Séance en hémicycle du 20 mars 2018 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CNIL
  • confiance
  • l’administration
  • personnelles
  • traitement

Sommaire

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un État au service d’une société de confiance (projet n° 259, texte de la commission n° 330, rapport n° 329).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Michèle Vullien applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public, puisque c’est désormais son nom, a fait l’objet ici, au Sénat, de modifications qui ne sont pas seulement cosmétiques.

Je tiens à saluer le travail de la commission spéciale, qui a fait œuvre de simplification, de précision et d’amélioration du texte issu de l’Assemblée nationale.

Je retiendrai trois avancées majeures permises par le Sénat sur ce texte, qui illustrent, à mon sens, l’évolution du rôle de notre assemblée dans l’équilibre institutionnel de notre pays.

Le premier rôle, le rôle traditionnel du « grand conseil des communes de France », comme disait Gambetta, c’est bien sûr la défense des droits des collectivités dans la République. Notre assemblée a ainsi permis d’inscrire dans la loi l’extension du bénéfice du droit à l’erreur aux collectivités territoriales dans leurs relations avec les administrations de l’État.

Cette mesure doit encourager un climat de confiance entre les différents degrés d’administration de la République, alors qu’aujourd’hui la défiance, ou disons la distance, est souvent la règle.

La grande réforme de la fiscalité locale annoncée par le Gouvernement devra être empreinte de cet esprit, tant le respect et la confiance entre les acteurs locaux et centraux sont nécessaires à l’unité de la Nation et au bon fonctionnement de la République.

Le Sénat est également un défenseur traditionnel de la ruralité française. Au moment où il est de bon ton d’instrumentaliser l’opposition entre les villes et les campagnes, il est indispensable que notre assemblée continue de créer des ponts, des liens, et d’apporter des solutions concrètes à nos concitoyens.

Par exemple, l’amendement visant à reporter l’obligation de télédéclaration et de télépaiement pour les contribuables vivant dans les zones blanches est une mesure de justice à l’égard des territoires les plus reculés, qui ne doivent pas être des territoires oubliés.

La suppression de l’article 34 sexies, défendue par les élus de notre groupe et d’autres, avait également pour objet de soutenir les petits producteurs d’énergie renouvelable en autoconsommation, souvent établis dans les zones rurales. Je me réjouis qu’elle ait été adoptée. L’écologie ne doit pas être réservée à ceux qui en ont les moyens. Au contraire, elle doit devenir un mode de vie concret et abordable pour tous les Français, où qu’ils soient, et sans logique punitive.

Les membres de notre groupe défendent ainsi une croissance durable, inclusive et responsable, qui ne laisse personne sur le bord de la route.

Le Sénat a, enfin, développé une expertise qui est la conséquence logique de ses rôles traditionnels que je viens de rappeler. Je veux parler de la défense des intérêts des très petites entreprises, les TPE, et des petites et moyennes entreprises, les PME, qui font la richesse de notre économie et le dynamisme de nos campagnes.

Nous l’avons montré lors des discussions consacrées au dernier projet de loi de finances.

Nous l’avons montré à nouveau lors de l’examen de ce texte, en prenant par exemple en compte la spécificité des plus petites entreprises en matière de prélèvement à la source ou en limitant la durée cumulée des contrôles administratifs sur les très petites entreprises à six mois sur une période de trois ans.

Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont particulièrement attentifs à la question des TPE et PME, lesquelles doivent faire l’objet de normes et de procédures adaptées à leur taille et à leurs moyens.

Notre collègue Emmanuel Capus a ainsi défendu l’extension aux entreprises de moins de vingt salariés des mesures dérogatoires prévues par le code de la sécurité sociale en matière de contrôle, pour alléger les normes pesant sur les petites entreprises.

Nous avons également souhaité assouplir le délai de remise des pièces dans le cadre d’un examen de comptabilité, à la demande du contribuable et après validation par l’administration, pour les plus petites entreprises.

Nous veillerons à ce que ces exigences soient respectées à l’avenir, notamment dans le cadre de l’examen du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, ou projet de loi PACTE, qui a pour vocation d’alléger le fardeau normatif pesant sur les entreprises. Nous sommes convaincus qu’un redressement durable de l’économie nationale passera par des mesures ciblées en faveur des PME.

En Allemagne, ce sont les PME qui exportent, ce sont elles qui créent de l’emploi, ce sont elles qui innovent. En France aussi, mais elles subissent davantage de difficultés, car ce sont elles qui ont peur d’embaucher un salarié supplémentaire, ce sont elles qui n’ont pas les moyens de traiter la multiplicité et la complexité des normes, ce sont elles qui manquent d’accompagnement à l’export.

Le changement de culture administrative, qui est l’ambition de ce projet de loi, devra donc s’adresser aussi à ces désabusés de l’administration que sont les dirigeants de TPE et PME.

Collectivités contre État, villes contre campagnes, grandes entreprises contre petites entreprises : notre assemblée a pour vocation de réconcilier ces intérêts particuliers pour contribuer à la formation de l’intérêt général. Pourquoi opposer les uns aux autres, le Français des villes et le Français des champs, le fonctionnaire et le chef d’entreprise, le maire et le préfet ?

Les élus de notre groupe prennent acte de la volonté du Gouvernement et du Président de la République de restaurer la confiance entre l’administration et ses usagers. Nous les y aiderons en votant ce texte, avec les modifications, souvent bonnes, et parfois moins bonnes, qu’a apportées le Sénat.

Nous souhaitons que la confiance, et non la méfiance, soit au cœur de l’ensemble des politiques publiques. C’est le sens de la démarche de mon groupe, ici au Sénat, de soutenir toutes les mesures qui vont dans le sens de l’intérêt général et de s’opposer aux divisions stériles et parfois artificielles.

Enfin, en retenant, au sein de notre assemblée, les termes « relation de confiance » pour définir l’objectif de ce projet de loi, que voulions-nous dire ?

Je crois qu’en un sens nous avons voulu exprimer une aspiration que les anciens appelaient « concorde », que les Constituants de 1848 appelaient « fraternité », valeur inscrite depuis dans notre devise nationale.

Quel que soit son nom, confiance, concorde ou fraternité, cette idée d’unité a toujours présidé à la prospérité de la France.

Ce texte, modeste en vérité, ne restaurera pas à lui seul la confiance dans la société française, qui est un édifice bien plus vaste. Mais, s’il peut constituer une petite pierre de cet édifice d’intérêt général, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires le soutiendront !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte me laisse très sceptique, à la fois pour des raisons de forme et pour des raisons de fond.

Tout d’abord, au sujet des problèmes de forme, je n’ai pas pu m’expliquer la dernière fois, faute de temps.

À mon sens, les droits du Parlement en matière d’amendements sont actuellement confrontés à un certain nombre de menaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je considère donc que la pratique, adoptée par le Sénat, qui consiste à voter des pans entiers de texte en commission sans laisser aucune possibilité d’action en séance plénière, pose un vrai problème.

Pour ma part, je ne suis pas du tout d’accord avec ce que nous avons fait, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

… et qui consiste à dire : « On laisse de côté tel article, tel article et tel autre : on les met dans le même sac, tout se fera en commission et rien ne se passera en séance plénière. »

À mes yeux, ce n’est pas bon.

D’une part, une telle procédure donne raison au Président de la République, qui veut réduire le droit d’amendement des parlementaires. Si nous-mêmes nous réduisons nos droits, il ne faut pas se plaindre ensuite que le chef de l’État fasse des propositions en ce sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

D’autre part, en tant que sénateur non-inscrit, je ne peux pas non plus accepter cette disposition. Tous les sénateurs, par le biais de leur président de groupe, disposent d’un droit de veto pour garantir une discussion et donc un droit d’amendement en séance, sauf les sénateurs non-inscrits !

Or nous sommes tous, dans cette assemblée, des sénateurs égaux les uns par rapport aux autres. Il n’y a pas de raison pour que les sénateurs faisant partie d’un groupe disposent, par l’intermédiaire de leur président, afin d’assurer le débat en séance, d’un droit de veto dont sont privés les sénateurs non-inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Nous avons le droit d’être non-inscrits ! On a tout à fait le droit de n’avoir rien à faire des partis politiques ! Il n’est pas normal que nous soyons privés de ce droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

– on n’a pas beaucoup de temps, surtout nous –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. D’ailleurs, c’est bientôt fini !

Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

… ce texte est un véritable catalogue de La Redoute.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. On parle de mesures fiscales, on parle du téléphone portable, on parle des éoliennes, on parle de la géothermie

M. Philippe Dallier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Il faut recadrer les choses : on doit avoir des textes clairs, qui évitent de tomber dans une telle confusion.

Mes chers collègues, je citerai comme exemple l’article 25 de ce projet de loi, qui modifie dans une certaine mesure les rapports entre l’État et certaines religions. À mon sens, il n’est pas acceptable de voter un tel article à la sauvette, sans qu’il y ait un véritable débat.

Marques d ’ impatience sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. … aux problèmes généraux de la laïcité : tel n’a pas été le cas. On ne peut pas voter des petits morceaux à la sauvette, sans véritable débat !

MM. Stéphane Ravier et Sébastien Meurant applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

pour avoir su conduire cette expérience de façon subtile, et démontrer ainsi toute la pertinence de ce format –, madame, monsieur les rapporteurs de la commission spéciale, mes chers collègues, certains connaissent ici mon attachement particulier à Georges Clemenceau. Je ferai donc référence, aujourd’hui, à sa circulaire du 13 décembre 1917 intitulée « Réforme des méthodes de travail », tant elle est criante de modernité, face à l’exercice que nous venons de conduire pour une action publique modernisée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

… simple et efficace. Dans cette circulaire, Georges Clemenceau rappelait l’importance, pour l’administration, d’adapter ses « méthodes de travail » aux « nécessités de l’heure présente ».

Aujourd’hui, effectivement, l’heure présente exige davantage d’efficacité, d’adaptabilité, notamment digitale, et de bienveillance de la part de notre administration envers l’ensemble des usagers, qu’ils soient citoyens, entreprises ou collectivités locales – usagers pluriels introduits dans le présent texte par la commission spéciale du Sénat.

Mais, dans les relations de l’administration avec son public, comment mener cette « chasse obstinée à tous les temps morts qui ralentissent encore la machine administrative » ?

Georges Clemenceau nous donne la réponse : c’est par la conversation, car « c’est affaire aux deux interlocuteurs de prendre leurs responsabilités et aussi leurs sûretés » : il ne faut recourir aux pièces écrites « qu’au moment voulu, c’est-à-dire lorsque l’affaire est […] tout au moins dégrossie par la conversation ».

La conversation ou, pour le dire de façon plus moderne, le dialogue doit se concevoir aujourd’hui comme un élément clef d’une relation entre l’administration et les administrés. C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE approuvent l’objectif du Gouvernement d’encourager la constitution d’une administration plus à l’écoute et plus accessible pour accompagner ses usagers.

Néanmoins, il était tout aussi fondamental de maintenir les fonctions de contrôle et de prescription de l’administration. Les membres de notre groupe se félicitent donc que le Gouvernement partage leur avis quant à l’opportunité de supprimer un cadre « contractuel » à l’article 7.

L’introduction de mesures telles que la mise en place d’un référent unique, la fin des appels surtaxés et l’introduction du rescrit sont encore, pour nous, autant d’éléments propices à la « conversation » entre l’administration et ses usagers.

Dans sa circulaire, Clemenceau insistait sur le fait que chacun des acteurs devait prendre « ses responsabilités et ses sûretés ».

Les élus de notre groupe accueillent donc favorablement l’introduction d’un « droit à la régularisation » pour les usagers dans leurs démarches administratives. Nous l’appelions d’ailleurs de nos vœux. Nous aurions cependant souhaité exclure l’article 7 bis du droit à l’erreur – nous avions reçu un avis favorable du Gouvernement en ce sens –, car nous maintenons que tout travail partiellement dissimulé se fait souvent en connaissance de cause.

Pour ce qui concerne les sûretés, le projet de loi consacre un « droit au contrôle », afin de permettre au public de faire examiner par l’administration la conformité de ses démarches.

Enfin, ce texte responsabilise notre administration en dotant les usagers d’un « droit à l’opposabilité » quant aux conclusions des contrôles administratifs.

Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Si ce projet de loi semble vouloir mettre en œuvre un dialogue fluidifié et bienveillant entre l’administration et son public, nous regrettons que toute la place n’ait pas été laissée au Parlement pour converser sur ce texte.

En effet, les élus du groupe du RDSE déplorent un recours excessif aux ordonnances. Avec douze demandes d’habilitation, certains sujets cruciaux, comme l’avenir des chambres d’agriculture, n’ont pas eu le débat qu’ils méritaient.

Après le recours au vote bloqué sur la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricole, nous aurions souhaité avoir un débat conclusif quant au transfert de compétences entre les chambres d’agriculture départementales et régionales.

Enfin, comme vous l’avez remarqué, au cours de l’examen de ce texte, les élus du groupe du RDSE se sont attachés à défendre avec force leurs convictions, avec leurs amendements relatifs à la loi du 9 décembre 1905.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Oui, la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est bien modifiée à deux reprises dans ce texte, par l’article 25, via le code monétaire et financier, et par l’article 38 de ce projet de loi, qui vient modifier directement l’article 19 de la loi de 1905.

Cette loi de 1905 fait de la France un État laïque et, par sagesse, rejette toute demande d’avantages spécifiques aux associations cultuelles.

Les modifications introduites sont donc tout sauf anodines, dès lors que l’on touche au cœur des principes à valeur constitutionnelle de notre République. De surcroît, elles introduisent des inégalités de traitement entre les associations cultuelles et non cultuelles.

La première mesure permet aux associations cultuelles de tirer profit d’immeubles de rapport pour aller au-delà de leur seule subsistance, alors que des associations loi de 1901 ne bénéficient pas d’autant de largesses.

La seconde mesure permet aux associations cultuelles de ne plus être soumises aux mêmes obligations que les autres associations, pour ce qui concerne la notion de représentant d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP.

Monsieur le secrétaire d’État, même si vous nous avez assurés, en séance, de votre « attachement viscéral voire radical à la laïcité »,

Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Pour en revenir à l’esprit de Clemenceau, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

… je citerai encore quelques passages de sa circulaire.

« Il faut traiter les affaires en hommes d’affaires : donc aller vite. »

« On ne doit pas tolérer qu’un dossier soit transmis de porte en porte “pour attributions” […] alors qu’une entente téléphonique lui eût assuré d’emblée sa légitime destination. »

« Il est inadmissible […] de voir deux bureaux entreprendre un long échange de correspondance pour un renseignement qu’aurait fourni une conversation de deux minutes. »

« Ces habitudes prises, on constatera que […] 80 % des affaires peuvent être étudiées et résolues très rapidement. »

Mes chers collègues, ce texte a cent ans, et les constats et préoccupations qu’il exprime sont encore les mêmes aujourd’hui.

Pour conclure, le groupe du RDSE comptera deux voix contre le présent texte. Les autres suffrages se partageront entre les abstentions et les votes favorables.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, je rappelle chacune et chacun d’entre vous à un peu plus de silence : Mme Delattre a fait preuve d’une grande patience, et moi aussi…

La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous procéderons tout à l’heure au vote solennel du projet de loi nouvellement dénommé au Sénat « renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ».

Je pense que chacun, dans cet hémicycle, s’accorde sur la volonté de placer la confiance au cœur des rapports entre l’administration et les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Au sein du texte déposé devant le Parlement, deux mesures devaient tout particulièrement y contribuer : la généralisation d’un droit à l’erreur et la création d’un droit au contrôle.

Le droit à l’erreur, mesure centrale de ce texte de loi, au point de lui avoir donné son premier intitulé, permettra à l’administré de ne pas souffrir des conséquences d’une erreur commise de bonne foi et pour la première fois.

Ce nouveau droit, déjà mis en œuvre par l’administration fiscale, viendra s’appliquer à de nombreux domaines du quotidien des citoyens, apaisant et facilitant ainsi leurs rapports avec l’administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Au cours des débats, nous avons discuté à plusieurs reprises de la place du conseil dans les missions des administrations. Nous sommes bien d’accord pour dire que le développement de relations de confiance, permettant d’informer, d’orienter et de conseiller le public n’exclut pas le contrôle.

L’extension du rescrit administratif, la création de certificats d’information et surtout la consécration d’un droit au contrôle découlent de cet impératif. Ces mesures servent toutes à fixer les bornes claires et nécessaires de la confiance.

