Intervention de Jacques Beaume

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 8 mars 2018 à 16h15
Audition de Mm. Jacques Beaume procureur général honoraire et franck natali avocat au barreau de l'essonne et ancien bâtonnier coauteurs du rapport « amélioration et simplification de la procédure pénale » livre 2 des chantiers de la justice

Jacques Beaume :

Je voudrais apporter deux précisions pour aller dans le même sens.

La dématérialisation est indispensable parce que la lourdeur de la procédure a été généralisée. Il est anormal qu'on ait la même procédure pour traiter un crime ou un vol à l'étalage. On a nivelé les procédures par le haut. Chez les magistrats antiterroristes, le nombre d'affaires est important, donc la procédure est maitrisée, ça ne pose pas de souci. Dans les services régionaux de police judiciaire (SRPJ) habitués aux procédures traitées dans le cadre de l'article 706-73, ils sont aussi bons juristes que les parquetiers. Dans ce type de juridictions ou de services, le discours sur la lourdeur de la procédure est beaucoup moins répandu.

La question se pose beaucoup plus pour les services de police confrontés à des crimes et délits très variés et qui ne peuvent évidemment pas consacrer aux très nombreuses affaires suivies le temps nécessaire à ce formalisme aligné sur le haut. À Marseille, par exemple dans les commissariats des 6ème, 8ème et 10ème arrondissements, il n'est pas rare qu'il y ait 100 à 120 plaintes dans la journée, c'est impossible de les traiter efficacement. On a certes inventé l'audition libre pour alléger un peu mais on a quasiment les mêmes exigences procédurales que pour traiter une garde à vue. Certes, ils n'ont pas les mêmes pouvoirs que dans le cadre d'une garde à vue mais ça reste très lourd de traiter ces procédures qui devraient être plus simples. Est-il rationnel d'aligner les procédures sur des crimes les plus graves alors que les enjeux pénaux sont bien moindres ?

Il y a ensuite des améliorations à apporter par la dématérialisation. Mais la dématérialisation ne dispense pas de s'interroger sur les moyens d'alléger la lourdeur de certaines procédures pour les faits les moins graves. Si la dématérialisation devient indispensable, c'est parce que les procédures ne laissent pas le choix aux acteurs concernés. Pourquoi les parquets ont-ils inventé le suivi en temps réel ? Car pour remplir leur rôle, il faut ces éléments en temps réel. Si on centralise un endroit de recueil de toutes les informations disponibles, ce sera déjà un progrès.

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