Intervention de Roland Courteau

Réunion du 22 février 2018 à 14h30
Exécution des peines des auteurs de violences conjugales — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, on aurait pu croire, en ce début du XXIe siècle, que les violences conjugales, ce mal d’un autre âge, ne seraient qu’un très lointain et très mauvais souvenir.

Il n’en est rien, hélas ! Cet insupportable fléau n’en finit toujours pas de faire des ravages. Il est resté trop longtemps sous-estimé, minimisé, un véritable tabou.

Il est vrai que le meilleur moyen de s’accommoder d’un mal qui dérange était, à l’époque, de l’ignorer. D’où cette première proposition de loi que j’ai souhaité porter, ici même, le 29 mars 2005, et qui devint la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Cette première loi spécifique a amorcé un mouvement, qui, je crois, ne cessera pas et qui a d’ailleurs été prolongé par plusieurs autres lois, plusieurs plans et mesures diverses et par nombre d’initiatives, de la part notamment de Laurence Rossignol, que je salue au passage, en sa qualité d’ancienne ministre.

Je tiens également à vous remercier, madame la ministre de la justice, de votre implication sur ce dossier particulièrement sensible. À ce stade de mon propos, qu’il me soit tout autant permis de saluer votre engagement constant, chère collègue Françoise Laborde, dans la lutte contre ce fléau. Comme vous le soulignez, malgré toutes les dispositions prises, les violences conjugales demeurent une triste et inacceptable réalité. Face à ce constat, vous proposez de modifier de manière drastique le régime de l’exécution des peines des auteurs de violences ; des peines qui, depuis la loi de 2006 déjà, sont fortement aggravées pour les faits de violences commis au sein du couple.

De plus, une autre loi, votée en 2010, a renforcé les sanctions et aggravé les peines en cas de menaces proférées au sein du couple, y compris dans les cas de violences psychologiques ou de harcèlement moral. Ainsi, les peines encourues sont considérablement aggravées, ce qui paraît légitime par rapport à des comportements destructeurs.

Faut-il, dès lors, aller plus loin encore ?

Je comprends votre colère, chère Françoise Laborde, quand vous dénoncez, dans ce texte, le décalage entre la réalité du drame vécu par les victimes et leurs familles et la priorité donnée dans le débat public à la lutte contre les violences faites aux femmes. Je comprends d’autant mieux votre réaction qu’il a pu arriver que des auteurs de violences aient été laissés en liberté. D’où la réaction des familles et des victimes que je comprends, elles aussi, parfaitement.

Toutefois, au sein du groupe socialiste et républicain, nous ne pensons pas pouvoir vous suivre cette fois-ci sur certaines des dispositions que vous proposez dans ce texte. Ainsi y est-il prévu d’exclure du bénéfice du fractionnement ou de la suspension de la peine les personnes condamnées pour violences au sein du couple.

Je note, d’abord, que, plusieurs des infractions ciblées étant de nature criminelle, leurs auteurs ne doivent déjà pas bénéficier de ces aménagements. Quant aux infractions correctionnalisées, il convient de noter, dans ce cas, que le juge de l’application des peines peut déjà refuser tel ou tel aménagement puisque le condamné doit remplir un certain nombre de conditions pour en bénéficier.

Je ferai la même remarque concernant la proposition d’exclure du bénéfice du régime de semi-liberté ou de placement à l’extérieur les personnes condamnées pour ces mêmes infractions.

Laissons au juge de l’application des peines le soin de juger de l’opportunité d’appliquer une mesure d’aménagement selon les cas, sans oublier que la semi-liberté prépare à la réinsertion et peut prévenir la récidive. À ce sujet, je voudrais rappeler ce sur quoi j’avais beaucoup insisté lors de l’examen de ma première proposition de loi, je veux parler de la prise charge sanitaire, sociale ou psychologique, et donc de la nécessité pour le condamné de suivre « une thérapie destinée à limiter les risques de récidive ».

C’est d’ailleurs l’un des trois critères pouvant justifier une réduction supplémentaire de peine. Mais, qu’il s’agisse d’exclure les réductions de peine ou les réductions supplémentaires de peine, prenons garde à l’effet contre-productif de la mesure. Si le condamné sait par avance qu’il en est écarté, je doute qu’il soit incité à suivre régulièrement et sérieusement des soins qui seraient à même de réduire au minimum les risques de récidive.

Je comprends vos préoccupations, chère Françoise Laborde, mais il semble préférable, pour les raisons que je viens d’évoquer, puisque l’arsenal législatif est déjà sévère à l’encontre des auteurs de violences, d’axer nos efforts en direction des recommandations que nous avons tous deux, avec d’autres collègues de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, mises en avant dans le rapport d’information intitulé 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales.

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