Le professeur René Frydman, père du « bébé du double espoir », qui s’apprête à prendre une retraite bien méritée après des années de recherche et d’activité, l’exprimait en des termes tout à fait éloquents dans un grand quotidien national, il y a quelques jours, au travers d’un exemple vécu dans un autre domaine que celui de l’embryon : « Prenons l’exemple de la congélation d’ovocytes, voilà trois ans que l’on est bloqué sur certaines innovations, comme la vitrification, une technique de congélation très performante. Tous les pays voisins la pratiquent. La France a d’ores et déjà cinq ans de retard sur cette méthode. Sans compter le manque de personnel et de matériel … ». C’est M. Frydman qui s’exprime ici, mais la plupart des chercheurs disent la même chose. Ne nous racontez pas que, avec la procédure de recherche que vous préconisez, les chercheurs français sont à égalité avec les autres ! Ils croulent sous la paperasse et toute une série d’obligations. À l’étranger, personne ne comprend plus rien !
Ce témoignage est pour le moins révélateur de ce qu’est la situation des chercheurs en technologies génétiques dans notre pays, et il émane de quelqu’un qui ne passe pas pour être un scientiste débridé, mais qui, au contraire, a toujours su être pondéré.
Je crois que, aujourd’hui, la recherche française a de quoi se sentir flouée.
Déjà en 2004, on lui avait promis que le maintien des principes d’interdiction de la recherche en embryologie n’était que temporaire, qu’il ne s’agissait que d’un moratoire appelé à disparaître, un « moratoire positif », disait-on alors, qui laissait augurer une véritable ouverture à terme. Sept ans plus tard, il apparaît que la parenthèse est encore loin d’être refermée...
À nos yeux, il s’agit là d’une trahison des espoirs thérapeutiques pour les patients porteurs de maladies génétiques et pour leurs soignants.
Vous comprendrez que, dans ces conditions, devant tant d’inconséquence, devant tant d’obstination, devant tant de rigidité doctrinale, la tentation soit grande parmi nous de voter contre le texte qui nous est soumis. D’autant que nous avons vu ce qui s’est passé en commission, lors des travaux de préparation de cette deuxième lecture : ce matin, nous avons tout de même vécu une réunion assez particulière !
Nous prenons acte, monsieur le rapporteur, de votre bonne foi et de votre volonté de revenir à une rédaction fidèle au texte que nous avions élaboré ensemble en première lecture ; nous vous avons même applaudi, ce qui, d’ailleurs, ne vous a sans doute pas aidé ! Votre attitude conciliante en est l’illustration.
Malheureusement, nous prenons aussi acte du nombre significatif d’amendements déposés par des sénateurs de la majorité, laquelle, malgré les réticences de quelques-uns, s’apprête à revenir sur des évolutions adoptées en première lecture, et à approuver des dispositions encore plus régressives en ce qui concerne la recherche sur l’embryon.