Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la première question que je me suis permis de poser tout à l’heure, lors de l’examen de la proposition de loi organique, reste d’actualité : est-il ou non pertinent de débattre aujourd’hui de dispositions qui, nous le savons, seront d’une façon ou d’une autre soumises à notre examen dans quelques semaines, à l’occasion de la révision de la Constitution ? Certains peuvent estimer qu’une telle anticipation est une manière d’ouvrir le débat, d’autres peuvent juger préférable, pour la cohérence de celui-ci, d’appréhender les problématiques globalement.
Notre groupe n’est pas opposé au renvoi de ce texte à la commission, essentiellement en raison de l’inadaptation du véhicule proposé. Nous ne sommes pas très favorables à la création de comités supplémentaires. Cette position relève, en quelque sorte, d’une logique de parallélisme des formes : notre assemblée reproche régulièrement au Gouvernement de créer trop d’autorités administratives indépendantes, nous nous plaignons d’une forme d’« agencification » de l’action publique de l’État ; par conséquent, n’alimentons pas, pour notre part, une forme de « comitologie » qui serait le pendant parlementaire des mauvaises pratiques que nous reprochons à l’État !
Plus fondamentalement, nous souhaitons tous que le Parlement assure complètement non seulement sa fonction législative d’élaboration des normes juridiques, mais aussi son rôle d’évaluation des politiques publiques et de contrôle de l’action gouvernementale, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République.
En matière d’évaluation de l’application des lois par le Parlement, les marges d’amélioration sont considérables. M. Sueur a proposé en commission que le rapporteur d’un texte en suive l’application après son éventuelle adoption. A minima, il s’assurerait que les décrets d’application soient pris. Dans une interprétation plus large, un rôle d’évaluation de l’application de la loi dans la durée pourrait lui être confié. En tout état de cause, l’idée d’instaurer un continuum dans le suivi de l’application des lois me paraît intéressante.
Cela concerne l’aval. Peut-être conviendrait-il de s’intéresser également à l’amont, en se penchant sur la question de l’intégration. M. Cabanel et moi-même invitons le Sénat à aller plus loin dans la prise en compte de la démocratie participative, en recourant à des modalités assez classiques, pratiquées par exemple par la Commission européenne, qui met en œuvre de façon systématique des mécanismes de consultation numérique avant l’adoption des normes européennes. C’est un sujet que connaît bien notre assemblée, le président Larcher souhaitant promouvoir un Sénat « numérique ».
Sans systématiser les choses, une consultation numérique, des panels citoyens ou des conférences de consensus pourraient être mis en place en amont de l’examen d’un texte de loi, lorsque la commission compétente l’estime pertinent. Cela pourrait valoir, en particulier, pour les textes à vocation sociétale.
Je veux espérer que la motion tendant au renvoi de la proposition de loi à la commission sera adoptée et que, au-delà, nous poursuivrons, les uns et les autres, notre réflexion, dans le cadre de la révision constitutionnelle à venir, bien sûr, pour ce qui concerne le plus haut niveau de la norme juridique, mais aussi dans celui, beaucoup plus modeste, de la modification de notre règlement intérieur. En effet, l’amélioration de l’évaluation de l’application de la loi, en aval, et l’intégration de processus participatifs ou la revitalisation du droit de pétition, en amont, sont des domaines qui relèvent, mes chers collègues, du règlement de notre assemblée.
Je confirme le soutien du groupe Union Centriste à la motion tendant au renvoi du texte à la commission.