ; ce n’est pas à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que je l’apprendrai.
Pour renforcer cette mission, je crois à une coopération accrue entre les antennes de France Bleu et France 3, afin de produire davantage d’émissions et de programmes locaux. Les équipes travaillent à des expérimentations, notamment autour d’une matinale.
Enfin, parmi les missions prioritaires, il faut évoquer la culture. Le service public propose déjà une offre à part, avec des émissions comme La Grande Librairie, des œuvres de création, ou encore des retranscriptions de spectacles, notamment sur Arte. Il faut renforcer cette offre ; c’est une demande des Français. De fait, selon un récent sondage JDD-IFOP, une majorité d’entre eux regrette que, sur France Télévisions, il n’y ait pas assez de films, de programmes culturels et de documentaires.
Le deuxième enjeu de la transformation de l’audiovisuel public, après les contenus, est la mutation numérique.
L’investissement dans ce domaine a été jusqu’à présent largement insuffisant : il est de 3 % environ dans le budget de France Télévisions, contre 7 % chez certains de nos voisins européens et 12 % au Canada.
Il convient donc de repenser la stratégie numérique de l’audiovisuel public, à court et moyen terme. Les efforts des sociétés sont aujourd’hui éparpillés ; il faut plus d’investissements et d’offres numériques communes. Les sociétés font à l’heure actuelle des propositions en ce sens.
Il faudra aussi répondre, à terme, à l’enjeu du média global, qui mêle image, son et voix, et qui est présent en linéaire comme en non-linéaire.
Le troisième enjeu de la transformation est la gouvernance de l’audiovisuel public.
Nous avons une volonté claire : renforcer la coordination entre les différentes sociétés. Nous avons ouvert pour cela plusieurs pistes de réflexion. La distinction entre une présidence non exécutive et des directions générales, idée récemment relayée par un article de presse, n’est qu’une option de travail parmi d’autres. Elle est tout simplement issue du parangonnage – pour ne pas dire du benchmark – que nous avons effectué auprès des modèles européens, notamment de la BBC.
À ce stade, nous ne privilégions pas le meccano institutionnel consistant à créer une nouvelle entreprise unique. Nous préférons des méthodes souples d’organisation, qui favoriseraient la mise en œuvre rapide des réformes.
La question d’une nomination des dirigeants par les conseils d’administration se pose. Cette piste a été évoquée par le Président de la République pendant la campagne présidentielle. Elle donnerait aux dirigeants une plus grande assise managériale et impliquerait de revoir la composition des conseils d’administration. Les suggestions émises par le sénateur André Gattolin dans sa proposition de loi nous offrent une base de travail, qui sera complétée par d’autres propositions.
Le financement de l’audiovisuel public constitue le quatrième enjeu de sa transformation.
Ce n’est pas le point de départ de cette transformation, mais son point final, en quelque sorte, une fois repensées les missions et l’organisation du secteur.
Comme je l’ai réaffirmé lors de l’examen du budget pour 2018, il n’y aura pas de retour de la publicité après 20 heures sur France Télévisions. C’est un élément fort de distinction du service public.
S’agissant de la redevance, comme je l’ai déjà dit, je souhaite qu’un débat soit ouvert. À moyen terme, l’évolution des usages pose la question du rendement de cette contribution et de l’équité entre contribuables. Nous aborderons la question sans tabou.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe République et Territoires – Les Indépendants, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains.
Madame la ministre, je voudrais simplement vous demander quelle est votre conception du rôle du CSA.
Dans le cadre de vos réflexions, si vous reteniez, à terme, la création d’une holding de l’audiovisuel public, même si j’entends bien que, pour chacune des chaînes, les conseils d’administration seraient décisionnaires, envisagez-vous que le CSA, dans sa forme actuelle, conserve un pouvoir de décision ?
On a pu récemment constater, au sujet de Radio France, certaines hésitations avant, sinon votre intervention, du moins votre décision de dire certaines choses ; on a eu le sentiment que le CSA se tenait peut-être quelque peu en retrait.
Plus généralement, nous jugeons tous assez curieux que le Conseil soit à la fois juge et partie. En effet, il nomme les responsables des chaînes et juge les décisions prises pendant leur mandat. Il est tout de même assez étrange que celui qui nomme juge en même temps la validité des actions de ceux qu’il a nommés.
Envisagez-vous sur ce point, madame la ministre, un changement profond dans la désignation des futurs responsables des chaînes ? Mais surtout – décision plus immédiate –, dans le cas de figure d’une holding, qui désignerait le président ou la présidente de celle-ci ?
Monsieur le sénateur, le CSA doit clairement être renforcé dans son rôle de régulateur. C’est d’ailleurs l’enjeu du projet de loi relatif à l’audiovisuel que nous déposerons en fin d’année à l’occasion, notamment, de la transposition de la directive SMA et de la révision de la loi du 30 septembre 1986.
Comme je vous l’ai dit dans mon propos introductif, nous réfléchissons à modifier le mode de nomination des dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public. Plusieurs pistes sont examinées, rien n’est arrêté aujourd’hui, mais il nous semble qu’il faut responsabiliser davantage les dirigeants devant le conseil d’administration. En me rendant au Royaume-Uni à la rencontre des équipes de la BBC, j’ai longuement parlé avec le président de son board qui nous a expliqué la démarche entreprise ; j’ai écouté avec attention l’exposé de ce qu’ils ont mis en place voici un an. Tout cela peut nous inspirer et nous permettre de réfléchir.
Cela dit, si je dois vous répondre d’une phrase, le rôle de régulateur du CSA est clairement au centre de ses missions.
Madame la ministre, j’entends bien que rien n’est définitif et qu’il faut attendre l’évolution de la réflexion. Pour ma part, le rôle de régulateur du CSA ne me dérange pas : il faut bien qu’il y ait un organe régulateur.
Ce qui pose problème, à mon sens, c’est que l’on donne à la même institution le pouvoir de nomination et le pouvoir de régulation. Il y a là un sujet qui n’est pas clairement défini et qu’il faudra préciser dans le futur pour éviter des situations comme celle que nous venons de connaître à Radio France.
La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.
Madame la ministre, lorsqu’on envisage une réforme profonde de l’audiovisuel public, la première des questions qui doivent servir de base à cette refonte, notamment dans le monde bouleversé des médias, est celle des missions prioritaires de ce service public et de son utilité sociale.
Je crois que, tout comme l’éducation nationale ou les politiques publiques que nous engageons en matière culturelle, l’audiovisuel public doit être autant considéré comme un investissement que comme une dépense. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas réguler et surveiller sa dépense.
Dès les prémisses de l’audiovisuel public, en 1945, un objectif était clair : la Radiodiffusion française, ou RDF, devait informer les citoyens, les divertir, mais aussi les éduquer et enrichir culturellement le plus grand nombre par des programmes ambitieux en matière de création artistique et une démocratisation de l’accès à la culture.
Cette volonté d’accès élargi de nos concitoyens à la culture fait partie des objectifs prioritaires du Président de la République. Ceux-ci sont d’ailleurs clairement incarnés dans les orientations de la mission « Médias, livre et industries culturelles » de la loi de finances pour 2018 qui témoigne d’une volonté accrue en matière de démocratisation.
La France, qui dispose pourtant d’un patrimoine exceptionnel et d’une création culturelle d’une grande vitalité, peine aujourd’hui à les exprimer sur nos grandes chaînes publiques, du fait de la disparition de la plupart des émissions emblématiques de ce traitement culturel.
Madame la ministre, je ne dévoilerai rien en disant que vous êtes ministre à la fois de la culture et de la communication. D’un côté, nous avons des contenus culturels et nous manquons de canaux pour les populariser. De l’autre côté, nous avons un audiovisuel, où des canaux existent, mais manquent singulièrement de contenus culturels. Comment envisagez-vous la synergie entre culture et audiovisuel, et le renforcement de la présence de la culture sur nos chaînes publiques ?
Monsieur le sénateur, comme vous pouvez vous en douter, je suis évidemment très sensible à cette question, en tant que ministre à la fois de la culture et de la communication et, d’une certaine façon, du fait de mon ADN profond, qui est, évidemment, la culture.
Comme je l’ai dit en introduction à ce débat – et je suis loin d’être la seule à l’avoir rappelé –, les Français expriment une demande forte pour davantage de programmes culturels sur nos médias, notamment sur la télévision et la radio publiques. D’ailleurs, l’augmentation d’audience de certaines chaînes culturelles spécifiques constitue d’une certaine façon un indicateur de cette demande. Dans un récent sondage, les Français indiquaient qu’ils voudraient plus de films – presque à 70 % –, plus de culture – presque à 50 % – et plus de documentaires – à 48 % – sur France Télévisions. Il suffit de voir le tollé qu’a suscité l’idée de supprimer certains documentaires sur France Télévisions pour se rendre compte de l’attachement des Français à ces émissions.
