Je ne sais pas ce qu'est la moyenne nationale. La moyenne nationale dans son ensemble ? Par rapport à la population du même âge ? C'est un peu comme pour le débat des contrôles au faciès. J'ai été auditionné à New-York sur ce sujet : à juste titre on nous a opposé des statistiques qui montrent qu'effectivement, par rapport à l'ensemble de la population, les jeunes afro-américains et les jeunes hispaniques sont surreprésentés dans les personnes contrôlées. Mais dans la population de moins de trente ans, par ailleurs statistiquement davantage susceptible d'avoir une arme aux États-Unis, cette surreprésentation est divisée par deux. La démographie est un élément à prendre en compte, ce qui en France est une véritable difficulté : la mise en place de l'institut national d'études démographiques a été aussi difficile que la reconnaissance de la criminologie. C'est dire à quel point ce pays aime savoir ce dont il parle. Je pense donc qu'il y a une surreprésentation des suicides chez les policiers, mais à mon avis beaucoup moins importante que ce chiffre souvent avancé du double d'une moyenne nationale dont on ne mesure pas bien ce qu'elle recouvre, eu égard au témoin de population pouvant se suicider. C'est exactement la même situation qu'à la Poste ou chez France Telecom : la visibilité globale des suicides est élevée mais la réalité statistique est plus mesurée. Concernant les facteurs du suicide, certes les conditions d'exercice du service ont un impact, mais il est difficile de mesurer la part des autres facteurs, en particulier personnels.
Lorsque c'est en lien avec l'activité professionnelle, indéniablement on identifie un coupable qui a fait l'objet d'une autre question qui m'a été posée : la politique du chiffre, à laquelle on doit mettre un terme. La politique du chiffre n'est pas une invention du ministère de l'intérieur, c'est une création du ministère du budget : le fait d'être redevable des comptes publics figure dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Le ministère du budgeta parfaitement compris qu'on ne peut pas donner de l'argent sans dire à quoi il sert. La comptabilité, c'est aussi une responsabilité. Mais il existe deux types de politiques du chiffre. Il y a la politique du résultat, c'est-à-dire une évaluation de la qualité de l'action publique. Cela implique une évaluation fine et sur mesure. Et il y a la politique du chiffre, purement quantitative. Le ministère de l'intérieur a choisi la facilité, avec cette approche comptable très facile à traduire dans des circulaires. Le ministère a été aidé en cela par tous ses partenaires qui se satisfont tous de données immédiatement compréhensibles et purement comptables : combien d'homicides, combien de mis en cause, combien de personnes interpellées ou gardées à vue, combien de fumeurs de haschich, combien de contraventions, etc.
L'outil statistique choisi est confortable et se marie bien avec les technologies : un smartphone permet de savoir ce que l'agent faisait, de le géolocaliser et de voir quel type d'actes il contrôlait.