Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 22 février 2018 à 14h30
Exécution des peines des auteurs de violences conjugales — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier M. Mohamed Soilihi de m’avoir permis de prendre la parole ce soir en raccourcissant son propos.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui par nos collègues du groupe du RDSE aborde donc un sujet très sensible et s’inscrit dans un contexte extrêmement préoccupant : en 2016, 123 femmes et 34 hommes ont été tués par leur conjoint ou leur conjointe.

En moyenne, 225 000 femmes par an sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur ancien ou actuel partenaire. Ces chiffres sont effrayants, mais, plus effrayant encore, moins d’une femme victime de violences conjugales sur cinq porte plainte.

Loin de s’attaquer à cette question précise de la libération de la parole et surtout du recueil de celle-ci, la proposition de loi de Mme Laborde et de ses collègues se concentre sur l’exécution des peines des auteurs de violences conjugales. Faute de temps, je ne reviendrai pas sur le contenu des deux articles proposés.

Bien évidemment, les intentions de Mme Françoise Laborde sont louables, mais affirmer dans l’exposé des motifs que ces aménagements de peine « laissent s’installer un sentiment d’impunité pour l’auteur de ces violences » n’est pas à la hauteur de l’enjeu et s’inscrit dans une logique pouvant s’avérer contre-productive.

Comme pour tout sujet sensible de nature à soulever une émotion bien légitime chez nos concitoyens, nous avons le devoir, me semble-t-il, de garder la hauteur de vues qui s’impose et, surtout, de préserver les valeurs de notre République et l’équilibre de notre droit.

Nous partageons une bonne partie du diagnostic de Mme la rapporteur quant aux mesures proposées. Par conséquent, je n’y reviens pas.

J’insisterai simplement sur un aspect de cette proposition de loi : elle comporte un certain nombre de ruptures d’égalité devant la loi. En effet, c’est le quantum de la peine prononcée et le prononcé – ou non – d’un mandat de dépôt qui déterminent les modalités de l’exécution d’une condamnation. Celles-ci ne dépendent pas simplement de la nature de l’infraction visée ; elles prennent en compte la gravité des faits et la personnalité de l’auteur.

En l’état, les dispositions proposées dans ce texte peuvent fragiliser l’équilibre de notre droit pénal, puisqu’elles portent atteinte aux principes constitutionnels d’égalité devant la loi, de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines.

C’est en ce sens que les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’étaient déjà opposés au régime de l’exécution des peines dérogatoire applicable à certains condamnés pour une infraction terroriste.

Peu à peu des régimes juridiques d’exception s’installent, avec des droits spéciaux : hier pour les terroristes ; aujourd’hui pour les auteurs de violences conjugales. Pour qui demain ?

Mes chers collègues, revenons aux fondamentaux ! Ne confondons pas justice et vengeance !

En matière de droit pénal, bien loin de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice de M. Philippe Bas, à laquelle se réfère la rapporteur, …

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