La culture est clairement identifiée comme une mission d’intérêt général. C’est donc pour nous un chantier prioritaire au sein de cette réforme. La culture est un marqueur de la singularité du secteur public ; elle est au cœur du soutien qu’il apporte au secteur de la création. En effet, n’oublions pas que France Télévisions représente la moitié des investissements dans la création audiovisuelle française.
L’offre culturelle est aussi identifiée comme un chantier où les coopérations entre sociétés peuvent apporter de la valeur ajoutée ; cela a été relevé dans les comités stratégiques que j’ai réunis. C’est très évident, au niveau que ce soit de l’offre traditionnelle linéaire ou de l’offre digitale. Les dirigeants des sociétés feront donc des propositions en ce sens ; ils sont tous très mobilisés sur ce sujet.
Enfin, selon moi, il ne faut pas opposer programmes de divertissement et programmes culturels. En effet, certains divertissements peuvent être éminemment culturels, instructifs et éducatifs, et susciter un véritable goût pour la culture. La culture peut clairement être divertissante !
La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je tiens d’abord à saluer l’initiative de la commission de la culture : sans elle, nous ne serions pas saisis ce soir de ce débat.
Madame la ministre, ma question porte sur la méthode que vous comptez employer. L’avenir du service public audiovisuel est une grande question démocratique qui ne peut pas être traitée par quelques centaines d’initiés.
On entend beaucoup les mots « modernité », « dialogue social », « ambition de service public », mais qu’est-ce qui garantira cela ? Qui décidera, in fine ? Est-ce que ce sera le Gouvernement, tout seul ? Le débat public s’organisera-t-il autour du seul schéma gouvernemental, ou autrement ?
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos.
Ainsi, quel modèle pour la future organisation des sociétés de l’audiovisuel public : coopération renforcée, holding, fusion ? Manifestement, des schémas sont déjà préemptés au détriment d’autres, alors qu’aucune évaluation publique de ces schémas contradictoire n’a de fait eu lieu. Où est donc le dialogue ? Le dialogue nécessite de mettre sur la table plusieurs hypothèses.
Sur le mode de nomination des dirigeants, c’est la même chose : on nous affirme d’emblée qu’il faut le changer, sans qu’on sache pourquoi – personne ne nous l’a vraiment expliqué. Aura-t-on ensuite la possibilité d’étudier à égalité plusieurs hypothèses quant au mode de nomination, ou bien pourra-t-on seulement amender la proposition gouvernementale ? Nous entrons donc, en vérité, dans des chantiers déjà très balisés.
Pour notre part, nous vous suggérons, madame la ministre, une autre méthode. Je voudrais savoir si vous seriez d’accord pour engager un débat public de six mois, sans schéma gouvernemental préalable, au cours duquel pourraient être exposées toutes les hypothèses en présence : celles des personnels, des créateurs, des syndicats, des directions actuelles, des parlementaires et du public. Ensuite aurait lieu une évaluation contradictoire de ces hypothèses, et des recommandations seraient mises en débat.
Pour votre part, vous venez de nous dévoiler que, dès la fin du mois de mars, le débat s’organiserait déjà autour de vos conclusions, avant même qu’il se soit engagé dans le pays.
En somme, nous proposons une méthode pluraliste et démocratique, qui fait appel à l’intelligence citoyenne. Je crois que le pays a beaucoup d’expertise à faire valoir sur l’avenir du service public et que le service public aura besoin de ces qualités. Êtes-vous prête, madame la ministre, à changer la démarche que vous venez d’annoncer au profit d’une méthode plus ouverte et plus pluraliste ?
Monsieur le sénateur, je vous remercie de m’interroger sur la méthode. À mon sens, nous avons engagé la réflexion de façon innovante et inédite dans ce secteur.
Ce sont évidemment les personnes concernées au premier chef qui ont à réfléchir sur le sujet. C’est pourquoi nous les avons réunies au mois de juillet dernier. Depuis, le comité stratégique se réunit régulièrement et nous amenons les acteurs concernés à se pencher sur des sujets touchant l’intérêt du public par rapport à l’audiovisuel public. Ils ne l’ont pas fait tout seuls – ce n’est pas du tout ainsi que cela s’est passé – : ils ont convié leurs équipes et plus d’une centaine de personnes ont été rassemblées pour mener ces travaux de réflexion. C’est tellement inédit qu’eux-mêmes ont relevé avoir échangé des numéros de téléphone et des adresses mail pour la première fois. C’est un changement radical dans la façon de procéder.
Ensuite, je l’ai souligné, une fois qu’auront été tirées les conclusions de ces travaux, un débat public sera organisé à la fin du mois de mars prochain, sur la base de ces premières orientations, avec les professionnels – je consulte beaucoup –, avec les gens sur le terrain – je me déplace : je me suis rendue à France 2 ou France 3 pour rencontrer les équipes – et avec le Parlement. Une consultation générale suivra, qui permettra l’élaboration d’un projet de loi d’ici à la fin de l’année.
La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain.
Madame la ministre, l’exercice qui nous réunit aujourd’hui nécessite sans doute d’être direct. Ma question est donc très simple : considérez-vous que le service public de l’audiovisuel est une « honte de la République » et que l’audiovisuel public coûte trop cher à la Nation ?
À question rapide, réponse rapide…
Avez-vous remarqué que les audiences avaient augmenté, notamment sur France Inter, France Culture et France Musique ? C’est la fierté des Français ! La première matinale, c’est celle de France Inter. C’est la fierté des Français !
Il n’a jamais été question de honte concernant l’audiovisuel, c’est pourquoi je n’ai pas à répondre sur ce point. Ce qui est important, c’est la façon de réfléchir aux problématiques : comment aborder la réflexion sur l’audiovisuel, à partir des missions qui lui sont dévolues ? Je l’ai rappelé dans mon discours introductif. Il faut travailler sur ces priorités.
Quant à l’argent public, il est ce qu’il est aujourd’hui. Le budget de l’audiovisuel public atteint 3, 9 milliards d’euros, alors que celui de la culture est de 3, 7 milliards d’euros. C’est une réalité. Compte tenu de ce montant, il faut réfléchir à un audiovisuel public qui assure ses missions et réponde aux attentes des Français en matière de qualité et de singularité.
Madame la ministre, je suis content que vous ayez très clairement affirmé que l’audiovisuel public était la fierté des Français. En effet, ce n’est pas ce que l’on entendait jusqu’à présent pour justifier une réforme.
Bien entendu, la réforme est nécessaire au regard des transformations des usages, de la révolution technologique, de la concurrence qui a changé. Toutefois, ce qui est de l’ordre de la responsabilité des pouvoirs publics dans un environnement concurrentiel, c’est plutôt de faire la promotion du service public, parce qu’il y a des concurrents, et non de faire preuve de dénigrement – tel n’a d’ailleurs pas été le sens de vos propos.
Je tiens à rappeler que France Télévisions, c’est 1, 3 million de vidéos vues sur les plateformes numériques, c’est 28, 3 % d’audience, c’est France 2 qui a progressé l’année dernière, c’est France 3 dont l’audience est stable et qui est la troisième chaîne sur l’ensemble des chaînes hertziennes, c’est France 5 qui a atteint son plus haut niveau d’audimat dans l’histoire. Cette tendance vaut aussi pour les chaînes que l’on montre du doigt, par exemple France 4, qui a des résultats inattendus parmi la jeunesse, ou France Ô, dont la spécificité est de jouer un rôle social vis-à-vis de l’outre-mer.
Je tiens également à parler de Radio France et de ses audimats, parce qu’on l’oublie, qu’il s’agisse de France Inter, deuxième radio de France, avec des audaces culturelles, ou des émissions de philosophie qui font le plus grand nombre de podcasts.
Oui, madame la ministre, c’est la fierté de la République et c’est cela qu’il faut renforcer dans toute réforme !
La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, face à l’évolution des usages et des technologies, face à la concurrence des chaînes privées et aux nombreuses contraintes budgétaires, l’audiovisuel public, machine forte de 18 000 salariés et de 3, 8 milliards d’euros de budget, s’essouffle, en termes tant de modèle que de contenus. Il nous faut le réinventer : il s’agit là d’un chantier d’ampleur, nous en convenons tous.
Cependant, en élevant l’audiovisuel public français à la hauteur d’un service d’excellence, c’est l’image de la France qui se relèvera : la France des territoires, la France nationale, la France à l’étranger.
Pour cela, nous sommes d’accord, une réforme en profondeur est nécessaire.
