Intervention de Frédéric Marchand

Réunion du 6 mars 2018 à 14h30
Investissements dans les réseaux à très haut débit — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Frédéric MarchandFrédéric Marchand :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la Conférence nationale des territoires, organisée en ces murs le 17 juillet dernier, le Président de la République indiquait : « Pour l’État, le premier enjeu est la lutte contre la fracture territoriale. L’État et les collectivités territoriales doivent travailler de concert afin de construire cette cohésion des territoires. »

Cette priorité gouvernementale de résorber la fracture territoriale passe aujourd’hui également par la résorption de la fracture numérique. C’est pourquoi le Président de la République a pris, à cette même occasion, des engagements très ambitieux en faveur de l’accélération de la couverture numérique de notre territoire : garantir le bon débit pour tous en 2020, le très haut débit en 2022 et la fibre pour tous en 2025.

En effet, cela a été rappelé, la France se trouve en bas du classement européen en termes de couverture en très haut débit fixe. Aujourd’hui, 6 millions de nos concitoyens n’ont pas accès à un débit internet fixe de qualité et plus de la moitié des Français déclare ne pas profiter assez des opportunités offertes par les nouvelles technologies.

Cette carence est d’autant moins acceptable que l’État, lui, accélère sa transformation numérique, afin de dématérialiser et de simplifier les démarches des particuliers, des associations, des entreprises et des administrations. Je salue en ce sens la mise en ligne, la semaine dernière, de la plateforme demarches-simplifiees.fr par le secrétaire d’État chargé du numérique, qui constitue un bénéfice pour tous, en particulier pour nos territoires ruraux.

Cette dématérialisation et cette transformation permettent de rendre plus efficaces et plus réactifs les services publics. Dans le même temps, elles peuvent accroître le sentiment d’abandon et d’exclusion des citoyens à mesure que les usages se développent : la fracture numérique devient alors une fracture d’accès aux services.

Oui, la fracture numérique entre les territoires est manifeste, elle nourrit les écarts de développement économique. Or les besoins en très haut débit sont les mêmes quels que soient les territoires : qu’il habite dans le centre de Lille ou en zone rurale, comme dans l’Avesnois, un lycéen aura toujours les mêmes nécessités d’accès à internet pour faire son exposé. Les petites et moyennes entreprises installées sur nos territoires ont elles aussi exactement les mêmes besoins que les PME de la région parisienne. Enfin, les zones rurales ont parfois justement davantage besoin du numérique que les zones urbaines ; je pense notamment à la promesse de la télémédecine, de l’e-santé en général, qui permet de lutter contre la désertification médicale. Comment faire alors sans une connexion internet de très grande qualité ?

Il nous faut lutter contre la situation d’inégalité dans laquelle nous nous trouvons, contre le sentiment d’abandon de trop de nos concitoyens, et veiller à l’inclusion des populations éloignées du numérique, en dotant les territoires d’infrastructures adéquates.

Les attentes des citoyens en matière de couverture numérique sont fortes et nécessitent une grande ambition, que l’on retrouve dans les objectifs que se sont fixés l’État et les opérateurs télécoms. En effet, certains retards accumulés par les opérateurs dans la mise en œuvre du plan France très haut débit ont mis en péril la réalisation des ambitions du Gouvernement.

Dans les zones d’initiative publique, les zones peu denses, rurales ou de montagne, la plupart des RIP sont lancés. Ces lourds investissements consentis par les collectivités territoriales doivent absolument être protégés de la concurrence des réseaux privés, sinon leur modèle économique est en péril. Il faut préserver les investissements publics et assurer de façon certaine la desserte de l’ensemble des habitants en fibre optique.

Tel est l’objectif de la proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize, mobilisé depuis plusieurs années, nous le savons, sur ce sujet du numérique et dont la compétence n’est plus à démontrer.

Nous sommes tous d’accord, les Français doivent être égaux dans l’accès au numérique grâce à l’effort conjoint des collectivités territoriales et des opérateurs privés, que ce soit en termes d’investissements ou de respect des engagements et contraintes de ces derniers.

À ce titre, le groupe que je représente est en adéquation avec la philosophie générale de la proposition de loi de Patrick Chaize. Toutefois, si nous nous rejoignons sur le fond du texte, notamment après son passage en commission, nous avons quelques réserves concernant non seulement la temporalité choisie, mais aussi le calendrier dans lequel s’inscrit son examen.

À l’échelon européen, si un accord politique provisoire a été trouvé sur le futur code européen des communications électroniques, les négociations n’ont pas encore abouti. En l’état, l’adoption de cette proposition de loi anticiperait donc les conclusions à venir, ce qui n’est, de notre point de vue, guère opportun.

Par ailleurs, nous le savons tous ici, au Sénat, qui a accueilli la Conférence de consensus sur le logement, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, un chapitre dédié à la simplification du déploiement des réseaux de communications électroniques à très haute capacité est inclus dans le futur projet de loi Évolution du logement et aménagement numérique, dit projet de loi ÉLAN. Dans ce dernier figurent quatre articles concernant cette simplification et répondant, en grande partie, aux mesures préconisées par notre collègue dans la présente proposition de loi. Ce sujet pourra alors prendre toute sa place dans le cadre, plus global, de l’examen du projet de loi ÉLAN, au mois de juin prochain.

C’est pourquoi le groupe La République En Marche s’abstiendra sur la présente proposition de loi. Néanmoins, nous estimons que le débat de ce jour est nécessaire pour envoyer un signal fort aux opérateurs : malgré les désaccords sur la forme, la majorité des groupes parlementaires et le Gouvernement parlent d’une seule et même voix.

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