L'amendement COM-60 procède à une réécriture globale de l'article 14 relatif aux décisions prises sur le fondement d'algorithmes. Le projet de loi autorise les décisions administratives individuelles prises sur le seul fondement d'un traitement automatisé des données, jusqu'ici prohibées. Sans méconnaitre les bénéfices liés à l'usage d'algorithmes par l'administration, il convient de l'encadrer strictement. En effet, une décision automatisée risque d'être aveugle à des circonstances particulières de l'espèce ; le recours aux algorithmes doit donc être réservé à des cas qui n'appellent aucun pouvoir d'appréciation. Un deuxième risque est lié à l'essor de l'intelligence artificielle, qui pourrait conduire à ce que des décisions administratives soient prises sur le fondement de critères que nul ne connaîtrait, l'algorithme les ayant lui-même déterminés et pondérés ; c'est le phénomène des « boîtes noires ». Un risque existe enfin que la programmation des algorithmes destinés à prendre des décisions individuelles n'aboutisse à contourner les règles de fond et de forme qui encadrent l'exercice du pouvoir réglementaire. Ainsi, dans la procédure dite « Admission post-bac », les candidatures des lycéens dans les licences universitaires étaient classées suivant des critères reposant sur une base légale fragile, qui n'avaient jamais été explicités dans un texte réglementaire et qui n'étaient même pas rendus publics. On ne saurait admettre que l'administration se défausse ainsi de ses responsabilités sur la machine, en jouant de la complexité technique et de la réputation d'infaillibilité des automates pour masquer ses propres choix.
Pour parer à ce triple risque, je vous propose de n'autoriser les décisions administratives individuelles prises sur le seul fondement de traitements automatisés que lorsque ces derniers ont pour objet d'appliquer strictement des dispositions légales ou réglementaires à des faits dont la matérialité et la qualification juridique sont établies sur un autre fondement qu'un tel traitement.
Par ailleurs, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a imposé à l'administration, lorsqu'elle prend une décision individuelle sur le fondement d'un traitement algorithmique, d'en faire mention sur le texte de la décision. Or, il semble que certaines administrations rechignent à se conformer à cette nouvelle obligation de transparence... Afin de les y inciter, je vous propose que le non-respect de cette formalité soit une cause de nullité de la décision.
Je vous propose enfin de corriger une première entorse aux règles de publicité des algorithmes employés par l'administration pour fonder des décisions individuelles, issue d'un amendement du Gouvernement à la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. Cet amendement, déposé tardivement en séance publique au Sénat sans que notre commission de la culture ait pu se prononcer, concerne les algorithmes qu'emploieront les établissements d'enseignement supérieur pour classer les candidatures qu'ils auront reçues. Dans l'éventualité où ces algorithmes conduiraient à accepter ou à rejeter des dossiers sans examen, il n'y a aucune raison que ces établissements ne respectent pas les obligations de transparence prévues par le code des relations entre le public et l'administration. La commission de la culture soutient ma proposition.