Jusqu’à présent, les sommets de l’État avaient pensé soigner la sécession civique des Français par la transparence. On expérimente donc une nouvelle médecine : la confiance.
« Rien ne sera possible sans cette relation de confiance et de responsabilité » déclinait il y a déjà quelques mois Emmanuel Macron dans son discours-fleuve du congrès de l’Association des maires de France. La transparence s’était faite sur le dos des élus ; la société de confiance sera réalisée sur celui de l’administration.
Curieux mélange de théorie du care, du soin, chère aux sociaux libéraux du New Labour, et de populisme chic : calmer la défiance des citoyens en transformant une administration jugée soupçonneuse, tatillonne, voire hostile en administration de l’accueil.
L’administration publique n’administre plus, elle donne des conseils et rend des services. Son objectif est non plus de concilier l’efficacité et l’équité de traitement des citoyens, mais de leur donner confiance dans leur administration, donc en eux-mêmes.
C’est d’abord un service social. C’est une administration qui accompagne, qui reconnaît le droit à l’erreur et qui prévient celle-ci, le tout, bien sûr, avec des moyens en voie de réduction.
Côté contenu, on est loin du compte. Le produit phare, le droit à l’erreur pour les personnes de bonne foi ayant méconnu pour la première fois une règle, se borne largement à inscrire dans la loi des pratiques existantes qu’un décret, voire quelques circulaires, aurait suffi à généraliser.
En revanche, ce texte laisse intacts les dilemmes de la vie réelle : la preuve de la mauvaise foi incombe à l’administration qui doit démontrer une volonté de méconnaître délibérément la règle. Mais comment démontrer une intention ? Être contrôlé devient un droit, mais un droit que l’administration peut refuser s’il a pour effet de « compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité de mener à bien son programme de contrôle. »
Quant à la limitation expérimentale des contrôles des petites et moyennes entreprises, les PME, elle ne concerne ni les contrôles relatifs au respect des règles européennes, à la préservation de la santé, à la sécurité des personnes et des biens ou à l’environnement ni les contrôles résultant de l’exécution d’un contrat ou effectués par une autorité de régulation. Elle n’est pas non plus opposable quand existent « des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire. »
On se demande d’autant plus qui sera réellement concerné qu’actuellement l’objectif d’un vérificateur de la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, se limite à une procédure achevée par mois. Qu’importe d’ailleurs, puisqu’il s’agit seulement de montrer à l’électorat visé qu’on prend soin de lui ?
Même perplexité quant au certificat d’information et au référent unique. Le certificat d’information engage la responsabilité de l’administration : clair et précis, il sera la source de multiples plaintes et contentieux ; se limitant à des généralités, il sera inutile. Quant au référent unique, où trouvera-t-on ces encyclopédies vivantes ? Mystère !
L’autre moitié du texte se partage entre la reprise de vieilles lunes et celle des habituelles propositions de loi portant diverses dispositions de modernisation et de simplification de ceci ou de cela.
Au chapitre des vieilles lunes, on trouve la réduction des effectifs de la fonction publique d’État par la dématérialisation, sans souci pour les treize millions de laissés-pour-compte du numérique, ce chiffre émanant du rapport du CREDOC sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, et l’appel aux collectivités locales.
Autre vieille lune, la stimulation de la construction par l’innovation, sans trop se soucier des conséquences en termes de sécurité publique, de sécurité tout court et de protection de l’environnement. On fait, puis on voit ! C’est ce qu’on appelle remplacer une logique de moyens par une logique d’objectifs.
Pour les résultats et les contentieux, comme pour la revalorisation des retraites agricoles, il faudra attendre.
Pour le reste, au détour des articles, on ne révise rien de moins que la loi de 1905 sur la séparation des Églises et l’État, le code minier, le code de l’action sociale et des familles, le code de la consommation, le code monétaire et financier pour protéger les banques des recours de leurs emprunteurs, le code de l’éducation et la réglementation des cirques – j’ai dû en oublier.
Que penser d’un tel projet de loi, sinon que l’on se moque du Parlement ? La mission de ce dernier n’est ni de participer aux campagnes promotionnelles de l’exécutif, ni de se dessaisir, sauf exception, de son pouvoir de légiférer au profit de celui-ci, ni, inversement, de diriger l’administration. Sa mission est de faire des lois qu’on n’aura pas à réviser dès que votées – à l’inverse de celle-ci.
Mes chers collègues, vous aurez compris que mon groupe ne votera pas ce texte.