Mais, dans les faits, l’essentiel de nos débats n’a pas porté sur ces nouveaux droits et sur leur application. En effet, ceux-ci ne représentent qu’un quart environ du texte qui nous a été soumis. Le reste est constitué d’un ensemble de mesures couvrant des domaines très variés. Elles visent à simplifier et à modifier le droit existant, mais aussi à accompagner la dématérialisation de l’administration, ou encore, et surtout, à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

C’est la raison pour laquelle ce texte a été qualifié de « fourre-tout » assemblant des mesures hétéroclites placées à la remorque de deux droits innovants.

C’est aussi la raison de nos critiques portant sur la forme et sur la méthode. Le Président de la République lui-même affirmait, lors de son discours devant le Congrès, en juillet 2017, qu’il fallait « une activité parlementaire revivifiée par un cap clair [et] des débats mieux construits. »

Le présent texte, convenons-en, n’illustre pas ces beaux principes. Était-il nécessaire d’y inclure tant de recours à la législation par ordonnance ? Alors que souffle le vent de l’antiparlementarisme, ne pouvait-on pas accorder davantage de confiance au Parlement ?

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

N’était-ce pas une bonne occasion de confier aux députés et aux sénateurs la mission d’enrichir ce texte ?

Pourquoi, d’ailleurs, diluer autant l’impact et la clarté de ce projet de loi ? Était-il nécessaire, pour légiférer sur la confiance, d’inclure des dispositions sur la géothermie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

… sur les modalités de recouvrement des indus des prestations sociales, ou encore sur les modes de garde de la petite enfance ? La clarté et l’intelligibilité de la norme, qui sont des objectifs à valeur constitutionnelle, en souffrent grandement !

Et pourquoi attendre le dernier moment pour déposer certains amendements sur des sujets importants, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

… qu’il s’agisse d’engager une nouvelle expérimentation – la dix-huitième, excusez du peu ! – ou de revenir sur la décision d’attribution d’appels d’offres pour la réalisation de champs éoliens en mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. Ce n’est manifestement pas là une marque de confiance. C’est un manque de respect et une très mauvaise manière faite au Sénat, que nous ne pouvons accepter.

Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Mettre en œuvre la confiance, c’est savoir laisser au Parlement la possibilité et le temps de préparer autant que de discuter la loi. C’est son rôle. Le recours aux ordonnances ne doit pas être systématique : c’est essentiel à la séparation des pouvoirs. Mais, à observer les textes qui nous sont soumis, ce gouvernement me semble avoir la maladie des ordonnances.

Contourner le Parlement pour mieux le contraindre, cela ne me semble pas porter le symbole d’un monde nouveau…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

En voulant faire voter à la hâte des mesures aussi nombreuses qu’hétéroclites, on retire au Parlement la possibilité d’avoir un débat clair et mieux construit sur chacune d’entre elles.

Ces mesures ne méritent-elles pas leur propre texte, qu’il s’agisse de l’enseignement supérieur, des énergies renouvelables, des agences de notation ou de bien d’autres sujets encore ? Le chef de l’État n’était-il pas celui qui affirmait vouloir « une société de confiance », en précisant que, pour cela, une seule loi ne saurait suffire ?

Toutefois, mes chers collègues, malgré cette déception, la commission spéciale et le Sénat dans son ensemble ont fait preuve de leur capacité à rebondir, pour créer les conditions d’un travail législatif fructueux en enrichissant, en précisant et, là où c’était nécessaire, en élaguant le présent projet de loi.

Nous nous sommes réapproprié ce texte sur la confiance et nous avons fourni un travail considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. À ce titre, permettez-moi d’abord de remercier tout particulièrement les rapporteurs, Pascale Gruny et Jean-Claude Luche, et tous les membres de la commission spéciale de leur contribution.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe Union Centriste. – M. Emmanuel Capus applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

En perfectionnant les dispositifs, en améliorant des rédactions souvent complexes et en retirant certains des éléments les moins pertinents, nous avons contribué à produire un texte de loi meilleur.

Je citerai, à cet égard, quatre apports importants du Sénat : la reconnaissance, au bénéfice des collectivités locales, dans leurs relations avec l’État, d’un droit à l’erreur ; la possibilité d’une validation expresse des points examinés lors d’un contrôle fiscal ; la limitation de la durée cumulée des contrôles administratifs sur les très petites entreprises à six mois sur une période de trois ans ; et enfin le maintien du recours à l’enquête publique plutôt qu’une simple procédure de consultation par voie électronique préalablement à l’autorisation d’un certain nombre de projets agricoles.

L’examen de ce texte a également été l’occasion de recourir pour la première fois à la procédure de législation en commission. Celle-ci nous aura permis d’accélérer significativement nos travaux en séance publique sans que le débat perde en qualité. Plusieurs d’entre vous, initialement sceptiques quant au recours à cette procédure, l’ont saluée à l’issue de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. Avec cette nouvelle procédure, le Sénat est pionnier, et c’est tant mieux : pour ceux qui pensent que le bicamérisme serait d’un autre temps ou que le Sénat est la maison des conservatismes, il faudra repasser !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

C’est pourtant vrai ! La maison du conservatisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Avec cette innovation, nous affirmons la capacité du Sénat à s’adapter, à légiférer sur des sujets plus techniques, avec un vrai travail de fond en commission, un travail de qualité bien sûr.

Ce travail obéit néanmoins à un préalable : le pacte de confiance et d’intelligence partagées, contrepartie du droit de veto.

Mes chers collègues, je vous invite à voter ce projet de loi qui, malgré ses défauts, contribuera à moderniser les rapports des Français avec leurs administrations, qui doit permettre de rendre ces dernières plus performantes et plus efficaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. Bien sûr, nous formons le vœu que la commission mixte paritaire soit conclusive, et nous serons attentifs à l’évaluation qui sera faite par et avec le Gouvernement !

Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je ne ferai pas durer le suspense, le groupe La République En Marche s’abstiendra sur le présent projet de loi.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Nous espérons néanmoins, en ce jour de printemps – certes un peu froid –, qu’un accord sera trouvé à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Pourquoi cette position d’abstention sur un texte qui, pour faire écho à la discussion générale, vise à faciliter la vie de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos administrations ?

Nous avons posé un certain nombre de balises avec les dispositifs principaux du texte – le droit à l’erreur, le droit au contrôle, la médiation, la transaction –, mais il est vrai que c’est une impression un peu plus complexe qui domine à ce stade de la procédure.

J’ai suivi l’intégralité des débats, et force est de constater que ce qui en ressort peut parfois donner le tournis. Nous avons débattu longuement et précisément d’un certain nombre de sujets, si bien que le débat n’a pas du tout été occulté. Le syndrome du concours Lépine que je relevais à la tribune la semaine dernière ne nous a, hélas, pas totalement épargnés, avec une série d’amendements sectoriels adoptés parfois contre l’avis du Gouvernement – après tout, nous sommes au Sénat –…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Cela arrive aussi à l’Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

M. Julien Bargeton. …, mais aussi contre l’avis de la commission spéciale.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Le groupe La République En Marche a fait notamment adopter un amendement particulièrement bienvenu proposé par Patricia Schillinger visant à étendre le droit à l’erreur au code de la sécurité sociale.

Il est toujours curieux d’assister à l’embolie progressive de certains textes, a fortiori d’un texte dont la raison d’être est de promouvoir et de permettre une plus grande simplicité, une plus grande sérénité des relations administratives.

La fameuse formule de Michel Crozier « on ne change pas la société par décret » s’applique aussi au législateur. §Dit autrement, l’excès de règles est parfois autant à craindre que l’absence de règles. Il est inutile d’empiler la norme sur la norme. C’est d’ailleurs l’un des grands mérites de ce projet de loi que de reconnaître que d’autres outils juridiques sont disponibles pour faire face à telle ou telle situation entre les administrés et l’administration.

Ce texte s’articule avec la transformation de l’action publique. C’est en effet demain aux agents publics qu’il reviendra de l’appliquer. Il reviendra notamment aux managers et aux gestionnaires des ressources humaines de permettre au droit à l’erreur de pleinement se déployer. Car derrière la législation, il y a des agents publics qui ne demandent qu’à pouvoir accomplir sereinement un service public de qualité. Ce sont les agents publics qui feront vivre au quotidien cette administration qui conseille, cette administration qui dialogue !

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu de flécher 700 millions d’euros vers la formation des agents publics, notamment aux enjeux du numérique dont la connaissance est indispensable pour pouvoir appliquer concrètement les transformations de l’administration.

Longtemps la confiance a été la grande absente des relations entre l’État et celles et ceux qui le font fonctionner. Ce texte pose un jalon, il envoie un signal. Il montre aux agents publics du terrain que leurs retours, leurs initiatives, leurs difficultés sont des leviers d’amélioration du service public.

On ne révolutionne pas cent ans en cent pages ou deux cents ans en deux cents pages, mais vous pourrez compter sur nous, monsieur le secrétaire d’État, pour appuyer et enrichir vos actions de modernisation de l’administration qui ont pour ambition de tracer des perspectives d’avenir pour la fonction publique.

Le groupe La République En Marche espère que le texte sera peut-être moins corpulent, et donc plus cohérent à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Cela étant, nous nous félicitons de la mise en œuvre de la procédure de législation en commission qui est une innovation à préserver, et qui a permis de conserver la discussion en séance publique des principaux articles du projet de loi.

Malgré les divergences d’appréciation importantes qui subsistent à ce stade, je salue la commission spéciale, les rapporteurs et leur travail.

Ce texte est un appel à une société plus confiante, plus sereine, qui offre de nouvelles respirations aux relations entre les administrations et l’usager. Puisse cette sérénité inspirer les travaux de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Selon la légende, avant la visite de Catherine II en Crimée, le Premier ministre d’alors, Grigori Potemkine, aurait donné l’ordre de cacher la misère des villages traversés par l’impératrice derrière des façades de carton-pâte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Ce texte est un projet de loi Potemkine

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Jusqu’à présent, les sommets de l’État avaient pensé soigner la sécession civique des Français par la transparence. On expérimente donc une nouvelle médecine : la confiance.

« Rien ne sera possible sans cette relation de confiance et de responsabilité » déclinait il y a déjà quelques mois Emmanuel Macron dans son discours-fleuve du congrès de l’Association des maires de France. La transparence s’était faite sur le dos des élus ; la société de confiance sera réalisée sur celui de l’administration.

Curieux mélange de théorie du care, du soin, chère aux sociaux libéraux du New Labour, et de populisme chic : calmer la défiance des citoyens en transformant une administration jugée soupçonneuse, tatillonne, voire hostile en administration de l’accueil.

L’administration publique n’administre plus, elle donne des conseils et rend des services. Son objectif est non plus de concilier l’efficacité et l’équité de traitement des citoyens, mais de leur donner confiance dans leur administration, donc en eux-mêmes.

C’est d’abord un service social. C’est une administration qui accompagne, qui reconnaît le droit à l’erreur et qui prévient celle-ci, le tout, bien sûr, avec des moyens en voie de réduction.

Côté contenu, on est loin du compte. Le produit phare, le droit à l’erreur pour les personnes de bonne foi ayant méconnu pour la première fois une règle, se borne largement à inscrire dans la loi des pratiques existantes qu’un décret, voire quelques circulaires, aurait suffi à généraliser.

En revanche, ce texte laisse intacts les dilemmes de la vie réelle : la preuve de la mauvaise foi incombe à l’administration qui doit démontrer une volonté de méconnaître délibérément la règle. Mais comment démontrer une intention ? Être contrôlé devient un droit, mais un droit que l’administration peut refuser s’il a pour effet de « compromettre le bon fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité de mener à bien son programme de contrôle. »

Quant à la limitation expérimentale des contrôles des petites et moyennes entreprises, les PME, elle ne concerne ni les contrôles relatifs au respect des règles européennes, à la préservation de la santé, à la sécurité des personnes et des biens ou à l’environnement ni les contrôles résultant de l’exécution d’un contrat ou effectués par une autorité de régulation. Elle n’est pas non plus opposable quand existent « des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire. »

On se demande d’autant plus qui sera réellement concerné qu’actuellement l’objectif d’un vérificateur de la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, se limite à une procédure achevée par mois. Qu’importe d’ailleurs, puisqu’il s’agit seulement de montrer à l’électorat visé qu’on prend soin de lui ?

Même perplexité quant au certificat d’information et au référent unique. Le certificat d’information engage la responsabilité de l’administration : clair et précis, il sera la source de multiples plaintes et contentieux ; se limitant à des généralités, il sera inutile. Quant au référent unique, où trouvera-t-on ces encyclopédies vivantes ? Mystère !

L’autre moitié du texte se partage entre la reprise de vieilles lunes et celle des habituelles propositions de loi portant diverses dispositions de modernisation et de simplification de ceci ou de cela.

Au chapitre des vieilles lunes, on trouve la réduction des effectifs de la fonction publique d’État par la dématérialisation, sans souci pour les treize millions de laissés-pour-compte du numérique, ce chiffre émanant du rapport du CREDOC sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, et l’appel aux collectivités locales.

Autre vieille lune, la stimulation de la construction par l’innovation, sans trop se soucier des conséquences en termes de sécurité publique, de sécurité tout court et de protection de l’environnement. On fait, puis on voit ! C’est ce qu’on appelle remplacer une logique de moyens par une logique d’objectifs.

Pour les résultats et les contentieux, comme pour la revalorisation des retraites agricoles, il faudra attendre.

Pour le reste, au détour des articles, on ne révise rien de moins que la loi de 1905 sur la séparation des Églises et l’État, le code minier, le code de l’action sociale et des familles, le code de la consommation, le code monétaire et financier pour protéger les banques des recours de leurs emprunteurs, le code de l’éducation et la réglementation des cirques – j’ai dû en oublier.

Que penser d’un tel projet de loi, sinon que l’on se moque du Parlement ? La mission de ce dernier n’est ni de participer aux campagnes promotionnelles de l’exécutif, ni de se dessaisir, sauf exception, de son pouvoir de légiférer au profit de celui-ci, ni, inversement, de diriger l’administration. Sa mission est de faire des lois qu’on n’aura pas à réviser dès que votées – à l’inverse de celle-ci.

Mes chers collègues, vous aurez compris que mon groupe ne votera pas ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, avant d’évoquer le texte en lui-même, permettez-moi de revenir sur la procédure qui a permis son élaboration – je veux parler de la législation en commission.

Procédure nouvelle, innovante, et finalement concluante, cette méthode, sur les sujets techniques qui nous intéressaient, a fait ses preuves. Offrant un gain de temps indéniable en séance publique, elle aura permis d’approfondir le débat sur d’autres points qui, sans être dépourvus de toute technicité, présentaient une plus grande acuité.

Hasard du calendrier, le texte pour lequel cette procédure fut inaugurée porte sur la confiance. Or cette procédure est un pacte de confiance du Parlement envers ses membres et de ses membres envers leurs commissions.

Après ce premier succès, elle a vocation à prospérer. Il s’agit là d’un utile renouveau de la procédure législative, et force est de constater que c’est du Sénat que cette innovation émane. Nous pouvons en être fiers.

Sur le présent projet de loi aussi complet que complexe, et avec l’utilisation donc d’une procédure nouvelle, nous devons saluer la sagacité de la commission spéciale, de son président et de ses deux rapporteurs, qui ont su habilement trouver un équilibre quand la complexité et la pluralité des sujets auraient pu nous perdre.

Certaines dispositions demeuraient en effet imprécises, et conséquemment délicates à mettre en œuvre. Ce n’est plus le cas.

Les douze articles examinés via la procédure de législation en commission, ainsi que les nombreux articles seulement modifiés par les amendements de la commission spéciale ont été substantiellement améliorés. Cet important travail de la commission spéciale, sur le plan tant quantitatif que qualitatif, est à souligner.

Le travail en commission fut important, le travail en séance publique le fut tout autant, et le texte – à présent renommé « projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public » – comporte treize nouveaux articles, preuve que le Sénat est plus que jamais nécessaire à la bonne conduite des travaux législatifs et à la vitalité du débat démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

Si la densification du projet de loi – il compte désormais quatre-vingt-quatre articles – peut, sinon effrayer, à tout le moins étonner, elle n’en demeure pas moins nécessaire. La taille du texte se justifie en effet par son objet même et par la transversalité qu’il implique. L’administration est au cœur du fonctionnement de notre société ; en renforcer l’efficacité impliquait nécessairement une multiplicité de sujets de débat.

