Séance en hémicycle du 7 mars 2018 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • fraude
  • l’évasion
  • retraité

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, d’une part, un avis favorable à la nomination de Mme Chantal Jouanno aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public, et, d’autre part, un avis favorable à la nomination de M. Arnaud Leroy aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer (proposition n° 368 [2016-2017], texte de la commission n° 316, rapport n° 315).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Alain Milon, monsieur le rapporteur Dominique Watrin, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée est saisie de l’examen d’une proposition de loi visant à assurer la revalorisation des retraites agricoles.

Cette proposition entend remédier à une situation dont nous pouvons tous partager le constat et à laquelle le Gouvernement est particulièrement sensible : la faiblesse des retraites agricoles.

Marques d ’ ironie sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Les pensions des exploitants agricoles et, plus encore, celles des conjoints et des aides familiaux sont en effet, à durée d’activité comparable, plus faibles que celles des autres retraités de notre pays, et cela même s’il faut prendre en compte le fait que de nombreux retraités sont polypensionnés.

Cette situation reflète d’abord et avant tout la faiblesse des revenus agricoles, qui se répercute directement sur le niveau des pensions. Elle tient également à la mise en place tardive de certains éléments fondamentaux de la couverture sociale en matière de retraite, comme le régime complémentaire obligatoire, institué seulement en 2003.

Pour les agriculteurs des DOM, le montant plus faible encore de leurs pensions tient à des durées de cotisations fréquemment plus courtes et à des cotisations plus faibles qu’en métropole.

Face à cette situation, qui se traduit parfois par des montants de pensions très faibles après une vie de travail, la solidarité nationale est active et manifeste le lien très particulier qui unit les Français et leurs agriculteurs. Elle l’est dans le financement du régime des retraites agricoles, au travers du mécanisme de compensation démographique d’une part, de l’affectation de diverses taxes d’autre part. Ces transferts représentent au total 73 % des dépenses du régime de retraite des exploitants agricoles. Il s’agit donc d’un soutien important et durable.

Ce soutien de la solidarité nationale s’est également manifesté dès la création du régime de retraite complémentaire, avec l’attribution de points gratuits aux chefs d’exploitation qui ont permis d’améliorer les droits à pension.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Il a plus récemment pris la forme du plan de revalorisation des retraites agricoles : la loi du 20 janvier 2014 a ainsi fixé la pension minimale pour une carrière complète de chef d’exploitation à 75 % du SMIC net, mesure pleinement effective depuis l’an dernier, et a attribué de nouveaux droits gratuits aux conjoints et aides familiaux pour les années antérieures à la création du régime de retraite complémentaire obligatoire.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement est pour sa part particulièrement attentif à la situation des petites retraites.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mme Agnès Buzyn, ministre. Conformément à l’engagement du Président de la République, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a ainsi prévu la majoration de 100 euros du minimum vieillesse, pour le porter à un peu plus de 900 euros par mois d’ici à 2020, avec une première hausse de 30 euros dès le 1eravril prochain.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Cette revalorisation bénéficiera à l’ensemble des personnes âgées dont les ressources sont inférieures au montant du minimum vieillesse, donc aux retraités agricoles concernés.

Engagé dans cette démarche de solidarité, le Gouvernement ne peut en revanche être favorable en l’état à la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Question de méthode, tout d’abord, les mesures avancées dans cette proposition de loi n’ont pas de réelles contreparties en termes de financement.

Le coût des mesures portées par la proposition de loi est de 400 millions d’euros. Pour couvrir ce coût, il est prévu d’augmenter de 0, 1 % la taxe sur les transactions financières et de relever les droits à tabac. Je crois que nous pouvons dire qu’il s’agit là de gages « pour ordre » et que beaucoup d’entre vous, sur les travées de cette assemblée, ne jugeraient pertinente ni l’une ni l’autre de ces recettes.

Dans ces conditions, il n’y a donc pas réellement de financement prévu pour ces mesures et l’alternative qui est ouverte est de creuser le déficit de la sécurité sociale ou de faire supporter la charge par la collectivité nationale et par l’impôt.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement est attaché à une gestion avisée des finances publiques et au retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’horizon 2020.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Le Gouvernement veut rappeler à cet égard que le schéma de financement prévu par la loi de 2014 ne s’est pas révélé opérationnel et qu’un apport supplémentaire a dû être trouvé pour éviter, en 2017, de fragiliser le régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Outre la question de méthode, se pose également, et surtout, une question de calendrier. La proposition de loi est en effet prématurée…

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

… au regard du débat qui va s’engager sur la réforme de nos régimes de retraite.

Ce débat sera notamment l’occasion de préciser les modalités d’un système plus équitable et la place que nous entendons accorder, dans la constitution des droits à la retraite, aux dispositifs de solidarité, notamment aux minima de pensions.

Le Gouvernement, comme vous le savez, s’est mis en ordre de marche pour porter cette réforme de fond.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, a reçu et continuera de recevoir l’ensemble des parties prenantes, et je puis vous indiquer que nous recevrons ensemble, dans le cadre de cette concertation, les représentants agricoles, de façon à ce qu’il soit tenu compte le plus complètement de leur situation.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Avant ce débat, qui concernera l’ensemble des Français, le Gouvernement considère logiquement qu’aucune modification de paramètres importants des régimes existants n’a vocation à intervenir, a fortiori de façon sectorielle.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens d’exposer la position du Gouvernement. Celui-ci ne refuse pas de prendre en compte la situation particulière des retraités agricoles, mais il considère que les conditions qui le permettraient ne sont pas réunies et que légiférer aujourd’hui serait prématuré.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Le Gouvernement entend prendre ses responsabilités.

J’ai l’honneur, en conséquence, de vous informer que, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande à la Haute Assemblée de se prononcer par un seul vote.

Huées prolongées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains. – De nombreux sénateurs martèlent leur pupitre.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, je vous demande de rester calmes et de laisser Mme la ministre achever son propos.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Nous vous demandons donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous prononcer par un seul vote sur l’ensemble du texte, ainsi que sur l’amendement n° 3 à l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. En application de l’article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur les articles et les amendements, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement, ainsi que sur l’ensemble de la proposition de loi.

Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, nous pouvons en penser ce que nous voulons, mais la Constitution et le règlement du Sénat permettent au Gouvernement de procéder de la sorte.

Seul l’amendement n° 3 est retenu par le Gouvernement.

Acte est donné de cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la décision du Gouvernement de recourir à l’alinéa 3 de l’article 44 de la Constitution a fait l’effet d’une douche froide lors de sa communication ce matin à la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Qu’en pensent les retraités présents dans les tribunes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

M. Dominique Watrin, rapporteur. « Recul de la démocratie », « procédure insupportable », « incompréhension de la méthode sur un sujet qui fédère » : voilà quelques exemples de réflexions entendues sur différentes travées.

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Loin d’être un simple report dans le temps, cette décision signe l’arrêt de mort de la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles.

En renvoyant la définition du minimum de pension à l’hypothétique future réforme systémique des retraites, le Gouvernement compromet la mise en œuvre immédiate de la mesure principale de ce texte : la garantie de retraite des exploitants agricoles à 85 % du SMIC. Cela engage votre entière responsabilité, madame la ministre !

Cette méthode brutale heurte l’unanimité qui a prévalu chez tous les parlementaires, conscients de l’urgence sociale à laquelle se trouve confronté le monde rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

C’est à l’unanimité que ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 2 février 2017, sur le rapport de notre collègue André Chassaigne et grâce au travail de notre collègue Huguette Bello.

C’est à l’unanimité, aussi, que la commission des affaires sociales du Sénat l’a adopté, sans modification, le 21 février dernier.

C’est à l’unanimité, enfin, que la même commission a émis ce matin un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement et condamné son choix de recourir à la procédure du « vote bloqué ».

Au lieu de dialoguer avec la représentation parlementaire, vous avez choisi de fermer le débat avant même son commencement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

J’étais pourtant prêt à répondre à deux objections que vous étiez susceptible de nous adresser, madame la ministre : le prétendu coût financier de cette proposition de loi et sa supposée incompatibilité avec la réforme systémique des retraites annoncée.

Aussi, avant de revenir sur la méthode que vous avez décidé d’employer, je souhaite dire quelques mots sur ces deux objections.

Sur le coût budgétaire, tout d’abord, je rappelle que l’article 1er de la proposition de loi prévoit de faire passer le minimum garanti pour la pension de base et complémentaire des anciens chefs d’exploitation agricole de 75 % à 85 % du SMIC net agricole, soit de 871 euros à 987 euros par mois.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L’article 3 propose d’assouplir les conditions d’accès à ce minimum garanti de 75 % du SMIC pour les exploitants agricoles ultramarins.

Les services du ministère de l’agriculture évaluent l’impact financier de l’article 1er à environ 350 millions d’euros et celui de l’article 3 à 50 millions d’euros pour 2018, soit un total de 400 millions d’euros. Trois arguments me semblent toutefois relativiser ce coût.

Le premier repose sur un constat que nous partageons tous : le régime des non-salariés agricoles sert actuellement le plus petit niveau de pension parmi tous les régimes de retraite de notre pays. Pour une carrière complète, les exploitants agricoles touchent en moyenne 730 euros par mois en 2015 et seulement 650 euros par mois en moyenne dans les outre-mer, soit la plus petite pension des régimes de retraite, moins que le seuil de pauvreté, moins que le minimum vieillesse.

Porter le minimum garanti de 75 % à 85 %, c’est augmenter d’un peu plus de 100 euros par mois le pouvoir d’achat des 230 000 bénéficiaires actuels du dispositif. C’est aussi permettre à 30 000 retraités agricoles supplémentaires de voir leur pension progresser.

Si nous savons que le principal problème des retraites agricoles réside dans la faiblesse des revenus professionnels, soumis à des aléas climatiques ou de marché qui dépassent bien souvent les agriculteurs, il nous a paru urgent de faire bénéficier chaque agriculteur d’une pension décente au moment où il cesse son activité.

Le deuxième argument qui doit nous faire relativiser ce chiffre, c’est le vieillissement de la population des exploitants agricoles. La dépense associée au minimum garanti devrait en effet diminuer à mesure de l’arrivée à l’âge de la retraite de nouvelles générations qui auront beaucoup plus cotisé que les précédentes.

Enfin, l’estimation du coût du dispositif : en 2014, lorsque la réforme des retraites a mis en place la garantie à 75 %, le Gouvernement évaluait le coût annuel de ce dispositif entre 140 et 160 millions d’euros, un niveau stable jusqu’en 2030. Je constate toutefois que, en 2018, ce dispositif coûte moins – 130 millions d’euros – et qu’il ne devrait représenter que 125 millions d’euros en 2020. Dès lors, il n’est pas interdit de penser que l’impact financier de l’augmentation du minimum garanti ne sera pas si élevé.

Je précise surtout que ce texte prévoit, à l’article 2, un financement suffisant et même dynamique : une taxe additionnelle de 0, 1 % à la taxe sur les transactions financières.

Le passage de 0, 3 % à 0, 4 % me paraît raisonnable, puisque cela revient à prélever 4 centimes d’euros au lieu de 3 centimes lors de l’achat d’une action de 10 euros et permettra de rapporter au moins 450 millions d’euros par an, que le texte prévoit d’affecter à la Mutualité sociale agricole.

Cette recette, qui est supérieure au coût des mesures proposées, consoliderait donc aussi financièrement le régime de retraite des non-salariés agricoles, qui plus est sans que cela ne coûte un centime à l’État ou au contribuable, madame la ministre, tout en assurant des retombées positives sur l’économie réelle.

Je dirai un mot sur l’article 4. Celui-ci est important, car il met fin à une discrimination qui touche les salariés agricoles de Guadeloupe, de La Réunion et de Mayotte, en prévoyant l’extension à leur bénéfice de la retraite complémentaire. Ils sont en effet les derniers salariés à ne pas être couverts. Cela n’est plus supportable.

J’en viens à la supposée contradiction avec la réforme systémique annoncée. La logique de la réforme proposée par le Président de la République, qui veut qu’un euro cotisé rapporte la même chose pour tous, nécessitera de réinterroger tout notre système de retraite, en particulier ses dispositifs de solidarité.

Dans ce contexte, le dispositif de minimum garanti que nous proposons et qui devra être intégré à cette large réflexion présente déjà l’avantage de fonctionner sur un système d’attribution de points de retraite complémentaire à titre gratuit.

À ce stade, je ne vois donc pas de contradiction avec le vote de cette proposition de loi, qui offre une perspective immédiate de revalorisation des pensions de retraite agricoles modestes, sauf bien sûr si votre intention est de minimiser les dispositifs de solidarité.

J’en viens enfin aux conditions d’examen de cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour du Sénat depuis plusieurs semaines.

En tant que rapporteur, j’ai mené une série d’auditions avec l’ensemble des acteurs concernés, auditions auxquelles ont assisté de nombreux collègues sénateurs de toutes les sensibilités. Elles ont permis de consolider l’esprit de consensus face à l’urgence sociale que j’évoquais et à la nécessité d’y apporter une réponse.

Nous avons en particulier auditionné les représentants des administrations de l’agriculture et de la sécurité sociale, qui n’ont pas été en mesure de nous communiquer la position du Gouvernement.

Madame la ministre, je regrette d’avoir appris hier soir, très tardivement, votre décision non seulement de vous opposer à ce texte, mais également de recourir au vote bloqué, ce qui n’est pas conforme à la nécessité d’un dialogue respectueux entre le Gouvernement et le Parlement.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Comme je l’ai rappelé ce matin en commission, cette procédure n’avait pas été utilisée depuis 1993 sur une proposition de loi. Et l’argument de l’obstruction ne peut tenir ici ! Notre commission réunie ce matin a, je le répète, unanimement condamné cette décision, et mes collègues s’en feront sans doute l’écho dans la discussion à venir.

À ce stade, je me borne à rappeler la position de notre commission, qui est d’adopter ce texte de manière conforme, afin qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour le groupe Les Républicains.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Madame la ministre, vous rendez-vous bien compte du message que vous adressez au monde agricole alors que le salon international de l’agriculture vient à peine de refermer ses portes ?

Pourtant, nous misons tout sur nos agriculteurs ! §Ce sont eux qui sont chargés de nous nourrir, de protéger l’environnement et d’opérer la transition écologique. Il est donc important que la société les reconnaisse dignement, en particulier via le système des retraites.

Par ailleurs, quel message entendez-vous adresser au Sénat, madame la ministre, au moment même où sont engagés des travaux en vue d’une réforme constitutionnelle ? La mesure violente que vous allez prendre ce soir ne peut que constituer un message de non-respect du Sénat et du Parlement en général. Ce n’est pas acceptable !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je souhaite, en tant que futur rapporteur du projet de la loi sur les retraites, formuler quelques remarques, tant sur le fond que sur la forme.

Sur le fond, la proposition de loi illustre clairement le problème du régime de retraite des non-salariés agricoles. Cette profession est très spécifique, puisque les revenus dépendent de cours mondiaux et sont donc très variables. En outre, les prestations sont pilotées et les disparités dans l’organisation des exploitations peuvent entraîner des différences dans le niveau des cotisations.

Le régime de retraite actuel est fondé sur des prestations définies, et le passage à un système par points, qui correspond finalement à des cotisations définies, n’augmentera en rien le montant des retraites agricoles. Il faudra être particulièrement attentif sur ce point.

En ce qui concerne les modalités de calcul des pensions, il existe, là aussi, des différences importantes entre les régimes : pour le monde agricole, l’ensemble de la carrière est pris en compte, alors que, pour le monde salarié, il s’agit des vingt-cinq meilleures années et, pour les fonctionnaires, des six derniers mois.

On le voit, si nous voulons transformer les régimes de retraite en un régime universel, tous ces éléments méritent d’être évalués attentivement, en respectant les spécificités qui existent.

Par ailleurs, madame la ministre, je conteste nettement, avec tout le respect que j’ai pour vous, votre argument fondé sur la solidarité nationale. Certes, cette solidarité existe, elle est même inévitable du fait du déséquilibre entre le nombre de pensionnés et celui des cotisants – trois pour un ! –, mais n’oublions pas les fortes particularités du régime agricole : la solidarité passe par le régime complémentaire obligatoire, le RCO, et ce sont les actifs du secteur, déjà insuffisamment nombreux, qui payent des cotisations supplémentaires pour financer le minimum vieillesse des retraités agricoles. C’est clairement un exemple à ne pas suivre ! Il faut le souligner et en tenir compte pour la future réforme des retraites.

Sur la forme, utiliser au Sénat l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, c’est comme employer l’article 49, alinéa 3, à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary. Ce n’est pas acceptable pour le Sénat !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Madame la ministre, vous sortez l’artillerie lourde ! Et pourquoi ? Pour une proposition de loi qui ne constitue tout de même pas une transformation sociétale extraordinaire…

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Ce sont 400 millions d’euros qui sont en jeu !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary. Et avec cette artillerie lourde, vous donnez le sentiment de museler les sénateurs. C’est particulièrement douloureux et difficile à accepter.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Le groupe Les Républicains estime que ce n’est pas aux retraités agricoles de payer la méthode brutale utilisée par le Gouvernement. C’est ce qui guidera notre expression commune et notre vote sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche.

Exclamations sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a maintenant un peu plus d’un an, l’Assemblée nationale adoptait à l’unanimité la proposition de loi d’Huguette Bello, d’André Chassaigne et des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, visant à assurer la revalorisation des retraites agricoles.

Ce texte a permis de rappeler les nombreuses difficultés du monde agricole et a mis en exergue le fait que la pension minimum de cette catégorie de travailleurs demeure inférieure au seuil de pauvreté et au montant du minimum vieillesse. Les pensions moyennes des retraités non-salariés agricoles étaient de 710 euros en 2014 – 850 euros pour les hommes et seulement 570 euros pour les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Le seuil de pauvreté s’élevait en 2014 à 840 euros mensuels pour une personne seule. L’allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA – était fixée à 800 euros jusqu’à la dernière loi de financement de la sécurité sociale, et elle atteindra 900 euros en janvier 2020.

Les retraités agricoles et les exploitants et salariés de ce secteur attendent un geste fort de soutien, de reconnaissance de leur travail et d’amélioration de leurs conditions de vie.

Ah ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

M. Martin Lévrier. Les États généraux de l’alimentation ont été clôturés il y a deux mois. L’un de leurs objectifs est de relancer la création de valeur et d’en assurer l’équitable répartition, notamment pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Par conséquent, loin de nous l’idée de rejeter le message de solidarité envoyé par nos collègues députés.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Pour autant, la solidarité doit s’associer à la réalité et à l’équité. Vous le savez aussi, le Gouvernement s’est engagé dans une grande réforme, qui a pour objectif d’harmoniser les retraites, …

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

M. Martin Lévrier. … au travers d’un système universel. Aussi, mes chers collègues, quelle est la finalité du travail parlementaire, de notre travail ?

Exclamations.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

M. Martin Lévrier. Faire une loi qui, à peine publiée au Journal officiel, sera supprimée et modifiée, puisque d’autres textes législatifs sont en gestation et arriveront rapidement ?