Sur la forme, il nous faut sans doute harmoniser la gouvernance, revoir le financement, mutualiser les moyens. Toutes ces questions sont essentielles. Avant tout, il est nécessaire d’adopter une vision claire des missions que le Gouvernement souhaite confier aux médias publics. Il nous faut redéfinir leur périmètre et définir leur raison d’être.
On demande à l’audiovisuel public de remplir trois missions : éduquer, informer et distraire. Actuellement, ces missions se confondent en partie avec l’offre privée ; en partie seulement, car l’éducation citoyenne reste l’apanage du service public.
À l’heure de la désinformation, redonnons une pleine dimension à cette mission d’éducation à la fois citoyenne et populaire. À cette mission originelle, ajoutons celle du rayonnement de la France dans le monde francophone. Faisons de l’audiovisuel public le premier vecteur d’identité et de cohésion nationale sur nos territoires et à l’étranger.
Madame la ministre, ma question est double. Quel rôle voulez-vous donner à l’audiovisuel public dans la lutte contre la désinformation ? Pensez-vous possible de rassembler les médias publics au sein d’un média global, sorte de BBC à la française au rayonnement international ?
Madame la sénatrice, vous me posez en fait la question de l’éducation aux médias qui est aujourd’hui au centre de nos réflexions. C’est primordial et essentiel pour prévenir les dérives actuelles en matière d’information, marquées par les théories du complot et les fausses nouvelles. Il ne faut pas oublier non plus la vocation du service public à s’adresser en priorité aux jeunes, mais pas uniquement.
L’audiovisuel public a un rôle décisif à jouer dans ce domaine, j’en suis convaincue. D’ores et déjà, des initiatives sont menées sur les antennes avec des programmes de décryptage et de vérification, par exemple sur France Médias Monde avec l’émission Les preuves, des faits, sur France Info avec Le vrai du faux, sur France Télévisions avec L ’ instant détox – l’émission C dans l ’ air propose également des chroniques sur ce thème. C’est véritablement important.
Pour ma part, je me suis rendue dans des écoles dans le cadre de rencontres avec des jeunes sur ce sujet. C’est essentiel auprès des publics scolaires et les jeunes y sont très sensibles. Il est vrai qu’il faut à la fois renforcer ces initiatives et mieux les faire connaître. Ce qu’il faut, c’est aussi mieux faire connaître ce qui se fait dans l’audiovisuel public. De ce point de vue, la nécessité de la transformation est réelle.
Savez-vous que, en Grande-Bretagne, 85 % des jeunes révisent en utilisant la BBC comme support d’information ? Nous ne connaissons pas toutes les richesses dont regorge France Télévisions. C’est très important et nous y travaillons dans le cadre du comité stratégique qui se réunit tous les mois.
J’en viens à l’audiovisuel extérieur et vous confirme, madame la sénatrice, le rôle tout à fait fondamental qu’il a à jouer pour le rayonnement international de la culture française et de la France.
La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lancée sur l’initiative du Président Jacques Chirac en 2002, la chaîne France 24 a émis pour la première fois le 6 décembre 2006.
Cet outil œuvre depuis au rayonnement de la France à travers le monde. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Russie ou encore le Qatar s’étaient auparavant dotés de canaux semblables.
Même si les programmes de France 24 n’ont pas prioritairement vocation à être diffusés dans notre pays, il me semble opportun de leur offrir une véritable visibilité nationale, et ce pour plusieurs raisons.
Il s’agit tout d’abord de renforcer l’attractivité internationale de ces programmes. En effet, comment un média peut-il légitimement se vendre auprès de distributeurs internationaux quand, dans son propre pays, un nombre important de citoyens méconnaissent jusqu’à son existence ?
Il convient ensuite de rendre plus acceptable la contribution, par l’impôt, des citoyens au service public audiovisuel. Il nous paraît souhaitable, voire logique, que celles et ceux qui financent la chaîne de la France à vocation internationale puissent y accéder plus largement.
Il faut enfin le faire pour la qualité des programmes diffusés par France 24. Alors que les sujets internationaux sont, à mon sens, « sous-traités » dans la plupart des médias d’information télévisuels, cette chaîne représente une source d’information précieuse pour nos concitoyens. À l’heure de la mondialisation, porter un regard éclairé au-delà de nos frontières ne semble pas superflu. En outre, l’actualité ne se résume pas à une succession de faits divers ou à la phrase politique assassine du jour.
France 24 est désormais accessible depuis la TNT, soit aux seuls Franciliens, soit entre minuit et six heures du matin lorsque France Info TV interrompt ses programmes.
Madame la ministre, nous sommes nombreux à regretter que cette visibilité ne soit pas encore plus grande. Pouvez-vous nous dire si l’offre de France 24, assez complémentaire de l’offre d’informations télévisuelles aujourd’hui proposée, a selon vous vocation à être plus aisément accessible sur le territoire national ?
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. André Gattolin applaudissent également.
Madame la sénatrice, j’entends vos préoccupations, notamment en ce qui concerne la diffusion de France 24 sur le territoire national. Ce sujet n’est pas nouveau et n’est pas sans lien avec la question précédente, à savoir la façon d’accéder aux offres de l’audiovisuel public. Un énorme travail de réflexion reste à mener en la matière, notamment pour développer des outils numériques extrêmement ergonomiques et faciles. Moi-même, parfois, je me perds quand je veux chercher quelque chose : comment faire ? Par quel cheminement ?
L’audiovisuel public est public, dans le sens où il va aussi vers le public. Il ne lui suffit pas de remplir ses missions d’audiovisuel public : il doit aussi les amener jusqu’au public. Voilà véritablement une question importante sur laquelle nous n’avons pas assez travaillé, mais autour de laquelle les acteurs se mobilisent maintenant. Dans ce domaine en effet, la coopération peut plus que jamais être bénéfique pour trouver ensemble les outils.
J’en viens à France 24. Près de 75 % de nos concitoyens peuvent déjà y avoir accès, puisque la chaîne est diffusée sur la TNT en Île-de-France et en outre-mer, ainsi que sur le câble, l’ADSL et le satellite sur l’ensemble du territoire national. Qui plus est, elle est disponible sur tous les supports numériques. Enfin, comme vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, sa diffusion de minuit à six heures trente, sur la chaîne France Info TV, sur le canal 27, complète cette couverture.
En tout état de cause, la question de la diffusion de cette chaîne sur la TNT sur l’ensemble du territoire national se heurte à l’absence de fréquence hertzienne disponible. En outre, cela aurait certainement un coût qu’il faudrait mettre en regard des missions de service public de France Médias Monde, notamment le rayonnement international de la France.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, depuis de nombreuses années, la réforme de l’audiovisuel public est envisagée à travers le prisme de sa gouvernance et des économies à réaliser. Toutefois, l’audiovisuel public est avant tout un service public. C’est pourquoi le futur projet de loi doit d’abord être projet de loi d’orientation, permettant de clarifier les missions qui lui sont dévolues. Une fois ces missions précisées, il sera temps de réfléchir aux moyens nécessaires pour atteindre les objectifs qui auront été fixés.
Pour parvenir à ce résultat, une réflexion et un débat ouvert sont nécessaires. Un projet partagé est en effet un projet accepté et, souvent, plus facile à financer. Aussi, madame la ministre, quelle méthode allez-vous mettre en place pour parvenir à un consensus sur les objectifs et les moyens ?
Concernant les objectifs – vous l’avez abordé, madame la ministre, à l’instar de Colette Mélot –, j’aimerais insister sur le défi majeur que représente l’éducation des jeunes à l’audiovisuel public. À l’heure où les plus jeunes se désintéressent de nos médias nationaux et sont exposés quotidiennement à des fake news, il faut parvenir à cultiver, divertir et informer notre jeunesse avec des programmes de qualité conçus pour elle, afin que nos enfants se réconcilient avec l’audiovisuel public et prennent l’habitude de l’utiliser.
Pour y arriver, il faudra aussi se poser la question de la forme des programmes, avec le développement des formats digitaux, de la présence sur les réseaux sociaux, ou encore de l’opportunité de fusionner l’ensemble de ces programmes sur une seule chaîne consacrée à la jeunesse.
Sur la méthode, j’ai déjà répondu. Trois étapes sont prévues : un travail en cours avec les sociétés, qui suppose d’aller sur le terrain – c’est très important : rien de tel que d’aller à la rencontre de ceux qui font pour bien mesurer les enjeux –, la consultation publique et un grand débat.
Madame la sénatrice, vous avez à juste titre orienté votre question sur le ciblage d’un public jeune. Vous avez raison. En effet, comme je l’ai dit en introduction, la télévision publique connaît un véritable vieillissement de ses audiences – 58 ans pour France Télévisions et 62 ans pour Arte – et subit une désaffection croissante du jeune public. C’est une évidence absolue.
