Monsieur le président, mesdames, messieurs les agriculteurs, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je souhaite souligner la brutalité du Gouvernement, qui vient de bafouer un travail parlementaire en déposant un amendement dont l’unique objet est de reporter l’application immédiate de ce texte.
Une telle façon de faire est indigne du travail fourni par nos deux assemblées. Celles-ci ont pris leurs responsabilités et jugé que la dignité de nos agriculteurs a un coût. Nos comptes publics peuvent le supporter, et il y va d’une démocratie qui se respecte !
À quelques jours de la fin du salon de l’agriculture, je souhaite à mon tour saluer le travail des auteurs de ce texte, notamment celui de ma collègue députée ultramarine, Huguette Bello, ainsi que celui du rapporteur, notre collègue Dominique Watrin, sur ce sujet si prégnant pour les retraités de nos territoires, qui sont en très grande souffrance.
Aussi, on peut regretter le contexte inédit dans lequel se déroulent nos débats, qui ne participe pas à grandir notre démocratie et nos institutions !
Aussi, les petits calculs politiciens de votre gouvernement au cours des dernières heures pour repousser aux calendes grecques une revendication légitime et raisonnable de nos agriculteurs, revendication pour laquelle l’Assemblée nationale et le Sénat ont œuvré ensemble et à l’unanimité, sont révélateurs d’un mépris pour nos territoires, pour nos agriculteurs et, enfin, pour notre démocratie. C’est triste !
Abus de droit, mais, surtout, aveu d’indifférence envers les plus pauvres, l’usage du 44.3 pour cette proposition de loi qui se voulait une réponse immédiate aux attentes des professionnels de l’agriculture devant la paupérisation grandissante des retraités de ce secteur, tant en France continentale qu’en outre-mer, est indigne de votre gouvernement, à la fois par sa brutalité et par son incohérence.
En effet, il s’agit ici de non-assistance à un secteur en danger. Il y a urgence à agir ! L’urgence est de leur manifester notre engagement, notre soutien et notre volonté d’améliorer de façon immédiate et effective les conditions de vie déjà si difficiles de presque 1, 5 million d’exploitants agricoles actuellement à la retraite dans notre pays.
En effet, c’est une profession estimable et digne qui mérite, après une vie de dur labeur, une retraite décente. Les nombreuses avancées en la matière lors du précédent quinquennat ont témoigné d’une politique volontariste avec laquelle vous rompez aujourd’hui. Et c’est encore plus triste !
Le constat est édifiant : la retraite moyenne d’un non-salarié agricole, tous bénéficiaires confondus, s’élève aujourd’hui à environ 766 euros par mois, soit un niveau inférieur à la fois au seuil de pauvreté et à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA. Un non-salarié agricole sur trois perçoit une retraite inférieure à 350 euros par mois. Oui, 350 euros par mois !
Vous le comprendrez donc aisément, car c’est de cela qu’il s’agit, s’il est vrai que le groupe socialiste et républicain soutient toute démarche visant à rétablir la confiance de nos agriculteurs et, singulièrement, des plus jeunes d’entre eux, sur la pérennisation de leurs retraites, il ne peut décemment prendre part à un vote qui est un simulacre de démocratie et qui entrave l’applicabilité directe et immédiate de cette proposition de loi.
Comme il est regrettable, madame la ministre, qu’après un long marathon médiatique dans les travées du salon international de l’agriculture, ce gouvernement s’apprête à bafouer le fruit d’un travail parlementaire de qualité, qu’il convenait de respecter et de valoriser. Cela ne laisse rien présager de bon pour la révision constitutionnelle.
Aussi, s’il devait y avoir encore un argument pour tenter de vous convaincre de voter en l’état ce texte, sans y adjoindre l’amendement du Gouvernement, il me semble que l’urgence de la situation des retraités agricoles en outre-mer devrait être celui-là. Bien sûr, il ne nous appartient pas, ici, de hiérarchiser les douleurs, mais comment rester indifférent quand la misère fait concurrence à l’iniquité ?
On compte, dans les départements d’outre-mer, près de 43 000 exploitations pour plus de 130 000 hectares. L’agriculture, qui est un secteur économique traditionnel dans ces départements, pèse 1, 7 % du PIB, soit 47 000 emplois annuels à plein-temps, dont 32 000 actifs familiaux et 8 000 salariés permanents.
Or depuis 1988, le nombre d’exploitations a été divisé par deux, avec une surface agricole utile, la SAU, diminuant également de 20 % sur l’ensemble des outre-mer. Comme dans l’Hexagone, les raisons de la désaffection pour une profession largement exposée aux risques climatiques et sanitaires sont multiples. Pour autant, le très faible niveau des retraites et les spécificités outre-mer en la matière n’y sont pas étrangères. En effet, la pension moyenne mensuelle de droit direct des 27 600 retraités des territoires ultramarins s’élève à 293 euros, contre 445 euros dans l’Hexagone.