« Quels textes ? Dites-le ! » sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Inscrire une énième loi éphémère, qui ne servirait qu’à nous donner bonne conscience, mais qui ne réglerait pas le problème ? Notre rôle est-il de travailler l’urgent au détriment de l’important ?

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Il y a urgence pour les retraites agricoles !

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

La crise de confiance des Français envers le travail parlementaire est trop souvent associée à ces lois qui ne durent que le temps d’une rose et qui ne sont jamais appliquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

C’est Emmanuel Macron qui a parlé des retraites au salon international de l’agriculture !

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

M. Martin Lévrier. À l’aube de cette grande réforme voulue par le Gouvernement, comment proposer un texte qui ne revalorise qu’un seul type de pension, celui des retraites agricoles, à l’exclusion de toutes les autres, en particulier de certaines qui sont tout aussi faibles ?

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

M. Martin Lévrier. C’est pourquoi il est indispensable que la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France métropolitaine et outre-mer soit intégrée dans la réforme générale des retraites prévue en 2020.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

En outre, cette pension pourra être financée par des systèmes pérennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

L’adoption de l’amendement n° 3 présenté par le Gouvernement, qui a pour objet de rappeler que l’amélioration des petites pensions agricoles ne peut être envisagée indépendamment des autres évolutions qui affectent notre système de retraite, est donc nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Il n’y a pas de « grosses » retraites agricoles ! Cela n’existe pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

M. Martin Lévrier. Pour ces raisons, le groupe La République En Marche votera l’amendement présenté par le Gouvernement et la proposition de loi ainsi modifiée.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme aime à le rappeler notre président, Gérard Larcher, nous sommes des représentants des territoires. Et nombre d’entre nous représentent les territoires ruraux. Il est donc probable que vous ayez reçu, tout comme moi, ces courriers manuscrits de retraités agricoles vous interpellant sur l’indigence de leur situation.

Mes chers collègues, qui, parmi vous, n’a pas noté ces écritures frêles, mais déterminées, ces rédactions fébriles, mais pudiques, ce choix des mots résigné, mais courageux ?

Qui parmi vous n’a pas remarqué la précision des montants, au centime près, nous prouvant à chaque ligne qu’avec peu, on peut faire encore beaucoup, mais que, quand survient l’impossible, l’imprévu, l’hiver plus froid, la panne d’un appareil ménager, la maladie, le décès d’un proche – tous ces aléas et malheurs qui vous tombent dessus –, la peur et, parfois, la colère vous font sortir du silence, de votre pudeur et de vos gonds ?

Qui parmi vous n’a pas observé les demandes, de plus en plus fréquentes, de ces mêmes retraités au fonds de solidarité logement pour l’achat de bois ou de fuel ?

Qui parmi vous n’a pas été sollicité pour compléter le paiement des frais de réparation d’une voiture, qui sert quotidiennement et permet de continuer à ne dépendre de personne pour ses déplacements ?

Qui parmi vous n’a pas été touché par les difficultés rencontrées pour acheter un appareil dentaire ou auditif, pour payer des frais d’ambulance ou d’obsèques ?

Et que répondons-nous à ces personnes, mes chers collègues, après avoir interrogé la Mutualité sociale agricole et plaidé leur cause auprès d’elle ? Nous leur répondons presque systématiquement qu’elles n’ont pas assez cotisé !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Françoise Laborde approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Or, nous le savons bien toutes et tous, à une certaine époque, on ne cotisait pas, en particulier les femmes. Et quand on cotisait, c’était pour des montants peu élevés, parce que les revenus étaient eux-mêmes peu élevés.

Aujourd’hui, nous avons la possibilité de corriger une situation inacceptable. Une situation où un non-salarié agricole ayant réalisé une carrière complète se retrouve, une fois à la retraite, avec une pension moyenne bien inférieure au seuil de pauvreté.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

La pension moyenne demeure inférieure au montant du minimum vieillesse – 803 euros, montant qui sera certes revalorisé d’ici à 2020 pour atteindre 900 euros, mais qui restera en dessous du seuil de pauvreté.

Les prestations constitutives de l’ancien minimum vieillesse – l’ASPA, dorénavant – ne sont demandées que par 1, 3 % des retraités agricoles. On le sait, le recours sur succession est un barrage psychologique ; il est difficilement accepté par ces générations, qui ont mis toute une vie de labeur à se constituer un petit patrimoine, susceptible de servir et souvent sanctuarisé pour la prise en charge de la dépendance lorsque le moment viendra.

Derrière ces chiffres, ce sont des femmes et des hommes qui ont travaillé dur toute leur vie.

Ce qu’il faut rappeler aussi, c’est l’inégalité entre les femmes et les hommes en matière de retraites agricoles : un différentiel de 258 euros par mois en moyenne au détriment des premières. À la pauvreté s’ajoute donc l’inégalité. Ces femmes ne sont pourtant pas moins méritantes que leurs conjoints. Elles sont même des maillons indispensables au sein des exploitations agricoles. La délégation aux droits des femmes, présidée alors par notre ancienne collègue Chantal Jouanno, en avait pris la mesure ; son rapport est un document précieux et j’invite celles et ceux qui ne l’ont pas lu à en prendre connaissance rapidement.

Face à cette réalité, que propose le texte qui nous est soumis aujourd’hui ? Je rappelle que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale avant la présidentielle de 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

L’article 1er vise à augmenter le niveau de pension de base et complémentaire minimal : de 75 % du SMIC, soit actuellement 871 euros, il passerait à 85 % du SMIC, soit 987 euros, ce qui le rapprocherait sensiblement du niveau du seuil de pauvreté. Cela représenterait 55 000 bénéficiaires supplémentaires pour un total de 280 000 retraités et un coût de 350 millions d’euros.

L’article 2 organise le financement de cette mesure, en instituant une taxe additionnelle de 0, 1 % à la taxe sur les transactions financières. La recette attendue – 450 millions d’euros – couvrirait le coût de l’ensemble des mesures de la proposition de loi, dont celles qui concernent les agriculteurs des outre-mer que je vais maintenant aborder et qui sont inscrites aux articles 3 et 4.

J’évoquais tout à l’heure l’inégalité que vivent les agriculteurs face à l’ensemble des retraités, mais également l’inégalité vécue par les agricultrices par rapport aux agriculteurs. Je n’avais pas mentionné celle à laquelle font face les outre-mer.

Pour une carrière complète, les non-salariés agricoles ultramarins perçoivent une pension moyenne d’environ 200 euros de moins qu’un retraité en métropole. Par ailleurs, moins du quart des monopensionnés ultramarins du régime des non-salariés agricoles ont réalisé une carrière complète. Par conséquent, rares sont ceux qui peuvent bénéficier du dispositif de garantie de 75 % du SMIC. En réalité, la moyenne des pensions versées est inférieure à 300 euros.

Je ne développerai pas davantage mon propos sur ces articles 3 et 4, afin de respecter mon temps de parole. D’autres orateurs ne manqueront pas de les évoquer plus précisément.

Unanimement persuadés du bon fondement de cette proposition de loi, les membres du groupe Union Centriste avait décidé de voter ce texte de manière conforme. Ce matin, en commission des affaires sociales, l’annonce de l’usage de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution par le Gouvernement a suscité de vives indignations. C’est mépriser le monde agricole comme le travail parlementaire !

Au sein du groupe Union Centriste, nous n’avons de cesse de rappeler la nécessité d’une refonte en profondeur de notre système de retraite. Notre inclination historique est même de privilégier la voie d’un système unique, afin de favoriser l’instauration d’un mode de calcul de l’ensemble des pensions sur la base d’un système à points. Pour autant, voter ce texte n’entre pas en contradiction avec la future réforme systémique annoncée par le Gouvernement.

Aujourd’hui, l’urgence commande de soutenir le monde agricole, et ce texte nous permettait d’effacer une honte nationale !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a quelques jours, au salon international de l’agriculture, le Président de la République a été fortement interpellé par les agriculteurs, preuve que les revendications sont prégnantes et que le monde agricole ne va pas bien. Le président a dit connaître les angoisses et les souffrances des agriculteurs.

Après un vote unanime de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi de nos collègues communistes, puis d’un vote unanime et enthousiaste de la commission des affaires sociales du Sénat, vous décidez ce soir, madame la ministre, de passer outre, en déposant un amendement afin de reporter l’application de la mesure, voire de procéder à son enterrement, et en ayant recours au vote bloqué – procédure rarissime pour une proposition de loi. Comme l’a rappelé Dominique Watrin, sa dernière utilisation pour ce type de texte date de 1993 !

Oserais-je dire : « Courage, fuyons » ? Vous attendez la fin du salon de l’agriculture pour afficher vos intentions… Vous nous contraignez à nous mettre à votre service. Quelle brutalité, quel déni de démocratie !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

Cette attitude augure mal de votre réforme institutionnelle : notre démocratie parlementaire est-elle en danger ? Nous pouvons être inquiets, mais ceux qui le seront inévitablement, ce sont nos agriculteurs. Vous exercez un marchandage tactique sur leur dos, ce qui n’est pas acceptable.

On ne peut sans cesse parler des agriculteurs, déplorer leur condition, dénoncer le fait que les choses ne vont pas comme elles devraient, inscrire dans les programmes électoraux la nécessité de leur venir en aide en améliorant leurs revenus et ne pas agir en conséquence.

Mme Victoire Jasmin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

C’est la raison pour laquelle nous ne participerons pas à cette mascarade ; le monde agricole vaut mieux que tout cela. Et il est tout de même étonnant de constater un tel acharnement du Gouvernement à empêcher l’aboutissement d’une proposition de loi consensuelle visant à améliorer le quotidien des retraités agricoles.

Rappelons que la retraite moyenne d’un non-salarié agricole, tous bénéficiaires confondus, s’élève aujourd’hui à 766 euros par mois, soit un niveau inférieur à la fois au seuil de pauvreté et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

La Mutualité sociale agricole, dans un rapport de la fin de l’année 2016, avait tiré la sonnette d’alarme, en révélant qu’un tiers des non-salariés agricoles percevaient une retraite inférieure à 400 euros par mois. Le nouveau seuil de 85 % permettrait de dépasser tout juste le seuil de pauvreté, qui, calculé à hauteur de 60 % du revenu médian, est d’environ 1 000 euros. Convaincus de la pertinence de cette mesure, nous l’avions soutenue à l’automne dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Sur la question du financement, le déséquilibre démographique du régime de retraite agricole explique à lui seul le recours à la solidarité nationale. Sans mesure nouvelle, le déficit de la MSA ne cesserait de se creuser.

Il est désormais urgent de trouver des ressources pérennes, seules à même de garantir le redressement financier du régime de retraite complémentaire obligatoire, le RCO. Cette proposition de loi esquisse une bonne piste de financement, à travers une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières. Par ailleurs, compte tenu de la réduction du nombre d’actifs, le régime des retraites agricoles pourrait, à terme, améliorer le ratio entre retraités et cotisants.

Ce texte s’inscrit donc dans la poursuite de la politique volontariste menée par François Hollande durant le précédent quinquennat, qui a permis d’atteindre pour les chefs d’exploitation le minimum garanti de pension globale – base et complémentaire – de 75 % du SMIC net en 2017, objectif qui avait été défini, sous Lionel Jospin, dans le cadre de la loi du 4 mars 2002, dont l’initiative revient à Germinal Peiro.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

Il faut aussi citer l’attribution de droits gratuits aux conjoints et aux aides familiaux pour les années antérieures à leur affiliation au régime complémentaire en 2011.

Ainsi, les nouvelles avancées proposées par ce texte viennent confirmer ce sillon politique et corriger les injustices qui caractérisent le régime des retraites agricoles, aussi bien sur le territoire hexagonal qu’en outre-mer.

Cette proposition de loi présente également l’avantage d’être unanimement soutenue par les syndicats agricoles et les associations de retraités agricoles, qui sont présents dans les tribunes et nous regardent. Tous appellent de leurs vœux un vote conforme de ce texte, afin que la mesure, qui répond concrètement à leurs difficultés d’existence, puisse s’appliquer au plus tôt.

Repousser l’entrée en vigueur de ce texte reviendrait à nier l’urgence sociale et la précarité vécue par des milliers d’anciens travailleurs de la terre.

Garantir une retraite minimale digne pour nos agriculteurs, c’est donner un espoir important à ce secteur qui en a bien besoin. C’est également penser à l’avenir, faciliter la transmission de l’exploitation dans le cadre d’une agriculture familiale et assurer l’entretien et la pérennité de nos paysages.

La commission des affaires sociales avait ouvert la voie à une adoption conforme du texte en l’état. Puisque le texte était bien ficelé…

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

… et que nous partagions l’objectif d’intérêt général de la proposition de loi, puisque nous détenions une solution clef en main validée par l’ensemble de la profession et des associations, nous aurions pu saisir l’occasion inédite de voter ce texte, sans risquer de prolonger inutilement l’examen avec une seconde lecture plus qu’incertaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

Le message politique adressé à nos agriculteurs, qui plébiscitent cette proposition de loi, aurait été fort. Malheureusement, le Gouvernement a choisi de museler le Sénat en recourant à la procédure du vote bloqué, ce qui, quelle que soit l’issue de cette dernière, entravera l’adoption rapide du texte.

Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe ne prendra pas part au vote. Quelle occasion manquée pour les agriculteurs, qui assistent, à leur grande surprise, à la suppression de fait d’une proposition de loi que le Sénat s’apprêtait à voter sans modification !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la situation des pensions agricoles est douloureuse au lendemain du salon international de l’agriculture, à l’occasion duquel les Français ont pu rencontrer et échanger avec leurs agriculteurs. Ces derniers ne peuvent plus tenir ; cette évidence mérite d’être redite publiquement !

Comment peut-on accepter, au XXIe siècle, que ces hommes et ces femmes qui se sacrifient au service de la Nation et nourrissent le pays à la sueur de leur front souffrent d’une véritable misère sociale ?

Pour aggraver cette situation, la Mutualité sociale agricole, qui a commis, en décembre dernier, une erreur regrettable dans le versement des pensions de retraite, demande aujourd’hui à récupérer les trop-perçus.

Certes, le Gouvernement et la Mutualité sociale agricole se sont engagés à ce que ces retenues échelonnées ne dépassent pas 15 %. Cependant, ce sont aujourd’hui ces mêmes agriculteurs qui sont injustement tenus de mener des démarches pour obtenir des attestations d’erreur de versement et modifier leurs déclarations d’imposition sur le revenu. Tout cela est inacceptable, et nous serons vigilants sur le déroulement de cette pénible affaire.

Aurait-on oublié dans ce pays ce que le duc de Sully, conseiller d’Henri IV, disait de notre agriculture : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée » ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Certes, depuis la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, des efforts avaient été consentis.

Tout d’abord, une revalorisation des petites retraites agricoles a été mise en œuvre. Actée par décret dès mai 2014, elle a accordé des points gratuits aux conjoints et aides familiaux.

Ensuite, le Gouvernement s’était engagé à l’attribution d’un complément différentiel de points de retraite complémentaire permettant d’atteindre un montant minimum de retraite à 73 % du SMIC en 2015 et à 75 % du SMIC en 2017.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne pourra que soutenir une initiative de revalorisation réelle des retraites agricoles, dont mon collègue Daniel Chasseing vous dira ce qu’il en pense. Soyons à l’écoute des souffrances du monde agricole et travaillons à leur apporter une solution viable et durable !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la volonté du Gouvernement d’utiliser le 44.3, comme les braqueurs le 11.43

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Tout d’abord, rien ne nous garantit qu’une telle disposition sera retenue dans le projet à venir sur les retraites.

Ensuite, les parlementaires font figure de quantité négligeable et méprisée, ce qui est tout à fait insupportable, d’autant que la détresse du monde paysan est absolument terrible et devrait faire honte à celles et ceux qui en sont responsables !

Puisque le Gouvernement a décidé de rester sourd, les Français doivent entendre et retenir ce chiffre effroyable : un agriculteur se suicide tous les deux jours en France ! Un agriculteur met fin à ses jours toutes les quarante-huit heures, mes chers collègues ! Vous évoquiez tout à l’heure, madame la ministre, un débat prématuré. C’est le deuil de familles entières qui est prématuré !

Comment en est-on arrivé là, alors que près de 800 millions d’individus dans le monde souffrent de la faim, dont un certain nombre dans notre propre pays ? Face à cette situation scandaleuse, quelles sont vos réponses ?

M. François Patriat s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Les transferts sociaux en faveur des nouveaux venus sur notre territoire n’ayant jamais cotisé sont plus élevés que la retraite de nos agriculteurs, qui, eux, ont cotisé toute leur vie en ayant travaillé sept jours sur sept, douze, voire quinze heures par jour !

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Il s’agit d’un scandale d’État, qui se transmet et se confirme gouvernement après gouvernement.

Il est évident que nous accueillerons très favorablement cette proposition de loi, même si elle est aujourd’hui entachée d’un coup de force de l’exécutif, qui a pris l’habitude d’exécuter tout débat.

Porter le minimum de la retraite à 85 % du SMIC est une mesure salutaire. Le minimum retraite agricole dans notre pays est en effet scandaleusement bas. Avec un montant moyen de 766 euros mensuels, il est inférieur de 10 % au seuil de pauvreté.

Le déficit structurel lié aux retraites du monde paysan est le fruit des politiques agricoles menées ces dernières décennies, qui visent à concentrer au maximum les exploitations et à faire baisser dans la dépense globale des Français le montant de leurs dépenses consacrées au secteur alimentaire.

Vous aurez beau créer des numéros verts et augmenter les enveloppes pour financer les aides temporaires aux agriculteurs en difficulté, vous ne changerez rien au problème. Il ne faut pas seulement s’attaquer aux conséquences, les retraites ; il faut aussi travailler sur les causes et accorder à nos paysans une rémunération à la juste valeur de leur difficile et noble travail.

Rappelons que, en 2015, un tiers des agriculteurs percevaient un salaire de 354 euros par mois. De plus, la Mutualité sociale agricole a reçu, en 2016, quelque 200 000 demandes de revenu de solidarité active, ou RSA, ce qui représente un tiers des exploitants et deux tiers des salariés agricoles.

Aussi, je voterai cette proposition de loi, car les agriculteurs ne méritent vraiment pas une violence supplémentaire. Mais je le dis ici : honte à ce gouvernement d’utiliser des méthodes de voyous, piétinant allègrement le Parlement et prenant en otage des hommes et des femmes qui sont déjà à l’agonie.

Au reste, que le président du grand déracinement veuille en finir avec la paysannerie française n’a finalement rien de surprenant.

Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte de profond désarroi au sein du monde agricole. En effet, les zones rurales se sentent souvent abandonnées.

Pour rappel, ce texte a été voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Il semblait, jusqu’à ce jour, faire consensus et répondre aux attentes des agriculteurs, qui ont encore fortement interpellé les acteurs publics, jusqu’au Président de la République, lors du dernier salon international de l’agriculture, dont les portes viennent de se fermer.