L’audiovisuel public ne peut durablement s’éloigner du public jeune. L’un de nos paris est d’accompagner cette transformation pour qu’il soit à nouveau en mesure de proposer des programmes attractifs de façon linéaire ou délinéarisée, correspondant aux usages des jeunes et prenant véritablement en compte la problématique de ces derniers.
Des pistes sont déjà en cours. Je pense, notamment en matière d’offre, au Mouv’ ou à cette toute nouvelle plateforme que France Télévisions vient de lancer, Slash, et, comme je l’ai déjà évoqué, aux programmes d’éducation aux médias ou encore aux programmes éducatifs.
Je rappelle encore une fois ce chiffre absolument incroyable : au Royaume-Uni, 85 % des jeunes vont sur la BBC pour travailler, étudier et s’informer. En France, des programmes éducatifs existent, par exemple Educ’ARTE proposé par Arte . Reste que les jeunes ne les utilisent pas, parce qu’ils ne les connaissent pas.
Un gros travail doit donc être mené. Il faut s’adapter à l’évolution des usages et élaborer une véritable stratégie en matière non seulement de contenus, mais aussi de distribution digitale. C’est l’un des cinq chantiers prioritaires que nous menons.
L’Éducation nationale ne peut-elle pas être associée à ce type de réflexion sur les chaînes éducatives ? Par ailleurs, l’exemple de la BBC me semble très pertinent.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’avenir de l’audiovisuel public est en débat. Le sujet n’est pas nouveau.
Nous sommes nombreux à penser que, depuis trop longtemps, l’audiovisuel public français se situe bien trop loin des aspirations du public et qu’une restructuration en profondeur est absolument nécessaire.
Face à ce qu’il convient d’appeler « une crise du financement », il est devenu indispensable de refonder un nouveau modèle qui permettra de garantir des ressources dans la durée, de clarifier le rôle de l’État et de renforcer la cohérence de l’audiovisuel public. Ce nouveau modèle doit permettre de concilier une meilleure maîtrise des ressources de l’audiovisuel public et de ses dépenses, avec la nécessité de dégager des marges de manœuvre, notamment afin d’améliorer son offre numérique.
Toutefois, avant de parler des moyens, il semble indispensable de réaliser un véritable audit de l’ensemble, un audit sérieux, financièrement analytique, afin de pouvoir identifier de façon certaine et transparente les coûts réels, aujourd’hui noyés dans un ensemble opaque.
Périmètre d’intervention incertain, gestion pléthorique des ressources humaines, retard pris dans le développement du numérique et sa marginalisation dans la maison, filière dispendieuse du service de production interne : c’est un euphémisme de dire qu’une rationalisation est souhaitable.
Que dire des personnels, indiscutablement de bonne volonté dans leur grande majorité, mais qui, par manque de considération, ont peur du changement ? Où en est, par exemple, l’accès à la formation ? Où en est la fameuse GPEC, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ? Où en est l’audit social, technologique et financier nécessaire à la compréhension de l’ensemble de l’audiovisuel public français et sur lequel s’était engagée Mme Ernotte, présidente de France Télévisions ?
Alors, madame la ministre, mes chers collègues, si une restructuration en profondeur est aujourd’hui absolument nécessaire, elle n’est possible que si des objectifs clairs sont fixés. C’est la raison pour laquelle je souhaite, avant de reparler des moyens à y consacrer, connaître les objectifs clairs du Gouvernement s’agissant de l’avenir de l’audiovisuel public.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, je crois avoir répondu un certain nombre de fois sur la clarté des objectifs. Votre intervention contient une réflexion sur laquelle je ne me suis pas encore exprimée et qui est extrêmement importante.
Vous parlez de gestion des personnes, de transformation, etc. Or un des points importants sur lesquels nous avons insisté dans ces comités stratégiques, et qui correspond d’ailleurs au travail sur les synergies possibles de coopération, c’est la formation des personnes.
L’audiovisuel public se transforme. Si l’on se contente de le regarder se transformer, la catastrophe est certaine. Si l’on essaye d’accompagner cette transformation, l’avenir peut exister. C’est la raison pour laquelle le travail sur la formation doit être mené ensemble. Aujourd’hui, chacune des sociétés travaille sur sa formation ; ainsi, l’INA a un partenariat avec l’université, France Télévisions propose de la formation, à l’instar d’Arte ou de Radio France. Il est urgent que ces acteurs se réunissent et se demandent comment accompagner l’audiovisuel public pour qu’il puisse appréhender l’ensemble de ces réformes, en se fondant sur les missions et sur le financement prévu, lequel, faut-il le préciser, n’est pas le plus coûteux par rapport à celui des autres pays européens.
Il faut d’abord penser toutes ces façons de travailler et voir comment aborder la transformation. Pour moi, la question de la formation est essentielle.
La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.
Monsieur le président, madame la ministre, je ne sais pas si c’est l’expression d’une forme de fébrilité qui résulterait de l’annonce d’un grand projet de réforme de l’audiovisuel ou si c’est l’effet de l’impéritie des dirigeants, mais, depuis quelques semaines, on s’agite beaucoup et de manière assez désordonnée à France Télévisions.
Le 29 janvier dernier, on a découvert un nouvel habillage, suivi d’un nouveau décor pour le journal de France 3. Au passage, ce changement d’habillage était programmé dès 2017, mais, à l’heure des négociations budgétaires, on avait un peu de mal à justifier un tel changement : changer l’habillage et l’identité suppose de profonds changements à l’antenne, ce qui n’était pas le cas. Ces choix cosmétiques, qui ont des incidences budgétaires dont on ne connaît d’ailleurs pas toujours l’ampleur, sont tout de même un peu étonnants…
Plus sérieusement, on a appris très récemment – au début de ce mois – l’existence d’un projet de réorganisation profonde de France Télévisions, et ce à la veille de la préparation d’une nouvelle grande réforme. Il a été décidé de changer de stratégie : après un retour à la verticalisation et à l’organisation par chaînes séparées – France 2, France 3 et les autres chaînes –, on en revient à l’idée de la création soudaine d’une organisation transverse, telle qu’elle avait d’ailleurs été envisagée au moment de l’entreprise unique sous la présidence de Carolis. On se retrouve là face à un projet qui est exactement le contraire de celui qu’a présenté Mme Ernotte et pour lequel elle a été désignée par le CSA.
Madame la ministre, tout ce mouvement est assez inquiétant et erratique. La tutelle a-t-elle été informée de cette volonté de modifier aujourd’hui complètement l’organisation de la fiction notamment, ou sommes-nous face à un fonctionnement, comme l’a évoqué mon collègue tout à l’heure, très peu contrôlé d’une manière générale ?
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, vous êtes au courant de l’indépendance totale des médias et de l’audiovisuel public !
Pour ce qui concerne l’accompagnement de la transformation, je le répète au risque de lasser, nous travaillons ensemble. Nous avons mis en place une méthode inédite, qui non seulement réunit les dirigeants de ces sociétés audiovisuelles, mais s’appuie aussi sur le travail d’une centaine de personnes dans leurs équipes. Beaucoup se sont attelés à la chose et réfléchissent.
Ces réflexions peuvent conduire à des tentatives, voire à des expérimentations. En tout cas, ce qui est clair – nous serons tous d’accord sur ce point –, c’est que, à partir des missions – informer, divertir, amener de la culture –, il faut repenser l’audiovisuel public au regard de tous les chiffres que nous avons partagés, en tenant compte de la nécessité de rendre les choses beaucoup plus lisibles et d’être attentifs au public jeune.
En matière d’audiovisuel public, les urgences sont de diverses natures. Il y a une urgence culturelle, nous l’avons tous souligné. Il y a une urgence sociale : toucher les jeunes, tout en se préoccupant aussi des Français éloignés – on parle beaucoup du numérique, mais il ne faut pas oublier que 30 % des téléspectateurs se trouvent encore sur des territoires éloignés et n’ont pas forcément accès à internet ou ne peuvent pas payer la box. Tous ces problèmes doivent être pris en compte quand on se penche sur ces questions.
Peut-être que cela s’agite beaucoup, mais c’est pour réfléchir et pour transformer.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Les citoyennes et les citoyens de ce pays ont besoin d’informations de qualité, de débats contradictoires, de mises en perspective historiques et philosophiques. Le meilleur antidote contre les « fausses nouvelles » – je le dis en français –, c’est la connaissance, dans la mesure où elle permet à chacune et à chacun de développer son esprit critique.
C’est la grande utilité du service public que d’apporter ces instruments de la critique à tout le monde. Il n’est pas suffisamment dit que ces actions, loin d’être rébarbatives, suscitent l’adhésion franche du public. Sans être injuste, j’aimerais citer l’exemple de France Culture, dont les audiences ont fortement augmenté grâce à une politique de contenus exigeante. Parmi ces productions, il faut citer le développement exceptionnel de la diffusion des contenus sur internet. Je crois que ces succès ne sont pas assez connus ni assez mis en valeur.
