Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, les membres de la délégation sénatoriale aux entreprises – j’ai l’honneur de présider celle-ci – ne font pas un seul déplacement sur le terrain sans entendre les entreprises déplorer la complexité de l’administration et dénoncer son approche sourcilleuse, voire suspicieuse.
C’est pourquoi mon collègue Olivier Cadic et moi-même avons présenté un rapport intitulé Simplifier efficacement pour libérer les entreprises. À la suite de celui-ci, nous avons déposé plusieurs textes, dont une proposition de résolution qui appelait le Gouvernement « à orienter l’administration vers le service aux entreprises, notamment en donnant la priorité à la simplification », et à « passer d’une logique reposant sur la défiance […] à une logique fondée sur la confiance. »
Vous le voyez, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui s’inspire largement des travaux de notre délégation. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
La stratégie nationale d’orientation de l’action publique vers une société de confiance, annexée à l’article 1er, nous brosse le tableau d’un monde idéal, où l’administration facilitera enfin la vie des entreprises et leur fera a priori confiance. Nous rêvons, avec vous, monsieur le secrétaire d’État, que l’impulsion que veut donner ce texte soit suivie d’effets concrets.
Mais notre rêve ne va-t-il pas tourner court ? Par exemple, la prise en compte de la capacité financière du contribuable, proclamée dans cette annexe, ne trouve pas dans le texte de déclinaison concrète pour les entreprises. De même, l’objectif de simplification affiché ne va pas assez loin : il faudrait s’assurer que la création d’une norme nouvelle entraînant une charge supplémentaire pour les entreprises s’accompagne de l’abrogation de normes représentant une charge au moins équivalente.
La délégation aux entreprises accompagne donc le changement d’état d’esprit que marque le texte, mais elle est lucide sur le caractère largement incantatoire de l’ensemble de ses dispositions.
Diverses mesures, apparemment séduisantes, sont décevantes à l’examen : prévoir que l’absence d’une pièce non essentielle dans un dossier ne peut pas conduire l’administration à suspendre l’examen de la demande, c’est bien, mais savoir pourquoi cette pièce est demandée par l’administration, alors qu’elle n’est pas essentielle, serait tout de même beaucoup mieux ! Consacrer la procédure du rescrit contrôle est sans doute utile, mais simplifier le code général des impôts le serait bien davantage. Et les rares surtranspositions sur lesquelles le texte revient, en matière environnementale, ont été introduites par ordonnances en août 2016 et janvier 2017. L’important est donc de trouver comment discipliner l’administration, plutôt que de rectifier après coup, ce qui nourrit l’instabilité législative.
En outre, de nombreuses avancées prévues par le texte sont soumises à des exclusions, des conditions ou des expérimentations qui en réduisent considérablement la portée. Ainsi, pour mettre en œuvre le principe « dites-le-nous une fois », votre texte ne propose qu’une expérimentation sur quatre ans et renvoie à un décret en Conseil d’État la délimitation du champ des données concernées. Or ce sont 10, 7 millions de pièces justificatives que l’administration sollicite chaque année. La simplification est donc urgente. L’expérimentation, réduite, est-elle à la hauteur de l’enjeu ?
Au total, la volonté du Gouvernement de faciliter la vie des entreprises apparaît bien timide.
Aussi, nous vous proposons d’aller plus loin, en soumettant l’administration à une évaluation régulière par les entreprises et en se donnant les moyens de simplifier le droit applicable aux entreprises. En Allemagne, le Nationaler Normenkontrollrat, le NKR, a permis d’alléger la charge administrative de 14 milliards d’euros en cinq ans. C’est pourquoi nous pensons que le plus efficace serait de charger un organe ad hoc d’améliorer le droit pour les entreprises et de procéder à la contre-expertise des études d’impact produites par l’administration.
Sur ces sujets, je veux féliciter le président et les rapporteurs de la commission spéciale pour leur démarche pragmatique, leur grande écoute et leur bon sens.
Pour conclure, mes chers collègues, faisons en sorte que ce texte soit vraiment utile aux entreprises, particulièrement aux plus petites d’entre elles.