Intervention de Alain Dufaut

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 février 2018 à 9h35
Conséquences de la baisse des contrats aidés dans le secteur associatif — Présentation du rapport d'information

Photo de Alain DufautAlain Dufaut, rapporteur :

J'en viens aux décisions concernant les contrats aidés prises par le Gouvernement à partir de l'été 2017 et à leur impact à la fois sur les bénéficiaires et sur les employeurs.

À son arrivée au pouvoir, le gouvernement d'Édouard Philippe a constaté une surconsommation des crédits liés aux contrats aidés, phénomène récurrent en année électorale. Le Gouvernement a dégagé des crédits supplémentaires pour réaliser entre 310 000 et 320 000 contrats dans l'année. En fixant un plafond à l'enveloppe budgétaire consacrée aux contrats aidés, il a mis un terme à la pratique de non-limitation en volume. Cela correspond à une réduction de près de 150 000 contrats aidés pour 2017, sans concertation préalable et alors même que le Président de la République venait de lancer l'idée d'un pacte de confiance entre l'État et les territoires.

La tension est encore montée entre le Gouvernement et les employeurs de contrats aidés lorsque ces derniers ont appris que le projet de loi de finances pour 2018 réduisait le nombre de contrats aidés à 200 000, que le taux de prise en charge passait de 70 % à 50 % et que l'embauche de nouveaux emplois d'avenir était supprimée.

Les conséquences de ces décisions ne se sont pas fait attendre. Brusquement, de nombreuses personnes dont le renouvellement du contrat avait été considéré comme acquis se sont retrouvées sans emploi. Les bénéficiaires âgés ont été particulièrement pénalisés, les dérogations de durée prévues par la loi leur ayant laissé penser qu'ils termineraient leur carrière professionnelle au sein de la structure qui les avait embauchés.

Les conséquences néfastes se sont fait sentir également sur les structures employeuses de contrats aidés. L'exemple le plus médiatique a été le report de cinq jours de la rentrée scolaire à La Réunion, les maires estimant ne pas avoir les moyens de l'assurer convenablement. De nombreuses associations sont en outre menacées ; l'arrêt brutal de l'activité conduit au licenciement des autres permanents. Et ce, en période de crise du bénévolat.

La réduction drastique du nombre des contrats aidés est intervenue à un moment où s'accumulaient les signes négatifs en direction du secteur associatif. La réserve parlementaire a été supprimée. Le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, comporte des effets pervers manifestes - il semble que 50 % du CITS sera repris dans les budgets sanitaires de 2018. La réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune risque d'entraîner une diminution des dons. La poursuite de la diminution des dotations aux collectivités territoriales se répercute sur la capacité de celles-ci à soutenir le secteur associatif, alors que les crédits alloués à l'économie sociale et solidaire baissent dans le budget pour 2018.

Au-delà de l'absence de concertation avec les employeurs, la décision de réduire drastiquement le nombre de contrats aidés a été prise sans analyse d'impact ni propositions alternatives.

Elle a créé un véritable mouvement de panique parmi les collectivités locale ainsi que dans l'éducation nationale qui, sans les 50 000 contrats aidés affectés annuellement à l'accompagnement des élèves handicapés, serait incapable d'assurer la scolarisation de ces derniers. Au même moment, la pénurie d'effectifs dans les Ehpad, et les conditions de travail difficiles de leur personnel faisaient la une des journaux, rendant la suppression des 25 000 contrats aidés dans ce secteur délicate.

Face au tollé suscité, le Gouvernement a d'abord décidé de concentrer les contrats aidés non marchands autour de quatre priorités : l'accompagnement des élèves handicapés, l'outre-mer, les communes rurales en difficulté et le secteur de l'urgence sanitaire et sociale.

Toutefois, ces mesures se sont avérées insuffisantes et le Gouvernement a chargé les préfets « d'identifier des marges de manoeuvre en gestion pour ce second semestre, pour répondre aux enjeux durant cette période. » Autrement dit, de calmer la situation en assouplissant les contraintes imposées par le Gouvernement, avec le double risque de créer des inégalités entre les territoires et de favoriser le principe « premier arrivé, premier servi ».

Plutôt que de reconnaître que la méthode choisie pouvait avoir des conséquences néfastes, le Gouvernement a accusé les protestataires de ne pas avoir anticipé cette baisse, oubliant que le secteur non marchand avait « joué le jeu » pendant des années, en recrutant à la demande des gouvernements successifs des contrats aidés. Au fil des ans ils sont devenus indispensables dans certaines structures. En supprimer plus de 250 000 en quelques mois témoigne d'une méconnaissance profonde des réalités locales.

En janvier dernier, la ministre du travail a publié une circulaire transformant les contrats aidés en « parcours emploi compétences », afin de passer d'une « quantité » de contrats à des parcours de « qualité ».