Il serait souhaitable que tous ces contenus soient valorisés sur un portail dédié et plus facilement accessible. Je pense notamment à tous ces podcasts – balados, en français – téléchargés à plusieurs dizaines de millions d’exemplaires qui mériteraient d’être mieux diffusés par le biais d’applications plus adaptées et plus accessibles.
Le service public de l’audiovisuel a besoin d’un plan d’investissement massif pour adapter toutes ces pratiques à l’internet.
Monsieur le sénateur, vous ne faites que conforter ce que j’affirme depuis plusieurs questions en pointant la problématique de l’accès. J’y suis très sensible, d’autant que, dans une autre vie – je peux le dire, ce n’est pas un secret –, j’étais éditeur. Être éditeur, c’est accompagner un livre jusque dans les mains du lecteur.
L’audiovisuel public, c’est la même chose ! Il ne s’agit pas seulement de produire des programmes d’excellente qualité. Vous avez évoqué des programmes radiophoniques, notamment ceux de France Culture, mais il existe aussi des programmes éducatifs : des expériences formidables ont lieu, mais nous ne le savons pas assez.
Il est évident qu’un travail est nécessaire. Sur le numérique, vous l’avez souligné, ce travail est considérable. Dans mon propos général, j’ai insisté sur le fait que le budget consacré au numérique était jusqu’à présent beaucoup trop faible : quelque 2 %, contre 7 % au Royaume-Uni et 12 % au Canada. C’est vous dire que nous sommes encore loin du compte et que nous avons une marge de progression !
Le fait de travailler ensemble et en coopération sera aussi une façon de parvenir à une meilleure accessibilité et à un meilleur affichage de ce qui existe. De grandes avancées sont encore possibles. Cela fait partie des sujets sur lesquels les acteurs réfléchissent ensemble.
Je ferai tout d’abord un aveu : je ne regarde pas la télévision ! Pour autant, je ne fais pas un usage réduit du service public, bien au contraire, il est très important. Comme les jeunes aujourd’hui – et je dois être très jeune ! –, je regarde essentiellement les programmes sur mon ordinateur et sur mon téléphone.
Vous allez bientôt défendre dans cet hémicycle, madame la ministre, un projet de loi visant à lutter contre les fausses nouvelles – je le dis à dessein en français, car c’est la langue de la République…
M. Pierre Ouzoulias. J’espère que ce texte consacrera un volet budgétaire très important au développement du numérique, car nous avons véritablement besoin des données de la connaissance.
Mme Françoise Laborde, MM. David Assouline et André Gattolin applaudissent.
Madame la ministre, ma question porte sur le devenir de notre audiovisuel public extérieur.
J’aimerais tout d’abord avoir l’assurance, madame la ministre, que l’entreprise France Médias Monde pourra très vite retrouver à sa tête sa présidente Marie-Christine Saragosse, dont le mandat a été suspendu pour des raisons qui s’expliquent, certes, mais qui ne se comprennent pas très bien.
Pensez-vous qu’il sera possible pour elle d’exercer de nouveau ses responsabilités et de retrouver rapidement le poste auquel, compte tenu de l’excellence de son travail, le CSA l’avait reconduite l’année dernière, sans passer de nouveau par une procédure aussi longue qu’inutile ?
Je vous interrogerai ensuite sur votre vision du rayonnement de notre audiovisuel extérieur. Force est de reconnaître que, en à peine treize ans d’existence, France 24 a su faire entendre une voix originale aux côtés de concurrents aussi importants que CNN, BBC World News ou Al Jazeera. Cette voix porte les valeurs de la France et décrypte le monde à travers elles.
Pour porter cette ambition, France 24 mérite mieux. Elle aurait d’ailleurs pu être le socle de lancement de la chaîne d’information française qui a eu le mérite de rassembler France Télévisions et Radio France. Même si ce n’est pas l’orientation qui a été choisie, quelle place envisagez-vous de donner à France 24, dans le cadre d’une nécessaire réflexion plus globale sur le devenir de l’audiovisuel public en général ? Quelles relations cette chaîne peut-elle entretenir avec les autres entreprises de l’audiovisuel public ?
Monsieur le sénateur, nous pensons bien à Marie-Christine Saragosse. Quelle histoire ! C’est au CSA qu’il appartient de s’occuper de sa renomination. Nous attendons.
Cela étant dit, les équipes sont là et France Médias Monde continue. C’est important, car l’audiovisuel extérieur est un relais capital du rayonnement international de la France. Il a vocation à porter une vision française de l’actualité sur la scène internationale et à promouvoir la francophonie, sujet qui nous tient à cœur, vous le savez.
Pour accompagner cette mission et l’assumer, l’audiovisuel extérieur doit relever des défis considérables liés à l’intensification de la concurrence des médias internationaux. Lorsqu’on visite la BBC, on mesure sa force de frappe à l’international. Il est donc urgent d’amplifier notre évolution numérique et celle des modes de diffusion. Cette question revient en permanence.
Consciente de ces enjeux, j’ai proposé dans le projet de loi de finances d’augmenter les crédits de France Médias Monde de 2, 5 %, soit la plus forte hausse de toutes les entreprises de l’audiovisuel public pour 2018. J’ai ainsi entendu poursuivre l’effort important de soutien à l’audiovisuel extérieur engagé par l’État depuis cinq ans. Entre 2013 et 2017, sa dotation a en effet augmenté de 8 %, alors que celle des autres entreprises n’a progressé que de 2 %. Cette hausse a notamment permis l’ouverture d’un service hispanophone en septembre dernier.
L’audiovisuel public extérieur doit aussi bénéficier de coopérations accrues avec l’ensemble des sociétés audiovisuelles. Il existe ainsi des coopérations entre Arte et France 24 sur l’offre hispanophone. D’autres partenariats sont en cours et s’établissent au fur et à mesure des comités stratégiques. J’ai lancé un chantier de réflexion dans ce cadre-là.
La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain.
Madame la ministre, beaucoup ont évoqué l’exemple de la BBC pour montrer ce qui fonctionne. Je rappelle que la BBC, ce sont cinq chaînes nationales, deux chaînes d’information, dix chaînes de radio, 21 271 employés et un budget de 9 milliards. Notre budget à nous est de 3, 9 milliards d’euros et nous avons perdu environ 17 000 salariés dans l’ensemble de l’audiovisuel public. Comparons donc ce qui comparable !
Pour ma part, je dis : chiche ! Soyons aussi forts que la BBC. Donnons les moyens à l’audiovisuel public de faire de la qualité sans réduire son périmètre.
J’ai une question très concrète à vous poser, madame la ministre. Un membre éminent de l’exécutif m’a dit qu’il était normal que l’État nomme les PDG des entreprises publiques, celui de l’audiovisuel public comme celui de la SNCF. Qu’en pensez-vous ?
C’est moi la ministre de la culture et de la communication, et je n’ai pas tenu ce genre de propos, monsieur le sénateur. Écoutez-moi donc ! Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, nous réfléchissons à la gouvernance. Rien n’est arrêté, mais l’audiovisuel public jouit d’une indépendance totale. Vous n’imaginez tout de même pas que nous voulions en revenir à l’ORTF ?
Compte tenu de la méthode que nous utilisons, vous pensez bien que nous sommes favorables à une indépendance absolue de l’audiovisuel public, ancrée dans un mode de fonctionnement incluant – pourquoi pas ? – la nomination du président par un conseil d’administration afin qu’il ait une prise directe sur le travail. Quoi qu’il en soit, l’indépendance de l’audiovisuel public est complètement assurée.
Lors des nombreuses réunions de travail que nous avons menées, nous avons rencontré des équipes extrêmement motivées et déterminées, qui avaient conscience qu’elles devaient unir leurs forces. Il s’agit maintenant d’inscrire cette belle ouverture dans la durée. Lors des comités stratégiques, les dirigeants des sociétés et leurs équipes ont effectué un état des lieux faisant apparaître de manière extrêmement clairvoyante la nécessité pour eux de travailler ensemble. Ils ont ainsi ouvert des portes qui ne pourront plus se refermer. Nous allons continuer ainsi.
À l’issue de votre première réponse, puis de celle que vous venez de faire à l’instant, je vois que le ton a changé. L’heure n’est plus à dénigrer le service public ou à invoquer la nécessité de faire des réductions budgétaires pour justifier une réforme. Vous savez que la puissance numérique a un coût, notamment en termes d’investissements. Je suis également content de vous entendre dire clairement que le mode de nomination du PDG garantira une indépendance totale de l’audiovisuel public. Nous verrons quelle copie vous allez rendre !