Nous sommes tous sensibles, sur les travées de cette assemblée, aux inquiétudes des agriculteurs et aux difficultés auxquelles ils doivent faire face pendant toute la durée de leur activité professionnelle.

Arrivée à l’âge de la retraite, une majorité d’entre eux ne parvient pas à accéder à un niveau de revenu décent. Mes prédécesseurs à la tribune en ont déjà parlé, mais il me semble important de marteler les chiffres des montants de retraite, qui se situent en deçà du seuil de pauvreté, et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

En moyenne, la pension d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole s’élève actuellement à 730 euros. Et, comme l’a souligné le rapport Watrin, cette moyenne ne doit pas occulter les inégalités entre les retraités eux-mêmes, notamment en ce qui concerne les conjoints collaborateurs – presque toujours des femmes –, dont la retraite moyenne s’élève à moins de 600 euros.

Cette proposition de loi s’attaquait également au chantier des pensions en outre-mer, où la situation est particulièrement alarmante et dont les spécificités ont encore plus éloigné les retraités d’un niveau de vie décent. Pour eux, les articles 3 et 4 de la proposition de loi vont dans le sens d’une réelle amélioration, et notre groupe y était très sensible.

Les raisons du faible niveau des retraites agricoles, nous les connaissons : les profils de carrière discontinus, l’effort contributif insuffisant, les problèmes structurels de la caisse de retraite qui fragilisent le financement des pensions… Cette proposition de loi apparaît particulièrement opportune. En effet, malgré plusieurs réformes successives, l’écart n’a cessé de se creuser entre les pensions des non-salariés agricoles et celles des autres régimes.

Revaloriser les retraites est pourtant un souci récurrent. Le groupe du RDSE, toujours sensible aux conditions de vie des exploitants agricoles, avait déposé, dès 1998, par la voix de deux de ses membres, une proposition de loi allant dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Parmi les principales mesures venues améliorer le niveau de vie des retraités du secteur agricole, je citerai également la loi Peiro du 4 mars 2002, qui, en instaurant le principe d’une pension à 75 % du SMIC, a laissé de côté les paramètres de cotisation spécifiques au monde agricole, souvent sources de moindres droits, pour se concentrer sur un objectif chiffré et intangible, en tout cas théoriquement.

Ces mesures n’ont malheureusement pas suffi, l’indexation de la pension sur l’évolution des prix plutôt que sur celle du SMIC aboutissant à un niveau de pension à 70 % du SMIC en 2012. Le précédent gouvernement n’est pas resté inerte. Avec le plan quinquennal de revalorisation, qui mobilisera près de 900 millions d’euros, et la réforme de 2014, les retraités ont vu leur situation s’améliorer. Toutefois, cette amélioration repose essentiellement sur le régime de retraite complémentaire obligatoire, le RCO, dont on connaît la fragilité en termes de financement.

Dans ces conditions, une nouvelle initiative était plus que bienvenue, et il faut la saluer. Porter le niveau de pension minimum à 85 % du SMIC permettrait de l’élever à 987 euros cette année, un rattrapage qui accorderait à environ 55 000 retraités supplémentaires des conditions de vie meilleures.

Certes, le financement des retraites demeure fragile, compte tenu du déséquilibre entre retraités et cotisants actifs. Cependant, cette fragilité ne doit pas nous exonérer d’une réflexion et, surtout, d’une action envers ceux qui ont consacré leur vie à nous nourrir et à travailler la terre. L’agriculture contribue à la richesse économique de notre pays et à l’équilibre de nos territoires. C’est la raison pour laquelle il est juste de faire appel à la solidarité nationale pour financer le régime des retraites agricoles.

Comme je l’ai redit en introduction de mon propos, cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. La commission des affaires sociales du Sénat n’a pas souhaité l’amender, pour lui donner toutes les chances d’aboutir.

On peut aussi rappeler que le candidat Emmanuel Macron avait fait de la revalorisation des retraites agricoles l’un de ses sujets de campagne. Si toutes les conditions semblaient donc réunies pour une adoption définitive du texte, nous avons été surpris en prenant connaissance de la position du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Le groupe du RDSE, fidèle à son souci d’apporter plus d’équité au sein des régimes de retraite, était, bien sûr, favorable à cette proposition de loi.

La procédure utilisée par le Gouvernement fait partie de ses prérogatives constitutionnelles, mais elle vise à empêcher le vote unanime et la mise en application de cette loi, ce qui est très largement contesté sur les travées de cette assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

M. Éric Gold. Attaché au débat et au respect de l’initiative parlementaire, le groupe du RDSE regrette vivement le procédé employé, qui repousse encore la revalorisation des retraites agricoles et adresse un signal inquiétant aux territoires ruraux.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, jusqu’à ce matin, j’avais prévu, comme très certainement beaucoup d’entre nous, une intervention visant à saluer le travail effectué par l’Assemblée nationale. Je voulais me féliciter de l’unanimité des votes recueillis sur le texte élaboré par mon collègue et ami André Chassaigne et par ma collègue, Huguette Bello, après plus de deux ans de réflexions et de rencontres avec l’ensemble des retraités du monde agricole.

J’avais également prévu de souligner la qualité des travaux de la commission des affaires sociales, laquelle, comme l’ont rappelé les représentants de la plupart des groupes du Sénat, avait souhaité préserver cette unanimité en votant conforme ce texte, pour lui permettre d’aboutir dans les délais les plus rapides.

La commission des affaires sociales entendait ainsi répondre à une urgence sociale, celle des retraités agricoles, qui, aujourd’hui, ne peuvent plus vivre dignement. En effet, comment parler de dignité quand le niveau de revenu se situe entre 700 et 800 euros en métropole et se réduit parfois à seulement 100 euros dans nos territoires ultramarins ?

Ces retraités agricoles, je veux les saluer, parce qu’ils sont présents ici – je les vois nombreux dans les tribunes. Comme nous, ils ont tous suivi l’évolution de cette journée à partir de neuf heures vingt-trois, quand la décision du Gouvernement a été rendue publique. Ils ont vécu les minutes et les heures qui ont suivi ; ils ont entendu la commission des affaires sociales annoncer l’utilisation par le Gouvernement du vote bloqué, ce qui a été confirmé ce soir en conférence des présidents. Et en début de séance, vous avez rappelé, madame la ministre, que vous alliez recourir coûte que coûte à cette procédure.

Cette attitude, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, est indigne ! Je veux vous le dire ici solennellement : les parlementaires et les retraités agricoles ne sont les paillassons ni du Gouvernement ni du Président de la République, qui a ouvert le salon de l’agriculture.

Nous sommes ici les représentants du peuple, les représentants des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous sommes l’expression de la démocratie dans notre pays. En utilisant le 44.3, vous voulez nous imposer au final le verrou de Matignon, le verrou gouvernemental. Vous vous attaquez ainsi aux retraités du monde agricole par un coup de force exceptionnel, cela a été dit, qui n’a été utilisé que de façon très rare pour une proposition de loi – six fois depuis 1959, la dernière remontant à 1993.

Avant même la révision constitutionnelle, vous nous imposez votre volonté et vous multipliez le recours aux ordonnances, le recours au vote bloqué. Continuez ainsi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État ! Bientôt, il n’y aura plus besoin de réduire le droit d’amendement, il n’y aura plus besoin de réduire le nombre des parlementaires ! En effet, vous êtes aujourd’hui en train de nous rendre sourds, incapables d’agir et de proposer.

Madame la ministre, vous nous avez parlé du dialogue social qui est en cours. Mais ce soir, le dialogue social gît dans un cercueil, parce que vous l’avez tué en niant la concertation au terme de laquelle cette proposition de loi a pu être élaborée, avant d’être débattue à l’Assemblée nationale et de venir en discussion aujourd’hui au Sénat.

Vous êtes incapables de gouverner ! Vous divisez, vous êtes incapables de rassembler. Vous stigmatisez, à l’instar du Président de la République, qui, au salon international de l’agriculture, a cherché à opposer les cheminots au monde agricole. Et lors de la séance de ce soir, vous les renvoyez dos à dos, les abandonnant à leur maigre pouvoir d’achat et à leurs difficultés pour vivre !

Alors, oui, aujourd’hui, les retraités agricoles sont désespérés. J’ose même dire qu’ils sont effondrés ! Je vous invite à réfléchir au message politique que vous envoyez après l’adoption unanime de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale et la commission des affaires sociales.

Monsieur le secrétaire d’État, dois-je vous rappeler que vous apparteniez alors, à l’Assemblée nationale, à un groupe qui ne s’est pas opposé à ce vote ?

Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Quel message de la vie politique envoyez-vous à notre pays en recourant aujourd’hui au 44.3 ?

Votre coup de force, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est le mépris du monde rural, c’est le mépris des retraités, c’est le mépris des parlementaires et de l’ensemble des groupes politiques et du pluralisme dans notre pays !

Madame la ministre, je vous ai entendue. Pour différer l’application de cette proposition de loi, vous nous opposez l’argument du financement. Mais j’ai le regret de vous le dire, vous n’allez pas au bout du débat. En effet, l’amendement – le seul et l’unique ! –, que vous nous proposez en vote bloqué n’a pas pour objet d’aborder la question du mode de financement !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Vous esquivez cette question et le débat politique. Vous avez décidé ce soir de prendre en otage les retraités agricoles et de faire un coup de force, ici, au Sénat, pour apporter la démonstration que, demain, seul le Gouvernement décidera dans notre pays de ce qu’est la démocratie.

Eh bien, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est indigne, je l’ai déjà dit ! Je crois que nous nous en rendons compte, votre « nouveau monde » est dangereux. Tout d’abord, au bout du compte, il n’est qu’une pâle copie des pires caricatures de l’ancien monde !

M. Roland Courteau approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Ensuite, pour changer les choses, il faut le vouloir ! Or vous n’avez pas de convictions profondes, si ce n’est cette volonté d’exercer le pouvoir, un pouvoir venu d’en haut, un pouvoir qui ne répond aux attentes que de quelques-uns, un pouvoir qui ne prend pas en compte la réalité de l’ensemble des femmes et des hommes dans la diversité de nos territoires, en France métropolitaine comme dans les outre-mer.

Vous le comprendrez – je crois que tous les orateurs de groupes l’ont dit –, nous sommes profondément déçus de ce coup de force que vous voulez nous imposer ce soir. Mais plus que tout, nous sommes déçus pour ces milliers de femmes et d’hommes retraités agricoles qui attendaient beaucoup. Au-delà d’un geste de reconnaissance, ils espéraient pouvoir rentrer chez eux demain la tête haute et, enfin, vivre dignement !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Viviane Malet, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Malet

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, durement frappés par les pluies diluviennes de ce début d’année, les agriculteurs réunionnais méritent qu’un texte législatif soit adopté pour leur assurer des conditions d’existence meilleures.

Qu’ils soient éleveurs, planteurs de canne, producteurs maraîchers, ces femmes et ces hommes travaillent sans relâche sur leurs terres. L’insularité et un climat tropical rendent leurs conditions de travail plus difficiles et entravent la diversification agricole. Leurs terres sont en effet plus exiguës qu’en métropole et les périodes de sécheresse ou de pluies intenses peuvent avoir des conséquences dramatiques.

Aussi, lorsque cette vie de labeur vient à s’arrêter, au moment de partir à la retraite, se pose la question du montant des pensions.

Comme l’a évoqué la députée réunionnaise, Huguette Bello, lors des débats qui ont eu lieu sur ce texte à l’Assemblée nationale l’an dernier, les agriculteurs réunionnais retraités perçoivent un montant moyen de pension de 375 euros, et un quart d’entre eux perçoivent moins de 100 euros… C’est indigne !

Les difficultés sont notamment dues à la mise en place différée du régime de retraite agricole outre-mer, ce qui a retardé l’acquisition de points, donc la constitution de droits pour les non-salariés agricoles. Si les périodes d’activités antérieures à 1964 ont été validées gratuitement au titre de la retraite forfaitaire, comme en métropole, aucune validation n’est intervenue pour la retraite proportionnelle.

Enfin, les cotisations RCO outre-mer sont calculées en fonction de la surface réelle pondérée de l’exploitation et non sur les revenus professionnels. Cette assiette dérogatoire implique le versement de cotisations plus faibles, s’accompagne de droits réduits et explique la faiblesse des pensions versées.

La situation est tout aussi critique pour les salariés agricoles réunionnais, privés d’un accès au régime complémentaire d’assurance vieillesse.

Il n’est plus acceptable aujourd’hui de laisser perdurer un tel système. En effet, s’attacher à revaloriser le montant de ces pensions, ce serait favoriser l’activité agricole réunionnaise dans son ensemble. Des départs à la retraite différés, ce sont des jeunes qui ne peuvent pas s’installer. Au 1er février 2018, la Réunion compte 1 077 actifs de plus de soixante-deux ans, dont 124 ont plus de quarante-deux ans d’activité non salariée agricole.

Aussi, même si le financement de ce texte peut être discutable, il m’apparaît impérieux de permettre aux chefs d’exploitation ultramarins de bénéficier de l’accès à la garantie de 75 % du SMIC dès lors qu’ils peuvent justifier d’une pension à taux plein, et aux salariés agricoles de bénéficier d’un accès à la retraite complémentaire.

Ne laissons pas nos agriculteurs vivre avec des retraites inférieures au seuil de pauvreté, les plongeant dans une détresse d’autant plus choquante que leurs carrières ont été longues et dures !

Telle est la raison pour laquelle je déplore la décision du Gouvernement de recourir au vote bloqué. Nous devons aller vite sur ce sujet. Nous le devons à nos agriculteurs et nous devons reconnaître la valeur du travail !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les agriculteurs, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je souhaite souligner la brutalité du Gouvernement, qui vient de bafouer un travail parlementaire en déposant un amendement dont l’unique objet est de reporter l’application immédiate de ce texte.

Une telle façon de faire est indigne du travail fourni par nos deux assemblées. Celles-ci ont pris leurs responsabilités et jugé que la dignité de nos agriculteurs a un coût. Nos comptes publics peuvent le supporter, et il y va d’une démocratie qui se respecte !

À quelques jours de la fin du salon de l’agriculture, je souhaite à mon tour saluer le travail des auteurs de ce texte, notamment celui de ma collègue députée ultramarine, Huguette Bello, ainsi que celui du rapporteur, notre collègue Dominique Watrin, sur ce sujet si prégnant pour les retraités de nos territoires, qui sont en très grande souffrance.

Aussi, on peut regretter le contexte inédit dans lequel se déroulent nos débats, qui ne participe pas à grandir notre démocratie et nos institutions !

Aussi, les petits calculs politiciens de votre gouvernement au cours des dernières heures pour repousser aux calendes grecques une revendication légitime et raisonnable de nos agriculteurs, revendication pour laquelle l’Assemblée nationale et le Sénat ont œuvré ensemble et à l’unanimité, sont révélateurs d’un mépris pour nos territoires, pour nos agriculteurs et, enfin, pour notre démocratie. C’est triste !

Abus de droit, mais, surtout, aveu d’indifférence envers les plus pauvres, l’usage du 44.3 pour cette proposition de loi qui se voulait une réponse immédiate aux attentes des professionnels de l’agriculture devant la paupérisation grandissante des retraités de ce secteur, tant en France continentale qu’en outre-mer, est indigne de votre gouvernement, à la fois par sa brutalité et par son incohérence.

En effet, il s’agit ici de non-assistance à un secteur en danger. Il y a urgence à agir ! L’urgence est de leur manifester notre engagement, notre soutien et notre volonté d’améliorer de façon immédiate et effective les conditions de vie déjà si difficiles de presque 1, 5 million d’exploitants agricoles actuellement à la retraite dans notre pays.

En effet, c’est une profession estimable et digne qui mérite, après une vie de dur labeur, une retraite décente. Les nombreuses avancées en la matière lors du précédent quinquennat ont témoigné d’une politique volontariste avec laquelle vous rompez aujourd’hui. Et c’est encore plus triste !

Le constat est édifiant : la retraite moyenne d’un non-salarié agricole, tous bénéficiaires confondus, s’élève aujourd’hui à environ 766 euros par mois, soit un niveau inférieur à la fois au seuil de pauvreté et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA. Un non-salarié agricole sur trois perçoit une retraite inférieure à 350 euros par mois. Oui, 350 euros par mois !

Vous le comprendrez donc aisément, car c’est de cela qu’il s’agit, s’il est vrai que le groupe socialiste et républicain soutient toute démarche visant à rétablir la confiance de nos agriculteurs et, singulièrement, des plus jeunes d’entre eux, sur la pérennisation de leurs retraites, il ne peut décemment prendre part à un vote qui est un simulacre de démocratie et qui entrave l’applicabilité directe et immédiate de cette proposition de loi.

Comme il est regrettable, madame la ministre, qu’après un long marathon médiatique dans les travées du salon international de l’agriculture, ce gouvernement s’apprête à bafouer le fruit d’un travail parlementaire de qualité, qu’il convenait de respecter et de valoriser. Cela ne laisse rien présager de bon pour la révision constitutionnelle.

Aussi, s’il devait y avoir encore un argument pour tenter de vous convaincre de voter en l’état ce texte, sans y adjoindre l’amendement du Gouvernement, il me semble que l’urgence de la situation des retraités agricoles en outre-mer devrait être celui-là. Bien sûr, il ne nous appartient pas, ici, de hiérarchiser les douleurs, mais comment rester indifférent quand la misère fait concurrence à l’iniquité ?

On compte, dans les départements d’outre-mer, près de 43 000 exploitations pour plus de 130 000 hectares. L’agriculture, qui est un secteur économique traditionnel dans ces départements, pèse 1, 7 % du PIB, soit 47 000 emplois annuels à plein-temps, dont 32 000 actifs familiaux et 8 000 salariés permanents.

Or depuis 1988, le nombre d’exploitations a été divisé par deux, avec une surface agricole utile, la SAU, diminuant également de 20 % sur l’ensemble des outre-mer. Comme dans l’Hexagone, les raisons de la désaffection pour une profession largement exposée aux risques climatiques et sanitaires sont multiples. Pour autant, le très faible niveau des retraites et les spécificités outre-mer en la matière n’y sont pas étrangères. En effet, la pension moyenne mensuelle de droit direct des 27 600 retraités des territoires ultramarins s’élève à 293 euros, contre 445 euros dans l’Hexagone.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Mme Victoire Jasmin. Sur la base de ces éléments, en dépit du soutien qu’il apporte au monde agricole, le groupe socialiste et républicain ne prendra pas part à la mascarade orchestrée par ce gouvernement, qui veut que les agriculteurs continuent à se suicider. C’est bien dommage et bien triste !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, mon collègue Jean-Pierre Decool a évoqué avec émotion la situation des agriculteurs. Ils sont en effet 1, 5 million à cultiver la terre, à élever des troupeaux dans l’Hexagone et outre-mer. Nous devons leur permettre d’avoir des revenus décents.

