Intervention de Gérald Darmanin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 mars 2018 à 16h35
Audition de M. Gérald daRmanin ministre de l'action et des comptes publics

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Je suis à la disposition du Parlement et de leurs commissions des finances. Permettez-moi de souligner tout l'intérêt que porte le Gouvernement aux travaux que vous avez lancés au sein de votre commission. Je pense à la reconstitution du groupe de travail sur l'économie numérique, mais également à la création de deux groupes de travail sur l'évolution de la fiscalité locale et la réforme de la procédure budgétaire - je suis favorable à la modernisation du débat parlementaire, pour permettre un contrôle et une évaluation plus forts -, ou encore à la création d'un groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

J'évoquerai en premier lieu l'exécution budgétaire des comptes de l'année 2017, avant d'aborder les récentes annonces du Gouvernement en matière de réforme de l'État, plus particulièrement en ce qui concerne la fonction publique.

Je commencerai donc par l'exécution budgétaire de l'année 2017.

Comme vous le savez, à ce stade de l'année, je ne peux m'exprimer avec certitude qu'à propos du budget de l'État. En effet, les comptes définitifs des organismes de sécurité sociale ainsi que ceux des collectivités territoriales ne seront connus que dans les prochaines semaines. Ce n'est qu'à ce moment que nous aurons alors un aperçu complet de nos finances publiques. C'est d'ailleurs à cette occasion que l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) discutera avec Eurostat des principales questions méthodologiques, dont la comptabilisation du contentieux relatif à la contribution de 3 % sur les dividendes en comptabilité nationale.

Avant d'en venir aux chiffres eux-mêmes, je souhaiterais rappeler que cet exercice s'inscrit dans un contexte particulier puisque sa responsabilité est partagée entre la précédente majorité et l'actuelle. De ce point de vue, force est de constater que l'audit de la Cour des comptes a permis une remise en ordre de nos finances publiques. Lors de ma première audition devant votre commission, j'ai dû m'expliquer sur les ouvertures et annulations du décret d'avance de l'été, qui ont permis de remettre à plat le budget. Nous ambitionnons de rompre avec les mauvaises pratiques de sous-budgétisation.

Nous assumons d'autant plus aisément ce choix qu'il a porté ses fruits : ces efforts ont conduit à bâtir une loi de finances pour 2018 plus sincère, mais aussi plus respectueuse de la portée de l'autorisation parlementaire. J'ai tenu ma promesse : nous n'avons gelé que 3 % des crédits, contre 8 % sous le gouvernement précédent. De ce point de vue, le Gouvernement rejoint en grande partie les préoccupations exprimées par votre commission : nous ne voulons plus de redéploiement en cours de gestion de l'ampleur de ceux que l'on a connus ces dernières années. En soi, ces outils sont des instruments utiles pour faire face à des urgences imprévisibles. En revanche, ils ne doivent pas être utilisés pour masquer l'insincérité initiale du budget. Ce nouveau point de départ nous engage et doit nous éviter de reproduire le schéma de 2017.

Quels sont les résultats de la gestion budgétaire de 2017 et quels sont les enseignements que le Gouvernement entend en tirer ?

Soyons factuels : d'une part, le déficit budgétaire de l'État s'établit à 67,8 milliards d'euros, soit une amélioration de 1,3 milliard d'euros par rapport à 2016 : il s'agit là de son niveau le plus bas depuis 2008. Par rapport aux chiffres qui vous ont été soumis à l'occasion du second projet de loi de finances rectificative, cela correspond à une amélioration de plus de 6 milliards d'euros. Je vous rappelle en effet que ce texte, présenté en novembre dernier, prévoyait un déficit à hauteur de 74,1 milliards d'euros.

D'autre part, le Gouvernement a strictement tenu l'objectif de dépense qu'il s'était fixé en loi de finances rectificative sur les dépenses des ministères, qui s'établissent à 237,5 milliards d'euros, en ligne avec l'objectif fixé à 237,6 milliards d'euros.

Quelles en sont les raisons ?

Les efforts en dépenses, tout d'abord : grâce aux efforts d'économies mis en oeuvre durant l'été par le Gouvernement - pour un montant total de l'ordre de 5 milliards d'euros -, le dépassement des plafonds de crédits prévus en loi de finances initiale a pu être ramené de 8 milliards à 3 milliards d'euros.

Deuxièmement, notre résolution à contenir notre déficit et à respecter nos engagements, que nous avons également manifestée par la mise en place d'une surtaxe exceptionnelle d'impôt sur les sociétés destinée à compenser l'incidence de l'annulation contentieuse imprévue de la taxe à 3 % sur les dividendes.

Troisièmement, ces bons résultats témoignent d'une meilleure dynamique de nos recettes, qui résulte des mesures prises par le gouvernement précédent en fin de quinquennat et de la dynamique qui a suivi l'élection du Président de la République. Le Gouvernement a fait le choix de s'appuyer sur des prévisions de recettes prudentes et responsables.

