Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 6 mars 2018 à 14h30
Investissements dans les réseaux à très haut débit — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey :

Nous avons pu mesurer cette nécessité voilà quelques mois avec les annonces pourtant peu crédibles d’un opérateur, qui ont néanmoins eu un effet relativement déstabilisant sur un certain nombre de réseaux d’initiative publique.

Par ailleurs, il est indispensable de nous assurer, enfin, que les déploiements dans la zone d’initiative privée se concrétisent réellement et pleinement. Il s’agit simplement d’exiger des opérateurs qu’ils respectent leurs engagements, là où l’initiative publique a été écartée précisément en raison de ces intentions. Aujourd’hui, tel n’est toujours pas le cas, malgré les propositions réitérées du Sénat visant à ce que les opérateurs soient liés par leurs engagements et sanctionnés au cas où ils ne les respecteraient pas.

Sur le sujet, le combat du Sénat est ancien. Déjà, en 2011, et je me tourne spontanément vers Jean-Paul Émorine, qui présidait la commission dont j’étais membre à l’époque, nous avions présenté un rapport d’information intitulé Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes. Par la suite, avec mon ancien collègue Philippe Leroy, j’avais déposé une proposition de loi, adoptée par le Sénat en février 2012. Ce texte imposait aux opérateurs de s’engager sur un nombre précis de lignes construites, par année et pour chaque territoire, avec la possibilité de mises en demeure et de sanctions prononcées par l’ARCEP en cas de manquement. Malheureusement, le Gouvernement avait, à l’automne 2012, obtenu le rejet du texte par l’Assemblée nationale.

Dans un rapport d’information plus récent, publié en 2015, Patrick Chaize et moi-même avions recommandé une contractualisation dotée d’engagements précis, avec la possibilité pour l’autorité de régulation de prononcer des sanctions en cas d’inexécution.

Sur ce sujet, le gouvernement précédent nous avait régulièrement affirmé que le système de conventionnement lancé en 2013 était une réponse suffisante. Le ministre de l’économie de l’époque, devenu depuis Président de la République, avait annoncé un achèvement de ce processus de contractualisation pour la fin de l’année 2015, objectif ensuite reporté pour la fin de l’année 2016. À la fin de l’année 2017, le processus n’était toujours pas achevé ; là où il était réalisé, chacun pouvait déplorer le manque de précision des conventions signées avec les opérateurs.

En octobre dernier, nous avons eu la satisfaction de constater que l’ARCEP se ralliait au point de vue du Sénat en confirmant, une fois encore, qu’un encadrement des engagements des opérateurs était indispensable, compte tenu notamment du retard observé dans une grande partie de la zone d’initiative privée.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes en mars 2018. Le problème identifié par le Sénat dès 2011 n’a toujours pas été résolu. Les écarts considérables entre les engagements initiaux des opérateurs et la réalité compromettent une couverture intégrale du territoire national en très haut débit à l’horizon de 2020 et risquent de donner naissance à de véritables « zones blanches » en matière de très haut débit.

Les opérateurs affirment toujours qu’ils rendront l’intégralité des logements éligibles à une offre commerciale d’ici à 2020. Je n’y crois pas un seul instant. L’expérience nous a malheureusement montré combien ce type d’affirmations de la part des opérateurs était peu crédible et peu suivi d’effets. Si les opérateurs sont aussi sûrs d’eux-mêmes, qu’ils s’engagent enfin, concrètement, en termes de déploiement, territoire par territoire, avec des échéanciers permettant de contrôler régulièrement le respect des engagements, sous l’égide de l’ARCEP !

J’ai bien noté, monsieur le secrétaire d’État, que des discussions étaient en cours entre le Gouvernement et les opérateurs. Mais nous n’avons aucune garantie sur leur résultat final. Le Sénat entend donc aller plus loin avec cette proposition de loi. Sur ce sujet, comme sur d’autres problématiques d’accès au numérique, telles que l’accès à un haut débit de qualité ou la définition des zones blanches de la téléphonie mobile, il est regrettable que le Sénat n’ait pas été entendu plus tôt. Nous avons en effet, je l’ai rappelé, proposé des solutions, qui, de toute évidence, sont indispensables à mettre en œuvre. Permettez-moi, d’ailleurs, de déplorer que le Parlement ne soit pas davantage associé à la politique d’aménagement numérique du territoire.

Pour le déploiement des réseaux fixes, comme sur les questions de couverture mobile, le gouvernement actuel prolonge la tendance antérieure consistant à privilégier des négociations informelles et des conventions avec les opérateurs, dont le Parlement ne prend connaissance que tardivement et très partiellement. Les gouvernements successifs n’ont jamais réellement saisi le Parlement sur ce sujet pourtant essentiel. Cette pratique, qui conduit parfois à véritablement « court-circuiter » la représentation nationale, n’est pas acceptable. Nous aimerions que le Gouvernement agisse différemment et – pourquoi pas ? – qu’il applique l’engagement pris devant notre commission par un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, de revenir tous les six mois faire le point sur le déploiement des réseaux.

Pour conclure, je voudrais me féliciter de ce que la présente proposition de loi apporte de vraies solutions sur ce sujet essentiel. Une fois encore, le Sénat a fait preuve de vigilance et de réactivité et démontre sa mobilisation sur la question de l’aménagement numérique du territoire. Toutefois, si nous l’abordons aujourd’hui, c’est parce que nous n’avons pas été entendus par les gouvernements précédents. J’espérais, monsieur le secrétaire d’État, que, cette fois-ci, il en irait différemment.

Je l’avoue, mais peut-être les débats vont-ils nous éclairer, je n’ai pas tout compris du positionnement du Gouvernement, qui nous explique partager les objectifs du texte, mais trouver que, quelque part, celui-ci arrive un peu trop tôt dans le calendrier. Non, monsieur le secrétaire d’État, il n’est pas trop tôt, il est presque trop tard ! Nous vous demandons donc de soutenir cette proposition de loi, essentielle pour le déploiement du numérique et pour nos territoires.

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