Parmi les causes multifactorielles du malaise au sein des forces de sécurité intérieure, policiers et gendarmes, à tous les niveaux de la hiérarchie, citent à l'unisson « l'aval » judiciaire : d'une part - mais cela n'est pas l'objet de nos réflexions aujourd'hui - la réponse pénale leur paraît inexistante ou inadaptée, posant la question du sens de leur action et de leurs prises de risque, et d'autre part, la procédure pénale est jugée trop lourde. Nous-mêmes, ici au Parlement, sommes sans doute aussi responsables de cette situation, qui conduit policiers et gendarmes à ne plus consacrer qu'un tiers de leur temps à des activités opérationnelles, les deux autres tiers étant occupés à des tâches administratives et surtout procédurales.
Votre rapport sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, réalisé dans le cadre des « chantiers de la justice », émet un certain nombre de propositions en vue d'alléger la procédure pénale, notamment au stade de l'enquête. Ces propositions vont dans le sens du constat que je viens d'évoquer, même si je tiens à signaler que les représentants du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie que nous avons entendus nous ont indiqué que seulement 30 des 300 propositions qu'ils avaient faites ont été retenues. Quelles vous paraissent être les mesures de nature à dégager le plus de temps aux forces de sécurité intérieure afin de leur permettre de recentrer leur activité sur leur coeur de métier ? La mise en oeuvre de mesures ponctuelles vous paraît-elle pouvoir réellement améliorer le travail au quotidien des policiers et gendarmes ?
Certains policiers et gendarmes estiment que l'« oralisation » d'une partie des procédures pourrait permettre d'alléger considérablement les charges procédurales. Que pensez-vous d'une telle proposition ? Quelles procédures pourraient être concernées ?
Au-delà des réformes de procédure, vous préconisez également un investissement technologique massif : renforcement de l'interopérabilité entre les fichiers police et justice, dématérialisation des procédures, etc. Dans un contexte budgétaire contraint, que l'on espère voir se desserrer, les investissements ne pourront toutefois être que progressifs. Quels sont, selon vous, les chantiers les plus urgents à engager dans ce domaine ?
Afin d'alléger les officiers de police judiciaire (OPJ) d'un certain nombre de tâches, vous estimez que pourrait être étudiée l'extension des pouvoirs des agents de police judiciaire (APJ), pour certains actes d'enquête non coercitifs.
Se pose aussi la question des policiers municipaux, qui sont aujourd'hui cantonnés au rôle d'agents de police judiciaire adjoints (APJA) et ne peuvent pas mener d'auditions, y compris lorsqu'il s'agit de personnes ayant simplement contrevenu à des arrêtés municipaux. Par exemple, dans le cas la fréquentation d'un nocturne d'un square, qui n'expose pas à une amende forfaitaire, la police nationale doit entendre le contrevenant et ses parents s'il est mineur avant transmission au parquet. Envisagez-vous, au moins dans les domaines du respect de la réglementation municipale et du code de la route, une extension de la qualification judiciaire des policiers municipaux ? Cette évolution est demandée par l'Association des maires de France et les syndicats de la police municipale, mais aussi - et c'est là un basculement de tendance - par divers syndicats de policiers nationaux, qui se rendent compte qu'ils assument des tâches indues et procédurales auxquelles les policiers municipaux, au terme de vingt ans d'efforts de professionnalisation, pourraient parfaitement satisfaire, évidemment toujours sous le contrôle du procureur et de l'OPJ territorialement compétent.
Enfin, nombre de policiers et gendarmes ont regretté devant nous que de simples erreurs procédurales, parfois très marginales et purement formelles, puissent conduire à remettre en cause l'intégralité d'une enquête ou d'une procédure, avec des conséquences qui peuvent être complètement incompréhensibles pour les justiciables. Une telle situation accentue sans aucun doute le sentiment de démotivation d'une partie de nos forces de sécurité intérieure, et ce d'autant plus que la longueur et la complexité croissantes des procédures augmentent les risques d'erreur. Une réforme du régime des nullités, que vous évoquez brièvement dans les conclusions de votre rapport, vous paraît-elle souhaitable ?