Intervention de Alain Bauer

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 13 février 2018 à 14h20
Audition de M. Alain Bauer professeur de criminologie appliquée au conservatoire national des arts et métiers cnam à new-york et à shanghai

Alain Bauer :

Il y a eu d'excellents préfets de Police à Marseille, en revanche je cherche toujours à comprendre à quoi sert la préfecture de police en tant que structure. Pour avoir suivi les conditions dans lesquelles le décret instaurant la préfecture de police de Marseille a été adopté, je peux affirmer que cette création a considérablement amoindri les autres structures. Cette création a donc entrainé davantage de problèmes qu'elle n'en résout.

La dernière question qui m'a été posée : que faire ? Je citerai ma rencontre, à l'invitation d'un syndicat de policiers, avec une cinquantaine de bacqueux dont, je dois l'avouer, je ne disais pas du bien. J'ai eu droit à un accueil rugueux, mais par des gens qui avaient été sermonnés. Au bout de dix minutes, on a commencé à avoir un débat de qualité. Ils ont commencé à aborder intelligemment ce qui pourrait être amélioré dans leur métier. Ils ont mis en avant trois éléments. D'abord, la BAC engendre le plus haut niveau d'ennui imaginable pour un policier : il ne se passe rien. Les bacqueux m'ont expliqué qu'ils meublaient leur ennui par le seul outil dont ils disposent pour justifier leur activité : les contrôles d'identité. Ils n'avaient aucun doute sur le manque d'intérêt de la pratique, en revanche cela leur permet de montrer qui contrôle le territoire. Ils ont commencé à échanger sur ce qu'ils pourraient faire d'utile à la place. Mais les propositions que j'ai entendues ne s'inscrivent pas dans la politique du chiffre. En particulier, ce qu'on ne fait jamais dans la police, dresser un retour d'expériences. Cela s'explique très bien : nous avons une des rares polices au monde qui n'est pas dirigée par des policiers. Mais il y a un travail à faire là-dessus, en sollicitant plus les policiers de terrain, qui ont à la fois la connaissance et la compétence, dans la définition des stratégies policières. Cette expérience n'est qu'un exemple mais j'ai beaucoup plus appris en trois heures avec des bacqueux qu'en dix ans d'échanges avec l'école nationale supérieure de police.

Ce serait par exemple très intéressant de voir ce que les policiers proposent au sujet de la police de proximité. La police communautaire a été « exécutée » par l'étude de Kansas city qui démontre que la police communautaire n'a aucun impact sur la sécurité, elle n'a d'effet que sur la confiance du public. Elle n'est donc pas inutile, mais simplement pas faite pour ce que l'on nous vend. Il y a donc besoin d'une police de présence et s'une police d'intervention. Ce n'est pas l'une ou l'autre, elles sont complémentaires mais il faut adapter ces choix aux territoires et à des moments précis. Jusqu'à récemment, l'outil de comptabilisation des plaintes prenait en compte le lieu de dépôt des plaintes et non pas le lieu de l'infraction dénoncée. Il faut bien voir d'où on part, mais les policiers, comme les gendarmes, ont les capacités et le support administratif indispensables.

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