Monsieur le président, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le Président de la République a fait du numérique une priorité du quinquennat. Cet engagement de la campagne présidentielle a été confirmé par le Président de la République et par le Premier ministre lors de leur prise de fonction.
Comme vous l’avez dit, madame la rapporteur, le numérique est un formidable outil de lutte contre les fractures territoriales, et donc un formidable outil pour favoriser la cohésion des territoires, dont j’ai la charge avec Jacques Mézard. Comme vous le savez, aujourd’hui, seul un Français sur deux a accès au très haut débit, c’est-à-dire à un réseau numérique de qualité, alors même que se développe un ensemble de dispositifs allant du télétravail à la télémédecine et que plus de la moitié des démarches administratives s’effectuent désormais sur internet.
Le sujet est complexe et plusieurs d’entre vous, qui se reconnaîtront, se sont mobilisés très tôt sur cette question, y compris dans l’installation de nouveaux dispositifs en étant à l’initiative des premiers réseaux d’initiative publique voilà de nombreuses années. À cet égard, je tiens à saluer, en introduction de mon propos, l’implication des parlementaires, en particulier des sénateurs, avec une pensée particulière pour le sénateur Patrick Chaize – et aussi pour Mme la rapporteur –, avec qui nous avons eu des échanges importants et constructifs, depuis plus de sept mois, dans un contexte particulièrement difficile.
La réflexion sur ce texte n’a pas débuté voilà quelques semaines. Elle fait suite à plusieurs travaux du Sénat. Je pense notamment aux sénateurs Maurey et de Nicolaÿ, qui ont offert dans leur rapport d’information un nouveau regard, parfois de nouvelles méthodes, avec des changements de paradigmes visant à faire en sorte que les gouvernements, désormais, puissent considérer certaines démarches, dont l’octroi de fréquences, comme des outils d’aménagement du territoire et non plus comme de simples ressources budgétaires. C’est l’un des éléments, monsieur le président de la commission, que nous avons pris en compte.
L’attente de nos concitoyens est immense. Alors que les chiffres indiquent un nombre limité de zones blanches et une accessibilité massive à la téléphonie mobile, un accès à internet très largement satisfait sur l’ensemble du territoire, ce n’est pas du tout la perception de nos concitoyens. Les exemples que nous avons tous en tête, les expériences que nous vivons quotidiennement doivent donc nous amener à redoubler d’efforts pour trouver des solutions concrètes.
Nous partageons les objectifs de cette proposition de loi, vous le savez. C’est pourquoi nous travaillons depuis plusieurs mois, collectivement, pour déterminer les solutions qui peuvent être mises en avant et les actions à entreprendre.
Le Président de la République, le Premier ministre ont fixé des objectifs ambitieux en matière de numérique. Il s’agit d’offrir à tous les Français un accès à internet de bonne qualité, donc un débit supérieur à 8 mégabits par seconde, d’ici à 2020 et un accès au très haut débit, autrement dit un débit supérieur à 30 mégabits par seconde, à partir de 2022. L’amélioration de la qualité de la téléphonie mobile est également concernée, qu’il s’agisse de l’accès à la 4G ou de la couverture des zones blanches.
Quatre axes principaux ont ainsi été annoncés par le Gouvernement, que ce soit par le Premier ministre, le 14 décembre dernier, à l’occasion de la Conférence nationale des territoires, ou par Jacques Mézard et moi-même, à la mi-janvier, à la suite d’un accord important, mentionné par le sénateur Patrick Chaize, passé avec les opérateurs de téléphonie mobile.
Le premier, c’est l’accélération de la couverture numérique des territoires, qui passe d’abord par une accélération et une sécurisation du déploiement des réseaux, mais aussi par une consolidation des réseaux d’initiative publique. Le débat ouvert à leur sujet a été rapidement stoppé : nous soutenons les réseaux d’initiative publique, qu’il convient de sécuriser juridiquement et financièrement, grâce au plan France très haut débit. Elle passe également par la mobilisation de toutes les technologies et de tous les opérateurs, y compris des investisseurs, les investisseurs privés étant de plus en plus nombreux à vouloir investir dans nos réseaux numériques.
Le deuxième axe, c’est la généralisation d’une couverture mobile de qualité. Chaque opérateur, dans l’accord que nous avons passé en janvier dernier, s’est engagé à couvrir en 4G 5 000 nouveaux sites, dont certains seront mutualisés, ainsi que plus de 10 000 communes qui étaient couvertes en 2G ou en 3G d’ici à la fin de 2020. C’est essentiel, car le passage à la 4G permet, au-delà de la voix, l’accès à internet via un téléphone intelligent.
Le troisième axe, c’est la simplification des procédures de déploiement. Des échanges ont eu lieu avec plusieurs d’entre vous afin de déterminer les mesures de simplification à même d’améliorer véritablement les délais de construction, actuellement trop longs, dans la mise en œuvre des infrastructures sur le terrain.
Le quatrième et dernier axe, c’est un choc de transparence. Il faut être totalement transparent sur le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile. C’est le sens de l’observatoire des déploiements fixes que l’ARCEP prépare pour l’été 2018. C’est également le sens des observatoires que l’Agence du numérique déploiera s’agissant du numérique.