Je veux à présent évoquer le fond du projet de loi.

Tout d’abord, le droit à l’erreur, qui est l’un des fondements de ce texte. Son champ d’application a été étendu aux collectivités territoriales par la commission spéciale sénatoriale. En tant que représentants des collectivités territoriales, nous devons nous réjouir de cette extension. Comme j’ai déjà pu le dire, la confiance réciproque entre l’État et les collectivités territoriales est plus que nécessaire. Avec l’extension du droit à l’erreur, cette mesure revêt une importance plus grande encore.

Mais ce droit à l’erreur a également été étendu, en séance publique, à certaines règles issues du droit européen, notamment la politique agricole commune, la PAC, et à l’environnement. Ainsi, nos agriculteurs, qui travaillent dur, mais se retrouvent parfois englués dans des démarches administratives complexes, n’auront plus à craindre d’être sanctionnés alors qu’ils étaient de bonne foi. Quant à l’environnement, cette extension procède du bon sens en cette période de prise de conscience générale.

Je profite également du temps qui m’est accordé pour saluer Hervé Maurey, grâce à qui a été accrue la traçabilité des flux financiers pour ce qui concerne la construction des lieux de cultes. La mesure adoptée par le Sénat permet en effet de soumettre à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel certifié par un commissaire aux comptes tout projet de construction d’un édifice du culte. La confiance devant en ce domaine passer par le contrôle et la transparence, nous nous félicitons de l’adoption de l’amendement à l’origine de cette disposition.

Enfin, je reviendrai brièvement sur la renégociation des tarifs de rachat de l’électricité produite en mer souhaitée par le Gouvernement. Ce sujet a provoqué de vifs débats au sein de la Haute Assemblée, chaque option présentant ses avantages et ses inconvénients. Au sein même de mon groupe, des désaccords existaient, mais parce que rien ne sert plus la démocratie que le débat d’idées, je me réjouis de l’existence de ces discussions. Conformément à l’avis de la commission spéciale, la sagesse du Sénat a tranché et l’amendement en cause a été rejeté.

Pour conclure, le texte dont nous débattons porte sur la confiance. La confiance se construit, elle ne se décrète pas et les propos incantatoires sont vains.

Ce projet de loi fait preuve de bon sens ; nous nous rangerons donc à la majorité en le votant. Les idées qu’il véhicule sont les bonnes. Toutefois, nous ne nous reposerons pas sur cet acquis, car si l’ambition est grande, nous ne sommes pas encore à son niveau.

Ce jalon, aussi nécessaire soit-il, n’est jamais que la première étape vers la restauration du lien de confiance qui doit exister entre l’administration et ses interlocuteurs. Aussi veillerons-nous à ce que les décrets d’application soient bien pris et à ce que les expérimentations fassent l’objet des évaluations prévues, afin que notre engagement ne soit pas vain. L’amélioration générale de notre administration doit être effective. Ce sera le sens de notre vote.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le présent projet de loi, que le Gouvernement avait baptisé « pour un État au service d’une société de confiance », partait d’un bon sentiment, même si son intitulé était un peu pompeux. Je me félicite d’ailleurs que le Sénat donne à ce texte un nom plus conforme à la modestie qui est la sienne en l’intitulant projet de loi « renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ».

Ce projet de loi, le groupe socialiste et républicain l’a abordé avec enthousiasme. C’était pour nous l’occasion d’aller plus loin dans le travail de simplification législative et de modernisation de l’État amorcé par MM. Warsmann et Mandon, pour ne citer qu’eux. Mais c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses, comme vous le savez.

À l’heure du bilan, je constate que des mesures intéressantes nous sont effectivement soumises aujourd’hui. Je pense bien évidemment à l’article 2, qui instaure un droit à l’erreur qui devra permettre à nos concitoyens, sous réserve qu’ils soient de bonne foi, d’éviter des sanctions de l’administration au premier manquement. Nous nous félicitons que le travail sénatorial ait permis l’élargissement de ce droit aux collectivités locales.

Au travers de l’adoption d’amendements présentés par des sénateurs socialistes, nous avons également obtenu le report de la fin des déclarations d’impôt sur papier à 2025, afin que nos concitoyens éloignés du numérique ne soient pas pénalisés.

Le Sénat a apporté de nombreuses contributions à ce texte, ce qui constitue une belle illustration des vertus du bicamérisme.

Ma collègue Michelle Meunier et la rapporteur ont ainsi dénoncé l’habilitation à prendre par ordonnance toute mesure facilitant l’implantation, le développement et le maintien de modes d’accueil de la petite enfance. La vie quotidienne de près de 900 000 enfants accueillis, de leurs parents et des professionnels qui travaillent dans ces structures mérite mieux que le recours aux ordonnances, et la commission spéciale a eu raison de supprimer l’article 26 bis.

Mon groupe se félicite également du renforcement des modalités de consultation du public lors de la création d’installations classées pour la protection de l’environnement.

La navette parlementaire n’a cependant pas réussi à gommer certains aspects plus gênants de ce texte qui tiennent pour beaucoup à sa conception. Comme d’autres avant moi, je qualifierai ce projet de loi de fourre-tout. Ce texte comporte de trop nombreuses habilitations, procédure dont le Gouvernement abuse par un goût excessif pour le contournement du Parlement.

Concernant le numérique, l’article relatif à la dématérialisation permet aux administrés de faire des démarches depuis leur domicile, ce qui leur fera gagner beaucoup de temps. Cependant, en refusant notre amendement qui visait à un accompagnement numérique des personnes les plus vulnérables, vous niez, monsieur le secrétaire d’État, la fracture numérique qui peut exister. En ne reversant pas les économies réalisées par la dématérialisation au profit d’un accompagnement des plus vulnérables, vous passez à côté d’une amélioration qui aurait rassemblé largement.

Par ailleurs, comment passer sous silence l’incontournable question des moyens ? Ce texte, ce n’est pas le conseil à la place du contrôle, c’est le conseil et le contrôle. L’un ne remplace pas l’autre. C’est donc davantage de travail pour les services de l’État, dans un contexte de réduction drastique des effectifs de fonctionnaires.

Bien qu’il y soit peu fait mention des agents de l’État, ce projet de loi va profondément changer leurs conditions de travail. La numérisation du travail ne fera pas disparaître le travail par miracle, et vous allez par conséquent leur demander de faire toujours plus. Après le rétablissement du jour de carence, la hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, et le gel du point d’indice pour 2018, nos fonctionnaires témoigneront d’ailleurs de leur perte de confiance dans la rue dès jeudi, soutenus massivement par la gauche dans toutes ses composantes.

Enfin, le groupe socialiste et républicain signifie son opposition à l’exclusion des associations cultuelles des registres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique. Cette décision n’a aucun sens quand on se rappelle le poids des cultes lors du débat sur le mariage pour tous ou quand on observe la préparation des débats sur la bioéthique. Nous respectons les religions, mais nous attendons qu’elles participent au débat public dans la plus grande transparence.

Je tiens en dernier lieu à saluer l’excellent climat dans lequel se sont déroulés les travaux de notre commission spéciale. J’en remercie son président et ses rapporteurs.

Je veux aussi redire tout l’intérêt que nous avons trouvé à la procédure de législation en commission, sous réserve, et c’était le cas, d’un travail précis de définition de son périmètre. Cette PLEC démontre la capacité d’adaptation du Sénat, qui n’attend pas le Gouvernement pour réinventer le travail parlementaire.

Partis enthousiastes, mais rapidement devenus timorés, les sénateurs socialistes s’abstiendront donc lors du vote final sur ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je remercie à mon tour les deux rapporteurs, Pascale Gruny et Jean-Claude Luche, ainsi que le président de la commission spéciale, Jean-François Husson, d’avoir appliqué cette procédure de législation en commission, ou LEC, qui n’est désormais plus expérimentale.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission, modifié.

Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Éric Bocquet, Annie Guillemot et Michel Raison, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures vingt-cinq, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 72 :

Le Sénat a adopté le projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Je remercie l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui ont participé à l’élaboration de ce texte, avec une mention particulière pour M. le président de la commission spéciale et pour Mme et M. les rapporteurs. Je les remercie de la qualité de nos échanges, mais également de leur franchise. Je crois que nous partagions la volonté d’avancer sur un certain nombre de dispositions.

Je forme le vœu que les débats lors de la réunion de la commission mixte paritaire nous permettent de trouver les voies d’un consensus et de l’adoption du texte le plus ambitieux possible.

Il reste du travail pour y arriver. Certaines dispositions auxquelles le Gouvernement est particulièrement attaché, soit qu’il les ait introduites dans le projet de loi présenté au Parlement, soit qu’il en ait soutenu l’adoption à l’Assemblée nationale ou dans cette enceinte, ont pu être revues, parfois même supprimées ; d’autres ont été intégrées dans le texte avec des divergences d’appréciation, mais c’est le jeu parlementaire qui veut cela et ce sont nos fonctions respectives qui nous amènent à ces positions.

En tout cas, je forme le vœu que les travaux de la commission mixte paritaire soient les plus fructueux possible, et que nous puissions bientôt nous retrouver.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat, le respect des uns et des autres, ainsi que le temps qui lui est attribué.

J’espère que chacun veillera, en cette Journée internationale de la francophonie, à choisir lors de cette séance les meilleurs mots de la langue française !

Rires et applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le Premier ministre, cette question du groupe du RDSE porte sur les offensives conduites par ceux qui tentent de diviser les Français en propageant une vision du monde communautariste, accusant de tous les maux les valeurs fondamentales de notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité, sans oublier la laïcité.

Mon groupe tient à faire une mise au point après la publication, aujourd’hui, de l’appel de 100 personnalités contre la volonté séparatiste de certains mouvements islamistes.

La liberté d’expression subit des attaques incessantes et croissantes, en particulier sur les réseaux sociaux. Ces derniers jours, des associations laïques sont la cible d’activistes sur des médias comme Wikipédia, Twitter ou Facebook. La gouvernance de ces supports est dépassée par ces attaques d’un nouveau genre face auxquelles nous sommes démunis.

Ne nous y trompons pas, ce sont des tentatives pour déstabiliser notre modèle républicain et diviser nos concitoyens en jouant sur les difficultés qu’ils traversent au quotidien.

C’est pourquoi le groupe du RDSE veut rappeler combien il est attaché aux valeurs de notre République.

Oui, la liberté est la même pour chacun dans notre pays.

Oui, l’égalité entre tous, femmes ou hommes, est la loi.

Oui, la fraternité est un pilier de notre République, faite d’humanisme et d’universalisme.

Oui, la laïcité est le ciment de ces principes républicains, tout comme la loi de 1905, qui instaure la neutralité de l’État et sépare son organisation de celle des cultes.

Bien que les intégristes de tous bords tentent de discréditer la laïcité, nous rappelons qu’elle ne stigmatise aucune religion, aucun croyant, aucun non-croyant, et qu’elle garantit l’égalité de traitement de tous nos concitoyens. Face aux offensives qui se multiplient, nous devons rester vigilants et déterminés.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le Premier ministre, comment vous comptez repousser ces nouvelles formes d’activisme communautariste et préserver notre démocratie.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, avant de me poser votre question, vous avez formulé toute une série d’affirmations, presque une litanie

Exclamations amusées sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

, qui prennent plutôt la forme d’un credo

Sourires et applaudissements.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Je crois, comme vous, que la laïcité est désormais intimement imbriquée dans les valeurs de la République. Je pense que nous devons la défendre, l’expliquer.

Nous devons expliquer à ceux qui doutent encore de son sens ou souhaitent le remettre en cause, et à ceux qui font mine de l’ignorer qu’elle est un principe de liberté – la liberté de tout citoyen de croire ou de ne pas croire et d’exercer librement son culte – et de neutralité – la neutralité absolue de toute personne dépositaire de l’autorité publique.

Vous l’avez dit, madame la sénatrice, nous sommes extrêmement attachés à la laïcité et nous devons la défendre.

Le Gouvernement a présenté, à l’occasion d’un comité interministériel qui se déroulait à Lille, un ensemble de mesures pour prévenir la radicalisation et lutter contre celle-ci.

Dans votre question, vous avez insisté sur les réseaux sociaux. Je veux y revenir de façon spécifique.

Il y a quelque chose de profondément choquant à accepter le dispositif juridique qui prévaut en France à l’heure où nous parlons. Hérité des années 2000, il fait une différence fondamentale entre les éditeurs et les hébergeurs.

Si quelqu’un ici – non, par nature pas quelqu’un ici ! –, si donc quelqu’un rédigeait sur le site d’un journal un commentaire qui viendrait enfreindre des lois proscrivant l’expression d’opinions antisémites ou racistes, le directeur de la publication verrait immédiatement sa responsabilité pénale engagée. Sur un réseau social, le même commentaire passera parce que la responsabilité de l’hébergeur n’est pas celle de l’éditeur.

Il est profondément choquant que les réseaux sociaux soient en mesure d’empêcher la diffusion en direct d’un match de football, comme Facebook sait très bien le faire quand il veut éviter de créer des problèmes avec les ligues de football.

En revanche, nous ne sommes pas suffisamment en mesure de garantir le retrait rapide de contenus racistes et antisémites. Nous voulons y travailler et changer les choses. Le Président de la République s’y est engagé. Nous voulons faire en sorte que ces écrits – ces délits – puissent être constatés, sanctionnés et retirés sans délai des réseaux sociaux.

Nous avons indiqué que nous étions prêts à étudier avec nos partenaires européens le moyen de créer, entre le statut d’éditeur et celui d’hébergeur, un troisième statut qui responsabiliserait davantage les réseaux sociaux, afin d’éviter cette impunité délétère, cette sensation d’anonymat qui laisse croire que tout peut être écrit sur ces réseaux.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Madame la ministre du travail, ce matin, j’ai eu le plaisir d’apprendre que le gouvernement auquel vous appartenez va encore prendre une mesure très courageuse et engagée vers le progrès social, une mesure qui va enfin mettre un terme à la précarité de l’emploi et à la situation terrible de celles et ceux qui en sont privés.

J’ai en effet appris ce matin que vous alliez renforcer les contrôles et les sanctions à l’égard des chômeurs. Quelle audace ! Il faut en avoir du courage politique pour s’attaquer ainsi aux catégories les plus fragiles de la population.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Les cas de fraude qui requièrent, selon vous, que l’on triple les effectifs chargés du contrôle concernent près de 5 % des prestations versées et 0, 4 % des demandeurs d’emploi. Un véritable fléau, assurément ! Surtout en comparaison des 60 à 80 milliards d’euros de fraude fiscale, sans compter toutes les techniques d’optimisation que les grandes entreprises et autres fortunes de ce pays mettent en œuvre grâce à leurs avocats spécialisés.

Avec vous, madame la ministre, toute personne n’acceptant pas n’importe quel travail, même précaire, sous-payé, situé à une heure de chez elle, devra être radiée, alors que les employeurs ont, quant à eux, un droit à l’erreur, une fiscalité avantageuse et un pouvoir renforcé dans l’entreprise.

Pour appuyer votre mesure, le patronat nous dit que certains secteurs manquent de main-d’œuvre, mais sans jamais remettre en question les conditions de travail et les salaires proposés. Évidemment, pas de mépris de classe, pas de culpabilisation des « privés d’emploi »…, mais ce simple qualificatif est déjà en lui-même stigmatisant ! Or, rappelons-le, une personne qui perçoit des indemnités de chômage a cotisé pour avoir ce droit. Car c’est un droit, madame la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

M. Pascal Savoldelli. Les grandes fortunes de France et les résultats du CAC 40 n’ont jamais été aussi opulents, mais on demande toujours aux mêmes de faire des efforts.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Vous avez déclaré ce matin, madame la ministre : « L’intelligence n’est pas interdite. » Aussi, je vous le dis, ce sont non pas les chômeurs qu’il faut battre, mais le chômage. C’est simple et basique !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Monsieur le sénateur Savoldelli, comme nous y a invités M. le président du Sénat, je souhaite commencer mon intervention par une approche littéraire et philosophique, avant de répondre très directement à votre question.

« Nos devoirs - ce sont les droits que les autres ont sur nous ».

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Ce n’est pas un Français qui a dit cela, mais Friedrich Nietzsche. Toute l’Europe enrichit la langue et la philosophie françaises…

Ce que vous dites est faux, monsieur le sénateur : ce qui stigmatise les chômeurs, ce n’est pas ce dont vous parlez.

