Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 13 mars 2018 à 14h30
État au service d'une société de confiance — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je pourrais me contenter de vous dire que ce texte, après avoir suscité beaucoup d’attentes, a beaucoup déçu, mais cela ne serait pas faire honneur au travail accompli par notre commission.

Nous avons en effet choisi de nous départir de tout a priori et d’aborder ce projet de loi de manière constructive, avec la volonté de le rendre plus opérant et, surtout, de lui donner une cohérence qui lui faisait défaut.

L’article 2 crée deux dispositifs : tout d’abord, un « droit à l’erreur », au bénéfice de tout usager qui méconnaîtrait involontairement, et pour la première fois, une règle applicable à sa situation ; ensuite, un « droit au contrôle », auquel l’administration est tenue de répondre dans un délai raisonnable, et dont les conclusions sont opposables. Ces deux nouveaux dispositifs sont supplétifs par rapport aux « droits à l’erreur » spécifiques.

Si l’ensemble manque de précision et est dépourvu d’étude d’impact, il n’y a pas de raison de principe de s’y opposer. La commission spéciale a toutefois adopté une série d’ajustements pour préciser le dispositif, l’ouvrir davantage et le rendre plus incitatif. Je signale, en particulier, l’extension du bénéfice du droit à l’erreur aux collectivités territoriales dans les relations qu’elles entretiennent avec l’État.

Au-delà de l’article 2, plusieurs dispositions entendent rétablir un lien de confiance entre l’État et la société. Ainsi en est-il de l’article visant à interdire aux administrations de l’État de recourir à un numéro surtaxé dans leurs relations avec le public. Cela évitera le sentiment d’amertume que peuvent ressentir certains de nos concitoyens lorsqu’ils attendent d’être mis en relation avec un interlocuteur alors que chaque minute est facturée.

Par ailleurs, la commission spéciale a adopté un amendement modifiant la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, en vue d’exclure les responsables locaux du champ d’application de ses dispositions relatives aux relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics.

L’extension de ces dispositions aux élus locaux n’aurait, à mon sens, qu’une faible valeur ajoutée. En effet, l’objectif premier du répertoire numérique est de faire la transparence sur l’influence des représentants d’intérêts relativement à l’élaboration de la loi et du règlement national – les relations quotidiennes qui se nouent sur les territoires n’en font assurément pas partie. Cet avis est partagé par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui m’a alertée sur le sujet, confirmant des inquiétudes déjà exprimées sur son incapacité à faire face à ce surcroît d’activité au 1er juillet 2018.

S’agissant des dispositions fiscales du texte, et au risque de tempérer l’enthousiasme affiché par le Gouvernement, je rappelle que le droit à l’erreur existe depuis bien longtemps dans ce domaine : le contribuable est toujours présumé de bonne foi et les majorations ne peuvent être appliquées que si l’administration apporte la preuve d’une intention frauduleuse.

Les articles qui prévoient la diminution de l’intérêt de retard en cas de régularisation n’ont donc rien à voir avec un « droit à l’erreur » : ce sont des mesures incitatives au civisme fiscal. J’insiste sur ce point : l’intérêt de retard n’est pas une sanction, c’est le « prix du temps ». C’est pour cela que la commission n’a pas souhaité qu’il soit entièrement supprimé.

Le texte contient tout de même quelques dispositions substantielles en matière fiscale. La première, la « garantie fiscale », provient non pas du Gouvernement mais de nos collègues députés. Elle vise à inscrire dans la loi que tout point examiné lors d’un contrôle fiscal et n’ayant pas fait l’objet d’un redressement serait considéré comme tacitement validé par l’administration. Cela semble être la moindre des choses, mais il se trouve que ce n’est pas le cas aujourd’hui.

L’autre disposition fiscale substantielle est la relance de la « relation de confiance ». Lancée en 2013, cette expérimentation consiste à valider en amont les options fiscales d’une entreprise plutôt qu’à les sanctionner en aval par un contrôle fiscal. La commission a précisé l’habilitation prévue à l’article 7, qui était trop vague, afin de préserver l’esprit initial de la relation de confiance, c’est-à-dire en donnant la priorité à un accompagnement continu des entreprises dans leurs obligations déclaratives.

Cela dit, fondamentalement, quand on parle d’amélioration des relations avec l’administration fiscale ou encore de passage d’une logique de contrôle et de sanction à une logique de conseil et d’accompagnement, il s’agit avant tout d’une question de changement culturel et d’organisation bien plus que d’une question législative. Monsieur le secrétaire d’État, c’est à votre gouvernement d’agir ! Inutile de vous dire que le chemin sera long…

J’en viens aux dispositions touchant aux affaires sociales. Elles visent notamment à développer la médiation au sein des URSSAF, du régime agricole et des branches Vieillesse et Famille du régime général. Dans le cadre de la procédure de législation en commission, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements visant à préciser ces dispositions, et à éviter que celles-ci n’entravent l’équilibre et le bon fonctionnement des dispositifs déjà existants.

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