Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 20 mars 2018 à 9h30
Questions orales — Moyens alloués aux missions locales

Muriel Pénicaud :

Madame Canayer, je suis d’accord avec vous, les missions locales sont un maillon important du service public de l’emploi. Je les connais bien pour avoir dirigé dans ma jeunesse, il y a bien longtemps, l’une des trois premières missions locales en France ; je n’ai donc cessé de suivre ce sujet.

Cela dit, nous avons aujourd’hui un défi majeur à relever. En effet, comme vous le savez, quelque 1, 3 million de jeunes en France ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi. La question des missions locales et l’efficacité de notre accompagnement sont plus critiques que jamais, puisque le problème s’est aggravé au fil du temps.

Permettre à ces jeunes d’obtenir une qualification et un emploi est une priorité absolue sur le plan humain – ils vivent un drame –, mais aussi sur le plan économique, car la situation actuelle est coûteuse et crée évidemment un risque social majeur.

Aussi, le plan d’investissement compétences, avec ses 15 milliards d’euros, est principalement ciblé sur les jeunes et les demandeurs d’emploi de longue durée, avec l’ambition de former dans les cinq ans qui viennent 1 million de jeunes. Nombre d’entre eux n’ont pas encore travaillé et vont découvrir ce qu’est la situation de travail. Ce n’est pas donc uniquement un sujet de qualification ; il y va également de la compréhension du mode de travail, ainsi que des savoir-être et des savoir-faire de base.

Dans ce contexte, les missions locales auront toute leur place. Elles ont été créées à l’origine par Bertrand Schwartz avec l’idée qu’elles avaient une vision complètement pluridisciplinaire : leur approche était centrée sur le jeune, mais elles s’occupaient d’emploi, de formation, de santé, de justice, etc. ; à cet égard, je salue la garde des sceaux, qui nous a rejoints. L’un des risques des missions locales est de ne devenir que gestionnaire de dispositifs et de s’appauvrir, si j’ose dire, en étant un service administratif, ce qui n’est pas, selon moi, la mission d’origine des missions locales.

Un certain nombre de dispositifs leur ont permis de renouer avec leurs racines ; je pense notamment à la garantie jeunes qui, d’après les premières estimations – je suis prudente, car on ne dispose pas encore de toutes les évaluations –, semble donner des résultats satisfaisants, avec de meilleurs taux d’insertion pour les jeunes : c’est une notion de parcours et non pas de gestion de dispositif.

Toutefois, la mobilisation pour ce dispositif, qui apporte en plus une ressource financière supplémentaire aux intéressés, ne doit pas faire perdre aux missions locales leur allant pour aider les jeunes à entrer dans les EPIDE, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, les écoles de la deuxième chance ou les centres de formation d’apprentis.

S’agissant des contributions au budget des missions locales, je vous rappelle que la contribution de l’État a été reconduite pour un montant de 206 millions d’euros. À cet égard, permettez-moi de regretter que le Sénat n’ait pas voté les crédits de la mission Travail et emploi que j’ai présentés, mais j’espère qu’il en sera autrement l’année prochaine… Ces crédits permettront de pérenniser les postes, y compris ceux des « référents justice » au sein des missions locales, car c’est là un point important.

En ce qui concerne les sujets opérationnels, vous avez raison, on a besoin – c’est évident – d’un outil numérique partagé, et je dirais même d’une meilleure articulation avec Pôle emploi. En effet, les missions locales ont les jeunes, mais ne disposent pas des offres d’emploi. Aujourd’hui, les deux dispositifs sont trop éloignés. Certes, il existe de bonnes coopérations localement, mais nous devons travailler sur cette question.

De même, et c’est un autre point important, les missions locales doivent aussi aller chercher les jeunes là où ils sont et non pas attendre simplement que ces derniers viennent dans leurs locaux. De nombreux jeunes, dans les quartiers ou les zones rurales, ne vont pas jusqu’à elles. J’ai constaté que certaines missions locales commençaient à être mobiles, en allant sur le terrain avec des permanences dans des bus. C’est une démarche que nous devons encourager. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question.

L’État joue son rôle dans le financement, à hauteur de la moitié du budget des missions, outre la garantie jeunes, l’autre moitié étant à la charge des collectivités territoriales.

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