Ce qui les stigmatise d’abord, c’est qu’ils ne parviennent pas suffisamment, faute d’accompagnement précoce, à trouver un emploi, même lorsque la croissance repart.

C’est pour cela que nous allons investir 15 milliards d’euros dans la formation des demandeurs d’emploi.

C’est pour cela que Pôle Emploi va mettre en place à titre expérimental un journal de bord qui permettra à ses conseillers de passer moins de temps à vérifier les actes positifs de recherche d’emploi, et davantage à conseiller les demandeurs d’emploi de façon personnalisée.

Ce qui stigmatise les demandeurs d’emploi, c’est l’actuelle règle bureaucratique de l’offre raisonnable d’emploi : on l’applique en effet de la même façon à toutes les personnes, quelle que soit leur situation, qu’il s’agisse d’une femme élevant seule ses trois enfants qui doit emmener l’un d’eux à la crèche le matin, ou d’un demandeur d’emploi dans une zone rurale dépourvue de transports en commun et qui n’a pas le permis de conduire. De toutes ces personnes, on exige les mêmes choses ; or cela ne marche pas.

Nous allons aussi, demain, lutter contre une autre stigmatisation, que vous connaissez très bien, car les entreprises et les demandeurs d’emploi en parlent. Elle est due à la toute petite minorité de demandeurs d’emploi qui non seulement ne font pas d’actes positifs de recherche d’emploi, mais également refusent les emplois qualifiés et bien payés. Ce sont eux qui nuisent à l’image des chômeurs, qui font qu’on les stigmatise, qui découragent les employeurs et les autres salariés !

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Nous allons mener une politique équilibrée, avec davantage d’accompagnement et de contrôles, une politique plus juste et plus efficace.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Monsieur le Premier ministre, le 22 mars prochain, date ô combien symbolique pour un président de la République qui souhaitait célébrer Mai 68, sera une journée de mobilisation pour le service public, pour un service public de qualité. J’y participerai avec mes collègues, aux côtés des usagers, des personnels, notamment ceux des entreprises de transport, et des élus.

Cette mobilisation exprime des crispations et des inquiétudes ressenties par nos concitoyens. Les mesures annoncées par votre gouvernement y contribuent largement, qu’elles concernent le pouvoir d’achat, la baisse de l’aide personnalisée au logement, l’APL, la hausse de la CSG pour les retraités et les fonctionnaires, la baisse drastique des contrats aidés… sans oublier celles qui sont relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et à la flat tax grâce auxquelles le pouvoir d’achat de certains foyers fiscaux augmentera de plus de 5 milliards d’euros par an.

Votre gouvernement est celui qui fait de la solidarité inversée, des classes populaires vers les plus aisées, sa marque de fabrique.

Je n’oublie pas non plus la question des services publics. Le symbole en est la SNCF, sur laquelle pèse la menace de la privatisation et de l’abandon des lignes dites secondaires. Citons encore l’hôpital public, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, ou encore les fermetures de classes, notamment en milieu rural, en dépit des réponses lénifiantes faites semaine après semaine par le ministre de l’éducation.

Monsieur le Premier ministre, alors que l’économie française crée de plus en plus de richesses, ce dont chacun peut se réjouir, les Français ne peuvent ni entendre ni comprendre votre refus de mieux les répartir. Quelles mesures comptez-vous prendre en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens – je ne parle pas des propriétaires de yachts ! – et des services publics ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre question pleine de nuances

Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Vous évoquez une série de sujets d’inquiétude et de préoccupation, liés notamment au fonctionnement de grands services publics, comme l’hôpital. Toutes ces questions sont apparues, je l’imagine, de façon quasi spontanée depuis le mois de mai dernier…

Vous prenez ces sujets au sérieux, et je fais de même. Je sais ainsi que si l’hôpital va mal aujourd’hui, ce n’est pas parce que nous avons pris des décisions depuis mai dernier. C’est probablement plutôt parce que depuis trop longtemps – je vous le dis comme je le pense –, des décisions n’ont pas été prises !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Et si la SNCF ne va pas bien aujourd’hui, ce n’est pas parce que nous avons pris des décisions contestables depuis mai dernier, mais probablement parce que des décisions importantes n’ont pas été prises lors des années précédentes. Je vous le dis et je l’assume, monsieur le sénateur !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

L’un des points contre lequel un certain nombre d’organisations syndicales appellent à manifester jeudi prochain est l’ouverture à la concurrence de la SNCF et les conditions dans lesquelles elle doit se faire. Je me permets de vous faire observer, tranquillement et en toute transparence, que cette ouverture à la concurrence a été décidée non pas en mai dernier, mais lors du précédent quinquennat. §C’est un fait !

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

(Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Vous êtes cohérent, moi aussi !

Mme Marie-Noëlle Lienemann s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Oui, monsieur le sénateur, et j’assume parfaitement le fait que ce soit une bonne décision. Je suis simplement un peu surpris que des députés et des sénateurs qui ont porté cette réforme la critiquent aujourd’hui. §

Pour ce qui concerne les mesures relatives au pouvoir d’achat – un certain nombre ont été annoncées, et je l’ai encore rappelé ce matin –, quand on ne veut pas les voir, on ne les voit pas !

La revalorisation du minimum vieillesse sera effective à partir du 1er avril prochain. Celle de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, le sera dès cette année, ce qui représente une hausse très importante de cette allocation. La diminution à hauteur d’un tiers de la taxe d’habitation, ce qui est considérable, concernera 80 % des Français. Vous pouvez ne pas vouloir la regarder, mais elle existe !

Toutes ces mesures, y compris la baisse, puis la disparition des cotisations salariales, qui vont augmenter le pouvoir d’achat des actifs, sont donc destinées à améliorer le pouvoir d’achat. Elles sont justifiées par une philosophie simple, que nous assumons : le travail doit payer. C’est cette ligne que nous suivons aujourd’hui et que nous suivrons demain, avec cohérence.

Je vous invite tous à faire preuve de la même cohérence.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Monsieur le Premier ministre, vous êtes en effet tout en nuances : je n’ai pas entendu votre réponse ni sur l’ISF ni sur la flat tax.

Vous avez mené une campagne sur le thème du budget insincère ; or vous voyez bien que les rentrées fiscales, désormais, sont là.

Les Français contestent votre politique relative aux retraités, à l’ISF. Vous pouvez leur expliquer que vous agissez en faveur du pouvoir d’achat ; manifestement, ils ne vous croient pas !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, représenté par M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

Plus de 12 millions de Français, c’est-à-dire un Français sur cinq, souffrent de précarité énergétique. Jeunes et étudiants, retraités ou familles monoparentales, ils vivent dans de véritables passoires thermiques et consacrent 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques.

Face à cette situation alarmante, les gouvernements successifs se sont mobilisés. Depuis le 1er janvier, un chèque énergie est proposé aux ménages dans le besoin pour les aider à payer leurs factures, remplaçant ainsi les tarifs sociaux de l’énergie. Le montant de ce chèque s’élève en moyenne à 150 euros par an. Or certains locataires payent jusqu’à 320 euros par mois pour maintenir la température de leur logement à 18 degrés.

Le plan quinquennal de rénovation thermique de 500 000 logements par an à compter de 2017 vise à améliorer la situation économique et sanitaire de ces foyers. Mais quand bien même ces engagements seraient tenus, ils s’appuient, pour le parc privé, sur des mécanismes volontaristes de crédits d’impôt, de prêts et de certificats d’économies d’énergie. Une question reste ouverte : les citoyens les plus vulnérables, les jeunes, les retraités, les familles monoparentales mobiliseront-ils volontairement ces aides ?

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la responsabilité sociétale des acteurs privés du secteur de l’énergie dans la détection et l’accompagnement des foyers énergétiquement précaires.

En effet, les opérateurs privés de distribution d’énergie ont effectué plus de 300 000 interruptions ou résiliations de fourniture d’électricité ou de gaz en 2016. Ces mêmes opérateurs déploient des compteurs communicants dits intelligents sur l’ensemble du territoire et sont détenteurs d’une manne de données de consommation qu’ils pourraient valoriser dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique. Qu’en est-il de l’implication de ces entreprises assurant une mission de service public dans la prévention, la détection et l’accompagnement de ces foyers en difficulté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Monsieur le sénateur Decool, chacun connaît sur ces travées l’importance du sujet qui vient d’être évoqué. Tous les gouvernements, depuis de longues années, se sont mobilisés, étape par étape, pour lutter contre ce fléau.

La précarité énergétique est en effet un fléau social : les plus fragiles doivent parfois mobiliser jusqu’à 30 % de leurs revenus pour pouvoir se chauffer et, du coup, renoncent à le faire. Aujourd’hui, près de 5 millions de foyers et 12 millions de Français souffrent de cette situation et ne sont plus en mesure de se chauffer correctement. On voit combien l’effort qu’il convient d’accomplir est important !

La précarité énergétique est aussi un sujet environnemental. Il est donc essentiel que nous puissions agir sur les deux niveaux. Nous savons que 19 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des bâtiments.

C’est parce qu’il s’agit de deux enjeux fondamentaux qu’il nous faut nous mobiliser.

Dans l’urgence, le premier niveau d’action est le chèque énergie, qui bénéficiera – cet élément vient compléter la précédente réponse du Premier ministre – à 4 millions de Français, lesquels recevront dans quelques jours un chèque d’un montant moyen de 150 euros pour régler leurs factures d’énergie. L’expérience avait été tentée dans quatre départements. Nous avons décidé qu’elle serait généralisée à l’ensemble du territoire.

Le deuxième niveau d’action, vous l’avez dit, concerne les travaux d’isolation. Il nous faut révolutionner notre façon d’agir et mobiliser l’ensemble des acteurs, y compris les opérateurs producteurs d’énergie, en vue de mieux cibler, mieux sensibiliser, mieux orienter et mieux financer.

Vous avez raison : nous devons tous ensemble, avec les collectivités locales qui jouent un rôle majeur via le guichet unique que nous voulons mettre en place, et grâce aux sources d’information dont disposent les opérateurs, apporter des réponses au cas par cas, adaptées à la situation de chacun.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

La ville kurde d’Afrin, au nord de la Syrie, est tombée dimanche aux mains des forces turques et de leurs alliés.

Afrin était encerclée depuis mardi, 250 habitants ont fui et, une fois de plus, c’est à une véritable catastrophe humanitaire que nous avons assisté.

Le résultat, in fine, de cette opération militaire turque est double : d’une part, la zone a fait l’objet du nettoyage ethnique que l’on craignait ; d’autre part, le combat mené par les Kurdes contre Daech s’en trouvera, bien entendu, ralenti.

Pis, le président Erdogan a annoncé hier qu’il ne comptait pas en rester là. Son objectif assumé et affiché est de reconquérir la région frontalière pour y remplacer les populations kurdes.

La France, jusqu’à présent, soutenait les Kurdes syriens dans leur combat contre Daech. Le président Hollande, en son temps, avait décidé d’intervenir à Kobané, entraînant avec lui les Américains et les forces de la coalition.

La France était alors sans ambiguïté aux côtés des Kurdes, combattants bien seuls, au départ, contre le terrorisme islamique ; on l’a oublié.

La discrétion du président Macron, tout au long de cette peu banale opération militaire turque, correspond-elle à un renversement de stratégie ?

M. Martial Bourquin opine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Les Kurdes seraient-ils soudain devenus aux yeux de la France des terroristes, alors qu’ils étaient hier nos alliés ? Et quel message la France envoie-t-elle au monde en se révélant incapable de venir en aide à ses alliés, alors même que ceux-ci ont besoin de nous ?

Pour l’avenir, et c’est ma dernière question, que compte faire la France si l’armée turque, au lieu de se retirer des territoires occupés, comme nous l’a encore annoncé l’ambassadeur de Turquie en commission des affaires européennes la semaine dernière, étend ses opérations à d’autres régions kurdes ?

Vifs applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau

Monsieur le sénateur André Reichardt, la chute d’Afrin dimanche, après deux mois d’offensive turque, marque une nouvelle escalade dans la tragédie que connaît la Syrie.

Vous l’avez dit, c’est un nouveau coup porté à une situation humanitaire déjà catastrophique : des dizaines de milliers de personnes sont déplacées ; celles qui restent se trouvent dans une situation critique, privées d’eau, d’électricité et de secours.

C’est aussi un coup porté – vous l’avez dit, monsieur le sénateur – à la campagne contre Daech, à laquelle les forces démocratiques syriennes ont apporté une contribution décisive. La France en a pleinement conscience, la France ne l’oublie pas.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau

Leurs capacités doivent être préservées. Daech n’est toujours pas vaincu en Syrie.

C’est enfin un coup porté à la trêve humanitaire décidée par la résolution 2401 du Conseil de sécurité des Nations unies qui exige une cessation des hostilités sur l’ensemble du territoire syrien.

La position de la France est constante. §Les préoccupations de la Turquie concernant la sécurité de sa frontière ne doivent pas la conduire à une implantation militaire dans la profondeur du territoire syrien.

Nous ne ménageons pas nos efforts pour une désescalade des tensions dans le nord de la Syrie.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau

Dans l’immédiat, la Turquie doit aussi assumer ses responsabilités, faire cesser les pillages et les violences, …

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau

… empêcher l’implantation des groupes radicaux et assurer le libre retour dans des conditions de sécurité de la population civile déplacée.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau

Il faut aussi qu’une gouvernance représentative de l’ensemble des composantes de la société locale et de leurs aspirations soit mise en place.

Je le répète, seule une solution politique inclusive, c’est-à-dire incluant aussi les Kurdes

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau

… est à même d’assurer la stabilité de la Syrie et la sécurité de ses voisins, dont la Turquie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Cazabonne, pour le groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain CAZABONNE

Ma question s’adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.

Il le sait, la Ford Motor Company a annoncé le 27 février dernier qu’elle renonçait à confier à Ford Aquitaine Industries la fabrication d’une nouvelle transmission automatique à huit vitesses, ce qui aurait donné du travail aux salariés pendant plusieurs années. Ce bassin d’activité, vital pour la Gironde et la métropole bordelaise, est donc menacé de fermeture dès 2019.

Cette fermeture concerne près de 1 000 emplois directs et 4 000 emplois indirects.

Le groupe Ford a perçu des millions d’euros d’aides publiques, notamment 14 millions lors de la signature de la dernière convention.

J’ai bien noté que M. le ministre de l’économie et des finances avait alors immédiatement réagi à cette désastreuse annonce et qu’il avait reçu différents responsables politiques, ainsi que les représentants des syndicats. À la suite de ces rencontres, il avait annoncé qu’il allait recevoir le directeur de Ford Europe et mettre en place un « groupe de travail restreint », dans le but de « maintenir l’activité ».

Toute la Gironde et la région Nouvelle-Aquitaine sont fortement mobilisées pour que Ford Blanquefort perdure. Une grande manifestation est d’ailleurs prévue dans les prochains jours. Aussi, mes questions sont les suivantes. Où en est ce groupe de travail restreint ? Quelles propositions compte faire M. le ministre de l’économie et des finances pour que Ford tienne ses engagements signés lors de la dernière convention, à savoir maintenir l’activité du site ou respecter l’obligation de trouver un repreneur ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Delphine Gény-Stephann

Monsieur le sénateur Alain Cazabonne, je répondrai à la place de Bruno Le Maire, qui participe actuellement au G20 en Argentine, mais s’est bien sûr personnellement occupé du sujet que vous évoquez.

Ce sujet est douloureux. En effet, le groupe Ford a annoncé le 27 février dernier sa décision de ne pas investir pour assurer l’avenir du site de Blanquefort, qui compte près de 1 000 salariés. Il s’agit d’une mauvaise nouvelle, que nous déplorons. Bruno Le Maire a eu l’occasion de le dire au président de Ford Europe, et il a tenu une réunion de crise avec les représentants des salariés et les élus concernés dès le 2 mars dernier. Il a obtenu que Ford maintienne le niveau des charges de l’usine jusqu’à la fin de 2019.

Il faut mettre à profit ce délai pour chercher des solutions durables pour le site. Pour l’État comme pour les salariés, le premier responsable de la pérennité du site de Blanquefort est le groupe Ford lui-même, qui, à ce jour, est bénéficiaire. C’est à Ford de proposer des solutions permettant d’assurer la pérennité de ce site industriel et de garantir que d’éventuelles restructurations qu’il pourrait décider soient menées de manière parfaitement responsable.