Dans les faits, le dispositif du « parcours emploi compétences » se distingue peu du contrat aidé tel qu'il a été imaginé par le législateur. Reprenant le triptyque emploi-formation-accompagnement, le Gouvernement fait le pari que la réduction du nombre de contrats aidés améliorera leur qualité, par une sélection plus stricte des employeurs, mais également par un accompagnement renforcé de la part du service public de l'emploi. Enfin, la circulaire insiste sur la qualité des formations. Nous partageons cette préoccupation du Gouvernement. Théoriquement, la forte diminution du nombre de contrats devrait permettre à Pôle emploi et aux missions locales de consacrer plus de temps à chacun des bénéficiaires. Toutefois, il y a aussi le plan d'investissement compétences, le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie, ou PACEA, ou encore la garantie jeunes, qui vont fortement accaparer Pôle emploi et les missions locales alors même que les moyens du premier ont été réduits et ceux des secondes simplement reconduits.

Le nouveau dispositif mis en place par le Gouvernement nous inquiète pour deux autres raisons. Premièrement, nous craignons qu'il exclue toute une partie des actuels bénéficiaires des contrats aidés sans leur ouvrir de nouvelles perspectives d'insertion.

En effet, sur les 200 000 contrats aidés prévus pour 2018, 35 000 sont consacrés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap, 22 000 sont réservés à l'outre-mer et 11 000 font l'objet d'une réserve de précaution. Il en reste donc 136 000, tout en sachant que la circulaire du ministère du travail demande qu'une attention particulière soit portée aux travailleurs handicapés et aux résidents des quartiers relevant de la « politique de la ville ». On comprend la difficulté que rencontreront les prescripteurs de parcours emploi compétences pour ne pas dépasser les quotas imposés, même en respectant strictement les critères d'éligibilité.

Or les alternatives aux contrats aidés, en particulier aux emplois d'avenir, sont sous-dimensionnées, qu'il s'agisse du nombre de garanties jeunes ou du nombre de places d'apprentissage. Même le grand plan de formation lancé par le Gouvernement, qui prévoit un million de formations pour les demandeurs d'emploi faiblement qualifiés et 800 000 formations pour les jeunes décrocheurs sur l'ensemble du quinquennat, ne modifie pas la donne, compte tenu des efforts massifs déjà engagés par l'ancien gouvernement à travers le plan « 500 000 formations » pour les demandeurs d'emploi, lancé en 2016.

Le Gouvernement compte sur le développement de l'insertion par l'activité économique pour faciliter l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Cependant, en 2018, seulement 5 000 postes supplémentaires ont été créés, contre 25 000 recommandés dans le rapport Borello.

La diminution drastique du nombre de contrats aidés va également pénaliser une bonne partie des demandeurs d'emploi réticents à l'idée de suivre une formation que les contrats aidés, en les mettant immédiatement en situation de travail et en leur faisant perdre progressivement leur appréhension de la formation, amenaient à se former.

Enfin, les bénéficiaires des contrats aidés pour lesquels le volet relatif à la formation est d'une utilité réduite risquent d'être exclus du parcours emploi compétences. C'est notamment le cas des chômeurs âgés de longue durée. Jusqu'à présent, les contrats aidés leur permettaient de terminer dignement leur carrière professionnelle en attendant de pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite. Une telle opportunité est supprimée, laissant ainsi sur le carreau une grande partie des 112 000 seniors bénéficiaires de contrats aidés, parmi lesquels de nombreux demandeurs d'emploi handicapés.

Notre second sujet de préoccupation est l'absence de réflexion du Gouvernement sur le devenir des associations.

Depuis plusieurs décennies, les pouvoirs publics se déchargent progressivement sur les associations d'un nombre toujours plus important de missions d'utilité sociale, sans que les financements soient proportionnels à ces transferts de charges. Au contraire, le montant des subventions ne fait que baisser. L'une des méthodes utilisées par les gouvernements successifs pour réduire les coûts engendrés par cette quasi-délégation de service public a été d'encourager l'essor des contrats aidés dans le secteur associatif. Les contrats permettent également de compenser en partie la diminution des subventions.

La remise en cause des contrats aidés pose donc clairement la question du devenir des associations et du financement de leurs activités. Nous constatons une nouvelle fois que le Gouvernement a pris le problème à l'envers : au lieu de présenter d'abord sa stratégie de soutien aux associations et de travailler en coopération avec elles pour faire évoluer leur modèle économique, il les a durablement fragilisées sans leur offrir de perspective d'avenir.

Plus globalement, la réduction du nombre des contrats aidés relance le débat sur le financement des missions de service public. Le rapport Borello rappelle que la politique de l'emploi n'a pas à financer les missions d'intérêt général. Nous partageons cette opinion, à condition toutefois de l'accompagner d'une alternative de financement crédible. En effet, la solidarité de proximité, les activités périscolaires et l'éducation populaire, l'aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées, l'accès au sport, aux loisirs et à la culture, pour ne citer que ces exemples, sont des missions dont l'utilité sociale est forte, qui garantissent la cohésion sociale et doivent donc être soutenues par l'État. Nous attendons encore la stratégie du Gouvernement sur ce sujet.

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