Intervention de Nathalie Delattre

Réunion du 13 mars 2018 à 14h30
État au service d'une société de confiance — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Nathalie DelattreNathalie Delattre :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, cher Jean-François Husson, madame, monsieur les rapporteurs, chers Pascale Gruny et Jean-Claude Luche – vous avez fait preuve d’une écoute fort appréciable que je tiens à saluer –, mes chers collègues, que dire, de prime abord, de ce projet de loi attendu par nos concitoyens, qui ne cessent de demander à juste titre simplification, expérimentation et bienveillance – termes qui auraient d’ailleurs été plus à propos pour le titre de ce texte ?

Que dire de ce projet de loi que tous ici, ou presque, avons qualifié de texte attrape-tout, à l’image de nombreuses lois dites de simplification que le Parlement a eu à examiner sous chaque législature ?

Que dire de ce texte qui peut s’apparenter à un contresens législatif, puisqu’il nous demande, à nous, législateur, de consacrer, sur 65 articles, pas moins de 12 demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances ?

Jusqu’à aujourd’hui, la relation de confiance entre les usagers et leur administration a su s’instaurer autour de principes généraux applicables au service public, comme la continuité, l’égalité, l’accessibilité, mais aussi la neutralité et la laïcité. C’est ainsi que s’est construit le service public à la française, sous l’égide du Conseil d’État.

Dans le respect de ces principes, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen accueillait donc favorablement ce projet de réforme, au vu de l’impérieuse nécessité d’une modernisation de l’action publique, aussi bien dans ses finalités que dans ses procédés. Œuvrer à une administration toujours plus efficace, adaptable et capable d’assurer sa pérennité, c’est ce que recherchait le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen dans un texte de ce type pour donner sens et corps au principe de mutabilité du service public.

En effet, la société évolue, tout comme notre environnement économique et social. La définition même de l’intérêt général, que l’on sait contingente, ne saurait rester figée. Il est donc parfaitement cohérent que l’administration évolue elle aussi, notamment dans ses relations avec le public. Dans ce cadre, nous saluons la décision de la commission spéciale d’étendre ce dispositif à l’ensemble des usagers : citoyens, entreprises et collectivités territoriales.

Mon groupe se réjouit de l’instauration, pour plus de proximité entre l’administration et son public, d’un droit à la régularisation, communément présenté comme un droit à l’erreur, qui permet à un usager de commettre une erreur de bonne foi, à condition qu’elle soit rectifiée et que cela soit la première occurrence, par conséquent la seule.

De la même façon, il se félicite que la nouvelle rédaction de l’article 37 éclaircisse, pour apporter plus de fluidité dans les démarches des administrés, le processus de planification des collectivités, notamment le complexe schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET.

Mon groupe soutient également l’objectif du Gouvernement de simplifier, pour apporter plus de transparence, les procédures administratives et la lutte contre la surabondance des normes. À ce titre, l’insertion, par la commission spéciale, de l’article 4 quinquies visant à assouplir l’environnement fiscal et réglementaire des entreprises et à garantir une meilleure information correspond à notre demande et à ce que l’on peut attendre d’un texte de confiance entre la société et son administration.

Il convient de rappeler ici le rôle central de l’administration comme régulateur de la société, comme acteur du pacte social et de la préservation de l’intérêt général. Il est donc regrettable que ce projet de loi conduise à légiférer sur des sujets si divers, mettant à mal la cohérence globale du texte ; eu égard aux enjeux qu’ils comportent, ces sujets auraient mérité, pour beaucoup d’entre eux, d’être évalués très en amont avant d’être débattus. Je pense à l’éolien, à la géothermie, au code de la route, au logement, ou encore à la petite enfance, pour ne citer que quelques objets.

En ce sens, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a souhaité réitérer sa demande de suppression de l’article 19, qui a la prétention de trancher à lui seul la question des compétences des chambres agricoles. Après les atermoiements du Gouvernement sur les retraites agricoles, nous demandons que cette question importante ne soit pas traitée au détour d’un article noyé dans la masse, mais fasse l’objet d’une discussion à part entière.

Tout aussi diluées dans le flot de ces nombreux articles, des dispositions introduites par le Gouvernement modifient la loi de 1905 et le principe de séparation des Églises et de l’État, et ce de façon non marginale. La loi de 1905 a fait de la France un État laïque, et ce principe fondateur a, dans notre République, valeur constitutionnelle.

L’article 2 de cette loi dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » C’est donc en rejetant toute demande d’avantages spécifiques des associations cultuelles que l’État et les collectivités locales assurent le respect du principe de neutralité à l’égard de tous les citoyens et le libre exercice des cultes ou de l’absence de culte.

Vous connaissez l’attachement viscéral de mon groupe à ces principes, qui se confondent avec notre République. C’est par conséquent dans le souci de les défendre qu’il s’oppose pour partie aux articles 25 et 38 du projet de loi qui visent à faire bénéficier les associations cultuelles d’avantages pour compenser la diminution de leurs ressources, comme cela est expliqué dans l’exposé des motifs. Encore faudrait-il réaliser une véritable étude d’impact de cette question, qui est tout sauf anodine, vous et nous le savons bien.

Si la loi de 1905 est consubstantielle à la République, cela n’exclut pas la possibilité qu’elle évolue, et cela a déjà été le cas. Il est évident, sachant que les dispositions en jeu dans ce texte ne sont pas mineures, qu’une question aussi fondamentale vous oblige à un débat sur le fond. Nous attendons, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne l’éludiez pas.

En conclusion, j’indique que, si mon groupe partage certains objectifs de ce projet de loi, notamment sur le droit à l’erreur et sur la philosophie qui le sous-tend, nous attachons une grande importance aux amendements relatifs à la loi de 1905 et au monde agricole que nous avons déposés. Nous serons donc particulièrement attentifs à leur sort durant les débats.

Vous l’avez compris, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen arrêtera sa position à la mesure de l’intérêt que vous porterez à ces remarques de fond.

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