Il ne faut pas réitérer la mauvaise expérience de 2011, lorsque Ford avait tenté de céder le site à un industriel trop peu solide, puis avait été obligé de le reprendre quelques mois plus tard. Un groupe de travail de haut niveau a été constitué avec la direction de Ford et le délégué interministériel aux restructurations, M. Jean-Pierre Floris. Des comités trimestriels vont se tenir avec les salariés et les élus, à l’invitation du préfet.

Le 5 avril prochain, M. Floris se rendra chez Ford Europe, afin de discuter de façon très détaillée des mesures qui seront prises pour assurer la tenue de l’engagement de charges jusqu’à la fin de 2019, et ce dans les détails les plus techniques et opérationnels. Il pourra également évoquer les voies de pérennisation du site au-delà de cette date.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain CAZABONNE

M. Alain Cazabonne. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien noté ces engagements. Je crois qu’il est important de faire un geste fort, sans jeu de mots, à l’égard de ces entreprises qui viennent s’installer ici et créer des emplois, ce qui est une bonne chose. On peut même comprendre qu’elles demandent des aides en cas de difficultés, mais il est inadmissible qu’elles n’intègrent jamais dans leurs décisions la casse sociale qui vient derrière. Nous devons tous être unis pour leur faire comprendre qu’elles sont certes les bienvenues, mais qu’elles doivent être responsables jusqu’au bout.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Jeudi dernier, la Cour de cassation a tranché le conflit qui opposait un travailleur frontalier exerçant en Suisse à la CPAM, la Caisse primaire d’assurance maladie, de Haute-Savoie.

Comme ce travailleur, des milliers de frontaliers de mon département ont été, contre leur gré, rattachés au système français d’assurance maladie et connaissent depuis des situations de double affiliation.

Alors qu’ils sont contraints de cotiser deux fois, beaucoup ne bénéficient d’aucune couverture maladie et se voient, dans le même temps, réclamer des sommes importantes par les services des URSSAF.

L’arrêt de la Cour de cassation suscite l’espoir de ces travailleurs puisqu’il dispose qu’un frontalier affilié en Suisse ne peut être affilié au régime français et doit en être radié s’il en fait la demande, peu importe l’antériorité de son affiliation au régime français.

Cet arrêt règle potentiellement les milliers de situations similaires encore pendantes ; aussi ma question est simple. Madame la ministre, alors que vous avez hérité de cette situation complexe

Marques de désapprobation sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Pour ce faire, entendez-vous tirer, dès aujourd’hui, toutes les conséquences de l’arrêt de la Cour de cassation, en demandant l’abandon immédiat des procédures en cours à l’encontre des travailleurs frontaliers concernés, leur radiation de l’assurance maladie française et le remboursement des cotisations versées indûment au titre de celle-ci ?

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la sénatrice Schillinger, je vous remercie de votre question. Le 15 mars dernier en effet, la Cour de cassation a rendu cet arrêt concernant la situation de double affiliation de certains frontaliers travaillant en Suisse.

La Cour a rejeté le pourvoi formé par la CPAM de Haute-Savoie, considérant notamment « que la personne résidant en France qui est affiliée à l’assurance maladie obligatoire en Suisse au titre de l’activité qu’elle exerce dans cet État, ne peut être affiliée au régime français de sécurité sociale ou, en tout cas, doit en être radiée dès qu’elle le demande, peu important l’antériorité de son affiliation au régime français ».

L’accord franco-suisse du 7 juillet 2016 ne prévoyait pas de dispositions relatives à la rétroactivité. Ainsi, une majorité des frontaliers qui se sont affiliés antérieurement à cette date ont saisi les tribunaux des affaires sociales, souhaitant voir leur radiation effective à la date de leur affiliation en Suisse.

La Cour de cassation a tranché ces contentieux en leur faveur. À ce jour, 9 789 recours sont en instance auprès des tribunaux des affaires de sécurité sociale, les TASS, dont 9 708 au TASS de Mulhouse et 75 devant les cours d’appel.

Afin de solder cette situation et souhaitant rassurer l’ensemble des frontaliers, les autorités compétentes françaises vont demander à la Caisse nationale d’assurance maladie et à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale de prendre en compte la décision de la Cour de cassation en reconnaissant la radiation à la date d’affiliation en Suisse, en restituant les cotisations sociales perçues sur la période considérée…

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

… et en abandonnant les mises en demeure auprès des frontaliers qui ne s’étaient pas acquittés de leurs cotisations.

Comme vous le constatez, madame la sénatrice, l’État s’engage et l’État assume !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

(Marques d ’ ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Je tiens vraiment à saluer votre pragmatisme. Enfin, les frontaliers verront la fin de ce calvaire qui durait depuis plusieurs mois. Bravo !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

C’est une très bonne nouvelle, madame la ministre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Monsieur le Premier ministre, la France peut s’honorer de la protection dont dispose chaque mineur sur son territoire, au nom de l’intérêt de l’enfant.

Depuis quelques années, la mission de l’aide sociale à l’enfance assurée par les conseils départementaux évolue. Une part croissante des situations concerne les mineurs non accompagnés.

En Loire-Atlantique, leur nombre est passé de 50 en 2012 à près de 500 en 2017 ; il a décuplé en cinq ans, doublé en un an, comme au plan national.

Cette situation entraîne un fort surcroît d’activité au niveau des services de premier accueil, d’évaluation de l’âge et de l’isolement des jeunes mineurs, du parquet, qui statue sur leur situation.

Lorsque la minorité et l’isolement sont reconnus, les jeunes issus de parcours migratoires pénibles, faits d’épreuves, d’errances et de souffrances, sont accueillis en vertu de la protection que nous leur devons.

À l’automne, votre gouvernement semblait avoir entendu les demandes de soutien exprimées par l’Assemblée des départements de France, l’ADF. Le budget pour 2018 accordait un financement exceptionnel.

En janvier dernier, le Conseil national de la protection de l’enfance invitait l’État à prendre la responsabilité de la mise à l’abri et de l’évaluation, au titre de ses politiques régaliennes et pour permettre aux départements d’assurer correctement la protection de ces mineurs, au nom du droit commun.

Lundi dernier, votre négociation avec l’ADF a écarté cette idée de reprise, ce qui est très regrettable. Pis, elle n’a pas abouti sur la question financière.

Les collectivités locales assurent ne plus pouvoir affronter seules cette situation.

Monsieur le Premier ministre, comment l’État répondra-t-il pour assumer enfin pleinement les conséquences financières tant pour la prise en charge de la phase d’accueil que pour la protection des jeunes reconnus mineurs ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la sénatrice Michelle Meunier, vous attirez l’attention sur la situation des mineurs non accompagnés dans votre département, comme dans tous les autres départements de France. Vous avez raison de le faire, puisque le nombre de personnes reconnues comme étant des mineurs non accompagnés est passé de 5 000 en 2014 à plus de 8 000 en 2016. Cette tendance à la hausse se poursuit, puisque près de 13 000 personnes devraient être déclarées mineures dans le cadre de ce dispositif en 2017.

À cela s’ajoute une proportion significative de personnes qui sont reconnues majeures à l’issue de la phase d’évaluation de la minorité : c’est une vraie question à laquelle il faut également apporter une réponse.

Face à cette situation, l’État a engagé une action déterminée pour garantir la protection des mineurs, qui – vous l’avez rappelé – relèvent d’engagements internationaux que nous respectons bien sûr fidèlement.

Le Premier ministre a annoncé à l’automne dernier que l’État s’impliquerait davantage dans le financement de l’évaluation et de l’hébergement d’urgence des personnes se déclarant mineures jusqu’à ce que leur minorité soit confirmée. Nous travaillons à rendre plus efficace la phase d’évaluation de la minorité, notamment les vérifications qui relèvent clairement de la responsabilité de l’État. J’ai assisté moi-même à une réunion chez le Premier ministre, avec les représentants de l’Assemblée des départements de France la semaine dernière. Le dialogue est en cours. Nous avons fait des propositions aussi bien techniques que financières.

Vous avez rappelé l’existence de l’enveloppe d’urgence. Je crois qu’il faut aussi essayer de trouver, et c’est l’objectif du Premier ministre, un accord qui soit pérenne.

MM. François Patriat et Loïc Hervé applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Madame la ministre des solidarités et de la santé, vous avez suspendu le volet financier du règlement arbitral pour les chirurgiens-dentistes décidé par Marisol Touraine. Devant le front de protestations des praticiens libéraux, vous avez demandé l’ouverture de nouvelles négociations conventionnelles.

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons approuvé ces décisions et les avons soutenues. Or il semblerait que les négociations tardent et qu’elles prennent du retard. Pouvez-vous nous dire si elles aboutiront, dans des délais raisonnables, à une convention qui traduise un consensus pour que les Français accèdent à une médecine bucco-dentaire de qualité, dans un cadre de régulation associant prévention et innovation ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la sénatrice Catherine Deroche, à la suite de l’arrêt des négociations sur la convention nationale des chirurgiens-dentistes, une procédure d’arbitrage avait été mise en œuvre en 2017. Ce règlement arbitral cristallisait les tensions des différents syndicats libéraux. Aussi, j’ai souhaité le suspendre lorsque je suis arrivée au ministère.

Notre impératif est avant tout de répondre aux besoins légitimes des Français en matière de santé, de prévention et d’accès aux soins.

En matière de santé et de prévention, les maladies bucco-dentaires peuvent favoriser l’apparition, la progression ou l’aggravation de certaines maladies générales. Il est donc important que les chirurgiens-dentistes s’intègrent mieux dans les parcours de soins et de santé, en lien avec les autres professionnels de santé, et que les soins conservateurs soient revalorisés.

En matière d’accès aux soins, nous nous devons de mettre en œuvre la promesse du Président de la République : le reste à charge zéro concernant les prothèses dentaires. Des négociations sont donc en cours avec la profession des chirurgiens-dentistes dans le cadre de la négociation conventionnelle.

Cela ne pourra pas se faire sans un dialogue constructif : celui-ci prend un certain temps, mais il avance. En concertation avec les trois syndicats représentatifs, ces négociations conventionnelles ont été rouvertes cette année avec trois objectifs principaux : l’accès financier aux soins, le développement de la prévention et une attention particulière aux besoins des publics les plus fragiles.

Il est primordial de responsabiliser l’ensemble des acteurs, afin de parvenir à diminuer le reste à charge sur les prothèses dentaires, tout en valorisant le travail de prévention primaire et secondaire des chirurgiens-dentistes. Les évolutions à venir modifieront durablement – nous le souhaitons – la pratique des soins dentaires en France, dans l’intérêt des patients et des professionnels.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je vous remercie, madame la ministre. J’entends votre engagement concernant la prévention et l’innovation, mais le reste à charge zéro sur les prothèses dentaires, qui est une promesse du président Macron pour 2022, est inscrit dès 2018 dans la négociation conventionnelle.

Certes, les prothèses sont une question importante, mais elles ne sont souvent que l’aboutissement d’un parcours préventif inefficace. Comme le soulignent les professionnels de santé en chirurgie dentaire, l’association optique-audioprothèses-prothèses dentaires est très réductrice pour des chirurgiens-dentistes qui sont garants de la santé buccale et plus largement, comme vous l’avez dit, de la santé générale des patients.

Nous voulons insister sur deux points.

Nous ne souhaitons pas que s’instaure un système ou un marché low cost – mes collègues m’ont rapporté que cette crainte existe dans tous les départements –, comme c’est le cas en Espagne, et que le reste à charge soit une usine à gaz dont l’administration a parfois le secret.

Nous souhaitons que les professionnels de santé, qu’ils soient libéraux ou hospitaliers et quelle que soit leur spécialité, soient vraiment entendus et que vous les écoutiez, car ce sont eux qui exercent cette profession. Il y va aussi d’un maillage territorial équilibré sur le territoire !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Le Président de la République a récemment annoncé qu’il comptait reprendre le dossier de l’organisation de l’islam en France. Le 14 mai prochain débuteront les célébrations du ramadan. À cette occasion plusieurs centaines d’imams, psalmodieurs, récitatrices arriveront du monde entier en France, certains avec des conventions, d’autres uniquement avec des visas de tourisme.

Ma question est assez simple : quelles sont les dispositions que le Gouvernement a prises pour s’assurer que les 300, 350 ou 400 personnes qui arriveront sur le territoire pour renforcer les dispositifs ont une bonne connaissance, à la fois, de la langue française et des principes fondamentaux de notre République ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la sénatrice Nathalie Goulet, je sais combien vous êtes attentive à ces questions. Je me souviens que, dès 2015, vous aviez demandé la création ici, au Sénat, d’une mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’islam dans notre pays.

Effectivement, la France accueille tous les ans des imams qui sont souvent formés dans les pays du Maghreb. L’accueil de ces personnes est bien sûr plus important pendant la période du ramadan. Je puis vous assurer que le ministère de l’intérieur est très attentif à ces arrivées. Des listes lui sont fournies avec les noms de personnes qui entrent soit en qualité d’imam, soit avec des visas touristiques. Comment le dire simplement ? Un criblage est effectué par nos services de police au niveau national. Ce dispositif permet de s’assurer que les imams ont un certain niveau de formation et qu’ils parlent français.

Cela dit, comme vous l’avez indiqué, le Président de la République a lancé un chantier sur l’islam de France. Nous disposerons, dans quelques semaines ou quelques mois, d’un bilan de la réflexion qui aura été menée notamment auprès d’intellectuels et de religieux, qui permettra – c’est aussi le but – de former les imams en France.

D’ailleurs, des universitaires réfléchissent à la question, et ma collègue Frédérique Vidal s’occupe aussi de ce dossier. Pour consolider la religion musulmane dans notre pays, dans l’esprit de laïcité et d’un islam de France dans la République qui sous-tendait la première question posée cet après-midi, il faut s’impliquer davantage encore dans la formation des imams.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la ministre, d’abord, tous les spécialistes savent que la radicalisation ne se fait pas dans les mosquées. Ensuite, nous tardons à réaliser cette formation. Nous sommes plus de cinquante ici à avoir signé la proposition de loi déposée par André Reichardt relative à la formation de l’ensemble des ministres de l’ensemble des cultes présents sur le territoire. Car l’égalité devant la loi concerne absolument tout le monde. Nous n’avons absolument pas avancé sur ces sujets depuis Bernard Cazeneuve et l’instance de dialogue.

Il faut vraiment, je le crois, travailler sur ces questions pour le respect et la sécurité de tous, et notamment de nos concitoyens de confession musulmane, de façon qu’ils puissent exercer leur culte dans les meilleures conditions.

Il faut également pouvoir croiser les informations que vous avez avec celles des services de sécurité de nos alliés des pays voisins et de l’ensemble des pays européens. Sur ces questions, nous ne pouvons pas travailler seuls, sans – j’insiste – croiser les données. Tout le monde est concerné.

Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. J’espère que nous pourrons avancer sur ces points, qui sont absolument fondamentaux.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Ma question s’adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires.

La politique de la ville, ce sont quarante années de combat et de mobilisation.

La politique de la ville, ce sont des moyens spécifiques de l’État dans les quartiers dits prioritaires, pour réduire les inégalités sociales entre les territoires.

Développement économique, éducation, emploi, rénovation urbaine, cadre de vie sont autant de domaines d’action engagés pour améliorer les conditions de vie de ces habitants.

En quarante ans, beaucoup a été réalisé par les gouvernements qui se sont succédé : zones d’éducation prioritaire, missions locales, Agence nationale pour la rénovation urbaine, entre autres.

Pourtant, le chômage dans ces quartiers reste deux fois supérieur à la moyenne nationale et le sentiment de relégation est vif. Il est plus qu’évident que la politique de la ville a encore de nombreux défis à relever.

Le Gouvernement s’est donné comme objectif de réduire de 50 % l’écart de taux de chômage entre les quartiers et la moyenne nationale sur cinq ans et d’améliorer d’une manière générale le cadre de vie de ces habitants. Des mesures spécifiques ont d’ores et déjà été décidées : la création des emplois francs ; le doublement du nouveau programme national de rénovation urbaine ; le développement des conseils citoyens pour associer la population ; le dédoublement des classes de CP en REP+.

Malgré l’engagement des acteurs sur le terrain et les progrès réalisés en matière de cohésion sociale et d’emploi, le regard porté sur les quartiers populaires reste encore trop souvent négatif et stéréotypé.

Dans mes fonctions mayorales antérieures, j’ai pu mesurer la persistance de ces préjugés. Si ma commune a bénéficié positivement de la politique de la ville, j’ai pu aussi constater les carences des différentes politiques qui se sont succédé.