Vous avez indiqué que la proposition de M. Gattolin était une base de travail. Il propose certes une nomination des dirigeants par le conseil d’administration, mais sur proposition, dans la quasi-totalité des cas, du Premier ministre. On ne prend pas ainsi le chemin de l’indépendance, mais je suis satisfait que vous tourniez le dos à cette proposition.
M. Roger Karoutchi rit.
La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Madame la ministre, je commencerai par une citation : « Les réformettes, c’est fini pour le service public. Il faut cette fois-ci avoir une grande ambition. Il faut permettre d’opérer des synergies. »
Cette phrase ne date pas d’aujourd’hui. Elle a été prononcée non par vous, madame la ministre, mais par Hervé Bourges, alors président d’Antenne 2 et de FR3, en 1991. Elle témoigne, s’il en était besoin, que la réforme de l’audiovisuel public est un chantier aussi ancien que périlleux. Cette réforme revêt cependant un caractère d’urgence alors que la révolution numérique bouleverse les usages et les rapports aux contenus audiovisuels de bon nombre de nos concitoyens.
Vous vous êtes attelée à cette réforme avec ambition et détermination, madame la ministre. Vous avez multiplié les entrevues, les groupes de travail. Vous avez ouvert plusieurs dossiers, qui ont été évoqués par les orateurs précédents : financement de l’audiovisuel public, procédure de nomination de ses dirigeants et, surtout, réorganisation fonctionnelle et refonte de l’offre de programmes.
Ma question porte spécifiquement sur le chantier de l’amélioration de l’offre de proximité et concerne plutôt les réseaux France Bleu et France 3, lesquels ont déjà connu une réorganisation afin de leur permettre de s’adapter au nouveau cadre institutionnel des grandes régions.
Une communication de proximité est souhaitable, et souhaitée, par les élus et les téléspectateurs, pour permettre à chacun de s’approprier le nouveau périmètre régional, mais aussi pour conserver et renforcer la notion d’identité locale.
Il est question de rapprochement – immobilier, mais pas seulement – et de programmes en commun, notamment lors de la tranche matinale.
Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, les arbitrages qui ont été faits sur les préconisations qui vous ont été adressées et sur le calendrier des prochaines échéances ?
Plus largement, pouvez-vous nous éclairer sur votre vision, votre cap, s’agissant d’un renforcement de l’audiovisuel public de proximité et de qualité, qui associe les personnels et place au centre de ses préoccupations le « citoyen-auditeur-spectateur » ?
Vous le savez, l’offre de proximité remplit des missions essentielles pour la cohésion sociale au plus près des territoires, la mise en valeur des événements culturels régionaux et la démocratie locale.
Venant, comme beaucoup d’entre vous, des territoires, ayant été utilisatrice de ces différents médias et ayant été interrogée par eux, vous savez à quel point j’y suis attachée. Je connais leur travail. C’est typiquement le genre d’offre qui n’est pas fournie par les chaînes privées ou par les GAFAN. C’est la spécificité du service public, qui doit jouer pleinement son rôle.
C’est vrai, je suis attachée à une forte coopération entre France Bleu et France 3 afin qu’elles fournissent un service de proximité encore meilleur et plus efficace aux citoyens.
J’ai mesuré, en me rendant dans les antennes de France 3 et de France Bleu, que je connaissais par ailleurs, l’envie des personnels de travailler ensemble, même s’ils éprouvent des craintes. Chez France Bleu, on trouve des gens d’une grande agilité, qui ont envie de travailler et d’être complémentaires. Des coopérations peuvent se mettre en place, comme cela s’est passé à l’échelon national avec France Info. Il faut aller encore plus loin que les premières propositions qui ont été faites afin de mettre en œuvre des coopérations réellement étroites.
Pour ces raisons, j’ai souhaité que l’offre de proximité figure parmi les cinq chantiers prioritaires. J’y attache beaucoup d’importance. Je travaille avec les différentes sociétés sur ce sujet. Plusieurs pistes ont déjà été proposées par les sociétés. Elles pourront donner lieu, comme vous le dites, à des expérimentations, et ce assez rapidement. On pense notamment à des émissions quotidiennes communes.
Cela étant dit, le schéma final n’est pas arrêté, et le calendrier sera celui qui a été donné.
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour le groupe Les Républicains.
Madame la ministre, le 14 février dernier, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est penché sur la procédure de désignation à la tête de Radio France du successeur de Mathieu Gallet, premier PDG à avoir été révoqué pendant son mandat. Cette décision prendra effet le 1er mars prochain.
Le rapport des sénateurs Gattolin et Leleux de 2015 explicite les problèmes soulevés par la nomination des dirigeants de l’audiovisuel public par le CSA. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, le président Macron a repris ses conclusions et a affirmé vouloir en finir avec ce mode de désignation. Or l’idée de changer rapidement la règle par le vote d’une « petite » loi a été abandonnée. C’est donc bien le CSA qui nommera le successeur de M. Gallet, au terme d’un processus de candidature, d’auditions et de vote s’étalant sur deux mois et demi environ.
Le mode de nomination devra être modifié dans le projet de loi prévu pour la fin de l’année 2018, car nous considérons qu’il est difficile pour le CSA de nommer et de contrôler les dirigeants, c’est-à-dire de jouer son rôle de régulateur. Tel était le sens de vos échanges, madame la ministre, avec mon collègue Roger Karoutchi au début de ce débat. Quel sera l’axe de la réforme de ce point de vue ?
Pourriez-vous, madame la ministre, vous engager un peu plus ce soir et nous dire comment, à l’avenir, seront nommés les présidents et si ce sont les conseils d’administration qui les éliront ? Sur quelle base les membres des conseils d’administration seraient-ils désignés ? Comment comptez-vous réformer ces conseils d’administration ? La loi sur la réforme de l’audiovisuel public promise par le Gouvernement résoudra-t-elle cette question primordiale : comment faut-il nommer ses dirigeants ?
Madame la sénatrice, j’ai déjà répondu à ces questions.
Le CSA a lancé la semaine dernière un appel à candidatures au poste de président de Radio France. Il nommera le futur président – ou la future présidente –, je vous en informe, le 14 avril. Ce cadre est de nature à donner de la visibilité à l’entreprise et du temps aux candidats pour préparer leur audition.
Dans l’attente de la nomination d’un nouveau président, c’est le doyen des administrateurs, M. Jean-Luc Vergne, qui assure la transition. Ce qui est important, c’est que Radio France continue. Les équipes sont au travail. Elles sont présentes dans les réunions et au sein du comité stratégique. On travaille.
Quant au calendrier, c’est celui que j’ai donné. Des pistes seront proposées d’ici à la fin du mois de mars.
La désignation des membres des conseils d’administration est une question cruciale, la gouvernance étant au cœur des préoccupations et de l’actualité. Nous allons réfléchir collectivement à cette question, qui est pour nous fondamentale. Je tenais à vous le redire, madame la ministre.
Madame la ministre, l’un des volets les plus importants de la réforme sera sans doute son financement. Le mode de financement actuel de l’audiovisuel n’est plus adapté, nous le savons. La publicité, en particulier, ne fait plus recette à la télévision.
La bascule des budgets publicitaires entre la télévision et internet a eu lieu plus tôt que prévu. Initialement attendue pour 2018, elle s’est en fait produite dès 2016, les recettes publicitaires ayant été plus élevées sur internet que pour la télévision cette année-là.
Évidemment, la question de la publicité ne se pose pas uniquement d’un point de vue financier. Elle est aussi éditoriale. Doit-il y avoir de la publicité sur les chaînes du service public ? Progressivement, nous sommes allés vers sa suppression. Depuis 2009, il n’y a plus de publicité après vingt heures sur les chaînes de France Télévisions. Le Sénat, vous le savez, a été en pointe pour étendre cette suppression. C’est en effet une proposition de loi sénatoriale qui a supprimé la publicité dans les programmes pour la jeunesse de la télévision publique. Pourtant, le débat est loin d’être tranché. Certains plaident pour le retour de la publicité le soir sur France Télévisions. À l’inverse, des dirigeants de chaînes privées réclament la suppression totale de la publicité sur le service public.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce sujet ? Quel est le bilan de la suppression partielle de la publicité sur France Télévisions ? Le retour de la publicité après vingt heures est-il envisageable ? Au contraire, va-t-on vers une suppression complète de la publicité sur France Télévisions ?
S’il est une question à laquelle je peux répondre de façon très précise, affirmée et déterminée, c’est celle de la réintroduction de la publicité après vingt heures. Je l’ai déjà dit, nous ne voulons pas revenir sur la suppression de la publicité après vingt heures. Elle n’est pas à l’ordre du jour. Cette suppression est un élément de différenciation important, notamment avec les chaînes privées, dont la publicité est la principale ressource. Ces chaînes ont par ailleurs du mal à faire face à une ponction importante sur le marché publicitaire.
