Intervention de Arnaud Leroy

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 7 mars 2018 à 16h35
Article 13 de la constitution Audition de M. Arnaud Leroy candidat proposé aux fonctions de président du conseil d'administration de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Arnaud Leroy, candidat proposé aux fonctions de président du conseil d'administration de l'ADEME :

Je vous remercie de me recevoir. La création de l'ADEME il y a vingt-cinq ans procédait de la fusion de trois agences. Ses missions, inscrites dans le code de l'environnement, n'ont pourtant pas cessé d'évoluer : déchets, énergie renouvelable, lutte contre le gaspillage alimentaire, ou encore l'animation territoriale, notamment par les territoires zéro déchet ou à énergie positive. Elle est encore sollicitée dans le cadre du plan climat proposé par Nicolas Hulot, de la feuille de route sur l'économie circulaire, et des Assises de la mobilité, qui ont donné naissance au fonds de 10 millions d'euros pour lutter contre la pollution de l'air.

Je suis un fervent partisan de l'ADEME dans sa configuration actuelle, qui repose sur une présence territoriale forte, notamment dans les outre-mer. Cela permet à l'agence de massifier son activité, de repérer les bonnes pratiques sur le terrain, de nouer des partenariats de confiance. À la différence de certains autres organes de l'État, l'ADEME n'est pas une agence de contrôle ou de sanction : ses relations avec les élus sont par conséquent apaisées. Une nouvelle stratégie de partenariats avec les collectivités territoriales sera bientôt adoptée, pour tenir compte des dispositions de la loi NOTRe qui ont donné plus de compétences aux régions et aux EPCI en matière de pollution de l'air. L'ADEME est très présente également en outre-mer, où elle travaille sur les questions de déchets et d'autonomie énergétique.

Les partenariats sont déjà nombreux avec les collectivités territoriales, dans le cadre des contrats de plan État-région, comme avec les entreprises. C'est la logique retenue par la COP 21, et dans laquelle je crois fortement : l'État ne peut agir seul, rien ne peut être décidé depuis Paris sans capacité d'animation dans les territoires. Je compte poursuivre ce travail de terrain avec les collectivités, les associations, les consommateurs.

Je conçois mon éventuel mandat à la tête de l'ADEME dans le paradigme de l'accord de Paris : nous avons une obligation - de survie de l'espèce, si je puis dire - de maintenir la température en deçà de 2 degrés et de viser une hausse maximale de 1,5 degré, tout en maintenant un niveau de développement et de confort rendant la transition supportable. L'ADEME est un acteur essentiel pour y parvenir, car elle agit dans de nombreux domaines, et joue un rôle de catalyseur dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne de nos concitoyens : alimentation, consommation, transports... L'ADEME n'intervient toutefois pas en matière d'eau, de nucléaire, ni de biodiversité. Je suis partisan de relations plus approfondies avec l'Agence française pour la biodiversité (AFB), notamment pour travailler plus efficacement à la dépollution des sites. L'AFB est jeune ; nous pouvons lui apporter notre expertise dans des domaines en cours d'identification, comprenant notamment la forêt ou la protection de certaines espèces.

L'ADEME est forte de sa neutralité. J'y veillerai tout particulièrement. Je suis certes engagé politiquement, je ne m'en cache pas, mais je serai le garant de l'indépendance de l'ADEME, en pratiquant le déport le cas échéant. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) créera bientôt quelques remous ; il faudra faire des choix politiques de grande importance. L'ADEME ne pourra se prononcer sur la facture du grand carénage, mais présentera ses scénarios de mix énergétique 2030-2050, qui procèdent d'un travail de fond et dont nous garantissons absolument la crédibilité. Nous poursuivrons ces travaux. En matière de déchets, nous entrons dans une nouvelle phase, caractérisée par la valorisation et la réutilisation... Il faudra discuter sérieusement des emballages non recyclables. Pour être crédible, l'ADEME devra conserver la neutralité et l'indépendance de son expertise.

Le Fonds chaleur et le Fonds déchets - renommé Fonds économie circulaire à terme - sont dotés respectivement d'un peu plus de 200 millions et d'environ 150 millions d'euros. Il faudra tenir compte des difficultés budgétaires que vous connaissez, et des conséquences qu'auront sur le Fonds chaleur les cours du gaz et du pétrole. La contribution climat-énergie est un élément de modularité, mais l'ADEME devra s'interroger sur ses modes d'intervention : nous avons longtemps soutenu de grands projets par souci d'économies d'échelle ; nous cherchons à aider davantage les territoires incapables d'accueillir de grosses structures mais disposés à animer plusieurs structures selon une logique de grappe. Depuis la création du Fonds chaleur, plus de 4 000 projets ont été soutenus. La hausse du prix de l'énergie en a retardé certains, nous travaillons à y remédier. Trouver les partenaires pour financer tel ou tel équipement est une autre difficulté, surtout lorsque la visibilité sur les cours des matières premières fait défaut.

