Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 22 février 2018 à 14h30
Exécution des peines des auteurs de violences conjugales — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, madame l’auteur de la proposition de loi, mes chers collègues, les chiffres des violences conjugales dépeignent une situation alarmante : en 2016, plus de 220 000 femmes ont subi des violences et 123 sont mortes sous les coups de leur conjoint.

La lutte contre les violences conjugales est donc loin d’être achevée, ce qui appelle, en amont, à la prévention de tels actes et nécessite, en aval, une réflexion sur la sécurité des victimes, en particulier après la condamnation judiciaire du conjoint et sa libération.

Il semblait donc tout à fait légitime de commencer à réfléchir à notre régime de l’exécution des peines, comme le propose le présent texte.

Ce dernier vise à créer un régime dérogatoire en matière d’aménagement des peines, applicable aux seuls auteurs de violences conjugales, qui seraient ainsi exclus de la plupart des possibilités d’aménagement de peine.

Le sujet est éminemment sensible, mes chers collègues, mais il est essentiel d’aborder ce débat avec raison et rigueur juridique, afin que nos décisions permettent d’apporter un réel soutien aux victimes. Rappelons-nous ce que nous disions dans la discussion précédente : une loi mal écrite risquerait de provoquer des effets différents de ceux qui sont attendus.

Or, si nous comprenons et partageons l’objectif de ce texte – afficher une plus grande fermeté vis-à-vis des auteurs de violences conjugales –, nous regrettons que son contenu ne permette pas d’atteindre un tel objectif. Pis, nous craignons, comme je viens de l’évoquer, un effet contre-productif.

Priver les personnes condamnées pour violences conjugales de la possibilité de bénéficier d’un aménagement de peine, c’est méconnaître l’objectif premier des peines restrictives et privatives de liberté, à savoir préparer les personnes condamnées à leur réinsertion dans la société.

Il s’agit non pas de considérer ces aménagements uniquement à l’aune des avantages qu’ils représentent pour la personne condamnée, mais de prendre aussi en compte tous les bénéfices que notre société en tire, notamment en termes de prévention de la récidive.

Sur ce plan, la présente proposition de loi semble ignorer que le lien de causalité entre ce que l’on appelle les « sorties sèches » et la récidive a, de longue date, été établi. Par ailleurs, il est important de rappeler que des aménagements de peine, comme le régime de semi-liberté ou le placement à l’extérieur, permettent de concilier protection des victimes et prise en charge de la personne condamnée.

Aussi, ce texte, louable dans ses intentions – intentions que nous pouvons partager –, ne nous semble malheureusement pas emprunter la bonne direction.

Il aura toutefois permis d’ouvrir la voie à une indispensable réflexion sur la lutte contre les violences conjugales, et il nous permet d’ores et déjà de préparer la discussion du futur projet de loi que présentera Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans la perspective de ce débat, il faudra garder à l’esprit que la lutte contre les violences conjugales ne doit pas être exclusivement abordée sous l’angle des sanctions pénales contre leurs auteurs. En effet, l’ampleur judiciaire de ce phénomène n’est pas à la mesure de sa réalité quotidienne : aujourd’hui, seule une femme victime de violences conjugales sur cinq porte plainte. Les sanctions ne concernent donc qu’une infime partie des infractions réellement commises.

S’il est heureux que la parole se libère, la situation demeure intolérable. Il nous faudra donc trouver des solutions pour accentuer cette libération de la parole. Celle-ci est encore souvent étouffée par la peur des représailles, le contexte familial constituant une difficulté supplémentaire.

Se rendre au commissariat pour déposer plainte n’est simple pour aucune des femmes ayant à accomplir la démarche. Cette étape constitue une épreuve supplémentaire pour nombre de victimes, qui ne peuvent tout simplement pas se déplacer ou craignent d’être mal accueillies par des personnels souvent peu formés à l’exercice.

L’ouverture d’une plateforme de signalement en ligne pour les victimes de violences, annoncée en novembre dernier, marquerait pour ces dernières un réel progrès et permettrait de rendre leur parole audible.

Mes chers collègues, au vu des insuffisances précédemment évoquées, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi.

Si nous nous inscrivons dans la volonté du Président de la République de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité de son quinquennat, nous espérons que les débats à venir sur ce sujet nous permettront d’adopter des mesures efficaces de lutte contre les violences conjugales. Un message fort serait ainsi envoyé aux victimes de ces violences et ce serait, surtout, un moyen de réduire enfin leur nombre dans notre pays.

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