De même, nous devons exprimer notre reconnaissance aux 4 millions de retraités agricoles de notre pays, qui perçoivent aujourd’hui des sommes infimes, cela a été dit – 860 euros pour les hommes, 570 euros pour les femmes –, ce qui est pour eux source de précarité. Porter à 85 % du SMIC, soit 987 euros, le montant des retraites agricoles constitue donc un enjeu national : il s’agit de respecter le dur travail que ces générations ont produit pour leurs compatriotes.

Revaloriser les retraites agricoles, c’est aussi nous engager résolument dans la modernisation de l’agriculture. En effet, la situation des retraites agricoles bloque la disponibilité foncière. En accordant des retraites plus généreuses, nous encouragerons le renouvellement des exploitants agricoles et nous permettrons aux retraités de vivre, certes modestement, sans exploiter.

La solidarité nationale doit bien cela à celles et ceux qui, depuis leur très jeune âge, n’ont cessé d’œuvrer pour nourrir les Français, mais aussi pour contribuer à l’expansion de notre commerce extérieur, dont l’agroalimentaire fut longtemps le fleuron.

De surcroît, les agriculteurs contribuent à l’entretien des paysages et au maintien de la vie dans les territoires. Ils constituent le lien essentiel dans notre culture entre notre patrimoine traditionnel et le monde contemporain, ce que tant d’écrivains de la terre ont souligné, à l’instar de mon concitoyen Claude Michelet.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires croit à l’intérêt de la proposition de loi de nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Ce texte vise à accompagner davantage les retraités agricoles, à leur témoigner la solidarité et le respect de la Nation et à offrir des possibilités aux jeunes agriculteurs en favorisant la libération du foncier.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera cette proposition de loi très attendue dans les territoires. Madame la ministre, les agriculteurs méritent au plus vite une mise en œuvre concrète de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à mon tour, j’enfoncerai le clou.

La proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer avait été adoptée à une large majorité. Déposée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale, elle a été inscrite par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.

En comparaison avec les autres régimes de retraite, le niveau des pensions agricoles est très faible, malgré les dispositifs de solidarité créés pour soutenir les non-salariés agricoles et un large recours à la solidarité nationale. En effet, pour une carrière complète dans le régime, les non-salariés agricoles perçoivent une pension moyenne – de base et complémentaire – de 730 euros par mois, ce qui est bien inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 846 euros mensuels.

Enfin, au sein même du régime des non-salariés agricoles, d’importants écarts sont constatés selon les statuts, révélant de fortes inégalités entre les femmes et les hommes. Et je n’évoquerai pas la situation des agriculteurs outre-mer, ni les pensions de réversion.

Ce déséquilibre démographique résulte directement du vieillissement de la population, comme le montre la pyramide des âges du régime. Nombre de retraités agricoles demandent à bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, mais avec mesure, car un recours sur succession est possible. Cette crainte est d’ailleurs plus vive en outre-mer.

Ce texte vise notamment à porter la pension des chefs d’exploitation à carrière complète à 85 % du SMIC. Pourtant, on peut être très inquiet s’agissant du financement de la taxe additionnelle, dont le taux, fixé à 0, 1 %, sera affecté à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

L’impact de la revalorisation est très important, puisqu’il représentera 10 % de retraite en plus, soit 116, 18 euros par mois. Aussi devrons-nous veiller à ce que cette revalorisation soit compensée intégralement, tant l’équilibre est fragile. Il y va de la survie du système tout entier.

Nous devrons aussi veiller à la pérennité de son financement et être vigilants face à d’éventuelles tentations d’augmenter les cotisations agricoles. Bien entendu, ce serait alors les faibles revenus de nos exploitants agricoles qui seraient affectés. N’oublions pas que ce sont les faibles revenus ayant entraîné de faibles cotisations qui génèrent aujourd’hui de si faibles pensions et la souffrance de nos agriculteurs.

Nous devrons enfin nous interroger sur la nécessité de faire porter demain ce type de dispositif non pas par le régime complémentaire, mais par les retraites de base, afin de réduire les risques financiers. Après la hausse de la CSG, qui a affecté nombre de nos retraités, nos retraités agricoles sont effondrés.

La décision prise par le Gouvernement d’imposer un vote bloqué remet totalement en cause cette proposition de loi, qui devait revaloriser les pensions de retraite agricoles en France et outre-mer. Quelle image déplorable au lendemain de la fermeture du salon international de l’agriculture !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour le groupe Les Républicains.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nombre de mes collègues issus des territoires ruraux, je rencontre régulièrement les agriculteurs de mon département. Force est de constater leur désarroi, la profonde détresse dans laquelle ils se trouvent, en raison des difficultés quotidiennes qu’ils rencontrent pour faire vivre leur exploitation et essayer d’en tirer un revenu substantiel, lequel n’est souvent pas à la hauteur de l’investissement humain.

Face à ce quotidien difficile et qui ne cesse de se dégrader, la question de la retraite est souvent abordée et demeure une source d’inquiétude. En effet, après une vie de labeur, de nombreux agriculteurs ne bénéficient pas d’une retraite décente.

Le régime de retraite des non-salariés agricoles, instauré par la loi du 10 juillet 1952, a été amélioré par des réformes successives : reconnaissance d’un statut de collaborateur en 1999 ; création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire en 2002, étendu à tous les salariés agricoles en 2011 ; mise en place de l’attribution d’un complément de points de retraite permettant d’atteindre le montant minimum de 75 % en 2017, soit 891 euros en 2018, avec la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Malgré ces réformes, les niveaux des pensions sont encore souvent inférieurs au seuil de pauvreté et aux minima sociaux. Ils se situent à 570 euros en moyenne pour les femmes et à 800 euros pour les hommes.

Il faudrait donc permettre aux salariés agricoles de gagner décemment leur vie lorsqu’ils sont en activité, afin qu’ils puissent cotiser plus et ainsi s’assurer une retraite décente. Il faut pour cela replacer la production au cœur des politiques agricoles, afin de soutenir la productivité et la compétitivité de l’agriculture française, comme le préconisait notre ancien collègue Jean-Claude Lenoir au travers de sa proposition de loi, adoptée en mars 2016 par le Sénat et que j’avais cosignée, à l’instar des autres membres du groupe Les Républicains.

Il faut également soutenir l’investissement pour encourager l’innovation et continuer à mettre en place des politiques de régulation visant à réduire la volatilité des prix agricoles.

Malheureusement, le budget de la PAC, encore revu à la baisse et approuvé la semaine dernière par le Président de la République pour répondre aux exigences de la Commission de l’Union européenne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

… est une désillusion supplémentaire pour les agriculteurs, dont il va accentuer la fragilité.

In fine, la baisse des aides de la PAC et la crise que connaît le monde agricole depuis plusieurs années conduisent à une détérioration des conditions de vie des agriculteurs, qui se sentent trahis, non soutenus et qui assistent, impuissants, à une baisse de leurs revenus et, de facto, de leurs retraites. C’est pourquoi j’ai envisagé de voter cette proposition de loi, même si la question du financement se pose.

Toutefois, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre demande de vote bloqué est vécue par les sénateurs comme une marque de grand mépris, un acte antidémocratique, l’annonce d’une future dictature.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Gilbert Roger et François Patriat protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

J’ignore quel sort sera réservé à cette proposition de loi. Elle n’est certes pas la panacée, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mais elle constitue un appel, qui, je l’espère, sera entendu par le Gouvernement et par votre majorité, notamment lors de la réforme globale des retraites que vous envisagez.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon intervention sera brève, mais il est important que toutes les vérités puissent être dites en ce lieu.

Mme Cukierman a déclaré que j’avais voté ce texte dans le passé.

Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Ce n’est pas ce que j’ai dit, monsieur le secrétaire d’État ! Vous m’avez mal écoutée !

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

M. Christophe Castaner, secrétaire d ’ État. Si, c’est bien ce que vous avez dit.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Le compte rendu intégral des débats nous permettra de trancher cette question. Pour ma part, je vous indique que je n’ai pas voté ce texte.

N’ayant pas toujours une excellente mémoire, je me suis plongé dans les textes. J’ai ainsi relu la réponse de Stéphane Le Foll, alors ministre de l’agriculture, sur les interrogations que suscite ce texte. Nous devons tous en effet être cohérents. Il déclarait : « Vous souhaitez que l’on fasse plus, monsieur le rapporteur, et vous proposez certains financements spécifiques ou d’affectation. Dans ce cas, le débat porte sur l’opportunité de créer des taxes nouvelles. »

Il faut en effet avoir à l’esprit, mesdames, messieurs les sénateurs, que, s’il était adopté, ce texte entraînerait la création de 400 millions d’euros de taxes nouvelles.

Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Assumons-le ! Appelons un chat un chat. Sur ce sujet essentiel, …

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

M. Christophe Castaner, secrétaire d ’ État. … qui mérite mieux que des coups politiques ou des cris d’orfraie et qui devrait nous inciter à la mobilisation plutôt qu’au jeu politique, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à assumer la création de 400 millions d’euros de taxes.

Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Ne vous inquiétez pas, je ne manquerai pas de vous rappeler dans quelques instants les propos tenus par un sénateur du groupe Les Républicains il y a quelques semaines sur ce même sujet…

Stéphane Le Foll poursuivait : « Vous avez fait le choix d’une ressource extérieure au monde agricole au travers de la taxe sur les transactions financières. Cette taxe en vigueur sur la place de Paris n’a pas pu être instaurée au niveau européen et le Brexit constitue de ce point de vue un obstacle supplémentaire. Le débat est ouvert, mais, en l’état, elle ne peut constituer une solution de financement pour votre proposition. »

C’est bien ce dont nous parlons. Nul doute que personne, ici, mesdames, messieurs les sénateurs, ne pense que le niveau des retraites agricoles en France est satisfaisant.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Personne ne le pense ! Nombreux sont ceux qui, sur ces travées, ont contribué ces dernières années aux politiques de rattrapage. La volonté du Gouvernement aujourd’hui est de poursuivre ces politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Faux ! C’est nous qui avons cette volonté !

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

N’ayez pas peur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas grave, c’est plutôt intéressant. La cohérence a toujours du bon !

Lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce sénateur du groupe Les Républicains, s’exprimant au nom de la commission des affaires sociales, sur la même proposition, formulée à l’identique, avait tenu les propos suivants : « Le coût de ce dispositif supplémentaire est estimé à 266 millions d’euros – je précise qu’il est plutôt de 400 millions d’euros –, ce qui, à l’évidence, ne pourrait pas être couvert par le gage sur les tabacs. Ce sujet mérite une réflexion plus approfondie. Elle pourra se mener dans le champ d’un travail plus large sur le taux de remplacement, qui constitue un critère dans le dispositif des retraites, quel que soit le régime. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne dit pas autre chose que ce sénateur du groupe Les Républicains il y a quelques semaines !

Par ailleurs, j’ai entendu des mots d’une violence n’ayant pas lieu d’être dans cet hémicycle.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Il a en effet été question de « dictature ». Mesdames, messieurs les sénateurs, la Constitution française, quand elle s’applique, n’est pas une dictature. Si le vote bloqué était une anomalie démocratique, …

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

… et je n’utilise pas cette expression totalement par hasard dans cette enceinte, je ne doute pas que le groupe de travail du Sénat sur la réforme constitutionnelle aurait traité du vote bloqué et que le président Larcher aurait formulé des propositions à cet égard au Gouvernement. Or ce n’est pas le cas.

Permettez-moi donc de vous communiquer les chiffres exacts sur le recours au vote bloqué ici, dans cet hémicycle, et à l’Assemblée nationale depuis qu’il existe, car ceux qui ont été cités ne correspondent pas à la réalité.

Le vote bloqué a été utilisé non pas six fois, comme je l’ai entendu dire ce soir, mais 226 fois au Sénat et 386 fois à l’Assemblée nationale !

Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

C’est faux ! Nous parlions des propositions de loi !

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

M. Christophe Castaner, secrétaire d ’ État. Mesdames, messieurs les sénateurs, si le Gouvernement a déposé un amendement et demandé un vote bloqué ce soir, c’est non pas pour vous demander de renoncer à ce texte ou pour vous faire hurler, mais pour reporter son entrée en vigueur au 1er janvier 2020, tout simplement parce que nous n’allons pas trouver 400 millions d’euros, comme cela, en plein mois de mars !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations prolongées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

S’il vous plaît, mes chers collègues, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Il faut faire les choses dans le bon ordre. Ce texte sera voté, afin de répondre au problème sur lequel nous sommes tous mobilisés.

Le report au 1er janvier 2020 nous permettra simplement de trouver un financement et de ne pas créer une nouvelle taxe. Cette décision devrait nous rassembler, au lieu de nous opposer. Mais chacun fait de la politique à sa façon.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je souhaite revenir sur les propos de M. le secrétaire d’État, car ils sont quelque peu dérangeants.

Que je sache, le sénateur du groupe Les Républicains dont vous avez cité l’avis donné au nom de la commission des affaires sociales n’est pas le conseiller du Gouvernement, même si je lui souhaite de le devenir un jour !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Nous sommes d’accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Ce que nous vous reprochons, monsieur le secrétaire d’État, c’est non pas de refuser l’instauration d’une nouvelle taxe – à la rigueur, pourquoi pas ? –, mais de ne pas avoir proposé un autre mode de financement. La voilà, la vérité ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Lors de la campagne présidentielle, les candidats, dont le vôtre, ont proposé d’autres modes de financement. Ainsi, tout le monde sait très bien que les organismes complémentaires font des bénéfices considérables. Peut-être aurait-on pu envisager de ponctionner une partie de ces bénéfices pour financer la retraite des salariés agricoles, que tout le monde a qualifiée d’extrêmement insuffisante ?

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Nous nous retrouverons lors de la réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Enfin, concernant le vote bloqué, il est vrai, comme vous l’avez dit, qu’il a été utilisé plus de 200 fois. Ce que vous n’avez pas dit, en revanche, c’est qu’il n’a été utilisé que neuf fois dans le cas d’une proposition de loi.

Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Les sénateurs du groupe Les Républicains scandent : « Bravo ! », certains martelant leurs pupitres.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord revenir sur l’utilisation de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.

Je rappelle que cette proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale à la toute fin de la précédente mandature. Or nous ne pouvons pas imaginer qu’une disposition aussi importante puisse être adoptée sans que l’Assemblée nationale élue en juin dernier ait pu le faire à son tour.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement estime effectivement que les parlementaires doivent pleinement jouer leur rôle.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Je respecte d’ailleurs votre engagement sur ce sujet.

La prochaine réforme systémique des retraites sera l’occasion d’un intense débat parlementaire, notamment sur les sujets relatifs aux solidarités, qui seront bien entendu traités.

Comme je l’ai indiqué, une réforme de cette nature doit être cohérente avec la réforme des retraites que nous sommes en train de préparer. Vous pouvez donc compter sur mon engagement, ainsi que sur celui du Haut-Commissaire…

Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Oui, vous pouvez compter sur mon engagement, pour que la question des retraites des agriculteurs soit pleinement prise en compte lors de la réforme des retraites.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Vous proposez une augmentation des droits sur le tabac. Le Gouvernement a en effet proposé une hausse importante du prix du paquet de cigarettes, mais avec un objectif de santé publique. Cette hausse de la fiscalité revient aujourd’hui à l’assurance maladie pour la politique de lutte contre le tabac.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Quant à la taxe sur les transactions financières, elle est affectée au financement de l’aide au développement. Ce n’est donc pas une ressource mobilisable pour l’augmentation des pensions de retraite agricoles.

Nous devons donc trouver un financement pérenne pour la retraite des agriculteurs.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Nous ne pourrons pas bâtir une politique de solidarité efficace…

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

… si celle-ci n’est pas responsable d’un point de vue purement financier. Cela dit, je partage pleinement vos préoccupations s’agissant des conditions de vie et de retraite de nos agriculteurs.

Pour terminer, j’ai entendu bien des choses injustes sur la politique du Gouvernement vis-à-vis des agriculteurs. La première des préoccupations de Stéphane Travert, lorsqu’il est arrivé au ministère de l’agriculture, a été de lancer les États généraux de l’alimentation.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Il l’a fait pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail face à la grande distribution. Tel était l’objectif affiché des États généraux, conformément à l’engagement pris par le Président de la République pendant sa campagne présidentielle.

Alors, oui, les agriculteurs en France méritent aujourd’hui notre pleine attention.

Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mme Agnès Buzyn, ministre. De manière cohérente, la question de leurs retraites sera traitée lors de la réforme des retraites de l’ensemble de la population française, à laquelle le Haut-Commissaire et moi-même sommes en train de travailler.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement.

Ce soir, l’ensemble des groupes, à l’exception de l’un d’entre eux, a fait part de son désaccord sur la procédure utilisée. Si elle est certes conforme à la Constitution, vous conviendrez, monsieur Castaner, qu’elle n’a été utilisée que de façon très exceptionnelle lors de l’examen d’une proposition de loi.

Par ailleurs, pour répondre aux parlementaires, il faut bien écouter ce qu’ils disent. Personne n’a donné de chiffre global. Nous avons évoqué le recours au vote bloqué sur des propositions de loi.

Par ailleurs, je ne vous ai jamais dit, monsieur le secrétaire d’État, que vous aviez voté la proposition de loi à l’Assemblée nationale. J’ai simplement indiqué que vous apparteniez à un groupe qui ne s’y est pas opposé !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Le texte n’ayant pas été mis aux voix par scrutin public, chacun peut dire s’il a voté ou non le texte…

Nous avons bien entendu ce qu’ont dit les membres de l’ensemble des groupes, à l’exception de l’un d’entre eux. Nous souhaitons tous qu’une solution soit trouvée pour les retraités agricoles. Ce n’est donc évidemment pas de gaieté de cœur que nous prenons la décision ce soir, en lien avec les représentants des associations de retraités agricoles, de reporter l’examen de ce texte et de l’inscrire dans notre « niche » du 16 mai.

Il s’agit de trouver le temps nécessaire, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour discuter du fond de ce texte et débattre des arguments que vous avez évoqués ce soir. Les majorités se feront, la démocratie tranchera, mais que l’on n’utilise pas des artifices constitutionnels et de faux arguments pour « tacler » – il n’y a pas d’autre mot –, le matin même de son examen, une proposition de loi ayant eu l’assentiment de la commission des affaires sociales du Sénat !

Le Sénat a interrompu ses travaux la semaine dernière. Vous me permettrez donc de vous faire remarquer, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’avez certainement pas découvert hier soir ou ce matin que notre commission des affaires sociales avait émis un avis favorable sur ce texte. Nous aurions peut-être pu anticiper un peu plus la discussion, si tant est que le Gouvernement ait jamais eu la volonté de trouver une solution pour les retraités agricoles de notre pays.

Force est de constater, compte tenu de la méthode que vous avez utilisée, que tel n’était certainement pas votre objectif !