Une consultation sur la publicité a été lancée. Nous sommes en train d’analyser les retours. Une réflexion est en cours, car, vous le savez, il y a des chartes et des outils de régulation. Nous devons nous assurer de la compatibilité des mesures envisagées avec la singularité qui doit être celle du service public. On en revient toujours à cette question : qu’est-ce qu’un service public et comment le différencier ?
En tous les cas, je le répète : nous ne souhaitons pas revenir à la publicité après vingt heures. C’est extrêmement clair.
La parole est à Mme Claudine Lepage, pour le groupe socialiste et républicain.
Madame la ministre, je vais moi aussi vous parler de l’audiovisuel extérieur de la France. En tant que sénatrice représentant les Français établis hors de France, j’y suis tout particulièrement attachée.
L’audiovisuel extérieur de la France, composé de France Médias Monde et de TV5 Monde, est un outil indispensable pour le rayonnement international de notre pays. En 2017, France Médias Monde a confirmé ses bons résultats d’audience, notamment en Afrique francophone où France 24 est la première chaîne d’information internationale et RFI, de très loin, la première radio internationale. Le lancement de France 24 en espagnol en septembre 2017 montre également l’expansion de ce média à l’international.
Ces beaux succès sont dus au formidable travail et à l’engagement des équipes dirigées par Marie-Christine Saragosse.
Si des synergies sont indispensables, comme l’a montré récemment le lancement de la nouvelle chaîne publique France Info TV, France Médias Monde et TV5 Monde, médias francophones, possèdent, par leur histoire et leur financement, une identité propre.
À l’heure où le Président de la République a fait de la francophonie une priorité, nous devons montrer notre attachement à l’audiovisuel extérieur, qui est l’une de ses plus belles vitrines.
Madame la ministre, la présidence commune aux sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde envisagée par le Gouvernement ne risque-t-elle pas de constituer un frein au développement de l’audiovisuel extérieur, dont les missions très spécifiques peuvent difficilement être assujetties aux problématiques de l’audiovisuel national ?
Nous avons dit et redit à quel point nous étions attachés à l’audiovisuel extérieur. Même si le président était nommé par un conseil d’administration, chaque entité aurait un directeur exécutif. Travailler ensemble n’empêche pas la diversité.
Je cite souvent les propos d’Édouard Glissant, qui parle de « mondialité » plutôt que de mondialisation. Ce n’est pas parce qu’on est ensemble qu’on perd son identité. On travaille avec sa spécificité.
L’audiovisuel extérieur est bien évidemment fondamental pour diffuser l’image de la France et pour nous enrichir des publics auxquels il s’adresse. Il n’y a pas d’antinomie, au contraire. À l’heure où la francophonie est repensée, car il ne s’agit pas seulement d’apporter le français aux autres, mais de faire en sorte que le français s’enrichisse des autres, c’est plus que jamais important.
Une structure unique avec une présidence commune n’empêchera pas chacune des sociétés d’avoir sa parfaite singularité. Peut-être que les synergies que nous cherchons à mettre en place permettront à ces différentes sociétés, dégagées chacune de leurs soucis en matière de formation ou de leurs problématiques de fonctionnement, par exemple, de se consacrer à l’essence de leurs missions.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe Les Républicains.
Madame la ministre, au risque de vous lasser, je vais moi aussi vous parler de l’audiovisuel extérieur, au nom de la commission des affaires étrangères.
Alors que l’audiovisuel public est placé dans une situation sans précédent, compte tenu du départ de Mathieu Gallet et du sort véritablement ubuesque de Marie-Christine Saragosse, le flou entretenu autour de son avenir soulève des questions. La création de la nouvelle chaîne d’information, à laquelle je m’étais opposée, a été très coûteuse. Dans un souci de synergie, nous aurions pu envisager que France 24 joue ce rôle. Je dois dire que je m’étais sentie bien seule en défendant cette option.
Les ambitions affichées de réduction budgétaire auront forcément des conséquences sur l’audiovisuel extérieur, qui reste le parent pauvre de la politique audiovisuelle française. Il ne représente en effet que 7 % de son budget. Or l’audiovisuel extérieur, incarné par France Médias Monde, est un levier essentiel de notre diplomatie d’influence et de notre rayonnement. Cela a été dit et redit. Je ne reviendrai donc pas sur les succès de RFI et de France 24. Malgré certaines restrictions budgétaires, qui lui ont fait perdre des positions, comme à New York, France 24 se développe en Amérique latine et dans le monde arabe également, où elle est très nécessaire.
À l’heure où de nombreux pays, la Russie en tête, font des médias un soft power majeur pour étendre leur influence, la France ne peut pas se permettre d’affaiblir son audiovisuel extérieur. Le Président de la République souhaite procéder à une réforme afin de rapprocher les sociétés de l’audiovisuel public, d’en mutualiser la gouvernance et d’en améliorer l’efficacité. Le but est louable, mais la question de l’autonomie des rédactions se pose. Cette question est d’autant plus importante qu’il s’agit de l’audiovisuel extérieur.
Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur la stratégie adoptée par l’État dans la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public ? France Médias Monde ne doit pas être la variable d’ajustement de l’audiovisuel national. Or cela risquerait d’être le cas si une entité unique devait être créée.
Madame la sénatrice, j’ai l’impression d’avoir répondu par deux fois déjà à cette question. Je l’ai souligné en réagissant à l’intervention précédente, cette façon d’envisager la gouvernance ne remet absolument pas en cause l’importance et les spécificités qu’il s’agit d’attacher à chaque secteur de l’audiovisuel public, tout particulièrement celui qui, je reprends les chiffres, est le seul à avoir vu sa dotation augmenter entre 2013 et 2017, à hauteur de 8 %, et dont le budget a été encore accru de 2, 5 % pour cette année. Dans un contexte de restriction budgétaire certain, voilà tout de même un signe d’attention, d’attachement et de volonté de développement, plutôt que d’attrition, ce qui devrait plus vous rassurer que vous inquiéter.
En outre, vous avez pu vous-même constater tout le travail effectué sur le plan de la francophonie et l’importance que nous accordons à défendre la position de la France dans le monde, et ce à tous les niveaux. Nous entendons promouvoir le dialogue entre les cultures à travers les langues, pour lequel France Médias Monde joue un rôle très important. Son implication au travers du plan Bibliothèques, que j’ai lancé ce matin avec Érik Orsenna, s’inscrit typiquement dans cette démarche. Dans le cadre de cette volonté de développement de ces « maisons de service public culturel » que sont appelées à devenir les bibliothèques, France Médias Monde a élaboré, après y avoir réfléchi ensemble, des modules destinés à l’apprentissage des langues.
Madame la sénatrice, si ce n’est pas vouloir justement jouer cette carte, accompagner France Médias Monde avec détermination et conviction, je ne sais pas ce que c’est !
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour le groupe socialiste et républicain.
Madame la ministre, je vous interrogerai à mon tour sur les projets de rapprochement entre les réseaux de télévision et de radio, en particulier celui de France 3 et de France Bleu.
Cette coopération renforcée s’accompagnerait d’une fermeture des bureaux régionaux de France 2 et d’un recentrage de l’offre régionale de France 3. Or l’information de proximité est bien le cœur de mission de France 3. À la fin de 2017, les antennes locales de France 3 se sont émues de l’annonce de l’arrêt de leur diffusion à compter du 1er janvier 2018.
La direction régionale de France 3 Bretagne avait alors souligné que la réflexion en cours avait pour objectif de maintenir la production des contenus au niveau local par des journalistes sur le terrain, dont la liberté de ton est spécifique à France 3, et de les diffuser sur internet ainsi que sur les antennes régionales, pour atteindre un public plus large.
Cette évolution devrait permettre de rendre plus visible le travail des journalistes locaux, en variant les supports de diffusion. Une telle décision va dans le sens du rapport rendu en 2014 par la mission menée par Anne Brucy, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer. La mission y mettait en évidence l’atout que constitue la télévision régionale et locale et soulignait déjà la nécessité d’en adapter la diffusion aux nouvelles technologies. Mais, de ce rapport, il n’est plus question aujourd’hui…
En Bretagne, France 3 coopère déjà avec le réseau France Bleu pour couvrir des événements sportifs et culturels importants. Il s’agit cependant non pas d’une expérimentation à proprement parler, mais d’une collaboration pragmatique.
Madame la ministre, vous affichez à la fois une ambition pour un service public de qualité et un attachement à une offre d’information de proximité dans les territoires. Dès lors, en quoi consistera exactement le rapprochement entre ces deux réseaux, et quel en sera l’impact ?
