Je considère, madame la sénatrice, que le plus efficace est souvent que les parlementaires se saisissent de leurs prérogatives et effectuent ce travail dans le cadre d’une mission d’information ou, si nécessaire, d’une commission d’enquête.
Au-delà de cette position de principe sur les rapports, le dispositif que vous évoquez se heurte à deux difficultés.
Tout d’abord, la création d’une inspection du travail judiciaire, placée sous l’autorité des parquets, méconnaîtrait les dispositions de l’article 4 de la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, qui place l’inspection du travail sous la surveillance et le contrôle d’une autorité centrale unique, principe que le présent projet de loi renforce avec l’introduction du nouvel article L. 81-21-1 du code du travail.
Ce principe a été rappelé dans un récent avis du Conseil national de l’inspection du travail, selon lequel, si la convention n° 81 n’impose pas en elle-même un modèle d’organisation et laisse aux autorités nationales une possibilité d’adaptation de l’organisation du système d’inspection en considération des conditions de leur exercice, elle exige qu’une autorité centrale soit chargée d’assurer la surveillance et le contrôle des inspecteurs dans des conditions propres à garantir leur indépendance et le respect des dispositions de cette convention.
Par ailleurs, la proposition que vous formulez méconnaît également les dispositions de l’article 17 de la même convention relative à la liberté de suites que les inspecteurs du travail peuvent donner à leur contrôle, puisque ces suites seraient nécessairement judiciaires.
Enfin, il convient de rappeler que le lien de confiance entre l’inspection du travail et les entreprises s’explique par le fait que les inspecteurs du travail assurent un suivi global des entreprises et qu’ils ont connaissance, lorsqu’ils donnent des suites à leur contrôle, du contexte social et économique de l’entreprise, contexte dont ils tiennent largement compte pour notifier de manière privilégiée des observations, et non des sanctions. La création d’un service judiciaire d’inspection du travail, en privilégiant une approche non par l’entreprise mais par la fraude, me paraît plutôt de nature à rompre ce lien. En tout cas, il en porte le risque.
Parce que cet amendement méconnaît deux articles de la convention de l’OIT, nous ne pouvons y être favorables.