Les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste se lèvent et applaudissent longuement. – Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Acte est donné de ce rappel au règlement, madame Cukierman, ainsi que du retrait de son espace réservé de l’ordre du jour, par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Elle est seulement reportée ! Nous la déposerons de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

La discussion est seulement reportée ! Nous inscrirons de nouveau la proposition de loi à l’ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de résolution pour une Conférence des parties, ou COP, de la finance mondiale, l’harmonisation et la justice fiscales, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Éric Bocquet, Pascal Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (proposition n° 271).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Bocquet, auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe ce soir surgit régulièrement dans l’actualité, au travers des révélations successives faites ces dernières années sur la réalité et l’ampleur de l’évasion fiscale internationale.

Nous pouvons tous aisément citer de mémoire les affaires HSBC, UBS, Offshore Leaks, LuxLeaks, FootLeaks, « Panama papers », et plus récemment encore les « Paradise papers ». Toutes ces affaires rythment désormais l’actualité quotidienne, scandalisant systématiquement et légitimement l’opinion publique.

Le sujet est donc sur la table en France et dans le monde, car ce que chacun retient de ces révélations, c’est d’une part l’ampleur des chiffres qui nous sont donnés, et, d’autre part, le caractère systémique de ces pratiques d’évitement fiscal qui déstabilisent les États et qui, au fond, finissent par poser un sérieux problème démocratique.

La proposition que nous examinons ce soir, dont la principale mesure vise à instaurer une Conférence des parties, ou COP, de la finance et de la fiscalité mondiales, est donc une démarche constructive visant à mettre cette question au niveau requis.

Mes chers collègues, si les gaz à effet de serre causent des trous dans la couche d’ozone, les paradis fiscaux et l’opacité créent des gouffres dans la finance mondiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cette finance est en surchauffe au même titre que le climat. L’évasion fiscale représente des montants annuels colossaux, rappelons-les incessamment : 1 000 milliards d’euros au niveau de l’Union européenne, 100 milliards d’euros pour les pays en développement, de 60 milliards à 80 milliards d’euros pour notre pays, soit un chiffre supérieur au déficit constaté pour 2017 ou annoncé pour 2018.

Ce sont autant de moyens pour répondre aux besoins des peuples et de la collectivité, ce qui inévitablement pose la question du consentement à l’impôt, qui ne peut fonctionner qu’à certaines conditions : d’abord que l’impôt soit juste, équitablement réparti, progressif et surtout que personne n’y échappe au nom de l’intérêt général ; il y va de la stabilité de la République et de l’harmonie de notre société.

Selon l’ancien secrétaire au Trésor des États-Unis, Henry Morgenthau, dans les années trente : « L’impôt est le prix à payer pour vivre dans une société civilisée ».

Aujourd’hui, sous l’effet conjugué de la mondialisation et de la concurrence fiscale effrénée entre États, l’évitement fiscal qui inclut aussi bien la fraude que l’optimisation et l’évasion fiscales s’est largement propagé, bien aidé en cela par l’ingénierie des banques, des cabinets d’audit et de conseils et autres avocats fiscalistes, qui exploitent habilement l’opacité et les failles des législations fiscales pour mettre au point des schémas aussi complexes qu’efficaces.

À l’heure du shopping fiscal, les États organisent les soldes. La concurrence fiscale tourne désormais à plein régime et siphonne peu à peu les ressources publiques. Les recettes que les États collectent via l’impôt sur les sociétés ont ainsi chuté de manière spectaculaire en quelques années.

À cela s’ajoutent les paradis fiscaux, qui agissent comme de grandes lessiveuses, pour recycler l’argent du blanchiment, de la fraude, du commerce des armes, de la prostitution, de la drogue, voire, ces derniers temps, du trafic des migrants vers l’Europe ou même du terrorisme.

Ces phénomènes conduisent à une situation où tout le monde est perdant, à l’exception notable des grandes multinationales, notamment les géants du numérique et les individus les plus fortunés, qui chaque année augmentent leur patrimoine dans des proportions insensées.

Les paradis fiscaux ne sont pas un dysfonctionnement de l’économie, ils sont au cœur du libéralisme financier, mondialisé, dérégulé et qui profite à une infime minorité.

Cette situation fragilise les pactes sociaux. En exacerbant les inégalités et en favorisant l’hyperconcentration des richesses. L’ONG Oxfam montrait il y a quelques semaines dans un rapport sur la pauvreté que 82 % des richesses créées dans le monde l’an dernier avaient profité au 1 % les plus riches de la population mondiale. En douze mois, la richesse des milliardaires a augmenté de 762 milliards de dollars.

On constate trop souvent que le financier a bel et bien pris le pouvoir et impose sa domination aux États et au monde entier. La finance de l’ombre représente 45 000 milliards de dollars, chiffre publié hier matin dans un grand quotidien économique de notre pays. En quelques mots, le dumping fiscal est devenu féroce, la dette s’accumule et l’austérité s’aggrave.

En dépit des avancées accomplies ces dernières années – je pense, par exemple, sous l’impulsion de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, au plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, le système BEPS –, le risque d’un grand bond en arrière est bien réel.

Il nous revient d’affirmer un autre modèle de développement et de relations internationales misant sur la coopération fiscale, la régulation et une nouvelle gouvernance mondiale. C’est la raison pour laquelle nous pensons que la France devrait être à l’initiative de la tenue d’une conférence des parties, une COP de la finance et de la fiscalité, sur le modèle de la COP environnementale et sous l’égide de l’Organisation des Nations unies.

Quelques éléments pour la définir concrètement : cette COP aurait vocation à avancer sur plusieurs chantiers, tels qu’une définition universelle des paradis fiscaux, la régulation des conventions et des rescrits fiscaux et la lutte contre les dérives de la finance. Elle pourrait conduire à terme à la création d’une organisation mondiale de la finance débouchant sur l’ouverture régulière de négociations, procédant à l’évaluation des progrès obtenus et à la définition de sanctions en cas de comportement non coopératif.

Pourquoi placer cette COP sous l’égide de l’ONU ? Les travaux de l’OCDE, du G7, du G8 et du G20 ont incontestablement apporté des avancées, mais ces organisations s’apparentent davantage à des clubs de pays riches qu’à de réelles instances de concertation globale.

Or, au grand jeu de l’évitement fiscal, les pays en développement sont les grands perdants. Dès lors, il faut garantir à tous une égale participation à la définition des politiques fiscales mondiales.

Aussi la démarche que nous proposons se veut-elle complémentaire et non concurrente des travaux menés par ailleurs. À ce propos, l’an dernier, le G77 n’a-t-il pas indiqué que la lutte contre les paradis fiscaux serait l’une de ses priorités, avec pour objectif la mise en place d’une instance fiscale aux Nations unies ?

Voilà une formidable occasion ! La France, par sa stature internationale, par la place et la compétence de sa diplomatie a de nombreux atouts pour engager ce mouvement. Notre pays a vocation à porter un message de paix, de justice et de démocratie. Il a vocation à favoriser les équilibres et à être le porte-voix des plus fragiles. Une large conférence permettrait d’entendre ceux que l’on n’entend jamais, le but étant de mettre les 200 États du monde autour de la même table.

Elle permettrait également d’isoler tous ceux qui seraient tentés par l’aventure fiscale et financière individuelle. Voilà un outil puissant pour générer du commun et substituer au vieil adage : « L’argent est le nerf de la guerre », celui d’une autre ambition, pour faire de l’argent le nerf de la paix.

« Vivre sans espoir, c’est cesser de vivre », disait Dostoïevski. Évidemment, chacun mesure combien la tâche est titanesque et ne saurait être gagnée du jour au lendemain ; c’est sans doute le travail d’une génération. Mais lancer sans attendre ces discussions permettra à coup sûr de sensibiliser l’opinion et de mobiliser la société civile. L’engagement citoyen reste plus que jamais à nos yeux un levier indispensable dans cette bataille décisive.

Enfin, notre démarche se veut résolument européenne, car le défi est immense également pour l’Europe : si celle-ci n’avance pas résolument vers la coopération et l’harmonisation fiscale, elle disparaîtra sous les coups des populismes dangereux et des extrémismes les plus noirs, que l’on pensait à jamais disparus sur notre continent.

Mes chers collègues, cette idée de COP fiscale fait son chemin, tout doucement. Ainsi, le Conseil économique, social et environnemental l’a faite sienne dans une résolution le 13 décembre 2016. À son tour, l’Assemblée nationale l’a adoptée lors de la séance du 2 février 2017. Au Parlement européen, lors de l’adoption du rapport de la commission spéciale sur les « Panama papers », le 13 décembre 2017, les députés ont inscrit une recommandation n° 160 préconisant « d’organiser un sommet mondial sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, l’évasion et la fraude fiscales, en vue de lever le secret dans le secteur financier ».

Le Sénat a su montrer ces dernières années sa sensibilité profonde à ces sujets, au-delà des engagements des uns et des autres. Souvenons-nous des votes unanimes des deux rapports des commissions d’enquête en 2012 et en 2013 et de la capacité que notre assemblée a eue de se rassembler pour adopter en trois occasions des amendements visant à la suppression du « verrou de Bercy ». Citons enfin la décision prise au sein de la commission des finances de créer un groupe de suivi sur la lutte contre l’évasion fiscale.

Mes chers collègues, le Sénat a l’occasion, ce soir, de se joindre à la volonté de l’Assemblée nationale et de faire que cette résolution devienne celle de tout le Parlement français. Cela marquerait une nouvelle avancée, nullement symbolique, mais hautement politique, au moment où, en haut lieu, on semble s’interroger sur l’utilité des parlements et des parlementaires.

Les deux chambres de la République, ce sont les deux jambes de la démocratie. Voter cette résolution ce soir, c’est faire œuvre utile pour l’intérêt général et les générations futures !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Nathalie Goulet et M. Joël Labbé applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les problèmes sous-jacents à cette proposition de résolution rapprochent, je le crois, l’ensemble des groupes politiques. La fraude fiscale, qui est un phénomène ancien, a connu un nouvel essor à mesure que les frontières se sont ouvertes : l’espace économique s’est mondialisé, tandis que l’espace fiscal est demeuré strictement national.

Je préfère définir les termes du débat : la fraude fiscale est bien un acte illégal visant à contourner l’impôt ; elle n’est pas l’optimisation, qui consiste à utiliser tous les moyens légaux disponibles pour réduire la charge fiscale.

D’après un rapport de 2007 du Conseil des prélèvements obligatoires, ou CPO, quatre tendances expliquent l’évolution de la fraude aux prélèvements obligatoires : la complexité des règles, le travail dissimulé du fait du passage à une économie de services, l’internationalisation des mécanismes de fraude et les évolutions technologiques.

Ce rappel du cadre du débat vous montre que nous sommes face à un problème évidemment complexe. Les conséquences en sont tout aussi majeures : d’une part, un manque à gagner pour les finances publiques de 30 milliards à 40 milliards d’euros d’après les estimations du CPO ; d’autre part, une atteinte grave aux principes de la République. Je rappellerai l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel la contribution commune doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Pour ces raisons, l’arsenal répressif et technique s’est renforcé. En plus d’amendes, des sanctions pénales peuvent s’appliquer : une personne coupable de dissimulation frauduleuse d’avoirs risque jusqu’à deux millions d’euros d’amende et sept ans d’emprisonnement en cas de domiciliation fictive à l’étranger. Comme outils, je pourrais citer la création d’une Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, celle d’un parquet financier ou encore les dispositifs de circulation auprès de TRACFIN, la cellule de traitement du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins.

Ce renforcement de l’arsenal législatif se nourrit des propositions du Sénat, et je salue ici le travail de notre collègue Éric Bocquet, rapporteur de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales. Saluons aussi le travail des services et des agents de l’État, bien loin des caricatures désignées dans le texte que nous discutons ce soir.

Ce vaste chantier de la lutte contre la fraude ne peut rester national. La communauté internationale a d’ailleurs pris acte, tardivement, des risques que fait peser l’évasion fiscale sur l’économie. Le G8 et le G20 ont ainsi donné l’impulsion politique nécessaire pour confier mandat à l’OCDE d’agir dans cette lutte, l’OCDE qui anime depuis 2000 le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, visant à identifier les États qui ne respectent pas les standards internationaux.

L’une des réponses du multilatéralisme passe en effet par l’échange automatique d’informations : ici encore, il s’agit d’une impulsion du G20, traduite par l’adoption en février 2014 par l’OCDE d’une norme mondiale unique relative à l’échange automatique de renseignements.

Le 30 septembre 2017, est entré en vigueur l’accord multilatéral entre autorités compétences pour l’échange automatique de renseignements, qui prévoit d’importants échanges bilatéraux. En clair, cet outil va permettre au fisc français de connaître automatiquement le contenu des comptes bancaires offshore ou onshore de tous les Français dans chacun des pays signataires. Il ne concerne que cinquante et une juridictions à ce jour, mais des territoires souvent visés ont signé, comme Jersey et l’île de Man. Il faut aller plus loin et convaincre notamment les États-Unis.

De manière plus approfondie, l’Union européenne a beaucoup avancé depuis la directive épargne de 2003. Le Conseil de l’Union européenne a complété cette dernière en mars 2014, et, depuis 2017, l’échange d’informations financières est une réalité sur les intérêts, les dividendes, les produits de ventes d’actifs, les produits d’assurance vie et les revenus perçus par des structures intermédiaires localisées dans des États tiers.

L’Union européenne conclut par ailleurs des accords bilatéraux dans le cadre du secret bancaire : le 1er janvier 2018 a marqué la fin du secret bancaire suisse pour les ressortissants étrangers.

Toutes ces mesures arrivent tardivement, nous en conviendrons, mais elles arrivent. Le chantier de la lutte contre l’évasion fiscale est toutefois un énorme chantier, et il reste beaucoup à faire, tant pour harmoniser les fiscalités que pour lutter contre la fraude.

La question de l’harmonisation souligne aussi l’importance de la taxation des acteurs du numérique. Depuis septembre 2017, la France est à la pointe de la bataille pour que les GAFA paient leurs impôts au niveau approprié : cela ne peut plus durer.

Le second point, la lutte contre la fraude fiscale, montre l’importance du plan préparé par le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, en la matière. Il saura, je le crois, répondre à une partie des manques qui sous-tendent cette proposition de résolution.

En conclusion, mes chers collègues, il y a beaucoup à faire et cette proposition de résolution nous le rappelle ; elle est en ce sens salutaire. Elle nous rappelle que le cadre de coopération utile est le cadre multilatéral, notamment au sein de la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, qui rassemble 117 juridictions à ce jour.

Le groupe La République En Marche entend aborder avec réalisme la complexité de ce problème. Il travaillera au Sénat sur ces questions concrètes, mais ne soutiendra pas cette proposition de résolution, qui ne nous paraît pas constituer la bonne solution.

Les questions d’évasion demandent des réponses techniques, de longue haleine, pour éviter les trous dans la raquette et des législations imparfaites ; c’est aussi le risque que nous encourrons avec un accord international, fruit de négociations sur les virgules et peu normatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite orienter notre réflexion vers quelques enjeux internationaux recouverts par la question.

Tout d’abord, le caractère pour le moins restreint de la liste des mauvais élèves de la fiscalité, ceux que l’on appelle les « paradis fiscaux », des territoires paradisiaques par les facilités qu’ils offrent à quelques entreprises à vocation transnationale de domicilier sur leur territoire, le plus souvent dans des « immeubles boîtes aux lettres », tout ou partie de leurs activités, plus que pour leur population.

Ainsi, en 2015, les Bahamas comptaient officiellement 13 % de chômeurs - plus de 35 % chez les jeunes -, la Barbade 12, 3 %, le Belize 11, 3 %. Si l’on prend le paramètre de la dette publique, la même année 2015, Antigua-et-Barbuda présentait une dette de 105, 5 % du PIB et la Barbade de 103, 3 %, ces deux pays encadrant le pourcentage des États-Unis…

Si l’on examine maintenant la question du commerce international, on trouve, parmi les vingt premiers excédents commerciaux de la planète, seize pays ayant de près ou de loin à voir avec le commerce des produits pétroliers bruts ou raffinés ou de matières premières stratégiques, à savoir les pétromonarchies du Golfe, le Sultanat de Brunei, les ex-Républiques gazières et pétrolières de l’URSS, les Pays-Bas et quatre autres nations dont je ne peux manquer de vous délivrer les noms : le Grand-Duché de Luxembourg, la ville-État de Singapour, l’archipel des Maldives et la République d’Irlande…

Les spécialistes acérés de la lutte contre l’évasion fiscale auront sans doute remarqué que nous sommes en ce cas plutôt en présence de pays ayant développé quelques pratiques d’opportunisme fiscal, bien connues des économies spécialisées, dans le secteur des « services financiers ».

Cela m’amène aux considérations suivantes. D’une part, la fraude et l’évasion fiscales ne sauraient se résumer à une affaire de groupes plus ou moins habiles à tirer parti des failles législatives nées d’une absence d’harmonisation des règles fiscales.

Je ne sais pas si je vais vous convaincre, mes chers collègues, mais il faut nous parler avec la plus grande des sincérités : l’optimisation fiscale est une sorte de forme légale de la fraude, qui procède de lois votées par des autorités élues, lois souvent promues par certains groupes. Il y a, en ces matières, une évidente coconstruction entre les milieux d’affaires et les responsables politiques.

Nous le voyons bien dans un pays comme les États-Unis, où le président Trump vient d’ouvrir la guerre des taux pour amener les champions de son économie à revenir au pays et à y rapatrier emplois et bénéfices, et cela nonobstant les conséquences, singulièrement du point de vue de la transition écologique…

L’Europe n’est pas en reste ! N’oublions pas, plus près de nous, que la coalition victorieuse des élections italiennes préconise, entre autres, une flat tax de 15 % pour tout impôt !

En France, quelle utilité par exemple à vouloir aligner la fiscalité des revenus du capital sur celle d’autres pays, plus libéraux, ou à réduire le taux facial d’un impôt sur les sociétés qui ne représente déjà plus que moins de 1, 5 % du PIB ? Pour aider les entreprises, nous dit-on… Franchement, ce sont des sornettes – je reste correct –, des balivernes ! Qui peut le croire ?

Je rappelle qu’avant de solliciter l’épargne publique et singulièrement les marchés financiers, solution la plus coûteuse pour se développer, les entreprises disposent de deux outils fondamentaux pour se financer.

Le premier, c’est le produit de leur développement intrinsèque, c’est-à-dire la réaffectation des bénéfices qu’elles réalisent dans des investissements de capacité productive renouvelée. Le second, c’est le recours à la ressource bancaire, dont le coût, en termes de taux d’intérêt réel, demeure inférieur à la préemption exercée par le versement de dividendes sur le résultat de l’entreprise.

La remontée de l’endettement privé des entreprises me laisse d’ailleurs penser que le premier terme, c’est-à-dire l’autofinancement, est appauvri dans bien des cas par l’importance des bénéfices distribués.

La chance des entreprises françaises, c’est de travailler dans un pays où l’impôt est suffisamment important pour permettre, par la réalisation de la dépense publique, par l’investissement local comme national, la création d’un espace favorable à l’activité économique.

