Intervention de Alain Milon

Réunion du 8 juin 2011 à 14h30
Bioéthique — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte soumis à notre commission en deuxième lecture laisse peu de points de réelle divergence entre les deux assemblées. C’est le fruit du travail commun d’approfondissement et d’amélioration rédactionnelle que permet la navette parlementaire. Nous ne pouvons, me semble-t-il, que nous en féliciter. Les sujets abordés par le projet de loi nécessitaient, à l’évidence, un tel travail, ainsi que les débats et échanges nourris que nous avons eus.

Au total, près d’un tiers des soixante-neuf articles encore en discussion après la première lecture au Sénat ont été adoptés dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale.

Parmi les articles modifiés par l’Assemblée et restant donc en discussion, plusieurs nous sont soumis dans une rédaction qui ne pose aucune difficulté pour leur adoption.

Toutefois, certains points appellent des modifications et il convient donc d’examiner précisément les évolutions qu’a connues le texte à l’Assemblée nationale.

S’agissant, tout d’abord, du don d’organe, l’Assemblée nationale a suivi le Sénat pour lever les obstacles au don et ne pas prévoir de contreparties susceptibles de fausser l’altruisme de cet acte. Elle a ainsi confirmé l’interdiction de discrimination concernant le don du sang pour des motifs autres que médicaux et complété l’interdiction de discrimination des donneurs en matière d’accès à l’assurance.

Elle a, cependant, supprimé l’allègement du consentement adopté par le Sénat en matière de collecte des cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse et du sang périphérique. Concrètement, comme c’est déjà le cas pour le don de moelle osseuse, le don de cellules hématopoïétiques du sang devra être autorisé par un juge. La commission a confirmé ce choix pour garantir la meilleure protection des donneurs.

L’Assemblée nationale a également rétabli la mention du caractère anonyme et non dirigé du don de cellules hématopoïétiques du sang de cordon, considérant que le rappel partiel des caractéristiques du don était nécessaire pour éviter la mise en place de banques de conservation privées du sang de cordon à des fins autologues. La commission des affaires sociales n’a pas partagé l’analyse de l’Assemblée nationale et a donc rétabli son texte, sous réserve d’une modification rédactionnelle.

Sur la question du diagnostic prénatal, l’Assemblée nationale a entendu les objections du Sénat. Elle n’a donc pas rétabli sa rédaction, qui conduisait à ce que les examens de biologie médicale et d’imagerie, destinés à évaluer un éventuel risque, ne soient proposés à la femme enceinte que « lorsque les conditions médicales le nécessitent ».

Elle a, à la place, prévu que la femme enceinte recevra, lors d’une consultation médicale, « une information loyale, claire et appropriée » sur la possibilité de recourir, à sa demande, à ces examens.

Ce faisant, l’Assemblée nationale a estimé qu’elle répondait aux principales critiques émises tant par le Sénat que par l’ensemble des professionnels concernés et des sociétés savantes. Ces critiques concernent le non-respect du droit du patient à être informé, l’atteinte au principe d’autonomie du patient, l’absence d’égalité de traitement entre les femmes et l’accroissement de la responsabilité pesant sur les professionnels.

Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait pu faire ce pas dans notre direction. Elle a, d’ailleurs, adopté sans modification les autres dispositions relatives au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire.

Sur l’anonymat du don de gamètes, je vous rappelle que le Sénat avait confirmé la suppression des dispositions permettant la levée de l’anonymat sous conditions. Le débat se limite donc désormais aux modalités de contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, sur les données personnelles détenues par les centres et sur la mise en place d’un référentiel des bonnes pratiques. Sur ces deux points, le texte de l’Assemblée nationale est très proche de celui que nous avions adopté.

Sur l’assistance médicale à la procréation, l’AMP, plusieurs divergences persistent entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Tout d’abord, les députés ont rétabli la possibilité pour les majeurs n’ayant pas procréé de faire un don de gamètes et de se voir proposer, à cette occasion, leur autoconservation. Cette possibilité est présentée par le rapporteur de l’Assemblée nationale, non comme une contrepartie, mais comme la garantie que les accidents de la vie ne viendront pas faire regretter le don accompli.

La commission des affaires sociales estime dangereuse la possibilité d’autoconservation des gamètes, qui ouvre la voie à l’AMP de commodité, et ce alors que le bénéfice attendu en termes de don est des plus incertains. Elle l’a donc supprimée.

