Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 7 mars 2018 à 21h30
Revalorisation des pensions de retraite agricoles — Suite de la discussion et retrait de l'ordre du jour d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

L’article 3 propose d’assouplir les conditions d’accès à ce minimum garanti de 75 % du SMIC pour les exploitants agricoles ultramarins.

Les services du ministère de l’agriculture évaluent l’impact financier de l’article 1er à environ 350 millions d’euros et celui de l’article 3 à 50 millions d’euros pour 2018, soit un total de 400 millions d’euros. Trois arguments me semblent toutefois relativiser ce coût.

Le premier repose sur un constat que nous partageons tous : le régime des non-salariés agricoles sert actuellement le plus petit niveau de pension parmi tous les régimes de retraite de notre pays. Pour une carrière complète, les exploitants agricoles touchent en moyenne 730 euros par mois en 2015 et seulement 650 euros par mois en moyenne dans les outre-mer, soit la plus petite pension des régimes de retraite, moins que le seuil de pauvreté, moins que le minimum vieillesse.

Porter le minimum garanti de 75 % à 85 %, c’est augmenter d’un peu plus de 100 euros par mois le pouvoir d’achat des 230 000 bénéficiaires actuels du dispositif. C’est aussi permettre à 30 000 retraités agricoles supplémentaires de voir leur pension progresser.

Si nous savons que le principal problème des retraites agricoles réside dans la faiblesse des revenus professionnels, soumis à des aléas climatiques ou de marché qui dépassent bien souvent les agriculteurs, il nous a paru urgent de faire bénéficier chaque agriculteur d’une pension décente au moment où il cesse son activité.

Le deuxième argument qui doit nous faire relativiser ce chiffre, c’est le vieillissement de la population des exploitants agricoles. La dépense associée au minimum garanti devrait en effet diminuer à mesure de l’arrivée à l’âge de la retraite de nouvelles générations qui auront beaucoup plus cotisé que les précédentes.

Enfin, l’estimation du coût du dispositif : en 2014, lorsque la réforme des retraites a mis en place la garantie à 75 %, le Gouvernement évaluait le coût annuel de ce dispositif entre 140 et 160 millions d’euros, un niveau stable jusqu’en 2030. Je constate toutefois que, en 2018, ce dispositif coûte moins – 130 millions d’euros – et qu’il ne devrait représenter que 125 millions d’euros en 2020. Dès lors, il n’est pas interdit de penser que l’impact financier de l’augmentation du minimum garanti ne sera pas si élevé.

Je précise surtout que ce texte prévoit, à l’article 2, un financement suffisant et même dynamique : une taxe additionnelle de 0, 1 % à la taxe sur les transactions financières.

Le passage de 0, 3 % à 0, 4 % me paraît raisonnable, puisque cela revient à prélever 4 centimes d’euros au lieu de 3 centimes lors de l’achat d’une action de 10 euros et permettra de rapporter au moins 450 millions d’euros par an, que le texte prévoit d’affecter à la Mutualité sociale agricole.

Cette recette, qui est supérieure au coût des mesures proposées, consoliderait donc aussi financièrement le régime de retraite des non-salariés agricoles, qui plus est sans que cela ne coûte un centime à l’État ou au contribuable, madame la ministre, tout en assurant des retombées positives sur l’économie réelle.

Je dirai un mot sur l’article 4. Celui-ci est important, car il met fin à une discrimination qui touche les salariés agricoles de Guadeloupe, de La Réunion et de Mayotte, en prévoyant l’extension à leur bénéfice de la retraite complémentaire. Ils sont en effet les derniers salariés à ne pas être couverts. Cela n’est plus supportable.

J’en viens à la supposée contradiction avec la réforme systémique annoncée. La logique de la réforme proposée par le Président de la République, qui veut qu’un euro cotisé rapporte la même chose pour tous, nécessitera de réinterroger tout notre système de retraite, en particulier ses dispositifs de solidarité.

Dans ce contexte, le dispositif de minimum garanti que nous proposons et qui devra être intégré à cette large réflexion présente déjà l’avantage de fonctionner sur un système d’attribution de points de retraite complémentaire à titre gratuit.

À ce stade, je ne vois donc pas de contradiction avec le vote de cette proposition de loi, qui offre une perspective immédiate de revalorisation des pensions de retraite agricoles modestes, sauf bien sûr si votre intention est de minimiser les dispositifs de solidarité.

J’en viens enfin aux conditions d’examen de cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour du Sénat depuis plusieurs semaines.

En tant que rapporteur, j’ai mené une série d’auditions avec l’ensemble des acteurs concernés, auditions auxquelles ont assisté de nombreux collègues sénateurs de toutes les sensibilités. Elles ont permis de consolider l’esprit de consensus face à l’urgence sociale que j’évoquais et à la nécessité d’y apporter une réponse.

Nous avons en particulier auditionné les représentants des administrations de l’agriculture et de la sécurité sociale, qui n’ont pas été en mesure de nous communiquer la position du Gouvernement.

Madame la ministre, je regrette d’avoir appris hier soir, très tardivement, votre décision non seulement de vous opposer à ce texte, mais également de recourir au vote bloqué, ce qui n’est pas conforme à la nécessité d’un dialogue respectueux entre le Gouvernement et le Parlement.

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