L’impôt juste et justement recouvert et acquitté, ce n’est pas juste l’impôt ! Ce sont les réseaux routier et ferroviaire, sur lesquels vont circuler les marchandises, c’est le réseau de téléphonie moderne, qui va faciliter les échanges, c’est la vente à distance, c’est l’appareil de formation et d’éducation d’où vont venir les ingénieurs, les techniciens, les ouvriers qualifiés de demain.

Prenez en compte les points de croissance que nous laissons en route, parce que la concurrence n’a pas résolu le problème de la couverture du territoire en haut débit !

L’Union européenne, qui n’est pas exempte de reproches en matière de concurrence fiscale déloyale, semble poursuivre depuis quelque temps une étrange logique d’harmonisation fondée sur l’allégement de l’impôt perçu dans l’entreprise et le développement de la fiscalité de consommation – taxe sur la valeur ajoutée, taxes sur l’essence, contribution carbone – et de la fiscalité dite « comportementale » – taxes sur l’alcool, les tabacs… Et cela n’arrange pas du tout les affaires du reste du monde !

Si je devais d’ailleurs formuler une proposition concrète de lutte immédiate contre la fraude et l’évasion fiscales, j’inviterais le Gouvernement à faire en sorte que les élus du personnel, ceux du comité d’entreprise entre autres, soient avisés du montant des royalties perçues lors de la cession de brevets ou d’actifs immatériels, informés des prêts financiers intragroupes ou du prix des transferts. Ça, ce serait une innovation sociale et démocratique en marche !

Fruit de la collaboration entre entreprises transnationales et gouvernements à l’autorité souvent faible, fraude et évasion fiscales conduisent, bien souvent, au pillage des ressources naturelles des pays, nous le savons tous ici. L’insuffisance de ressources publiques de bien des pays en voie de développement demeure un dangereux vecteur des idées obscurantistes. Combattre sans répit la fraude fiscale, c’est aussi éviter l’exil forcé de populations appauvries, qui est le ferment du terrorisme.

J’ai bien écouté le discours de notre collègue de La République En Marche…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Franchement, monsieur Rambaud, pourquoi conclure que vous n’allez pas voter cette proposition de résolution ?

Permettez-moi de citer Victor Hugo, dont j’aperçois le siège depuis la tribune : « La fraude est vilaine et donne un profit nul ; mentir ou se tuer, c’est le même calcul. »

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes dans la même configuration que le 27 octobre dernier, ce qui m’oblige à être un peu créative par rapport à ce que j’avais dit, qui était pourtant très bien.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je regrette franchement que l’hémicycle se soit vidé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. … car le problème de l’évasion fiscale et celui des retraites ne sont pas sans relation de cause à effet. Et l’on parle de 766 euros d’un côté et de 80 milliards d’euros de l’autre ! Si l’on rapatriait l’argent concerné, on arriverait probablement à améliorer les retraites de nos agriculteurs…

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-Jacques Panunzi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je vais vous parler, moi aussi, des territoires et des États non coopératifs. Juste pour le plaisir, parce que nous sommes entre nous, j’évoquerai l’excellent rapport d’Éric Bocquet, qui date tout de même de 2012. Aussi, lorsque vous estimez, les uns et les autres, que nous avons beaucoup progressé, je trouve que l’on fait plutôt du surplace…

J’en viens à la carte du tendre des paradis fiscaux – je reprends le plan du rapport : une cartographie à géométrie variable ; des paradis perdus – mais pas pour tout le monde ; des paradis à l’ombre des listes officielles ; 2012, des listes allégées ; le Forum mondial : la transparence au milieu du gué – on n’en est toujours pas sorti ; une grille de lecture complexe de la liste française ; une liste française à dimension discrétionnaire – c’est toujours le cas aujourd’hui.

La deuxième partie du rapport évoquait les paradis retrouvés ; les « territoires coquilles », où l’on retrouve l’ensemble des territoires cités, dont la Barbade, les Seychelles, l’île Maurice ; les paradis officiels, comme les Îles Marshall ; un début théorique – j’insiste sur ce mot, mon cher collègue de La République En Marche – de transparence ; le marché ciblé de l’évasion fiscale ; les milliers de mètres carrés de ports francs en Suisse ; les 30 000 mètres carrés de nouveaux ports francs au Luxembourg ; le Liechtenstein et les îles anglo-normandes, bien entendu ; les « paradis sélectifs » de Monaco et d’Andorre.

Enfin, le rapport de 2012 avait identifié les paradis technologiques et le problème irrésolu de l’imposition des bénéfices du numérique. Nous avions le tort d’avoir raison trop tôt !

La mise à jour de la liste française des États et territoires non coopératifs, les ETNC, se fait, comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, sur la base de l’article 238-0 A du code général des impôts. L’actualisation de la liste, qui a lieu chaque année, est largement mécanique : la simple signature d’une convention fiscale avec la France suffit à retirer un État de cette liste. Cette situation n’est pas satisfaisante !

La radiation ne devrait intervenir qu’a posteriori, une fois constaté que la mise en œuvre de la convention signée par la France avec cet État ou territoire permet effectivement à l’administration fiscale d’obtenir les renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale française.

Ce n’est pas nouveau : c’était la proposition 40 figurant à la page 585 du rapport de 2012, qui n’est toujours pas appliquée ! Je vous en donne lecture : « Conditionner le retrait d’un État de la liste française des ETNC non pas à la simple signature d’une convention fiscale avec la France, mais à la mise en œuvre effective d’une coopération fiscale de cet État avec la France au titre de cette convention. » Nous avons une marge de progrès très importante.

Sur ce sujet majeur, notre collègue député Fabien Roussel vient de déposer une proposition de loi extrêmement intéressante et fournie visant à établir une liste française des paradis fiscaux. Nous la soutiendrons, comme nous soutiendrons la proposition de résolution présentée ce soir par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

La proposition de loi est d’ailleurs intéressante, car, pour faire court, c’est toujours : « Un scandale, une annonce » ! En 2015, dans le sillage de LuxLeaks, on annonce un premier pas vers une approche commune et cohérente, à l’échelon européen, des paradis fiscaux, ainsi qu’une première liste noire. La méthode retenue souligne la portée symbolique de la démarche. La liste, dépourvue de sanctions, est laissée à la libre appréciation des États ; Gibraltar et Jersey n’y figurent pas.

Deux ans plus tard surviennent les « Paradise papers ». Là encore, un scandale, une annonce ! Le 5 décembre 2017, les ministres des finances des pays membres de l’Union européenne annoncent une nouvelle liste. Là encore, le résultat déçoit : 17 noms sont inscrits sur la liste noire, 47 sur une « liste grise ». Pourquoi avoir écarté les États membres de l’Union européenne ? Ce n’est pas pour autant qu’ils respectent les règles ! L’organisation Oxfam, citée tout à l’heure, a établi que l’Irlande, les Pays-Bas, Malte et le Luxembourg auraient dû figurer sur la liste noire.

Cette fois encore, il faudrait retenir plus de critères. Sur la base de ceux qui ont été retenus par Oxfam, ce sont cinquante-huit pays, et non plus dix-sept, qui figurent sur la liste noire. L’association Tax Justice Network effectue également un travail remarquable.

Dans ces conditions, autant dire que le bricolage européen et les annonces purement cosmétiques constituent, madame la secrétaire d’État, une insulte réitérée à notre intelligence. Les listes s’allongent et se rétrécissent…

Le Conseil constitutionnel ayant estimé que l’intervention du législateur dans la fixation de la liste des paradis fiscaux contreviendrait à la distinction des domaines de la loi et du règlement opérée aux articles 34 et 37 de la Constitution, je vous propose, madame la secrétaire d’État, en cette saison de modifications constitutionnelles, celle de l’article 34, en précisant, au quatrième alinéa, que la loi fixe également les règles concernant « les dispositifs de lutte contre l’évasion fiscale ». Ce serait au moins aussi intéressant que d’y inscrire la lutte contre le changement climatique !

Ainsi, mes chers collègues, cela permettra au Parlement d’avoir toute compétence sur un sujet qui, reconnaissez-le, nous concerne tout de même un petit peu.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Le travail parlementaire est freiné par le contenu des articles 34 et 37 de la Constitution. L’extension du champ de l’article 34 contribuera, pour le coup, à faire de ce sujet une priorité, qui n’était pas celle du candidat Macron et qui, manifestement, n’est toujours pas celle des parlementaires de son parti aujourd’hui.

(L ’ orateur brandit le rapport précédemment évoqué.) et qu’il suffit de les appliquer. Je voudrais saluer à mon tour, pendant les quelques secondes qui me restent, l’initiative de nos collègues de l’Assemblée nationale sur le « verrou de Bercy ». Nous avons, là aussi, été précurseurs. Le Sénat a voté par trois fois la suppression de ce verrou et la commission d’enquête de 2013–2014 a, elle aussi, proposé de supprimer cette anomalie procédurale. Je remarque que nos collègues de l’Assemblée nationale ont plus de latitude que nous pour les commissions d’enquête, et je regrette, au regard du travail franchement remarquable qui a été fait, que nous n’en ayons pas autant. Nous sommes proches du résultat, ici, dans la maison de Victor Hugo, qui siégea dans ce même hémicycle. Il faut espérer que, comme les murailles de Jéricho, au septième tour, ce verrou s’écroulera.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Sur les paradis, je terminerai en vous disant que toutes les recettes sont là §

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Thierry Carcenac applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le sujet de l’évasion fiscale et de la fiscalité internationale est d’une importance cruciale. C’est pourquoi je remercie les auteurs de cette proposition de résolution, et je salue le travail de notre collègue Éric Bocquet.

L’économie mondialisée au sein de laquelle la France s’insère est atteinte d’un mal terrible, résultant de la compétition que se livrent les juridictions fiscales à l’échelle mondiale. Cette compétition généralisée est désastreuse, parce qu’elle tarit les ressources financières des États et qu’elle freine la coopération entre les pays. Ce sont autant de ressources qui devraient être mobilisées dans l’objectif d’une redistribution plus juste des richesses.

La fraude fiscale et l’optimisation fiscale utilisent les mêmes stratégies. Ces phénomènes sont qualitativement différents, l’optimisation étant légale. Mais cette dernière n’en reste pas moins immorale. Dans les deux cas, il s’agit, pour certains, de tout mettre en œuvre pour éviter de payer la part, légitime, qui leur incombe dans le cadre de la contribution aux dépenses publiques collectives.

Ces détournements de richesses sont possibles grâce à la mondialisation des flux de capitaux et aux progrès technologiques, qui permettent, en quelques clics, de créer des sociétés écrans ou d’orienter les flux de bénéfices des entreprises multinationales vers des territoires fiscalement avantageux.

Ces phénomènes, qu’il est bien difficile de maîtriser dans le système bancaire conventionnel, sont totalement hors de contrôle dans la zone d’ombre du shadow banking. Ils permettent souvent à la corruption et à l’argent sale de prospérer.

Quelles sont les conséquences de ce système – car il s’agit bien d’un système généralisé s’appuyant sur une industrie de l’ingénierie fiscale –, qui est malheureusement toléré par les États ?

Pour les pays en voie de développement, cela représenterait dix fois le montant de l’aide au développement : largement de quoi lutter contre la pauvreté, voire l’éradiquer. En France, les montants estimés de cette fraude représenteraient de 60 milliards à 80 milliards d’euros par an : cela ferait une vraie différence dans nos débats budgétaires si nous disposions d’une telle somme. Je rejoins Mme Goulet lorsqu’elle relie ce débat avec celui que nous avons eu précédemment sur les retraites agricoles, que nous verrions en effet d’un tout autre œil : la vraie question, c’est non pas l’addiction aux dépenses publiques, mais plutôt la rupture avec l’addiction à la fraude fiscale.

Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

La fraude fiscale pose fondamentalement la question de la démocratie et du contrat social sur lequel elle est fondée, c’est-à-dire le consentement à l’impôt. Nos concitoyens ne peuvent comprendre la tétanie des autorités nationales et internationales lorsqu’ils mesurent les montants en jeu, et alors qu’on fait toujours appel à eux pour se serrer la ceinture. L’évasion et la fraude fiscales sont de véritables cancers pour notre démocratie, et il est temps que le Gouvernement prenne ses responsabilités en la matière.

Ce dernier multiplie les baisses d’impôt pour les plus riches et les mesures d’austérité, juge les fonctionnaires trop nombreux, veut en finir avec les « profiteurs » qui abusent de statuts prétendument privilégiés, entend faire la chasse aux « fraudeurs aux aides sociales ». Nous sommes en droit d’attendre, et ce devrait être une priorité, que la traque aux fraudeurs fiscaux et à toutes les stratégies d’optimisation qui flirtent avec l’illégalité soit intraitable.

Pour y arriver, il reste des chantiers extrêmement importants à mener. Des mesures ont été prises lors du précédent quinquennat : réforme bancaire de 2013, loi Sapin II de 2016, vote de l’échange automatique d’informations au début de 2017. D’ailleurs, ces éléments auraient pu être intégrés dans le texte présenté ici, comme ils l’avaient été, en février 2017, à l’Assemblée nationale.

J’en conviens, le présent texte reste très largement à compléter avec des éléments indispensables : la levée du verrou de Bercy, cela a été dit, la protection plus forte des lanceurs d’alerte, le reporting pays par pays ; mon collègue Thierry Carcenac y reviendra.

Aussi, nous attendons avec une grande impatience le projet de loi pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, que le Gouvernement a annoncé. Car nous ne saurions attendre la communauté internationale pour agir. La France doit, conformément à ses valeurs multiséculaires, se montrer avant-gardiste en la matière.

Revenons à la proposition émise par ce texte, que nous soutenons totalement, car elle insiste sur l’importance de la coordination entre les différents États dans la lutte contre le dumping fiscal et contre l’évasion fiscale. Les grandes organisations internationales prétendent toutes avoir la volonté d’enrayer ce fléau. Mais l’un des principaux problèmes est qu’aucune ne fait comme les autres : elles ne s’arrêtent pas sur les mêmes définitions, les mêmes critères, les mêmes listes de paradis fiscaux, rendant toute mise en place de mesures concrètes impossible, voire utopiste. Les listes de paradis fiscaux publiées relèvent plus de tractations diplomatiques que de réalités statistiques.

La dernière liste de paradis fiscaux établie par l’Union européenne le démontre : ses États membres en ont été écartés d’office, y compris ceux dont la fiscalité est reconnue comme étant avantageuse, pour ne pas dire accommodante. On nous a promis hier, et on nous le promet encore aujourd’hui même, d’épingler les mauvais élèves. Très bien ! Toutes les avancées sont bonnes à prendre, nous verrons ce qu’il en sera réellement. Dans cette même liste, en outre, certains pays mentionnés ne sont vraisemblablement pas les paradis fiscaux les plus prisés.

Les organisations internationales ne font qu’inviter les « paradis » à prendre les décisions adéquates, mais ne formulent aucune menace. Et si ces « paradis » les acceptent, aucune évaluation réelle n’est prévue pour en mesurer l’impact.

Nous sommes ainsi très favorables à ce que la France porte la présente proposition de résolution pour la mise en place d’une conférence des parties, sous l’égide des Nations unies, car elle serait le signe d’une mobilisation générale. La présence active de la société civile dans ce type de réunions et de mobilisations serait un garde-fou essentiel, et nous devons nous appuyer sur le travail exceptionnel, qu’il faut saluer, qu’ont réalisé nombre d’ONG sur ces questions.

L’émergence d’une véritable coopération internationale au service d’une plus juste répartition des richesses est absolument indispensable.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je terminerai en regrettant que le groupe LREM ne soutienne pas cette proposition de résolution. Cela ne peut que nous faire douter sur la volonté du Gouvernement de lutter à tous les niveaux contre le fléau de la fraude fiscale. La France s’honorerait pourtant de prendre la tête de cette croisade, à l’intérieur de nos frontières comme à l’international. C’est peut-être une vision du vieux monde, mais ce nouveau monde, visiblement, n’est pas le nôtre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Union Centriste. – M. Joël Labbé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, on a beaucoup parlé, ces dernières années, de la « finance », souvent pour la diaboliser. Je crois que ce raccourci nous freine collectivement pour réfléchir sereinement sur l’économie financière et proposer des politiques publiques adaptées.

Nous sommes loin d’avoir affaire à un monde monolithique et caricatural : la diversité des métiers, des pratiques et des finalités de la finance, au service de l’économie réelle et des ménages, doit nous inciter à la prudence dans nos mots et dans nos actes.

Le système financier français est un fleuron souvent envié par bien d’autres pays ; sachons le préserver. Parlons plutôt ici d’impôt, de fraude, de mécanismes internationaux qui favorisent des pratiques d’évitement fiscal. Il me semble que l’amalgame entre finance et fraude qui est fait dans cette proposition de résolution participe à une confusion des genres.

Sans nier la réalité des pratiques frauduleuses, appuyées sur des montages financiers complexes, mettre tout le monde dans le même panier ne nous aide pas à apporter des solutions fines et précises sur un sujet de dimension internationale. Derrière la fraude fiscale internationale il y a, certes, des institutions financières complices, mais également des États, des entreprises et des particuliers coupables.

Il y a bien une galaxie d’acteurs dont les intérêts convergent et vont à l’encontre de ce que vous appelez, chers collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, la « justice fiscale ». Comme vous, je le déplore et, comme vous, j’estime qu’il faut lutter contre la coalition des intérêts. En revanche, notre vision de la réponse à y apporter n’est pas la vôtre, celle de l’écrasement d’une économie qui serait intoxiquée par la finance. Nous croyons à l’efficacité des marchés et à l’internationalisation des flux de capitaux, à condition, bien sûr, que ces marchés soient régulés par des institutions pour tendre vers une justice sociale internationale.

En matière de régulation, force est de constater que des actions ont bien déjà été engagées depuis la crise de 2008, notamment sous l’impulsion d’un Français, que je souhaiterais saluer, Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE. Il mène depuis plusieurs années une véritable croisade contre la fraude fiscale internationale, qui a permis de moderniser le droit. L’OCDE a ainsi mis en place un cadre inclusif, rassemblant plus de cent pays et juridictions qui travaillent en collaboration pour mettre en œuvre des politiques de lutte contre l’érosion de la base fiscale et les transferts de bénéfices. La clause anti-abus, visant à éviter l’utilisation excessive des dispositions des conventions fiscales, en est une bonne illustration.

L’OCDE a également élaboré une norme d’échange automatique d’informations bancaires, adoptée le 29 octobre 2014 par l’ensemble des pays qui la composent et par les membres du G20.

En Europe, la Commission européenne a récemment relancé le projet de directive visant à l’adoption d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, pour mettre fin à la concurrence fiscale entre États membres. Le paquet TVA, en cours de négociation, a pour objectif de mettre fin à une fraude communautaire qui coûte plus de 150 milliards d’euros par an aux États de l’Union européenne.

Le cadre international de lutte contre la fraude fiscale n’a donc plus rien à voir avec ce qu’il était voilà encore quelques années. Néanmoins, je vous rejoins dans l’idée que des progrès sont toujours possibles. Si nous pouvons y contribuer, nous devons le faire. Soulignons, à cet égard, trois éléments.