Le contrat d'objectifs et de performance qui lie l'ADEME à l'État court jusqu'en 2019 : il faudra aller au bout de sa mise en oeuvre, avant d'en discuter un nouveau. Le Fonds chaleur, autrefois financé par une part de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), l'est à présent par le programme budgétaire 181 « prévention des risques » à hauteur de 540 millions d'euros, ce qui suffit pour agir. Si je suis nommé, je donnerai la priorité à l'évaluation de modes d'intervention - comment faire plus et mieux, comment financer des petits projets supplémentaires ? - et à la question de la méthanisation : l'ADEME a financé plusieurs dizaines d'installations, le ministère de l'agriculture a fait des annonces... Les projets en catalogue restent nombreux : il faudra arbitrer. Le problème réside essentiellement dans les fonds propres disponibles pour démarrer l'activité : nous discutons avec la Banque publique d'investissement (BPI) et la Caisse des dépôts et consignations du point de savoir qui est le mieux placé pour y remédier. J'ai aussi pris l'attache du ministère de l'agriculture sur ce sujet.

L'Europe me tient à coeur. Nous entrons, à l'approche des discussions budgétaires, dans une période charnière. L'ADEME fait partie d'un réseau d'agences européennes. Nous mobiliserons le plus tôt possible les États membres et la Commission européenne pour ériger le financement de la transition énergétique en priorité et mettre l'accent sur le gisement d'emplois qualifiés non délocalisables et socialement utiles qu'elle représente. L'expertise française portée par l'ADEME peut aussi gagner en visibilité, pour aider nos entreprises à gagner en compétitivité énergétique. Travaillant en tant que député sur l'écoconception, j'ai constaté qu'en Allemagne, on fabriquait parfois des ustensiles de chaises avec deux fois moins de matière qu'en France grâce à la réflexion portée par notre homologue allemande... La réutilisation des matériaux recyclés est un autre défi à relever. Nous attendons la finalisation de la feuille de route. Elle semble à ce stade mettre l'ADEME au coeur du dispositif : c'est heureux.

Deux grands chantiers concernent l'assistance de l'ADEME aux services du ministère de l'écologie : la programmation pluriannuelle de l'énergie - sur laquelle l'ADEME a assuré un important travail de fond - et la revue de la stratégie nationale bas carbone. L'objectif de la neutralité carbone en 2050 sera précédé par des échéances importantes, telle la fin des véhicules thermiques en 2040. Il faudra nous y préparer. L'ADEME sera à l'écoute de tous les partenaires. Ce matin, des députés m'ont dit que l'avis de l'agence sur les véhicules électriques leur semblait sommaire ; le véhicule électrique, dit-il simplement, doit être imaginé dans une organisation différente de l'actuelle, pensée pour les véhicules thermiques.

L'Agence compte environ un millier d'agents. Elle devra contribuer à l'effort de réduction des emplois publics, sans perdre de sa force de frappe. C'est un axe majeur du quinquennat présidentiel.

Un mot enfin sur le développement de la finance verte, objet du sommet du 12 décembre 2017. J'ai fait partie des parlementaires défendant l'article 173 de la loi sur la transition énergétique, qui impose des obligations d'information sur la gestion des risques liés au climat aux grandes sociétés et aux gérants de portefeuilles français. Cela marche si bien que de nombreux États sont en train de nous imiter. Autre outil intéressant, notamment pour les collectivités territoriales : les obligations vertes. L'État en a lancé une, avec succès, l'Ile-de-France également. Pour éviter les désastres ou la contraction d'emprunts toxiques, l'ADEME a la responsabilité d'assurer un service après-vente et de soutien aux collectivités locales qui voient dans la transition énergétique l'occasion, par exemple, de rénover des bâtiments publics. J'ai l'ambition de concrétiser cette ambition du Grenelle de l'environnement, pour laquelle 4 milliards d'euros avaient été fléchés par le Gouvernement. Je me suis engagé auprès des administrateurs de l'ADEME représentant les collectivités territoriales, l'ADF, l'AMF, pour travailler sur l'évolution des contrats de plan État-région et l'animation des territoires. Je tiens fortement à cette relation privilégiée avec les élus locaux. La transition numérique est un autre défi à relever, avec les collectivités et les associations.

Les associations sont des partenaires essentiels, notamment pour combattre la précarité énergétique. Nous sommes en relation avec l'Agence nationale de l'habitat, et vigilants à ce que l'argent soit bien dépensé, surtout si les aides sont transformées en aides directes. Les rénovations effectuées correctement sont parfois estimées à 10 % : il faudra y faire attention, car il y a là un enjeu de pouvoir d'achat, de confort, et un enjeu social.

En conclusion, je m'inscris totalement dans les pas de M. Bruno Léchevin, dont je salue l'action conduite pendant cinq ans à la tête de l'ADEME.

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