Mesdames, messieurs les sénateurs, il vous revient de nouveau de vous prononcer sur plusieurs questions sensibles et complexes. La recherche de justes points d’équilibre se poursuit, dans ces domaines où il nous faut concilier, d’une part, la liberté individuelle et l’autonomie de la personne, et, d’autre part, la préservation de valeurs essentielles – dignité humaine et respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, principe du don anonyme et solidaire. Il s’agit de conjuguer harmonieusement l’intime et le « vouloir vivre ensemble ».
Avant d’en venir aux sujets les plus sensibles, je tiens à exprimer ma satisfaction quant aux avancées réalisées sur le don d’organe. Un accord a été trouvé sur l’essentiel, ce qui est tout à fait important. En effet, le développement des possibilités de transplantations dans le cadre du don entre vifs permettra de réduire le nombre des personnes en attente de greffe et, surtout, celui des décès.
Rappelons que le nombre des greffes n’a que faiblement augmenté depuis 2004 – il est passé de 3 900 à 4 600 –, alors que celui, très réduit, des donneurs vivants est resté stable.
La pratique du don croisé d’organes a fait l’objet d’un accord de principe de vos assemblées. Elle est rigoureusement encadrée, dans la mesure où elle rompt le lien direct familial entre le donneur et le receveur.
Il est impératif d’empêcher toute possibilité d’une quelconque pression sur le donneur. En outre, le texte du projet de loi prévoit d’autoriser au-delà de la parentèle le don entre personnes unies par un lien étroit, stable et avéré. Le Gouvernement s’est rallié à cette ouverture supplémentaire du dispositif, qui appelle une vigilance renforcée. Ainsi, une condition de durée préalable de la relation paraît souhaitable. Rappelons, par ailleurs, que les donneurs vivants ne représentaient en 2009 que moins de 8 % des donneurs.
Toutefois, les avancées réalisées concernant les donneurs vivants ne doivent pas conduire à délaisser les dons post mortem, pour lesquels une information renforcée est nécessaire.
Enfin, trois questions cruciales seront au cœur de nos discussions : le diagnostic prénatal, la clause de révision et les recherches sur l’embryon.
Je serai particulièrement attentive à vos propos. Je souhaite néanmoins d’ores et déjà souligner certains points qui me paraissent importants.
Pour ce qui concerne le diagnostic prénatal, le texte qui vous est soumis correspond aux attentes du Gouvernement.
Il met en œuvre, en particulier, une approche cohérente et équilibrée du dépistage prénatal. Le droit à l’information de la femme enceinte et son autonomie de décision sont respectés et le cadre réglementaire est renforcé pour prévenir tout risque de dérive eugénique.
Je crois important à cet égard que l’accès aux examens de dépistage fasse l’objet d’une demande de la femme enceinte : l’information sur le dépistage est délivrée à toute femme, mais une manifestation de volonté de la femme enceinte est requise pour en bénéficier.
Par ailleurs, en cas de risque avéré d’anomalie génétique, une liste d’associations de patients concernés sera proposée à la femme enceinte pour compléter, si elle le souhaite, son information.
Le projet qui vous est présenté restaure la clause de révision de la loi, contrairement au souhait du Gouvernement et de l’Assemblée nationale.
Il faut, bien sûr, exercer toute la vigilance nécessaire à l’égard des avancées biomédicales et apporter des réponses aux nouvelles attentes de la société. Mais une clause de révision périodique n’est pas le seul moyen d’y parvenir. Réviser les lois de bioéthique tous les cinq ans présente de sérieux inconvénients. Cela expose, en particulier, le législateur au manque de réactivité face à de nouvelles menaces. Cela bloque tous les ajustements, utiles et nécessaires, qui se trouvent différés à l’échéance de la révision. Cela nécessite une procédure lourde, qui aboutit dans les faits à allonger sensiblement les délais prévus. Cela tend à radicaliser les positions des uns et des autres, alors que la bioéthique nécessite, au contraire, de cheminer sereinement vers de justes compromis.
De plus, les lois de bioéthique constituent aujourd’hui un socle juridique abouti et équilibré, qui ne nécessite plus de remise en chantier récurrente.
Enfin, les dispositions intégrées au projet qui vous est présenté permettent au Parlement d’exercer toute la vigilance nécessaire pour proposer, au moment opportun, des ajustements et des novations avec toute la fluidité requise.
À l’inverse, une clause de révision figerait toute adaptation et toute évolution des textes. Sa suppression est pleinement justifiée. Le Gouvernement déposera donc un amendement de suppression de cette clause de révision.
J’en viens, enfin, à la question la plus délicate, les recherches sur l’embryon.
Le projet qui vous est soumis pérennise le dispositif en vigueur. C’est un point essentiel.
En revanche, la commission des affaires sociales a souhaité substituer au régime d’interdiction assorti de dérogations un régime d’autorisation dans un cadre strict. C’est un véritable point de désaccord que je ne souhaite pas minimiser.