Tout d’abord, les listes internationales de paradis fiscaux sont encore trop timides et soumises à des considérations politiques qui les vident de leur substance. Ensuite, les États, y compris européens, se livrent toujours à des politiques non coopératives en matière fiscale, avec une multiplication des « visas dorés » par des pays comme Chypre ou Malte, avec des rescrits fiscaux ou une course au moins-disant en matière d’impôt sur les sociétés. Enfin, la nouvelle économie, celle des GAFA, questionne les politiques fiscales des États, qui sont peu adaptées pour capter les bénéfices internationaux tirés des effets de réseaux. L’initiative française de taxation des géants du net est ainsi la bienvenue, même si elle doit être menée dans une logique d’équité et non punitive.

Des marges de progression existent donc pour atteindre la justice fiscale mondiale que nous appelons, bien sûr, tous de nos vœux. Cependant, je crois à la volonté des institutions et des professionnels pour combler ces lacunes et avancer dans le sens d’une régulation plus efficace. Nous ne pensons pas qu’il faille ajouter à cet ensemble une organisation de plus, dont la conception s’éloigne, de surcroît, de la logique pragmatique et technique qui nous semble devoir s’appliquer sur cette question.

Pour toutes ces raisons, et bien que nous partagions votre préoccupation devant l’ampleur de la tâche qu’il reste à accomplir, le groupe Les Indépendants – République et Territoires, pas plus que La République En Marche, n’approuvera cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le fonctionnement de l’économie mondiale et son évolution depuis la crise financière de 2008 et la crise des dettes publiques suscitent de nombreux débats.

L’opacité du fonctionnement de la sphère financière, renforcée par une mathématisation extrême, éveille de plus en plus d’inquiétudes sur la stabilité des marchés, comme l’a montré le mini-krach de février dernier, passé quasiment inaperçu. Ainsi, le mathématicien Nicolas Bouleau, dans une chronique parue le week-end dernier dans le quotidien Le Monde, évoque des marchés « fumigènes », qui tendent aujourd’hui à brouiller l’information sur l’état réel de l’économie.

Un débat sur l’évasion et la fraude fiscales a eu lieu au Sénat en octobre 2016, sur l’initiative de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, et une proposition de résolution européenne a été adoptée, au début de 2017, par l’Assemblée nationale sur le même sujet.

Le bien-fondé du sujet ne fait pas de doute. Aujourd’hui, l’évasion et la fraude fiscales représentent des pertes colossales pour les États, aggravant les déficits et pénalisant le financement des services publics : 1 000 milliards d’euros à l’échelle de l’Union européenne, 60 milliards à 80 milliards d’euros par an en France, soit un montant équivalant au déficit public.

Dans ce contexte, la liste des paradis fiscaux, adoptée par les ministres des finances de l’Union européenne le 5 décembre dernier, se veut une réponse politique globale. Toutefois, les noms qui y figurent – Corée du Sud, Mongolie, Namibie, Tunisie, … – et, surtout, les absents trahissent de graves insuffisances.

Trois critères ont été retenus par Bruxelles dans la lutte contre les paradis fiscaux : la conformité aux standards d’échange automatique de l’OCDE, la limitation de l’implantation de sociétés offshore et l’adoption des lignes directrices de l’OCDE de lutte contre l’évasion fiscale des multinationales.

Mais il y a plusieurs bémols importants : cette liste, comme certains de mes collègues l’ont dit, exclut de facto les pays européens, qui sont réputés se conformer a priori au droit de l’Union européenne en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, malgré les interrogations qui existent depuis longtemps sur des États comme l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, Chypre, ou encore les micro-États entretenant des relations particulières avec l’Union, comme Monaco, Andorre ou le Liechtenstein. Par ailleurs, de grands pays extra-européens qui ne remplissent pas ces critères, comme les États-Unis ou la Russie, n’y figurent pas non plus. On peut donc considérer qu’une telle liste est plus théorique qu’opérationnelle.

La France n’est malheureusement pas en reste, avec des conventions fiscales très avantageuses, signées notamment avec des États du Golfe, mais avec bien d’autres pays aussi, et qui assurent par exemple des exonérations sur les plus-values immobilières et l’impôt sur la fortune immobilière au bénéfice des non-résidents. Un ancien ministre, Jean-Louis Borloo, dans le cadre des consultations menées en 2012–2013 sur la remise à plat de la fiscalité, avait proposé de revenir sur ces régimes outrageusement avantageux, qui coûtent chaque année plusieurs centaines de millions, voire plusieurs milliards d’euros à l’État français.

Paradoxalement, pour investir en France, il vaut mieux être qatari ou koweïtien que japonais ou canadien.

M. Éric Bocquet sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Enfin, une certaine tolérance, pour ne pas dire une réelle complaisance, existe à l’égard des vedettes du sport ou du divertissement. On peut ainsi s’étonner que des entreprises soient jugées sévèrement, certes, parfois à juste titre, par l’opinion publique, tandis que tel sportif ou tel artiste domicilié en Suisse ou à Monaco bénéficie d’une image de quasi-héros national, sans que cela corresponde à une quelconque exemplarité en matière fiscale.

Ces insuffisances manifestes rendent nécessaire une revue d’ensemble de nos conventions fiscales bilatérales, pour tenir compte a minima des standards établis par l’OCDE. Concernant, par exemple, la convention bilatérale avec le Qatar, l’ancien secrétaire d’État au budget, Christian Eckert, interrogé sur ce sujet en 2016, avait parlé d’un « précédent qui ne se [renouvellerait] pas ». Force est de constater que ce cas spécifique demeure aujourd’hui.

Au niveau européen, il serait nécessaire également de codifier les relations fiscales entre les États membres. Comment la France et l’Europe peuvent-elles apparaître comme des interlocuteurs crédibles, voire des donneurs de leçons, si elles n’ont pas préalablement remis de l’ordre dans leur propre maison ?

Par ailleurs, les réglementations mises en place à la suite des accords de Bâle III dans le secteur bancaire montrent aussi leurs limites, avec, en plus et de manière pénalisante, des procédures parfois lourdes et des règles prudentielles insuffisamment différenciées selon la taille des acteurs.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je soulignerai que, si l’on ne peut que souscrire à l’existence d’un enjeu au niveau mondial et à la nécessité de lutter plus efficacement contre l’instabilité financière et les paradis fiscaux, il ne faudrait pas que l’organisation d’une grande conférence de type « COP » relègue au second plan les enjeux plus locaux au niveau national et au niveau européen.

Pour ces différentes raisons, la majorité des membres du groupe du RDSE se prononcent pour une abstention bienveillante ou un vote positif sur cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution de nos collègues du groupe CRCE a plusieurs mérites : sur le fond, celui d’aborder la question de la régulation de la finance, qui intéresse le Sénat depuis plusieurs années, sur toutes les travées ; sur la forme, celui de souligner la constance du groupe CRCE sur ce sujet, puisque, déjà sur son initiative, un débat relatif à l’organisation d’une conférence internationale sur l’évasion fiscale avait été organisé au Sénat en octobre 2016.

Comme en 2016, notre collègue Éric Bocquet entend porter ce sujet au niveau international au travers de l’organisation d’une conférence. Nous partageons certaines de ses préoccupations. Comme l’ont montré les révélations relatives aux « Panama papers » ou aux « Paradise papers », l’évasion fiscale est un phénomène global, qui contribue à l’appauvrissement des nations.

En effet, le coût de l’évasion fiscale a été évalué entre 30 milliards et 50 milliards d’euros par an par le Sénat, dans un rapport d’information publié en juillet 2012, fait au nom de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales. Cependant, par définition, un tel phénomène reste difficile à chiffrer.

Pour autant, notre groupe se questionne sur l’opportunité de l’organisation d’une conférence internationale des parties relative à la lutte contre l’évasion fiscale : y souscrire reviendrait à penser que ce sujet n’est pas déjà une véritable préoccupation pour les décideurs européens et internationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Or une telle supposition ne résiste pas à l’examen des faits.

Ainsi, que ce soit au niveau du G20 ou de l’Union européenne, des initiatives fortes ont été entreprises dans le sens d’une plus grande transparence fiscale, afin, notamment, de permettre à la fois d’identifier les paradis fiscaux et de lutter contre eux.

Lors du G20 de Londres de 2009, les responsables politiques des principales puissances économiques mondiales avaient déjà qualifié la lutte contre l’évasion fiscale de « priorité absolue ». C’est sur cette base et dans le cadre d’une étroite collaboration avec l’OCDE que de nombreux progrès ont d’ores et déjà été accomplis.

L’accord multilatéral du 29 octobre 2014, qui permet au niveau mondial d’assurer l’échange automatique d’informations, constitue à ce titre une avancée historique. Cet échange se caractérise notamment par le partage de renseignements à la demande des administrations, lorsque celles-ci ont de bonnes raisons de penser qu’une information bancaire dans un autre pays leur est utile. Il favorise aussi l’échange automatique de renseignements, obligeant chaque pays à demander à l’ensemble de ses institutions financières de collecter chaque année l’information financière sur les comptes détenus via des trusts ou des sociétés par des non-résidents.

À la suite de cette avancée, l’OCDE a proposé un ensemble de recommandations sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices, dit programme BEPS, dans le cadre du projet pour une approche internationale coordonnée de la lutte contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales. En effet, les stratégies fiscales de certaines entreprises sont de nature à créer une disjonction importante entre le lieu de création de la plus-value et celui de son imposition.

Cependant, je ne partage pas l’avis exprimé par Éric Bocquet voilà quelques minutes sur cette initiative, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le projet BEPS facilite la coopération entre les pays, pour mettre fin à ce que les Anglo-Saxons appellent le treaty shopping, c’est-à-dire la pratique des investisseurs qui recherchent délibérément à bénéficier de la protection plus avantageuse d’un traité bilatéral d’investissement signé entre un État dont ils n’ont pas la nationalité et l’État hôte dans lequel ils ont investi. C’est ainsi que de nombreuses multinationales sont logées artificiellement à Maurice pour bénéficier des accords de ce pays avec l’Inde.

Ensuite, le BEPS favorise un reporting par pays, obligeant les entreprises concernées à fournir aux administrations fiscales un certain nombre d’informations financières, comme la localisation de leur chiffre d’affaires ou de leurs actifs. En France, c’est l’article 21 de la loi de finances pour 2016 qui a instauré cette obligation pour les groupes réalisant un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 750 millions d’euros.

Sur cette question du reporting, une divergence de fond nous oppose au groupe CRCE : c’est une des raisons qui nous empêchera de voter cette proposition de résolution. Nos collègues, en son alinéa 39, insistent sur la nécessité de rendre public le reporting par pays. Nous estimons, au contraire, que cette publication serait contre-productive, car elle pourrait fragiliser nos champions nationaux. Si l’administration fiscale doit pouvoir détenir ces informations, pour autant elles n’ont pas à être accessibles aux concurrents américains ou asiatiques de nos entreprises.

Nous sommes attachés à la protection du patrimoine informationnel de nos entreprises, car il est un élément essentiel de leur compétitivité sur les marchés mondiaux. C’est la raison pour laquelle notre groupe s’était opposé aux amendements, introduits au cours de la discussion de la loi Sapin II de décembre 2016, prônant la publication de ces informations extrêmement sensibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs jugé cette disposition contraire à la Constitution, au nom de la liberté d’entreprendre, et avait censuré l’article 137 de la loi Sapin II qui prévoyait la publication des données des entreprises.

Le Parlement européen s’est également saisi de cette question et a adopté, en juillet 2017, une proposition obligeant les multinationales dont le chiffre d’affaires excède 750 millions d’euros à publier les impôts qu’elles paient pays par pays. Néanmoins, il a également adopté une mesure permettant à un État membre d’accorder une exemption de publication de certaines informations jugées sensibles d’un point de vue commercial. Cette possibilité de restriction de la publicité des données nous semble essentielle.

Aujourd’hui, le projet BEPS est porté par l’ensemble des pays de l’OCDE, auxquels s’ajoutent les huit pays du G20 non membres de cette organisation, soit 90 % de l’économie mondiale. Une telle convergence sur un projet aussi ambitieux, qui vise à créer un cadre universel propice au développement d’une transparence fiscale globale, témoigne du dynamisme dont fait preuve la communauté internationale sur un sujet aussi crucial.

Nous saluons ces progrès et continuons de défendre une démarche intégrée allant dans le sens d’une pleine réciprocité dans l’application de normes parfois très contraignantes pour les entreprises.

De surcroît, le Conseil des ministres des finances de l’Union européenne a publié, en décembre dernier, une liste noire de dix-sept États jugés non coopératifs en matière fiscale et une liste grise de quarante-sept pays, dont la Suisse, placés sous surveillance et qui ont pris des engagements de bonne conduite. Cette liste semble efficace puisque, depuis sa publication, neuf pays sont récemment passés de la liste noire à la liste grise, à la suite d’engagements pris en matière de lutte contre l’évasion fiscale.

Même si nous pouvons juger que les choses peuvent toujours aller plus vite et plus loin, nous constatons que, peu à peu, les comportements changent et les lignes bougent.

Ainsi, au niveau européen, rappelons l’amende record infligée par la Commission européenne à Apple en raison de ses deux rescrits fiscaux, dits tax rulings, avec le fisc irlandais.

Rappelons aussi que, dans son quatrième paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale, la Commission européenne avait inclus le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, dit ACCIS. Ce projet ambitionne une plus grande intégration fiscale en Europe, afin de lutter contre l’optimisation fiscale mettant les États membres en concurrence. De cette manière, l’ACCIS pourrait, selon la Commission européenne, « constituer un instrument puissant pour lutter contre l’évasion fiscale des entreprises en supprimant les disparités entre les systèmes nationaux et en établissant des dispositions communes en matière de lutte contre l’évasion fiscale ».

Ce projet a été relancé dans le cadre d’une nouvelle proposition de directive, formulée par la Commission en octobre 2016. Bruxelles espère aboutir d’ici à 2019, même si les règles d’unanimité freinent pour le moment le projet.

Aujourd’hui même, la Commission européenne a mis au ban sept pays de l’Union européenne, dont l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas, lesquels, selon le commissaire européen à la fiscalité, Pierre Moscovici, ont des pratiques qui « nuisent à l’équité, empêchent une concurrence loyale dans le marché intérieur et augmentent le fardeau des contribuables européens ». Cette actualité semble avoir échappé à certains.

Rappelons, par ailleurs, la création en France, en 2017, de l’Agence française anticorruption, qui contrôle le respect de l’obligation de vigilance par les grandes entreprises dans le domaine de la lutte contre la corruption et le trafic d’influence, et qui dispose d’un pouvoir de sanction.

Ce bref rappel des avancées que nous avons pu observer aux niveaux français, européen et international ne signifie pas que le combat contre l’évasion fiscale est gagné. Les mesures relatives au BEPS et au paquet européen doivent encore être effectivement mises en œuvre de manière globale.

Ce rappel nous offre cependant un éclairage salutaire sur la question qui nous réunit ce soir. Éric Bocquet appelle à la convocation d’une conférence internationale des parties sur cette question. Or force est de constater que, sur ces sujets, ses vœux ont déjà en grande partie été réalisés. Des plateformes internationales de discussion existent déjà et, comme nous venons de le voir, fonctionnent relativement bien.

Il est donc légitime de s’interroger sur la pertinence d’une telle conférence, qui risque d’apparaître comme superfétatoire au regard de la pratique internationale.

S’il doit y avoir débat, il doit non pas être d’ordre institutionnel, mais plutôt porter sur les modalités de mise en œuvre des accords internationaux et le suivi de ces derniers.

Mais cela ne saurait se limiter à des vœux pieux sous-tendus par une idéologie à laquelle nous n’adhérons pas. L’exposé des motifs et les considérants de la proposition de résolution que nous examinons ce soir sont excessivement idéologiques et ne peuvent pas rassembler l’ensemble des voix du Sénat.

L’unanimité est souvent possible dans notre Haute Assemblée, mais le rassemblement s’effectue autour d’un propos modéré et empreint de sagesse.

Le tableau caricatural qui est dressé du capitalisme et les termes excessifs utilisés ne permettent pas de rassembler les voix de notre groupe en faveur de cette proposition de résolution. Nous ne souscrivons pas aux termes évoquant une « économie mondialisée […] gangrenée », un « mythe de la compétitivité », une « logique nocive de la concurrence », « une course funeste », « une économie intoxiquée par la finance » dont « le combat […] représente […] un enjeu majeur pour la survie de tous ». C’est excessif et caricatural.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Thierry Carcenac, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et contre le blanchiment de fraude fiscale est un combat de tous les instants.

En effet, comme cela a été souligné, les conséquences de ces pratiques sont désastreuses pour notre économie et nos politiques publiques ; le consentement à l’impôt, qui fonde notre pacte républicain, s’en trouve gravement affecté.

Des progrès ont été, sont et seront réalisés sous l’impulsion de l’OCDE, du G8, du G20, du FMI, de l’Union européenne, de notre volonté politique, aussi ici, en France.

L’appui des médias, des ONG et de l’opinion publique indignée est nécessaire pour traquer ces abus et inciter les pouvoirs publics à réagir. Les scandales d’optimisation fiscale se succèdent. Après les « Panama papers », les « Paradise papers » ont révélé au grand public des stratégies fiscales agressives d’évitement de l’impôt et ont conduit à des prises de décision pour lutter contre ces abus.

La proposition que nous examinons, même si elle comporte des points que nous ne pouvons pas totalement partager, a le mérite de permettre d’ouvrir ce débat, ici au Sénat, dans le prolongement de celui qui avait été engagé et approuvé en 2017 à l’Assemblée nationale, sous le précédent gouvernement.

La liberté de circulation des capitaux entamée dans les années quatre-vingt a conduit les États à assouplir leur législation fiscale, à adopter des mesures de dumping fiscal et à assumer la concurrence des moins-disants sociaux, fiscaux et réglementaires d’une mondialisation libérale sans pouvoir enrayer cette fuite en avant, qui aggrave les inégalités.

Ainsi que je l’indiquais, une prise de conscience s’est développée, et des mesures ont été prises pour lutter contre ce fléau, qui permet à certains de placer leur argent sur les places financières les plus rentables et les plus opaques moyennant des montages de plus en plus sophistiqués et des schémas fiscaux complexes conçus par des cabinets de conseil très expérimentés.

Il ne faut donc pas baisser la garde, la créativité de nouveaux montages permettant de contourner les mesures prises.

Une recherche de moyens plus efficaces est par conséquent nécessaire pour harmoniser à l’échelon européen nos politiques fiscales et mettre au ban des nations les territoires non coopératifs. L’OCDE, puis le G20 ont promu « l’échange automatique d’informations bancaires annuelles ». C’est un progrès indéniable, mais qui, à peine promu, voit déjà certaines failles se profiler, notamment par l’octroi de visas contre investissements et permis de résidence « non habituels » délivrés par des États.