En effet, s’il y a eu de formidables succès, tels que les plans de rénovation urbaine, si des territoires se sont transformés, il y a eu aussi des échecs, des coups d’arrêt.

Le défi de la politique de la ville est toujours et encore immense. C’est celui de territoires qui ont concentré toutes les difficultés, avec un chômage de masse qui s’y est installé depuis parfois plusieurs décennies.

Dans ce cadre, rien n’est plus important que de reconnaître et de valoriser les contributions de la société civile, et d’engager une nouvelle étape reposant sur une politique de droit commun de l’État et des collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Depuis plusieurs semaines, les élus, les associatifs et les habitants des quartiers enchaînent les groupes de travail.

Un important travail de concertation a aussi été effectué.

Marques d ’ impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre, à quelques semaines de la remise du rapport Borloo, très attendu, pouvez-vous nous livrer un point d’étape sur la feuille de route du Gouvernement et rassurer ainsi les acteurs d’un dossier essentiel pour garantir la promesse républicaine ?

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, votre question dresse un bilan objectif et réaliste de la situation dans ces quartiers. Ce que je veux dire de manière liminaire, c’est qu’il ne faut en aucun cas opposer les différents territoires.

Dans notre pays, un certain nombre de territoires ont des difficultés particulières, que ce soient les quartiers prioritaires de la politique de la ville, certains territoires ruraux ou certaines villes moyennes.

Il ne s’agit pas de faire jouer la concurrence des uns contre les autres s’agissant des mesures que nous devons mettre en place pour lutter contre ce décrochage, lequel ne remonte pas à quelques mois, mais est le résultat de plusieurs décennies d’évolutions sociétales et économiques.

Par rapport à cette situation, le Gouvernement a pris un certain nombre de décisions dès la fin de 2017. Vous les avez rappelées, je ne les reprendrai donc pas. Pour ce qui concerne les quartiers prioritaires de la politique de la ville, nous avons demandé à Jean-Louis Borloo de se mettre au travail pour réunir les propositions et les avis qui remontent des élus, des entreprises, des associations, afin de finaliser un certain nombre de propositions.

De la même manière, nous avons saisi dix groupes de travail au niveau national pour faire des propositions.

Aujourd’hui, nous en sommes à une phase d’étape, durant laquelle nous n’avons pas de décisions à prendre. Nous sommes à l’écoute. D’ici à un mois, un rapport sera soumis, et nous devrons alors prendre un certain nombre de décisions.

Vous avez parlé, à juste titre, de la question de l’image. Je rencontrais hier la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, pour travailler avec elle sur la définition de nouveaux moyens destinés à revaloriser l’image de ces territoires, dans lesquels il y a aussi beaucoup de belles choses. Nous avons l’impérieuse nécessité de travailler ensemble pour les mettre en valeur – c’est aussi ce que fait le Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

L’État, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et les opérateurs ont su, avec l’appui des collectivités et de leurs associations, sortir par le haut de la problématique de la couverture mobile. Vous le remarquerez, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, je le dis quand de bonnes choses sont faites !

Mais s’agissant de la desserte fixe, c’est le chemin inverse que le Gouvernement semble prendre petit à petit. Vous aviez pourtant annoncé, à la fin du mois de juillet dernier, que le besoin financier nécessaire à la poursuite du déploiement du FTTH, le réseau fiber to the home, par les réseaux d’initiative publique serait de l’ordre de 1, 5 milliard d’euros. Il y avait matière à poursuivre le plan France Très haut débit qui est jusqu’alors une réussite unanimement reconnue.

Or depuis cette annonce, je dois le dire, ces engagements budgétaires tardent à se concrétiser. Plus inquiétant même, les signaux concrets envoyés vont à l’encontre de cette annonce. Je citerai le rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, qui paraît très en retrait ; la fermeture en catimini du guichet France Très haut débit, sans discussion ni information préalables ; l’absence de réponse au courrier pourtant adressé à votre ministère ; le lancement de l’appel à manifestation d’engagements locaux, l’AMEL, sans autre alternative possible ; l’absence de soutien à la proposition de loi visant à sécuriser les déploiements FTTH, publics et privés, malgré un vote unanime du Sénat ; et la refonte annoncée de l’offre de montée en débit.

Loin de la cohésion des territoires, on s’oriente vers une France à deux vitesses : celle qui aura accès au plan France Très haut débit et celle qui n’aura que le plan France PRM-MeD, les points de raccordement mutualisés et la montée en débit.

Aussi, je souhaite savoir, monsieur le ministre, dans quels délais, dans quelles conditions financières et avec quelles limitations de montages juridiques et technologiques vous allez rouvrir le plan en vue d’assurer la réalisation des objectifs de déploiement auquel le Gouvernement a déclaré pleinement souscrire.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

Monsieur le sénateur Patrick Chaize, le Président de la République l’a rappelé dès les premiers jours de son mandat, la couverture nationale numérique est un enjeu essentiel. Elle est aujourd’hui le premier accès aux services économiques, aux services publics, aux services d’information, aux services de formation, aux services de communication et bientôt de santé. Face à cette révolution, aucun territoire ne peut être exclu.

C’était l’engagement du Président de la République, cela a été celui de notre gouvernement, décliné en une méthode qui a été rappelée par le Premier ministre et que Jacques Mézard, Julien Denormandie et moi-même portons.

S’agissant de la couverture mobile, vous l’avez rappelé, il y a eu un changement de paradigme, je n’y reviens pas. Nous avions l’occasion, au moment de l’attribution de ces nouvelles licences, soit de penser simplement au budget de l’État, soit de penser à la fois au budget de l’État et à l’accélération du déploiement. Vous l’avez dit, cet accord va permettre un surinvestissement de plus de 3 milliards d’euros des opérateurs dans les prochaines années, ce qui nous permettra de tenir ces objectifs.

Concernant la couverture fixe, la méthode était celle du changement de braquet, de l’accélération. Nous avons consolidé l’intégralité de l’engagement des 3, 3 milliards d’euros du plan France Très haut débit. Nous avons mobilisé près de 300 millions d’euros, et nous avons conforté, sans jamais trembler, la signature de l’intégralité des réseaux d’initiative publique qui étaient en cours.

À l’époque, vous aviez posé une question, vous inquiétant pour ces réseaux d’initiative publique. Ils sont maintenant tous sécurisés et en cours de déploiement.

Pour les territoires ruraux, le très haut débit par la fibre optique sera tiré jusqu’à 9 millions de foyers ; 1 million de lignes seront tirées jusqu’au centre des villages. Grâce au mix technologique, grâce à la diversité des choix technologiques, 100 % des Français seront couverts en très haut débit d’ici à 2022, et pour beaucoup ce sera bien avant.

La volonté de mobiliser intelligemment les ressources publiques autour des nouveaux dispositifs de l’AMEL va nous permettre de penser l’après-2022. C’est tout le dialogue qui a lieu aujourd’hui.

Ce n’est pas une fermeture, c’est un engagement à penser le futur ensemble !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Monsieur le secrétaire d’État, je suis tout à fait d’accord avec le bilan, que vous avez très bien dressé.

Mon inquiétude porte sur l’avenir. En effet, vous venez de reconnaître qu’il n’a pas été prévu que l’ensemble des habitants de nos territoires, notamment ruraux, bénéficieraient d’une desserte de qualité grâce à la fibre optique.

C’était pourtant un engagement du Président de la République, qui a annoncé l’avènement, d’ici à 2025, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

M. Patrick Chaize. … de la société du gigabit. Force est de constater que cet engagement ne sera pas tenu !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe Les Républicains.

M. Gérard Dériot applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Président de la République a choisi la Journée internationale de la francophonie pour dévoiler son plan en faveur de la langue française.

Il était urgent de passer du discours aux actes. Comment peut-on en effet se faire le chantre de la francophonie tout en coupant de 33 millions d’euros les budgets consacrés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et en supprimant des postes de professeurs ? N’est-il pas contradictoire de vanter le français comme langue d’avenir et de parler anglais dans les grandes enceintes internationales, où l’on trouve pourtant d’excellents interprètes ?

Alors qu’un grand plan est en train d’être dévoilé, je veux mettre en garde contre une approche trop jacobine. La francophonie ne peut plus être un instrument piloté par le Quai d’Orsay… ou par l’Élysée. Tant que nous la concevrons comme une stratégie impulsée par Paris, nous nous couperons des pays francophones. La francophonie se construirait alors sans nous, alors que la francophonie du XXIe siècle se doit d’être agile, pragmatique, en perpétuelle adaptation aux attentes locales.

Il ne s’agit pas de considérations théoriques. L’indépendance du réseau de nos 834 alliances françaises est aujourd’hui menacée. Un placement sous tutelle du Quai d’Orsay ou des instituts français serait une erreur stratégique et un très mauvais signal envoyé aux francophones et aux autorités des pays où sont implantées les alliances.

Le français doit sortir des sphères académiques pour redevenir la langue des secteurs d’avenir, créateurs d’emplois.

Pour mobiliser l’énergie des jeunes et leur offrir de nouvelles opportunités à l’international, j’avais suggéré la création – très nécessaire – d’un volontariat international d’enseignement en français. Le grand plan pour le français du Gouvernement concrétisera-t-il enfin cette demande ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Nathalie Loiseau

pour présenter la nouvelle stratégie de la France pour la promotion du français et du plurilinguisme dans le monde. Je crois que ce qu’il annonce répondra à vos attentes.

En cette Journée internationale de la francophonie, je veux vous confirmer l’engagement du Gouvernement pour faire de la promotion de la langue française l’un des grands enjeux de ce quinquennat.

Le français est parlé aujourd’hui par près de 300 millions de locuteurs dans le monde ; il pourrait l’être par plus de 700 millions en 2050. Il faut en tirer toutes les conséquences.

Le français est un atout majeur de la France dans la mondialisation. C’est aussi un bien commun, au-delà des frontières hexagonales. Cela doit nous conduire à décentrer notre regard sur le français, qui est autant une langue d’Afrique et d’ailleurs que de France. Il nous faut aussi prendre la pleine mesure du défi éducatif sur le continent africain, et il nous revient de conforter notre capacité de rayonnement, notamment grâce à ces magnifiques outils, que vous avez cités, que sont les lycées, les alliances et les instituts français.

S’agissant des alliances françaises, le Président de la République a émis le souhait que dix alliances françaises soient ouvertes chaque année et que les crédits alloués à ces institutions soient sanctuarisés.

Pour ce qui est des lycées français, le chef de l’État a annoncé qu’il comptait doubler le nombre d’élèves dans ces établissements à travers le monde.

Nous devons relever deux défis : renouveler notre capacité à atteindre de nouveaux publics, d’une part ; accélérer la prise de conscience francophone en France même, d’autre part.

En cette Journée internationale de la francophonie, vous me permettrez, madame la sénatrice, de rendre hommage à votre mobilisation sur ce sujet et de saluer vos idées, notamment celle de la création d’une cité de la francophonie à Villers-Cotterêts et celle d’un volontariat international d’enseignement en français, que vous venez de rappeler.

Ces deux idées viennent d’être reprises par le Président de la République ; il vient d’en faire l’annonce il y a quelques instants.

MM. François Patriat et Jean-Claude Requier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 27 mars, à seize heures quarante-cinq ; elles seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat, ainsi que sur Facebook.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Philippe Dallier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des données personnelles (projet n° 296, texte de la commission n° 351, rapport n° 350, rapport d’information n° 344).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des affaires européennes, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de retrouver votre hémicycle pour présenter, au nom du Gouvernement, ce projet de loi relatif à la protection des données personnelles, dont l’objet est d’adapter au droit de l’Union européenne la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Le nouveau cadre juridique européen doit, en effet, entrer en vigueur en mai prochain.

Les textes communautaires visés, qui sont l’aboutissement d’une longue phase de négociations, traduisent l’ambition très forte de notre continent dans le domaine de la protection des données à caractère personnel.

Pionnière avec la loi du 6 janvier 1978, dont nous venons de fêter les quarante ans, la France a pris une part très active dans les négociations européennes, afin de maintenir et de promouvoir son modèle de contrôle et de protection qui constitue encore aujourd’hui une référence en Europe et dans le monde.

Fruit d’un compromis, le paquet européen « protection des données » a été adopté par le Parlement européen et le Conseil le 27 avril 2016. Il se compose de deux textes : d’une part, un règlement, qui constitue le cadre général de la protection des données, et, d’autre part, une directive, qui vise les données à caractère personnel en matière pénale.

Je souhaite évoquer devant vous ces deux textes, avant d’aborder la méthode retenue par le Gouvernement pour les traduire dans notre droit et, enfin, deux problèmes politiques qui me semblent importants.

Le règlement crée un cadre unifié et protecteur pour les données personnelles des Européens. Il est applicable à l’ensemble des entreprises et de leurs sous-traitants, quelle que soit leur implantation, dès lors que ceux-ci offrent des biens et services à des personnes résidant sur le territoire de l’Union européenne. C’est un point très important : le droit européen s’appliquera chaque fois qu’un résident européen, quelle que soit sa nationalité, sera directement visé par un traitement de données, y compris donc par internet ou par le biais d’objets connectés, et ce quelle que soit la localisation du stockage et du traitement.

Le règlement crée, dès lors, une procédure de coopération intégrée entre les autorités de protection des données des États membres, dont, pour la France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. C’est le gage d’une application uniforme des nouvelles obligations, sous l’égide du Comité européen de la protection des données. C’est aussi l’affirmation d’une conception européenne de la protection des données personnelles qui diffère de celle qui est promue aux États-Unis ou dans d’autres États, comme en Chine.

L’Europe entend, en effet, concilier les valeurs du progrès et de la garantie des droits et des libertés fondamentales, en renforçant la confiance des citoyens dans l’utilisation qui est faite de leurs données personnelles, tout en offrant aux opérateurs économiques un environnement attractif.

Le règlement instaure donc de nouveaux droits pour les citoyens, comme le droit à la portabilité des données personnelles. Il crée également un environnement attractif pour des opérateurs économiques plus responsables, comme je le disais à l’instant. Nous inaugurons, dès lors, une nouvelle ère dans la régulation, avec un changement de paradigme assez profond : il s’agit désormais, en effet, d’alléger considérablement les formalités préalables, au bénéfice d’une démarche de responsabilité des acteurs et d’accroissement des droits des individus.

Ainsi, le règlement européen remplace le système de contrôle a priori, basé sur des déclarations et des autorisations préalables, par un système de contrôle a posteriori, plus adapté aux évolutions technologiques, fondé sur l’appréciation par le responsable du traitement des risques que présente ce dernier.

Cette nouvelle approche impose aux responsables de traitement d’intégrer les exigences de la protection des données personnelles très en amont de la conception de leur produit ou de leur service et d’offrir au consommateur, par défaut, le niveau de protection le plus élevé.

La désignation d’un délégué à la protection des données sera obligatoire dans le secteur public, mais des mutualisations seront possibles. Elle sera aussi obligatoire lorsque l’activité principale d’une entreprise en matière de traitement des données sensibles le justifiera.

Les responsables de traitement devront également notifier les violations de données personnelles à l’autorité de contrôle, ainsi qu’aux personnes concernées en cas de risque élevé pour leurs droits et libertés.

En responsabilisant les acteurs, qui devront être accompagnés par la CNIL, le projet de loi consacre également de nouvelles modalités de régulation, à travers des outils de droit souple.

En contrepartie, les pouvoirs de la CNIL sont renforcés et les sanctions encourues sont considérablement augmentées, jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial consolidé.

La directive fixe, quant à elle, les règles applicables à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel en matière pénale. C’est la première fois que l’Union européenne se dote d’un cadre normatif pour réglementer le traitement de ces données dans un cadre national.

La directive s’applique aux traitements mis en œuvre par une autorité compétente à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.

Sont ainsi concernés, en France, les fichiers tels que le fichier national des empreintes génétiques, le fichier national des interdits de stade, ou encore le traitement d’antécédents judiciaires, ou fichier TAJ.

La directive n’est en revanche pas applicable dès lors que le traitement est mis en œuvre pour des finalités qui ne sont pas pénales ou par une autorité qui n’est pas compétente. Elle n’est pas non plus applicable aux traitements intéressant la sûreté de l’État et la défense qui ne relèvent pas du droit de l’Union européenne.

Les principales innovations de la directive consistent en la création, en matière pénale, d’un droit à l’information de la personne concernée par les données personnelles traitées et en la consécration d’un droit d’accès, de rectification et d’effacement. Ces droits s’exercent par principe de manière directe par la personne concernée auprès du responsable de traitement, alors que la loi actuelle prévoit un exercice indirect de ces droits pour les traitements intéressant la sécurité publique et la police judiciaire.