Madame la sénatrice, votre question est légitime, car il convient effectivement de bien comprendre l’importance et l’intérêt qui sont accordés à une telle offre de proximité. Il s’agit, dans le cadre de cette coopération que vous évoquez, d’imaginer les moyens de la rendre plus intense, plus proche des gens, d’en faire un véritable facteur de cohésion sociale, de répondre davantage à l’attente de nos concitoyens. D’où la nécessité de travailler en ce sens.
Je le disais précédemment au sujet de France Médias Monde, c’est en coopérant que l’on sera d’autant plus armé pour réfléchir vraiment aux contenus et aux missions de service public que l’audiovisuel public doit remplir. Car ce n’est pas dans les offres numériques privées, proposées notamment par les GAFAN, que l’on trouvera un tel attachement.
Il est, pour moi, essentiel de travailler au maintien d’une coopération intelligente. Cela passe effectivement par des émissions partagées, ce qui existe déjà, par exemple, au moment des soirées électorales. Le souhait de travailler ensemble transparaît même dans la volonté de disposer de locaux communs, parce que ce n’est pas forcément l’idéal, pour les personnes sur le terrain, d’être séparées géographiquement. Ce sont de formidables journalistes, avec des équipes à la fois très motivées et extrêmement proches de tous les acteurs locaux, mues par l’envie de fournir une information de référence pour leur territoire.
Madame la sénatrice, soyez assurée que c’est dans ce sens que nous travaillons.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, notamment depuis le vote du budget pour 2018, l’avenir de l’audiovisuel public fait l’objet de toutes les attentions et de moult commentaires, y compris au plus haut niveau de l’État.
Il faut dire que cette question est loin d’être neutre tant les enjeux sont importants et les conséquences bien réelles.
C’est pourquoi je me réjouis que nous puissions aborder ce sujet ce soir au sein de notre Haute Assemblée, car, effectivement, le mode de gouvernance et les outils de l’audiovisuel français ne paraissent plus adaptés à la réalité.
Tout d’abord, parlons de son financement.
Avec une redevance fixée à 138 euros par an, la France se situe dans la fourchette basse par rapport à nos voisins puisque, en Grande-Bretagne, elle s’élève à 202 euros, en Allemagne, à 216 euros, et en Suisse, à 316 euros. Nos amis helvètes vont d’ailleurs se prononcer le 4 mars prochain lors d’une votation sur le bien-fondé de ladite taxe qui finance des chaînes publiques. Ces chaînes linéaires ne sont pas regardées par tous les Suisses, puisque nombre d’entre eux, notamment les plus jeunes, sont abonnés à des chaînes privées.
C’est bien là l’enjeu. Car ce qui pouvait apparaître comme une forme de solidarité territoriale voilà encore quelques années, avec l’objectif d’implanter France 3 dans les régions, n’est plus le reflet de la réalité d’aujourd’hui. D’ailleurs, cette représentation territoriale a-t-elle été seulement effective ? Dans les territoires ruraux, peu peuplés, nous ne pouvons pas dire que nous ayons bénéficié un jour d’un service audiovisuel public qualitatif, représentatif de notre spécificité. Par exemple, mon département, celui des Hautes-Alpes, n’a jamais été couvert par le réseau France Bleu.
Actuellement se pose en effet la double question de la répartition financière et de l’absence de péréquation au bénéfice des départements peu peuplés, ainsi que de la qualité et du pluralisme des programmes indépendamment des critères de rentabilité.
C’est pourquoi, madame la ministre, dans le cadre de la réforme qui pourrait intervenir, je vous demande de préciser les mesures envisagées pour corriger la fracture territoriale dans l’audiovisuel public.
Madame la sénatrice, j’ai déjà répondu à maintes reprises sur la situation de France 3 et de France Bleu, mais vous abordez la question sous un angle un petit peu différent.
L’on compte effectivement 116 implantations de France 3 sur le territoire, 44 pour France Bleu. Je rappellerai également que la télévision numérique terrestre a été rendue accessible à plus de 97 % de la population française, dépassant ainsi le seuil de 95 % imposé par la loi aux chaînes nationales de télévision. Ce que je dis là est à mettre en rapport avec cette idée de fracture territoriale que vous mettez en avant, du fait que certaines populations n’ont pas accès à la TNT. Afin de garantir un aménagement harmonieux du territoire lors du passage à la télévision numérique, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est assuré que la couverture numérique de chaque département serait égale ou supérieure à la couverture analogique.
Pour les téléspectateurs situés en zone blanche de la TNT, que vous évoquez, la loi a prévu un accès à l’ensemble des chaînes par satellite sans abonnement. Ce dispositif complémentaire garantit à l’ensemble des foyers un accès gratuit aux 27 chaînes de la TNT, la plupart en haute définition.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, madame la sénatrice, en réponse à votre interrogation sur la fracture territoriale. Je veillerai, notamment dans le cadre des réflexions en cours, à maintenir cette équité territoriale d’accès au service public audiovisuel.
Madame la ministre, vous avez évoqué, dans votre intervention liminaire, plusieurs objectifs : la reconquête des jeunes, la gouvernance, la mutation numérique, le renforcement de la culture. Si nous pouvons partager ces ambitions, je regrette à titre personnel, au moment où nos athlètes font briller les couleurs de la France en Corée du Sud, que la diffusion des compétitions sportives ne figure pas parmi ces objectifs affichés par le Gouvernement.
Je souhaite donc vous questionner sur la place qui sera accordée au sport sur les chaînes publiques et, surtout, sur les moyens qui y seront dédiés dans la perspective de l’accueil des grandes compétitions internationales, notamment des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Aujourd’hui, les tractations sur l’acquisition des droits audiovisuels des Jeux de 2024 sont en cours. Plus que jamais, c’est un défi pour la France, pour France Télévisions, alors que Discovery France a annoncé que ces droits seraient au moins aussi chers que pour un Mondial de football.
La diffusion des Jeux, des compétitions sportives en général, permet de véhiculer des messages de santé publique. Elle est aussi un puissant vecteur de cohésion sociale et a valeur d’exemple pour notre jeunesse. Elle contribue à mettre en avant nos sportifs de haut niveau, à faire découvrir de nombreux sports une fois tous les quatre ans. Elle met en lumière l’enjeu de la promotion du sport féminin et du handisport.
Le CSA, dans une note publiée la semaine dernière, considère qu’une amélioration est à envisager pour retransmettre encore plus d’épreuves en 2024 sur France Télévisions.
Dans le cadre de la rénovation de l’audiovisuel public, madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à soutenir pleinement, et donc financièrement, France Télévisions et sa politique en faveur du sport, afin de permettre une très large diffusion de l’ensemble des épreuves et des disciplines des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ? Plus largement, quelle place aura le sport dans ce renouveau de l’audiovisuel public ?
Vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur, pour la première fois, les droits de diffusion des jeux Olympiques appartiennent à un groupe privé, Discovery, qui, officiellement, attend de l’ordre de 130 millions d’euros en contrepartie de leur revente aux chaînes gratuites. C’est une somme considérable.
Or l’accueil sur notre territoire des jeux Olympiques en 2024 est un événement national extrêmement fédérateur, que tous les Français doivent pouvoir vivre et partager. Je souhaite donc effectivement une large ouverture des jeux Olympiques de Paris sur les chaînes gratuites. C’est d’ailleurs pour cette raison que la compétition est un événement d’importance majeure au regard de la réglementation française. Ce sujet est bien connu de votre collègue David Assouline, qui a rendu un rapport à ce sujet.
Les JO sont une compétition emblématique de France Télévisions, la présence de tout ou partie des épreuves sportives sur les antennes du service public est donc légitimement attendue.
Pour autant, au regard du contexte économique de l’audiovisuel public, nous devons veiller à ce que l’acquisition de ces droits de diffusion ne soit pas réalisée à n’importe quel prix. Des discussions sont actuellement menées avec détermination avec le détenteur des droits pour pouvoir en acquérir au moins une grande partie. J’y suis, dans cet esprit, extrêmement attentive.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Bien sûr, ces droits de diffusion ne sauraient être acquis à n’importe quel prix. Mais il ne faudrait pas non plus tout abandonner, faute de quoi le grand public ne pourrait pas suivre les épreuves. Les JO sont un exemple pour notre jeunesse. On compte sur France Télévisions pour les diffuser.
Nous en avons terminé avec le débat sur l’avenir de l’audiovisuel public.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 21 février 2018 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Ordre du jour réservé au groupe Union Centriste
Proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture des établissements privés hors contrat (n° 589, 2016-2017) ;
Rapport de Mme Annick Billon, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 277, 2017-2018).
À vingt et une heures trente :
Proposition de résolution, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du règlement, sur les directives de négociation en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Australie, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part (n° 229, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Anne-Marie Bertrand, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 301, 2017-2018) et texte de la commission.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.