Je ne vais pas vous demander de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, puisque vous avez déjà répondu à cette demande. Je ne vais pas non plus vous renvoyer au texte qui sera issu des états généraux de l’alimentation. Je vous indique simplement les difficultés que nous pose votre amendement, ou, en tout cas, son intégration dans le présent texte.
Le président du tribunal de commerce dispose déjà, en cas de non-dépôt des comptes annuels, d’un pouvoir général d’injonction applicable quel que soit le secteur d’activité. Il peut d’abord viser un objectif de sanction, en application de l’article L. 123-5-1 du code de commerce – dans cette hypothèse, le président est saisi par tout intéressé ou par le ministère public. Il peut ensuite viser un objectif de prévention, en application de l’article L. 611-2 du code de commerce – dans cette hypothèse, le président se saisit d’office.
Un dispositif destiné à contraindre les grands groupes du secteur agroalimentaire à publier leurs comptes annuels ne nous paraît pas avoir sa place, le rapporteur l’a évoqué, dans un chapitre du code de commerce relatif à la prévention des difficultés des entreprises.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a relevé que, en instituant cette faculté de saisine d’office, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général de détection et prévention des difficultés des entreprises – je renvoie à la QPC du 1er juillet 2016 –, ce qui rend difficilement opérante l’intégration de cette disposition dans cet article. En effet, il est évident que ce n’est pas en raison de leurs difficultés financières que les entreprises que vous visez refusent de déposer leurs comptes.
Enfin, un risque d’inconstitutionnalité est à craindre, sur le fondement de la rupture de l’égalité devant la loi, puisque votre amendement tend à créer pour les seules sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits une obligation plus rigoureuse que pour les autres sociétés commerciales soumises à l’obligation de dépôt de comptes en application des articles L. 232-31 à L. 232-33 du code de commerce.