Avec son règlement et sa directive, ce paquet européen constitue donc un progrès considérable, et je ne peux que souscrire aux propos de M. le président de la commission des lois, Philippe Bas, soulignant que « ce projet de loi d’apparence technique recèle des enjeux politiques considérables ». Le Gouvernement ainsi que le Sénat et l’Assemblée nationale en ont, me semble-t-il, saisi toute la portée.

Cependant, ce texte demeure technique, car il se situe au croisement de deux textes communautaires de portée juridique distincte, dans un domaine complexe. Cette caractéristique nous a contraints à faire des choix de méthode pour traduire le droit européen en droit français.

Je veux m’arrêter un instant sur cette question de la méthode de transposition, car je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est l’une de vos préoccupations, comme c’est une préoccupation des acteurs concernés. Je peux vous assurer que c’est également la nôtre.

Je rappelle d’abord que, si la directive doit faire l’objet d’une transposition, le règlement est, lui, directement applicable en droit interne et que, au regard des règles européennes, le projet de loi ne saurait recopier ses dispositions. Ce point est important, et c’est la raison pour laquelle les dispositions directement applicables et se suffisant à elles-mêmes ne figurent pas dans le texte qui vous est proposé aujourd’hui. Il en est ainsi des dispositions relatives au délégué à la protection des données ou de celles qui sont attachées aux droits des personnes concernées, sur lesquelles nous reviendrons lors de l’examen des amendements : elles ne se retrouvent pas dans le projet de loi, mais elles pourront être invoquées directement à compter du 25 mai 2018.

Il faudra donc, en tout état de cause, lire cette nouvelle loi de 1978 avec le règlement européen à portée de main. On peut le regretter, au regard de la complexité que cet exercice suppose, mais il en est ainsi. De ce point de vue, le droit européen ne nous offre pas vraiment le choix. Pour pallier cette difficulté, nous devrons, bien sûr, offrir, sur les sites officiels, en collaboration avec la CNIL, des versions aisément maniables, avec des liens hypertextes, pour que tout le monde puisse s’y retrouver.

Mais le projet de loi qui vous est soumis ne constitue pas seulement un exercice de transposition de la réglementation européenne. Il offre également des choix politiques, pour lesquels vous avez fait des propositions.

D’une part, ces choix sont liés à l’existence de marges de manœuvre. En effet, le règlement européen prévoit plus d’une cinquantaine de marges de manœuvre qui autorisent les États membres à préciser certaines dispositions.

Conformément à la démarche de simplification des normes souhaitée par le Président de la République et à sa volonté d’éviter la surtransposition de textes européens, le Gouvernement a fait le choix d’épouser la nouvelle philosophie du règlement et de supprimer la plupart des formalités préalables à la mise en œuvre des traitements. Ce choix a notamment été salué par la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Il l’a également été par votre commission des affaires européennes et par son rapporteur, M. Simon Sutour, qui souligne une exploitation « mesurée » des marges de manœuvre.

Cependant, afin de ne pas affaiblir la protection des données à caractère personnel et bien que cela ne soit pas exigé par le règlement ni par la directive, le Gouvernement a fait le choix de maintenir certaines formalités préalables pour les traitements des données les plus sensibles, par exemple pour les données biométriques, les données génétiques, ou encore pour les traitements utilisant le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques.

Les traitements utilisant des données de santé font aussi l’objet d’un régime protecteur et unifié. Ces dispositions s’inscrivent dans la logique du maintien d’un haut niveau national de protection en la matière, conformément à ce qu’a souhaité le Sénat lors de l’examen des résolutions européennes qu’il a adoptées en 2012 et 2013, sans faire peser de charges supplémentaires sur les petites et moyennes entreprises.

Enfin, dans le champ d’application de la directive, sont également maintenues les formalités préalables à la création de tout traitement mis en œuvre pour le compte de l’État.

Par ailleurs, un point important, qui retient naturellement votre attention, doit être précisé. Le règlement fixe à seize ans l’âge à partir duquel un mineur peut consentir à une offre directe de services de la société de l’information, c’est-à-dire accéder aux réseaux sociaux.

Le Gouvernement avait fait le choix de ne pas utiliser la marge de manœuvre prévue à l’article 8 du règlement qui permet aux États membres d’abaisser ce seuil jusqu’à treize ans. L’Assemblée nationale a souhaité fixer cet âge à quinze ans. Votre commission des lois a décidé de supprimer cette disposition pour revenir à l’âge de seize ans.

Notre préoccupation commune est de mieux protéger les mineurs. La fixation d’un seuil est toujours un exercice délicat : on tente de saisir par une norme générale des cas éminemment singuliers, surtout lorsqu’il s’agit d’identifier ce qui constitue en réalité le seuil de maturité d’un enfant.

La France avait défendu le seuil de seize ans en deçà duquel l’autorisation parentale serait nécessaire pour autoriser le traitement de données d’un mineur. Les autres pays de l’Union ont fait des choix très divers. Comme il l’avait fait lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, le Gouvernement adoptera une position de sagesse sur cette question et s’en remettra à la décision de la représentation nationale.

En tout état de cause, la mise en place d’une autorisation parentale, sans lourdeur procédurale excessive, doit surtout être l’occasion de réinstaurer un dialogue au sein de la famille sur ces questions.

Je parlais voilà quelques instants de choix politiques. Ces choix résultent également des travaux de votre commission des lois qui a apporté un certain nombre de modifications par rapport au texte voté par l’Assemblée nationale : âge du consentement – je viens de l’évoquer –, encadrement de l’usage des algorithmes par l’administration, renforcement des conditions de traitement des données d’infraction avec la réintroduction d’une autorisation préalable par la CNIL, ou encore introduction d’un motif de nullité contractuelle pour les fournisseurs de terminaux électroniques en cas d’installation d’applications ne respectant pas les conditions du consentement de l’utilisateur final. Nous aurons l’occasion d’en débattre dans le cadre de l’examen des amendements que le Gouvernement a déposés.

Je souhaite cependant aborder deux questions : l’une est relative aux collectivités territoriales, l’autre concerne l’habilitation demandée par le Gouvernement.

Votre commission des lois a manifesté son attention légitime vis-à-vis des collectivités territoriales, en particulier des plus petites d’entre elles, dans la mise en œuvre de leurs nouvelles obligations. Elle a adopté plusieurs amendements à leur égard : création d’une dotation communale et intercommunale pour la protection des données personnelles, mutualisation des services, suppression de la faculté pour la CNIL de leur imposer des amendes administratives, report de deux ans de l’entrée en vigueur de l’action de groupe en réparation en matière de données personnelles, encouragement de la diffusion d’informations et édiction de normes de droit souple par la CNIL adaptées aux besoins et aux moyens des collectivités…

Le Gouvernement entend parfaitement votre préoccupation – je dirais même qu’il la porte avec vous. Toutefois, il ne me semble pas juste de considérer que le Gouvernement ferait preuve d’un « mépris abyssal », comme j’ai pu le lire, à l’égard des collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d ’ administration générale. Non, en effet, « abyssal » serait excessif…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Notre responsabilité est bien d’accompagner les collectivités pour leur permettre d’entrer dans cette nouvelle ère dans les meilleures conditions possible. Je crois que, en la matière, il faut répondre aux inquiétudes et non pas les exacerber. Je suis certaine que telle est notre préoccupation commune.

Avant même que votre commission des lois n’examine ce texte, le Gouvernement a pris la mesure de cette nécessité. Voilà quelques jours, j’ai ainsi rappelé devant les préfets, réunis place Beauvau, la nécessité d’accompagner dans cet exercice toutes les communes, notamment les plus petites d’entre elles.

De même, je me suis assurée auprès de la CNIL que cette préoccupation serait effectivement prise en considération.

Je tiens aussi à rappeler que les collectivités territoriales sont actuellement soumises, en tant que responsables de traitement de données, à certaines obligations, que ce soit pour assurer la gestion administrative de leur structure – je pense, par exemple, aux fichiers de ressources humaines –, la sécurisation de leurs locaux – contrôles d’accès par badge ou vidéosurveillance – ou la gestion des différents services publics et activités dont elles ont la charge.

J’y insiste, car certains pourraient avoir le sentiment que nous introduisons de nouvelles obligations, alors que la philosophie du règlement européen, et donc du projet de loi, est justement fondée sur un allégement substantiel des formalités préalables, y compris pour les collectivités territoriales.

S’agissant de l’obligation, nouvelle pour les collectivités territoriales comme pour les organismes publics en général, de désigner un délégué à la protection des données, j’ai rappelé au début de mon intervention que le règlement général européen sur la protection des données personnelles – le RGPD – prévoit la possibilité de mutualiser cette nouvelle fonction.

Plusieurs collectivités territoriales, dont certaines avaient déjà désigné un correspondant Informatique et libertés, se sont d’ores et déjà engagées dans cette démarche de mutualisation. Cette possibilité sera expressément rappelée dans le décret d’application sur lequel les services de la Chancellerie travaillent actuellement. Le Gouvernement s’y est engagé auprès du Conseil national d’évaluation des normes et de son président, Alain Lambert.

Je veux également souligner que la CNIL mène de nombreuses actions pour aider les collectivités territoriales à respecter leurs obligations en matière de protection des données et pour les accompagner dans leur mise en conformité avec le RGPD. Elle a, par exemple, conclu avec l’Assemblée des départements de France une convention de partenariat et souhaite faire de même avec l’Assemblée des maires de France, l’AMF.

De plus, la CNIL va remettre à jour le guide très complet à destination des collectivités.

Je suis également parfaitement consciente des appréhensions pouvant exister quant à l’échéance du 25 mai prochain. La CNIL a donné des assurances en ce domaine et saura se montrer pragmatique, comme elle l’a été jusqu’à présent, avec les collectivités.

Le Gouvernement encourage cette démarche compréhensive à l’égard des collectivités tout en insistant sur la nécessité de maintenir un haut niveau de protection des données personnelles.

Comme vous le constaterez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne propose pas de revenir sur certaines avancées adoptées par votre commission des lois. Je pense, en particulier, à l’exonération des sanctions à l’égal de l’État.

Le débat parlementaire – et c’est très heureux – a vocation à mettre en lumière les enjeux. De ce point de vue, le Sénat a marqué une nouvelle fois son attention aux collectivités territoriales. Il est naturel que le Gouvernement y réponde, et c’est bien tout l’intérêt de nos échanges.

Je terminerai sur un désaccord : votre commission des lois a fait le choix de supprimer l’habilitation que le Gouvernement sollicitait. Son rapporteur a estimé qu’il s’agissait de la conséquence d’une impréparation. Là encore, je crois nécessaire de rappeler quelques faits pour mieux expliquer notre démarche, laquelle n’est ni improvisée ni irrespectueuse des prérogatives du Parlement.

Le Gouvernement souhaite effectivement que nous soyons prêts en mai prochain, et nous le serons. C’est pourquoi il a engagé, dès l’été dernier, le travail de transposition qui n’avait pas été mené auparavant en raison, notamment, des échéances électorales du premier semestre 2017.

Après réflexion, le Gouvernement a fait le choix d’un texte resserré qui ne remette pas sur la table l’ensemble de la loi de 1978, ce que le droit européen n’exige nullement.

Il s’agit de répondre à une problématique légistique nouvelle et complexe : tirer les conséquences d’un règlement d’application directe et d’une directive, dont les dispositions doivent être transposées dans la loi, alors que ces deux instruments européens portent sur des questions souvent similaires et, dans tous les cas, intrinsèquement liées. Vous reconnaissez vous-même dans votre rapport, madame Joissains, cette complexité inévitable.

Le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à rétablir l’habilitation initialement demandée. Il s’agit, je le répète, de permettre une codification des modifications apportées à notre droit par le projet de loi qui vous est soumis, lequel sera intégré dans la loi fondatrice de 1978, afin d’offrir un cadre juridique lisible, stable, à chaque citoyen et à chaque acteur économique.

Il ne s’agit aucunement de modifier ou de remettre en cause les apports du travail parlementaire. Il s’agit, encore une fois, d’une simple codification de nature légistique : plus qu’un engagement, c’est une responsabilité que porte le Gouvernement au nom de la stabilité de notre droit.

Vous l’avez tous compris en lisant ce texte, l’accessibilité et l’intelligibilité du droit requièrent une réécriture intégrale de la loi de 1978 pour lui faire retrouver son ambition originelle, celle d’être un véritable code de la protection des données personnelles des Français.

C’est le sens de cette habilitation, qui permettra d’adopter un plan clair, le texte comportant un premier titre rappelant les principes fondamentaux et les pouvoirs étendus de la CNIL, un deuxième titre consacré au champ du RGPD, un troisième titre relatif à la directive et un quatrième titre visant les dispositifs hors du champ de l’Union européenne.

Mes services se tiennent à votre disposition pour vous informer régulièrement de l’avancement du projet d’ordonnance, laquelle sera prise cet automne au plus tard, et de son contenu.

Entre le mois de mai 2018 et la sortie de l’ordonnance, soyez assurés que tous les outils pédagogiques et de communication seront mis en place par la CNIL et par les professionnels au service des citoyens, des entreprises, mais également à l’attention des collectivités territoriales.

Je suis d’ailleurs persuadée que nos débats auront aussi cette vertu pédagogique et qu’ils permettront d’écarter les inquiétudes les plus vives qu’il est normal de ressentir à l’occasion d’un tel changement de paradigme.

Pour conclure, je souhaite que chacun puisse mesurer la portée de cette réforme à l’aune non seulement du projet de loi qui vous est proposé, mais plus largement des textes mis en œuvre par l’Union européenne.

L’exercice de transcription du droit européen présente toujours un caractère un peu contraint. Mais le nouveau cadre adopté par l’Union pour la protection des données personnelles est une magnifique réussite pour l’Europe et pour les citoyens de l’Union européenne.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la loi Informatique et libertés a franchi le cap des quarante années d’existence.

C’est une grande loi, une loi visionnaire, et si ses dispositions ont dû être adaptées au fil de l’évolution rapide des technologies numériques et du développement de nouveaux modes de traitement des données personnelles, ses principes cardinaux sont restés d’airain : consentement éclairé, loyauté de la collecte des données personnelles, adéquation aux finalités de traitement.

Les traitements de données ont changé d’échelle et se sont mondialisés avec l’apparition de véritables géants numériques américains et, désormais, chinois.

Dans cette course constante que se livrent le droit et la technique, le législateur européen, après de longues et âpres négociations, a adopté un règlement général sur la protection des données largement inspiré de la loi de 1978 et des travaux de la commission des affaires européennes du Sénat, et de son rapporteur, Simon Sutour, notamment sur l’extraterritorialité, l’un des points phares du projet de loi.

Ce règlement entrera en vigueur le 25 mai 2018. Assorti d’une directive relative au traitement de données personnelles en matière policière et pénale, il entend promouvoir l’émergence d’un modèle européen harmonisé et ambitieux de la protection des données à caractère personnel tout en favorisant la compétitivité des entreprises européennes sur la scène internationale.

Nous ne pouvons évidemment que souscrire à cet objectif. Et l’actualité récente nous montre combien il était urgent d’agir.

Laissant un grand nombre de marges de manœuvre aux États membres pour adapter certaines de ses dispositions, voire pour y déroger, le règlement poursuit trois objectifs principaux.

Premièrement, il vise à renforcer les droits des personnes physiques en créant notamment un droit à l’oubli et un droit à la portabilité des données personnelles et en facilitant l’exercice de ces droits – actions par mandataire, actions collectives, droit à réparation du préjudice…

Deuxièmement, il responsabilise tous les acteurs traitant des données en graduant leurs obligations en fonction des risques pour la vie privée, en privilégiant le recours à des outils de droit souple et en mettant fin à l’essentiel des formalités administratives préalables au bénéfice d’une obligation de conformité du traitement dès sa conception, ce qui est un véritable progrès.

Troisièmement, enfin, il s’agit de crédibiliser la régulation à la mesure des enjeux de souveraineté numérique : l’extraterritorialité est consacrée, les autorités européennes sont appelées à coopérer pour contrôler et sanctionner en cas de traitement de données transfrontalier. Ces sanctions sont enfin réellement dissuasives : 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial, chiffres pouvant même doubler dans certains cas…

Je ne m’attarderai pas sur la directive, qui reprend l’essentiel des principes du règlement et qui est applicable à tout traitement de données à caractère personnel aux fins de prévention, de détection des infractions pénales, d’enquêtes, de poursuites ou d’exécution des sanctions pénales. Elle doit être transposée avant le 6 mai 2018.