Par ailleurs, les échanges ne concernent pas les biens immobiliers détenus à l’étranger ; il reste l’assistance fiscale administrative, au bon vouloir des administrations fiscales, et parfois difficile à mettre en œuvre.

La directive que l’Union européenne projette de mettre en œuvre visant à taxer les GAFA sur un pourcentage de leur chiffre d’affaires en Europe n’est pas encore acquise. Qu’en est-il ? Il aura fallu attendre six ans pour que les montages astucieux évoqués par la commission d’enquête du Sénat dès 2012 soient contrés. Étaient déjà mentionnés le « double irlandais » et le « sandwich hollandais », que nos multinationales du numérique pratiquent.

À l’échelon national, les définitions juridiques doivent être mieux précisées au vu de jurisprudences récentes. Il en va ainsi des notions d’« établissement stable », de « résidence » et d’« abus de droit ».

Le « verrou de Bercy », qui prévoit que le délit de fraude fiscale ne peut être poursuivi qu’à la suite d’une plainte de l’administration validée par la Commission des infractions fiscales, laisse supposer que certains pourraient échapper à des poursuites pénales. Il mérite un réexamen approfondi, et sa suppression.

J’en viens aux moyens humains mis en œuvre : la création, en 2002, du Service national de la douane judiciaire ; en 2010, du Bureau national de répression de la délinquance fiscale, qui dépend du ministère de l’intérieur ; en 2013, du Parquet national financier, qui dispose d’une procédure : la convention judiciaire d’intérêt fiscal ; de l’Office central de lutte contre la corruption et la fraude fiscale et, maintenant, la création envisagée d’une police judiciaire fiscale avec un plaider-coupable… Voilà qui montre toute la complexité de notre arsenal répressif, qui devrait être simplifié.

Je n’aborderai pas ici les besoins en formation des agents, le recrutement de personnels très qualifiés à profil informatique à encourager

Madame la secrétaire d’État, au-delà de cette proposition de résolution, que nous voterons et que Sophie Taillé-Polian a brillamment appuyée, le groupe socialiste et républicain ne peut que vous encourager à poursuivre les efforts engagés aux échelons français, européen et mondial pour que s’épanouisse une société plus juste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Joël Labbé applaudit également.

Debut de section - Permalien
Delphine Gény-Stephann

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer la présente proposition de résolution. Bien qu’introduite, dans son exposé des motifs, en des termes qui paraissent souvent excessifs, parfois caricaturaux, elle a le mérite de provoquer un débat sur des thématiques importantes, où des convergences transpartisanes apparaissent possibles. Je remercie les différents orateurs des échanges de qualité qui ont eu lieu ce soir.

Beaucoup d’entre vous l’ont rappelé, d’importantes avancées ont été obtenues au cours des dernières années dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Depuis de nombreuses années, la France est à la pointe de ce combat, aussi bien en interne qu’à l’échelon international.

L’action de notre pays porte également de façon très ambitieuse sur la lutte contre l’optimisation fiscale, qui suppose d’agir avec les autres États et, dans certains cas, comme pour l’économie numérique, de travailler à une refonte des règles internationales.

J’en profite pour préciser la différence entre la fraude fiscale, qui est une violation de la loi fiscale, et l’optimisation fiscale, laquelle s’appuie sur les failles du système fiscal afin de payer le moins d’impôts possible.

Sur ces deux notions, la France est engagée, car il s’agit de protéger nos finances et nos politiques publiques, de préserver une concurrence loyale entre les acteurs économiques, d’éviter une course au moins-disant entre les États et, finalement, de faire respecter la justice fiscale, qui est une attente fondamentale de nos concitoyens, attente partagée très largement sur les travées de cet hémicycle.

Il est primordial que tous les contribuables, entreprises et particuliers, quelle que soit leur taille, paient leur juste part d’imposition, en France comme en Europe.

Les révélations médiatiques auxquelles vous faites allusion dans votre proposition de résolution ont illustré une nouvelle fois, s’il en était encore besoin, l’absolue nécessité de renforcer nos exigences et notre action dans tous les domaines.

Nous partageons donc les mêmes objectifs, et le Gouvernement est pleinement mobilisé pour y parvenir. Notre action est très déterminée sur trois points que je vais détailler : la transparence fiscale, la lutte contre l’optimisation et la taxation des géants du numérique.

Premièrement, en matière de transparence fiscale, l’action de la France a favorisé les progrès considérables accomplis par la communauté internationale à tous les niveaux : G20, OCDE et Union européenne.

Sous la présidence française, le G20 a demandé à l’OCDE d’établir une liste internationale des paradis fiscaux. Cela a permis de faire progresser depuis 2010 la mise en œuvre des standards internationaux de transparence fiscale. Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, sous l’égide par l’OCDE, rassemble aujourd’hui 148 membres. Il passe en revue les lois et les pratiques d’échange à l’aune de standards toujours plus exigeants, par exemple s’agissant de l’identification des bénéficiaires effectifs de certaines structures opaques et complexes qui ont été dénoncées ici.

L’action de ce Forum mondial a également permis de mettre en place pour 100 pays la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, qui fixe les règles de l’échange d’informations. La France a aussi joué un rôle moteur dans le développement au niveau mondial de l’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires, qui a permis de mettre fin au secret bancaire. Cette année devrait être celle de la mise en œuvre complète du standard mondial d’échange automatique d’informations sur les comptes financiers, que la France a vivement promu et adopté dès son origine en 2014.

L’Union européenne s’est également dotée d’un cadre juridique renforcé en matière de transparence. Plusieurs directives majeures ont été adoptées, en matière d’échange automatique d’informations en 2014, d’échange des décisions fiscales anticipées en 2015, de lutte contre l’optimisation fiscale des entreprises et d’échange automatique des déclarations pays par pays en 2016. Une proposition de directive obligeant des intermédiaires à déclarer les montages fiscaux qu’ils créent est en cours de discussion et devrait être adoptée très prochainement.

Deuxièmement, en matière de lutte contre l’optimisation fiscale et la fiscalité dommageable, les travaux internationaux menés ces dernières années ont visé à renforcer les moyens des États pour lutter contre l’optimisation fiscale des multinationales.

Ces travaux, dont l’initiative revient à quelques États, dont la France, ont été conduits sur demande du G20 et dans le cadre de l’OCDE au titre du chantier Base Erosion and Profit Shif ting, ou BEPS, qui a été évoqué par plusieurs d’entre vous. L’OCDE a tenu à y associer le plus grand nombre de pays, y compris les pays émergents et les pays en développement : près de 110 États et territoires y ont adhéré à ce jour. Il s’agit donc bien d’un processus inclusif.

L’OCDE s’appuie sur un accord multilatéral juridiquement contraignant, l’instrument multilatéral, pour la mise en œuvre de BEPS. Il modifiera à terme plusieurs centaines de conventions fiscales bilatérales en vigueur, dont environ quatre-vingts pour la France. La France l’a signé le 7 juin 2017, et il sera prochainement soumis à ratification. L’action de l’OCDE a donc changé de nature, dans la mesure où les normes qu’elle produit acquièrent une force contraignante accrue, tout en étant partagées largement par la communauté internationale.

L’Union européenne s’est également engagée dans une action résolue pour faire respecter les standards internationaux, en matière aussi bien de transparence que de fiscalité équitable.

Cela a conduit à établir une liste d’États et territoires non coopératifs au mois de décembre 2017. Vous l’avez remarqué, cette liste diminue aujourd’hui à raison des engagements pris par les États et territoires concernés, mais ces derniers devront respecter ces engagements, faute de quoi ils seront à nouveau inclus dans la liste européenne, ce qui fera son efficacité.

Toutefois, de nombreux défis restent encore à relever. Par exemple, des contre-mesures efficaces et dissuasives doivent être appliquées de manière coordonnée à l’encontre des États et territoires qui figurent sur la liste européenne. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut persévérer pour convaincre nos partenaires réticents à aller dans ce sens. La France montrera l’exemple et appliquera des mesures défensives. Nous travaillons actuellement aux modalités permettant de transposer la liste européenne dans notre droit de la manière la plus ambitieuse possible. Cette réforme, qui implique une modification législative, pourrait se concrétiser dans l’année.

Mais la France ne doit pas être le seul pays à le faire.

Troisièmement, en matière de taxation des géants du numérique, il s’agit essentiellement ici de corriger les inadaptations des règles de la fiscalité internationale à cette nouvelle forme d’économie et de faire en sorte que les multinationales paient l’impôt là où elles réalisent leurs profits et créent de la valeur.

L’idée est simple, mais ce chantier confié par le G20 à l’OCDE implique de trouver un accord partagé avec l’ensemble des États. Il sera mené sur le long terme, mais nous devons aussi agir vite, notamment en Europe, pour rétablir à très court terme des conditions de concurrence équitables. C’est urgent, car les enjeux déjà considérables vont s’accroître avec les progrès de la transformation numérique.

C’est pour cette raison que la France a activement défendu depuis l’été dernier le lancement de travaux européens pour que des mesures opérationnelles et efficaces soient rapidement adoptées. Bien évidemment, les réponses strictement nationales ne sont pas adaptées à l’ampleur du défi. Elles seraient même contre-productives à l’heure où l’Union européenne travaille à développer en son sein un marché unique numérique concurrentiel et dynamique.

Nous avons donc proposé à nos partenaires européens une taxe sur le chiffre d’affaires réalisé dans chaque pays de l’Union. Elle compenserait l’impôt sur les sociétés qui aurait dû être payé dans chaque État membre par ces grands opérateurs du numérique.

La Commission européenne va faire des propositions opérationnelles dans les prochaines semaines. Vous pouvez compter sur notre action résolue pour qu’elles soient adoptées rapidement.

Il faut en même temps avancer au niveau de l’OCDE. En ce sens, Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, a signé un courrier avec ses homologues allemand, britannique, espagnol et italien, ainsi que le commissaire européen Pierre Moscovici et le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis.

La France agit là où son action peut être efficace, c’est-à-dire à Bruxelles et au sein du G20. C’est ainsi que les travaux ont jusqu’à présent permis de fédérer la communauté internationale autour d’un standard partagé par de très nombreux pays, développés ou non. C’est dans ces enceintes que se mettent en place les standards que vous appelez de vos vœux. Multiplier les lieux de négociation sur ces sujets complexes et techniques ne semble pas être un gage d’efficacité ni de vitesse. §Par ailleurs, nous voulons travailler sur des textes précis et juridiquement efficients.

Je crois enfin que l’Union européenne a vocation à montrer la voie dans certains domaines, comme le numérique ou l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés. Le Gouvernement pèse de façon très ferme à Bruxelles dans ce sens. Pour autant, l’Europe n’a pas intérêt à s’imposer systématiquement des règles que d’autres États, dont les plus importants, comme les États-Unis, ne s’appliquent pas à eux-mêmes.

Sur ce point, je ne partage pas votre souhait d’appliquer la transparence publique des rescrits fiscaux. L’administration n’hésite pas à publier au Bulletin officiel des finances publiques certains rescrits de manière anonymisée. C’est le cas des positions formelles de portée générale, qui participent à la stabilité juridique pour les contribuables. Aller plus loin serait remettre en cause le principe du secret fiscal.

Mme Laurence Cohen et M. Éric Bocquet s ’ exclament.

Debut de section - Permalien
Delphine Gény-Stephann

La France et son gouvernement agissent dans toutes les enceintes pertinentes, en assumant un rôle moteur auprès de ses principaux partenaires et en ayant le souci d’associer le maximum d’États, sans se satisfaire du statu quo. Elle joue pour cela de son influence au G20 et au sein de l’Union européenne.

Cette action volontaire, nous la menons et nous continuerons à la mener avec une grande résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 50 bis à 50 quater du règlement du Sénat,

Vu la Charte des Nations Unies,

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Vu le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

Vu la Convention relative à l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques du 14 décembre 1960,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le Traité sur l’Union européenne,

Vu le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’union économique et monétaire,

Vu la Charte sociale européenne,

Vu la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique du 9 mai 1992,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil du 28 janvier 2016, intitulée « Paquet de mesures contre l’évasion fiscale : prochaines étapes pour assurer une imposition effective et davantage de transparence fiscale dans l’Union européenne », COM(2016) 23 final,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil du 28 janvier 2016 sur une stratégie extérieure pour une imposition effective, COM(2016) 24 final,

Vu la proposition de directive du Conseil du 28 janvier 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal, COM(2016) 25 final,

Vu la proposition de directive du Conseil du 28 janvier 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, COM(2016) 26 final,

Vu la recommandation de la Commission européenne du 28 janvier 2016 concernant la mise en œuvre de mesures contre l’utilisation abusive des conventions fiscales, C(2016) 271 final,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 12 avril 2016 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les bénéfices, COM(2016) 198 final,

Vu la norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale du 21 juillet 2014,

Vu le projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (« BEPS ») de 2015,

Vu le rapport mondial sur la compétitivité 2016-2017 du Forum économique mondial,

Vu le document « Fiscal policy and long-term growth » du Fonds Monétaire International de juin 2015,

Vu le rapport intitulé « World Investment Report 2016 » de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement,

Vu le rapport d’information au Sénat, « L’évasion fiscale internationale, et si on arrêtait ? », de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, Philippe Dominati, président, et Éric Bocquet, rapporteur, juillet 2012,

Vu la mission d’information pour la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, « Lutte contre les paradis fiscaux : si l’on passait des paroles aux actes », rapport présenté par Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan, octobre 2013,

Vu la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières et ses conséquences fiscales, « Évasion des capitaux et finance : mieux connaître pour mieux combattre », François Pillet, président, et Éric Bocquet, rapporteur, octobre 2013,

Vu l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur les mécanismes d’évitement fiscal et leurs impacts sur la cohésion sociale voté le 16 décembre 2016.

Considérant indispensable de juguler les dérives spéculatives de la finance mondiale ;

Considérant que la fraude et l’évasion fiscales sont des fléaux planétaires, affectant tous les États, quel que soit leur niveau de développement, portant préjudice à la cohésion sociale, contribuant à l’accroissement des inégalités, au détriment du plus grand nombre et pour le seul profit d’une minorité ;

Considérant que la réponse à cet enjeu planétaire appelle la mobilisation de la communauté internationale ;

Considérant qu’il convient donc d’engager une démarche politique globale en matière de régulation financière et de lutte contre l’évasion fiscale au niveau de l’Organisation des Nations Unies (ONU), à l’instar de la Conférence des Parties (COP) sur le changement climatique ;

Considérant qu’il revient à notre pays de prendre une telle initiative afin que l’ONU se réunisse et entame des négociations autour d’une convention-cadre qui doit permettre d’assurer la coopération fiscale internationale, la prise et le suivi d’engagements durables en matière de régulation financière et de lutte contre l’évasion fiscale ;

Considérant que cette démarche permettra également d’impliquer sur un pied d’égalité les pays en voie de développement afin qu’ils puissent bénéficier des ressources qui devraient légitimement revenir à leur population ;

Considérant par ailleurs que les États membres de l’Union européenne se livrent à une dangereuse concurrence fiscale conduisant à la réduction progressive de la contribution des entreprises à l’effort collectif, privant également les États des moyens d’action dont ils auraient pourtant besoin pour lutter efficacement contre la pauvreté et le réchauffement climatique ;

Considérant que cette concurrence fiscale est illustrée par la croissance exponentielle des rescrits fiscaux, sur lesquels la transparence et le contrôle démocratique doivent désormais s’imposer pour pouvoir faire la lumière sur d’éventuelles pratiques fiscales agressives ;

Considérant que cette concurrence fiscale mortifère est exacerbée par l’existence de paradis bancaires, fiscaux et judiciaires, pour certains situés au sein même de l’Union européenne, faisant sortir des pans entiers de l’économie de tout contrôle démocratique ;

Considérant que les initiatives politiques prises depuis 2008, tant en France qu’au niveau international, ne sauraient être considérées comme suffisantes compte tenu de la multiplication des affaires révélées et des montants qui échappent chaque année aux puissances publiques ;

Considérant l’obligation de développer un cadre global d’échange d’informations entre les administrations fiscales et une « liste noire » des paradis fiscaux objective, ne laissant place à aucune exception pour pouvoir être utile et efficace ;

Considérant l’impérieuse nécessité d’une transparence fiscale renforcée pour les sociétés multinationales, à travers notamment la mise en place d’une obligation d’information et de publication de rapports publics pays par pays, détaillant avec précision les données d’activité pour chaque pays où elles sont présentes ;

Considérant que les prérogatives et les moyens actuels de la justice pénale française ne lui permettent pas d’agir en toute efficacité contre la fraude et l’évasion fiscales ;

Considérant qu’il en va de l’intérêt des États et de la collectivité, et notamment en France et en Europe, de protéger les lanceurs d’alerte, notamment en matière fiscale ;

Considérant que les peuples, les acteurs du monde du travail et de la société civile ont également un rôle essentiel à jouer dans ce combat ;

1° Propose au Gouvernement français d’être à l’initiative d’une grande conférence internationale, sous l’égide des Nations Unies, portant sur la régulation mondiale de la finance, l’harmonisation et la justice fiscales et dont l’objectif serait de parvenir à un accord global visant à l’instauration d’une instance permanente de coopération et de régulation fiscale internationale, permettant la bonne application des engagements pris par les États-parties et l’ouverture régulière de nouvelles négociations,

2° Appelle le Gouvernement à s’engager en faveur d’une définition large, objective et sans exception de la notion de paradis bancaire, fiscal et judiciaire dans les négociations internationales auxquelles il participe à ce sujet, notamment au niveau européen ;

3° Alerte le Gouvernement sur l’urgence de l’élaboration d’une norme européenne, voire mondiale, de transparence fiscale à l’égard des multinationales, assorties de sanctions afin de lutter efficacement contre l’érosion des bases fiscales ;

4° Suggère à la Commission européenne, au Conseil européen et au Parlement européen d’œuvrer à l’élaboration d’une norme de transparence commune quant aux rescrits fiscaux, permettant aux citoyens d’avoir accès aux informations importantes de ces accords entre les administrations fiscales et les entreprises, sur tout le territoire de l’Union européenne ;

5° Propose à la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen de débattre des conséquences à long terme de la concurrence fiscale sur l’intérêt général, l’environnement et le bien-être des populations et de déterminer les dispositions à prendre pour mettre en place une véritable coopération fiscale européenne ;

6° Propose au Gouvernement d’agir au sein des instances européennes pour instaurer un statut européen protecteur pour les lanceurs d’alerte, afin que l’alerte puisse être effectuée dans des conditions favorables sur tout le territoire de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce sont les membres du groupe Les Républicains qui ont demandé à ceux du groupe La République En Marche de déposer une demande de scrutin public à leur place ! Ils n’ont même pas le courage d’assumer leurs actes !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 68 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 8 mars 2018 :

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures quinze à vingt heures quinze :

Ordre du jour réservé au groupe La République En Marche

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce (790, 2013–2014) ;

Rapport de M. André Reichardt, fait au nom de la commission des lois (657, 2015–2016) ;

Texte de la commission (n° 658, 2015–2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 8 mars 2018, à zéro heure quarante.