Aujourd’hui, nos débats portent spécifiquement sur les travaux que vous avez menés, madame la rapporteur, monsieur le sénateur. Je tiens d’abord à saluer l’ensemble de ces travaux. Ils ont pesé, vous le savez, dans un contexte qui était tout autre que celui que nous connaissons aujourd’hui. Les déclarations de certains opérateurs laissaient entendre qu’il était possible de déployer la fibre sur un territoire, quels que soient les projets existants. À l’époque, voilà déjà trois mois, vos travaux ont permis, dans les discussions que nous avons eues avec ces acteurs économiques, de porter une voix nécessaire au rétablissement d’un équilibre qui, je le crois, s’est largement amélioré aujourd’hui.
Le contexte dans lequel s’inscrit cette proposition de loi a également évolué du fait des travaux que nous avons pu mener dans le cadre de la préparation du projet de loi Évolution du logement et aménagement numérique, que Jacques Mézard et moi-même présenterons prochainement. Le texte du Gouvernement contient notamment une série de mesures de simplification pour accélérer le déploiement des réseaux sur le territoire.
C’est au regard de ce contexte, marqué, j’y reviendrai, par des évolutions sur trois principaux points, que le Gouvernement émet effectivement des réserves sur l’opportunité d’adopter, dès à présent, la proposition de loi. Cela étant, monsieur le sénateur Chaize, vous le savez bien, le Gouvernement reprend à son compte vos objectifs – votre « rêve », comme vous dites –, et il a toujours exprimé à l’égard de l’ensemble de vos travaux un soutien non équivoque. Vous le savez d’autant plus que nous ne comptons plus, ni vous ni moi, les heures de discussion et de travail que nous avons pu avoir en commun ou avec l’association que vous représentez.
Je le disais, le contexte a évolué, sur trois principaux points.
Le premier concerne les négociations avec les opérateurs, s’agissant notamment de leur positionnement, que j’ai précédemment évoqué.
Le deuxième point est le fait que la proposition de loi n’est bien entendu pas conforme au projet de code européen des communications électroniques, lequel a une portée bien plus large et est d’ailleurs toujours en cours de discussion. Ma collègue Delphine Gény-Stephann se rendra à Bruxelles dans quelques jours pour poursuivre les négociations en la matière, qui, d’après les dernières informations dont nous disposons, pourraient être finalisées au premier semestre de l’année en cours, pour une transposition envisagée à la fin du second. Ce calendrier est à prendre avec précaution, tant les discussions européennes, vous le savez comme moi, peuvent parfois être plus longues que prévu.
Le troisième point, que vous avez vous-même mentionné, madame la rapporteur, porte sur la nature des engagements que nous avons demandé à chacun des opérateurs de prendre dans le cadre du déploiement de leurs réseaux. Ces engagements seront plus contraignants, car soumis au dispositif de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques, dispositif porté déjà à l’époque de la loi Montagne. Tel est le résultat des discussions que nous avons eues au cours des dernières semaines avec l’ensemble des opérateurs, en particulier avec deux d’entre eux.
Depuis mon audition devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, nous avons donc obtenu de nouveaux engagements de la part des opérateurs. Ils seront présentés à l’ARCEP dans les tout prochains jours. Dès que l’ARCEP se sera prononcée, nous vous les transmettrons en totale transparence, en y incluant le contenu des débats qui auront été menés.
Par conséquent, l’application de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques sera possible, du moins dès que l’ARCEP aura rendu son avis. Le contexte a donc bien changé en quelques semaines.
Je terminerai mon propos en insistant sur le rôle des collectivités.
L’accord que nous avons signé avec les opérateurs voilà maintenant deux mois met les collectivités au centre du dispositif, et ce pour au moins deux raisons. D’une part, l’identification des nouveaux sites de déploiement, sur lesquels portera l’investissement des opérateurs, se fera en liaison avec les collectivités. Ce seront non pas les opérateurs, mais bien l’État et les collectivités locales qui décideront de l’endroit où les nouvelles infrastructures de téléphonie mobile seront installées. D’autre part, les collectivités locales ne supporteront plus le coût de ces infrastructures, notamment l’édification nécessaire de nouveaux pylônes. Celui-ci incombera aux opérateurs eux-mêmes.
À mes yeux, l’élément le plus important lorsqu’il est question de la duplication des réseaux potentiels, le choix qui a guidé toutes les décisions que nous avons prises, c’est que les collectivités sont les donneurs d’ordre. Aujourd’hui, il n’est pas possible de construire un réseau si le donneur d’ordre ne fournit pas un certain nombre d’autorisations. Le rôle des collectivités en la matière doit être conforté, d’où, notamment, le renforcement du volet juridique des réseaux d’initiative publique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous partageons et soutenons pleinement les objectifs de cette proposition de loi et l’ambition affichée. Cependant, en termes de calendrier, parce qu’elle porte en particulier largement sur la transposition du code européen des communications électroniques, elle devrait être adoptée a posteriori et non avant que les discussions et négociations en cours, menées pour la France par ma collègue Delphine Gény-Stephann, ne soient finalisées.