Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 22 février 2018 à 14h30
Exécution des peines des auteurs de violences conjugales — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, les violences conjugales sont un fléau et, hommes et femmes, nous devons nous liguer pour le combattre.

Les chiffres sont criants. Ils ont été largement rappelés, mais j’en mentionnerai deux : trois femmes victimes sur quatre déclarent avoir subi des faits répétés ; huit femmes victimes sur dix déclarent avoir également été soumises à des atteintes psychologiques ou des agressions verbales. C’est trop !

La proposition de loi de notre collègue Françoise Laborde, visant à modifier le régime de l’exécution des peines applicable aux auteurs de violences conjugales, prive les conjoints, concubins et partenaires de victimes de violences conjugales du bénéfice de trois dispositifs.

Le premier est la suspension ou le fractionnement de peine qui peut être autorisé par le juge pour motif d’ordre médical, familial, professionnel ou social, tel que prévu à l’article 720-1 du code de procédure pénale.

Le deuxième est l’exécution de la peine en semi-liberté ou en placement à l’extérieur, prévue à l’article 723-1 du code de procédure pénale.

Le troisième est le crédit de réduction de peine, prévu à l’article 721 du code de procédure pénale.

L’exclusion de ces dispositifs a pour but de maintenir les auteurs de violences à une distance effective de leurs victimes le plus longtemps possible.

À titre personnel, je comprends l’intention des auteurs de la proposition de loi et vous n’avez pas eu besoin, madame Laborde, de me convaincre de sa nécessité. Néanmoins, la solution que vous proposez ne me paraît pas valable sur la forme.

Je ne nie pas l’angoisse des victimes, mais retarder toute sortie en interdisant réductions et aménagements de peine ne leur apportera rien. Les auteurs de violences conjugales incarcérés finiront tôt ou tard par sortir de prison, de plus sans avoir bénéficié du moindre suivi. Or nous connaissons l’utilité des aménagements de peine, qui sont constitués de suivis probatoires dédiés, de traitements et d’obligations de soin.

En privant les auteurs de ces actes du bénéfice de ces dispositifs, je crains que l’on ne favorise pas la lutte contre la récidive.

Le régime des aménagements de peine ne doit pas être remis en cause. S’il l’était pour les auteurs de violences conjugales, il devrait l’être aussi dans de nombreux autres cas. Cela reviendrait donc à ouvrir la boîte de Pandore.

La proposition de loi fait face à un autre obstacle, et un obstacle de taille : ce régime dérogatoire en matière d’exécution des peines, qui serait applicable aux seuls auteurs de violences conjugales, est contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Nous touchons là à la constitutionnalité même du texte.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je loue l’intention des auteurs de la proposition de loi, mais, pour toutes les raisons que j’ai évoquées, il est impossible de soutenir celle-ci. Le droit positif peut, certes, être amélioré, mais nous devons trouver d’autres voies pour le faire.

L’intérêt de ce texte est surtout d’ouvrir le débat et, à ce titre, je remercie son auteur, Françoise Laborde, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Toutes les pistes doivent être envisagées. Au-delà de la problématique du régime de l’exécution des peines, nous devrions notamment veiller à améliorer le droit à l’information des victimes. Celles-ci doivent être informées de la date précise et des conditions de sortie de leur agresseur – si l’on en croit ce qui ressort de certains forums.

Autre voie à suivre, l’éducation dès le plus jeune âge à la lutte contre les violences faites aux femmes.

La fondation UEFA pour l’enfance a par exemple financé et aidé à développer un programme dénommé Just Play, qui a prouvé son efficacité en Inde et en Océanie.

Les chiffres dans le Pacifique sont consternants : 57 % des femmes ont déjà été battues par leur partenaire et 75 % des adolescents garçons interrogés estiment qu’il est acceptable de frapper sa femme. Le programme Just Play enseigne aux jeunes du Pacifique, à travers le football, le respect et la tolérance entre les deux sexes. Les résultats sont probants et les mentalités de ces jeunes, depuis l’introduction du programme en 2009, ont changé. Apprendre l’égalité des sexes, dès l’adolescence, et sensibiliser à la lutte contre les violences conjugales pourrait constituer une voie intéressante et peu onéreuse.

Avant de conclure, je souhaite remercier Mme le rapporteur Brigitte Lherbier pour la qualité de son travail.

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