Les députés ont également limité la participation des établissements privés aux procédures d’assistance médicale à la procréation aux seuls cas où le directeur général de l’Agence régionale de santé, l’ARS, aura constaté l’absence d’activité dans ce secteur depuis deux ans. La commission, là encore, n’a pas suivi les députés.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a souhaité procéder à la codification de l’autorisation de la technique de vitrification que le Sénat avait prévue dans un article spécifique afin de préserver la clarté du code de la santé publique et d’encadrer la responsabilité du législateur. Contrairement au rapport de l’Académie de médecine, elle a également réintroduit la conservation des gamètes et tissus germinaux dans la définition de l’AMP.

La commission des affaires sociales a jugé que la responsabilité que prend le législateur en autorisant une technique médicale doit être le plus encadrée possible. Le texte qu’elle a adopté en première lecture est, dans ces conditions, mieux adapté à la réalité médicale et à la nécessité de permettre le retrait rapide de l’autorisation de vitrification des ovocytes si la situation sanitaire l’exige. Elle a donc rétabli le texte du Sénat.

Enfin, l’Assemblée nationale est revenue à son texte d’origine pour la détermination des couples auxquels l’assistance médicale à la procréation est ouverte, écartant tant le texte de notre commission que le texte adopté en séance, qui ouvrait l’accès à l’AMP aux couples homosexuels. La commission des affaires sociales est revenue à son texte d’origine, qui énumère les formes d’union ouvrant l’accès à l’assistance médicale à la procréation sans inclure les couples homosexuels.

S’agissant de la recherche sur l’embryon, l’Assemblée nationale a finalement rétabli en séance l’interdiction de principe de la recherche sur l’embryon, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches, afin d’ériger un « interdit symbolique fort » qui pourra pourtant s’accompagner de dérogations permanentes.

Elle est également revenue à son texte concernant l’essentiel des conditions nécessaires pour qu’une recherche soit autorisée. Il faudra ainsi que les chercheurs prouvent qu’il est « impossible de parvenir au résultat escompté » par une autre méthode de recherche.

Concrètement, cela signifie qu’il faudra avoir engagé des recherches par tous les autres moyens possibles et avoir échoué pour pouvoir mener des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

De plus, les parents ayant donné à la recherche leurs embryons surnuméraires devront être informés de la nature des recherches pour lesquels ceux-ci seront utilisés, ce qui suppose une pré-affectation des embryons.

En pratique, et j’insiste d’emblée sur ce point, les conditions posées par l'Assemblée nationale aboutissent à restreindre considérablement, si ce n’est totalement, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Elles vont bien au-delà de ce que proposait le Gouvernement dans le projet de loi initial.

L'Assemblée nationale a également supprimé le rapport demandé par le Sénat sur la nécessité de mettre en place des centres de conservation biologiques, conformément aux préconisations de l’Agence de la biomédecine, de l’Académie nationale de médecine et même de l’OCDE.

Sur l’application et l’évaluation de la loi, l'Assemblée nationale a pris, sur plusieurs points, une position inverse de celle du Sénat.

Ainsi, elle a supprimé la clause de révision de la loi au bout de cinq ans, qui avait pourtant fait l’objet au Sénat d’un indéniable consensus.

Elle a supprimé le caractère obligatoire de l’organisation d’un débat public avant toute réforme d’importance en matière de bioéthique, laissant l’organisation de ce débat à la seule initiative du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Elle a supprimé la demande d’un rapport d’activité aux espaces éthiques régionaux, dont le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé aurait fait la synthèse dans son rapport annuel. Elle a en effet considéré que la mesure était inutile, ces espaces n’étant pas encore créés. Mais, précisément, il s’agissait pour nous de pousser le Gouvernement à agir et, de fait, Mme la secrétaire d'État nous avait indiqué que l’arrêté de création de ces espaces éthiques régionaux devrait bientôt être signé.

Enfin et surtout, l'Assemblée nationale a supprimé l’article mettant en place un régime de déclaration d’intérêts applicable aux membres du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, alors que certains députés ont plusieurs fois regretté que les liens d’intérêts de ces membres ne soient pas rendus publics !

La commission des affaires sociales est revenue à la rédaction du Sénat sur ces derniers éléments.

Le point essentiel dans nos débats, chacun le sait, est celui qui concerne la recherche.

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