La plus-value de 4,3 milliards d'euros constatée sur les recettes fiscales s'explique ainsi par le dynamisme des encaissements constatés en fin d'année, particulièrement pour l'impôt sur les sociétés. Comme vous le savez, la prévision de cet impôt est complexe et réserve chaque année des surprises, à la hausse comme à la baisse, en lien notamment avec les acomptes versés en décembre par les grandes entreprises.

Ces résultats positifs confortent le Gouvernement dans son objectif de sortie des 3 % de déficit, qui n'est qu'une étape sur la route de l'équilibre de nos comptes publics. De ce point de vue, je réaffirme devant vous une fois de plus qu'il n'y a pas de « cagnotte » budgétaire lorsqu'un pays connaît 2 200 milliards d'euros de dette et entre 2,6 % et 2,8 % de déficit budgétaire. L'objectif est d'atteindre 0 % de déficit. Croire en l'existence d'une telle manne, c'est être dans le déni au regard de la situation de nos finances publiques, alors que les budgets ne sont pas équilibrés depuis 40 ans. Faut-il rappeler que notre dette frôle 100 % de la richesse nationale, que nous empruntons chaque jour un demi-milliard d'euros sur les marchés financiers, ce qui nous coûte 2 115 euros par seconde ? Soyons sérieux : il n'y a pas de cagnotte cachée. Prétendre le contraire serait retomber dans les errements de certains de nos prédécesseurs, qui d'une recette ponctuelle ont fait une dépense pérenne !

J'en viens au second point de mon intervention : les annonces que le Premier ministre et moi-même, en lien avec Olivier Dussopt, avons pu faire en matière de transformation publique et, plus particulièrement, en ce qui concerne l'avenir de la fonction publique.

La loi de finances pour 2018 s'inscrit dans une stratégie au long cours qui consiste à transformer notre administration dans le cadre du programme « Action Publique 2022 », c'est-à-dire la révision des missions de service public. Nous allons tenir l'engagement du Président de la République de suppression de 120 000 postes, dont 50 000 dans la fonction publique d'État, mais nous définirons d'abord les missions de service public sur lesquelles l'État doit se recentrer. Sur cette question, nous allons travailler tout au long de l'année avec les organisations syndicales de la fonction publique. Quelles missions pourraient aujourd'hui être mieux assumées par d'autres acteurs, qu'il s'agisse d'entreprises, d'associations ou de collectivités ?

Bien sûr, cette transformation de l'action publique suppose de sortir des habitudes. Faire confiance à d'autres acteurs, ce n'est pas négliger l'importance de l'État, mais celui-ci doit se recentrer sur ce qu'il sait mieux faire. Nous avons présenté dans le projet de loi de finances des augmentations d'effectifs et de budget importantes pour l'éducation nationale, les armées, la justice et l'intérieur. Des redéploiements devront être opérés et des efforts devront être faits, notamment dans les ministères financiers. Nous poserons ensuite la question des moyens, mais seulement une fois les missions définies.

Pour parvenir à clarifier les missions de l'État, nous avons engagé un travail de diagnostic. Un comité d'experts indépendants et de personnalités politiques, au sein duquel siège une de vos collègues, a été mis en place le 13 octobre dernier. Par ailleurs, nous avons tenu à solliciter les Français, usagers ou agents du service public, pour recueillir leurs attentes. Nous avons déjà reçu près de 20 000 réponses.

En ce qui concerne la fonction publique et la modernisation de l'État, quatre chantiers d'envergure ont été lancés.

Le premier concerne le dialogue social, à l'instar de ce qui a été fait par Muriel Pénicaud dans le cadre de la loi « Travail ». Il y a près de 22 000 instances de dialogue social dans la fonction publique. Notre pari est qu'on peut faire mieux avec moins.

Le deuxième chantier concerne la rémunération des agents, dont nous souhaitons qu'elle soit plus individualisée. C'était un engagement du Président de la République. Si chaque agent doit voir son pouvoir d'achat garanti et son expérience valorisée, nous voulons qu'une part de sa rémunération soit liée au mérite et à l'atteinte des résultats individuels et collectifs. D'autres gouvernements ont ouvert cette voie avant nous, avec quelques succès d'estime.

Troisième chantier : à la rémunération individualisée doit s'ajouter un accompagnement renforcé en matière d'évolution de carrière. Comme les salariés du privé, les agents ne feront plus le même métier tout au long de leur carrière, et ils en ont eux-mêmes parfaitement conscience. L'État est parfois un piètre employeur et un mauvais directeur des ressources humaines. Il s'agit d'accompagner les reconversions, notamment sous la forme de mobilités au sein des différents versants de la fonction publique. Ensuite, nous mettrons en place des plans de départs volontaires dans certains secteurs.

Enfin, le dernier chantier concerne les possibilités de recourir aux contrats - déjà très utilisés dans la fonction publique, notamment territoriale -, que nous voulons étendre, par exemple, pour les métiers ne relevant pas d'une spécificité propre au service public. Une nouvelle fois, il convient de s'interroger sur la répartition des missions : toutes n'ont pas à être exercées par un agent public sous statut. Je suis attaché au statut de la fonction publique, mais il faut le moderniser.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos interrogations.

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