Intervention de Alain Bauer

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 13 février 2018 à 14h20
Audition de M. Alain Bauer professeur de criminologie appliquée au conservatoire national des arts et métiers cnam à new-york et à shanghai

Alain Bauer :

Concernant la première question sur la dualité, il y a des tâches que la gendarmerie fait et que la police ne peut pas faire. La gendarmerie conduit des opérations extérieures, c'est quelque chose de très important et ça ne peut pas être fait par des policiers. Il n'est pas possible d'envoyer des officiers de police judiciaire non militaires pour conduire des opérations extérieures. Ni l'organisation des Nations unies, ni les conventions internationales, ni l'Europe ne le permettent. Les opérations de sécurisation, de stabilisation ou de « pacification » consacrent donc la primauté militaire. Je fais partie de ces gens qui aiment tant la police qu'il m'en faut plusieurs catégories. C'est dans l'intérêt des opérations judiciaires, pour permettre la qualité de l'enquête et afin de garantir l'indépendance des procédures que les magistrats disposent de plusieurs outils d'enquête. Étant un ferme partisan de l'indépendance, à tout point de vue, du dispositif judiciaire, y compris du parquet, je suis très favorable au maintien de plusieurs forces de police. Ce n'est pas un sujet de compétition, c'est un sujet d'organisation.

En revanche, il y a des mutualisations indispensables. Cela a été le cas avec le remarquable succès de la direction de la coopération internationale, c'est le cas avec l'outil informatique qui s'est beaucoup amélioré. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour éviter les doublons, dans la police scientifique notamment. Le fait que la police a des hélicoptères mais utilise parfois ceux de la gendarmerie peut sembler étonnant mais l'idée de mutualiser certains moyens est une bonne idée. Du point de vue de la présence et de la compétence il y a un vrai sujet.

Il y a un élément qui est sous-estimé, c'est la rurbanisation. L'espace rurbain, celui où la population progresse le plus, est sous le contrôle de la gendarmerie. Cette population nouvelle vient de l'espace urbain, avec la culture de l'espace urbain. Ce n'est pas simple pour les gendarmes de passer de la police du « voleur de poules » à la police du dealer de shit, c'est un autre process à appréhender. La non prise en compte, en France, des territoires de la criminalité est un drame de notre système. La France est un des rares pays où l'on fonctionne sur une logique d'effectifs avant de poser la question des territoires. C'est très étonnant. Dans tous les autres pays, on adapte les effectifs aux territoires de la criminalité. En France, on fait l'inverse. Certains départements, où il y a peu de population et une criminalité faible, devraient être entièrement gérés, y compris dans les villes, qui sont de petite taille, de la même manière : il faudrait y uniformiser les opérations de police. Il faut ensuite évaluer les menaces et en déduire quelles sont les missions de la police dans le territoire concerné. Alors seulement on devrait se poser la question des moyens à la fin. Or on procède autrement et il y a un morcellement et un enchevêtrement des zones d'intervention : un peu moins de 36 000 communes, 400 circonscriptions de sécurité publique, 3 000 brigades de gendarmerie, quelques centaines de communautés de brigade. Aucun de ces découpages n'est établi en cohérence avec les autres, sauf peut-être un jour le grand Paris...

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