Le projet de loi qu’il nous revient d’examiner a donc pour but d’adapter la loi de 1978 – choix très symbolique – au règlement général, de tirer parti des marges de manœuvre nationales qu’il autorise et de transposer la directive sectorielle.

À cette fin, les missions de la CNIL sont élargies et ses pouvoirs renforcés.

Le traitement des données dites sensibles reste très encadré et des régimes spécifiques plus protecteurs conservant des formalités préalables restent prévus pour certains traitements, notamment ceux qui visent le numéro de sécurité sociale, des données biométriques ou génétiques, des condamnations pénales, des archives ou des données de santé.

L’Assemblée nationale a étendu l’objet de l’action de groupe en matière de données personnelles à la réparation des dommages en vue d’obtenir la réparation des préjudices matériels.

Concernant la protection spécifique des données des enfants, les députés ont abaissé de seize à quinze ans l’âge à partir duquel un mineur peut consentir seul au traitement de ses données personnelles.

Certaines décisions administratives individuelles fondées sur des algorithmes sont autorisées.

Les règles applicables au traitement de données à caractère personnel prévues par la directive sont transposées.

Enfin, le fichier de traitement d’antécédents judiciaires, le TAJ, est sécurisé en réponse à une décision QPC du Conseil constitutionnel.

La commission des lois du Sénat, tout en approuvant les grandes orientations du projet de loi, a voulu réparer – je dois le dire, madame la garde des sceaux – de nombreuses lacunes et rééquilibrer certains éléments du dispositif.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés et le Conseil d’État s’accordent à constater l’illisibilité du projet de loi, alors que le contenu du règlement et de la directive était connu depuis avril 2016.

En premier lieu, notre commission a tenu à répondre aux attentes et aux vives inquiétudes des collectivités territoriales. Ce sont les grandes absentes du projet de loi. Elles sont pourtant, de la plus petite à la plus grande d’entre elles, toutes – absolument toutes – concernées par les dispositions du règlement : fichier d’état civil, fichier des cantines scolaires, fichiers d’aide sociale, listes électorales, fiscalité locale, cadastre… Elles sont responsables de nombreux traitements sur lesquels elles n’ont souvent pas prise, car découlant d’obligations légales.

Sous la menace de sanctions pécuniaires de la CNIL et de recours en justice, elles devront assumer seules des coûts importants : nomination d’un délégué à la protection des données, adaptation de certains fichiers existants, renforcement de la sécurité en cas de données sensibles, réponse à l’exercice des nouveaux droits des particuliers…

Les discussions à l’Assemblée nationale n’ont – hélas ! – pas permis de corriger les lacunes initiales du texte, car si nos collègues députés sont restés attentifs, à juste titre, au sort des TPE et des PME, les collectivités territoriales ont été totalement absentes des débats.

Face à cette situation inédite, le Sénat, chambre des libertés et des collectivités territoriales, s’est ému. Sa commission des lois s’est attachée à prévoir que la CNIL adapte les normes qu’elle édicte et les informations qu’elle diffuse aux besoins et aux moyens des collectivités, notamment des plus petites d’entre elles, à dégager de nouveaux moyens pour aider celles-ci à se conformer à leurs nouvelles obligations et à faciliter la mutualisation des services numériques entre collectivités, à réduire l’aléa financier qui pèse sur elles, en supprimant la faculté offerte à la CNIL de leur imposer des amendes administratives.

Elle a également voulu rééquilibrer la procédure d’action de groupe en réparation des dommages. Sans la remettre en cause, car elle est importante pour les droits des citoyens, il nous faut entendre l’inquiétude des petits opérateurs : chacun s’accorde à dire qu’ils ne seront pas prêts pour appliquer le règlement européen dès le 25 mai 2018 – en sont responsables l’impréparation et le manque d’information imputable aux gouvernements successifs…

Ces opérateurs risqueraient aujourd’hui d’être mis à terre par une condamnation trop lourde, sans compter les risques d’abus de droit, de quérulence ou d’extorsion.

L’Association des départements de France a été la première à nous alerter, relayée par l’AMF. Seulement 10 % des collectivités sont prêtes aujourd’hui, alors que le règlement est d’application immédiate le 25 mai prochain. Près de 85 % d’entre elles ne sont pas même au courant de son existence.

Dans le but d’apporter des solutions concrètes à ces problèmes spécifiques, la commission des lois a proposé de différer de deux ans l’entrée en vigueur de l’action de groupe en réparation des dommages et d’imposer, de même qu’en droit de la consommation ou de l’environnement, un agrément préalable des associations de protection de la vie privée pour introduire une action de groupe.

Concernant l’âge minimal à partir duquel un mineur peut consentir lui-même au traitement de ses données personnelles, sujet éminemment délicat, comme vous l’avez souligné, madame la garde des sceaux, la commission des lois a décidé de le maintenir à seize ans, conformément au droit commun européen et dans l’attente de travaux plus approfondis de nature à dégager de véritables critères d’évaluation, ainsi qu’un régime d’accompagnement adapté. La présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, y travaille assidûment.

La commission a également veillé à encadrer strictement l’usage des algorithmes par l’administration dans la prise de décisions individuelles. Elle a tenu à renforcer les garanties de transparence en la matière, notamment pour les inscriptions à l’université qui ne doivent pas constituer une exception au droit à l’information dû à tout un chacun.

La commission a rétabli l’autorisation préalable des traitements de données portant sur les infractions, condamnations et mesures de sûreté. Elle a précisé les conditions d’extension de la liste des personnes autorisées à mettre en œuvre ces fichiers, ainsi que le cadre juridique de la mise à disposition des décisions de justice en open data, et ce afin de prévenir tout risque d’atteinte à la vie privée des personnes, mais aussi de préserver l’indépendance et la liberté d’appréciation de la justice.

Souhaitant porter le débat en séance et innover en la matière, elle a adopté un amendement visant à s’assurer que les utilisateurs de terminaux électroniques ne soient pas victimes d’un choix par défaut et qu’ils aient la possibilité d’installer sur leur terminal d’autres moteurs de recherche que celui qui est imposé par le fabriquant, et notamment des moteurs de recherche respectueux de la vie privée.

Enfin, la commission des lois a supprimé l’habilitation demandée par le Gouvernement pour procéder par ordonnance aux corrections des très nombreuses incohérences subsistant entre le droit français et le droit européen.

Regrettant le manque d’anticipation du Gouvernement, qui a témoigné, je dois le dire, d’une grande désinvolture vis-à-vis du Parlement et d’une ignorance difficilement compréhensible des collectivités, la commission a souhaité qu’il explique au Sénat les raisons de cette impréparation majeure – vous avez commencé cette explication, madame la garde des sceaux –, qu’il précise les contours du futur texte résultant de cette ordonnance et qu’il garantisse au Parlement que ses apports seront intégralement conservés.

Si nous partageons pleinement l’esprit et les objectifs des textes européens et la volonté de maintien de la loi de 1978 dans le projet de loi, je ne saurais conclure sans insister sur l’importance des nouvelles missions attribuées à la CNIL. C’est sur cette dernière que reposent tout le nouvel édifice de protection des droits et la responsabilité d’accompagner les acteurs économiques et les élus locaux.

Je souhaite vous interroger solennellement, madame la garde des sceaux, sur le grave problème que va poser l’insuffisance des moyens à sa disposition. L’autorité, déjà très sollicitée, n’a pas, en l’état, les capacités matérielles et humaines de faire face à sa nouvelle charge de travail. Les quelques mesures que nous avons proposées pour faciliter son organisation interne n’y suffiront pas.

Que pouvez-vous nous dire, à ce stade, des engagements budgétaires et humains qui devront nécessairement être pris par le Gouvernement ? Il y va de la réussite même de cette ambitieuse réforme de la protection des données.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen – Mme Sylvie Robert applaudit également

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 21 février dernier, la conférence des présidents a décidé de confier à la commission des affaires européennes, à titre expérimental, une mission de veille sur l’intégration des normes européennes en droit interne.

C’est dans cette optique que la commission des affaires européennes a examiné le présent projet de loi et formulé un ensemble d’observations.

Le règlement européen sur la protection des données personnelles s’appliquera de plein droit à compter du 25 mai prochain. Or les entreprises françaises n’ont pas finalisé leur mise en conformité. Les collectivités territoriales, quant à elles, comme vient de le souligner Mme la rapporteur, surtout celles dont les moyens techniques et financiers sont limités, c’est-à-dire les plus petites d’entre elles, ne seront de toute évidence pas en mesure d’y procéder à bonne date.

Cette situation illustre, si besoin est, la nécessité d’une participation active du Parlement, et singulièrement du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités locales, à l’élaboration des textes européens. Il nous faut, en particulier, pouvoir anticiper et attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences concrètes de ceux-ci.

La discussion du règlement général sur la protection des données personnelles a fait l’objet d’un suivi attentif de la commission des affaires européennes. J’ai notamment déposé et rapporté, en son nom et au nom de la commission des lois, deux propositions de résolution européenne et produit un avis motivé.

Les résolutions du Sénat demandaient que des dispositions nationales plus protectrices puissent être conservées et que toute personne résidant en France soit en droit de saisir la CNIL, même si le siège de l’entreprise traitant ses données est situé dans un autre État membre.

Première observation : le règlement général sur la protection des données reprend les deux éléments que le Sénat avait mis en avant. L’autorité de contrôle compétente est bien celle de la résidence du demandeur.

Par ailleurs, et bien qu’il s’agisse d’un règlement, une cinquantaine de marges de manœuvre – vous les avez évoquées, madame la garde des sceaux – sont ouvertes aux États membres pour leur permettre, notamment, de conserver des dispositions nationales plus protectrices pour les données sensibles et de limiter les droits des personnes pour des motifs stricts de sécurité publique.

Le projet de loi exploite certaines de ces marges de manœuvre, en particulier pour maintenir, tout en les révisant, des régimes spéciaux et des règles renforcées de protection des données les plus sensibles.

Deuxième observation : la directive fixe à seize ans l’âge du consentement des enfants, tout en permettant de l’abaisser à treize. La commission des affaires européennes estime que cette question doit faire l’objet d’une approche mesurée. Le texte adopté par la commission des lois va tout à fait dans ce sens.

Troisième observation : l’extension de l’action de groupe à la réparation pécuniaire, introduite par l’Assemblée nationale, n’est pas prévue par le règlement général, mais il s’agit d’une faculté ouverte par le droit européen pour d’autres actions de groupe, raison pour laquelle la commission des affaires européennes recommande qu’elle soit envisagée à l’échelon européen et assortie de règles renforcées d’enregistrement des associations. Il s’agit, là encore, d’une approche partagée par la commission des lois.

Quatrième observation : la nécessité de s’assurer de la protection effective des données et des droits des personnes en cas de transfert vers des pays tiers. Dans son premier rapport d’application de l’accord sur le bouclier de protection conclu entre l’Union européenne et les États-Unis, la Commission européenne estime que la mise en œuvre de cet accord doit être améliorée, en particulier la vérification de la conformité des entreprises qui se sont autocertifiées. Il conviendra donc de suivre attentivement cette question.

Je veux enfin revenir à mon observation initiale relative à la charge que représente l’obligation de mise en conformité, à très brève échéance, pour les collectivités territoriales.

Madame la ministre, vous avez évoqué l’appui qu’apporteront les préfets et l’administration, ce qui me semble tout à fait normal. Pour autant, la mise en cause de leur responsabilité peut entraîner des conséquences très importantes pour les collectivités locales, notamment pour les petites communes.

Le règlement ne comporte pas de délai en la matière. Il est donc à tout le moins indispensable d’organiser un accompagnement adapté, voire très adapté, comme le prévoit la commission des lois, et d’y associer pleinement la CNIL, dont les moyens, notamment techniques, doivent être rapidement renforcés.

Le Sénat et sa commission des affaires européennes entendent être vigilants quant au suivi de l’élaboration et de la mise en œuvre des textes européens. Souhaitons qu’ils soient écoutés, et entendus.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme l e rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs décennies, l’insécurité numérique s’est développée à une vitesse folle, faute de contre-pouvoir souverain et protecteur.

Nous assistons, impuissants, au pillage de nos données personnelles par les géants américains de l’Internet, les Vador du numérique, les fameux GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon, publicité non rémunérée…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Pillage des données personnelles des individus, mais aussi de nos entreprises et même de nos États. Ces grandes firmes se les approprient, les stockent, les utilisent gratuitement et les monétisent. Toute notre vie est observée puis orientée.

Le Big Brother du roman 1984 de George Orwell est devenu réalité : souriez, vous êtes scannés. Détendez-vous, on pense pour vous. Vos goûts, vos désirs, vos opinions sont épiés, disséqués, analysés pour être influencés. L’œil du cyclone ne vous laissera pas faire un pas seul. Et son immense puissance, c’est de vous faire croire que vous êtes libre.

Quels que soient nos choix, nos achats, notre géolocalisation, le croisement des données réalisé par l’intelligence artificielle permet aux grosses firmes de nous connaître intimement et d’utiliser nos données, sans notre accord, pour générer des milliards et encore des milliards de profits. Dans cette guerre du numérique, ces utilisations à des fins commerciales portent atteinte à la liberté des individus, mais c’est encore plus grave quand il s’agit des données de nos entreprises stratégiques ou de nos administrations, livrées à ces multinationales.

Au-delà du texte que nous examinons, je relaie une réflexion déjà formulée par notre collègue députée Marine Le Pen : dans cette guerre du numérique, alors même qu’il est question d’une atteinte à notre souveraineté numérique, pourquoi n’existe-t-il pas un Google français ou européen ? Pourquoi sommes-nous contraints d’être dépendants de logiciels américains et bientôt chinois, qui espionnent ainsi nos activités économiques et personnelles ?

Il est grand temps de nous saisir de ce dossier, en prenant immédiatement les mesures qui s’imposent : mieux informer les utilisateurs français sur la récupération de leurs données personnelles, dès lors qu’ils valident les conditions générales d’utilisation ; harmoniser au niveau national le droit numérique par la création d’un code incluant à la fois la législation européenne, la législation nationale et les normes existantes ; instaurer l’obligation de stocker les données personnelles dans des serveurs en France, avec interdiction de les transférer ; développer les solutions de logiciels libres, notamment dans les administrations, les universités et les écoles, tout en encourageant leur utilisation par le grand public ; ouvrir, à l’échelon européen, avec tous les pays qui le souhaitent, un projet de coopération en matière de numérique visant à préserver la sécurité et la souveraineté de nos États et la liberté de nos citoyens.

Nous avons besoin d’une agence européenne, qui développerait, comme Airbus pour l’aéronautique, des champions français et européens du numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle.

Je salue l’avancée permise par ce texte, qui permettra une meilleure protection des Français. Il est un levier pour la mise en place de bonnes pratiques dans les entreprises, notamment sur les questions de sécurité.

La commission des lois a porté un regard attentif aux petites entreprises et aux collectivités territoriales, ce qui est louable.

Ne l’oublions pas, dans le domaine numérique comme dans tous les autres, ce qui prévaut, c’est avant tout notre souveraineté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si le texte que nous examinons aujourd’hui a pour principal objet d’assurer la conformité de notre droit national avec le droit européen, il soulève toutefois plusieurs questions qui méritent d’être plus longuement discutées au sein de notre assemblée.

L’adoption en 2016 du règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, le RGPD, constitue un progrès indéniable sur le plan européen. Il s’agit également d’une victoire diplomatique française, ce règlement visant à faire converger les droits des États membres vers des standards plus protecteurs des données personnelles, proches des standards français. Il est vrai que, depuis la loi du 6 janvier 1978, notre pays a joué un rôle précurseur en la matière.

Ce règlement européen est également réaliste. Il prend acte du formidable développement des données personnelles en circulation qui constituent aujourd’hui la matière première de nombreuses entreprises, en transformant la logique d’autorisation en logique de responsabilisation des acteurs du marché. Il revient désormais à ces derniers de s’assurer que leurs traitements des données sont effectués en conformité avec les règles applicables en matière de collecte.

Ces impératifs du RGPD concernant la licéité de la collecte, le consentement des individus dont les données sont collectées, ou encore la finalité du traitement des données s’imposent donc à tous, acteurs privés, mais également acteurs publics… Je pense évidemment à nos collectivités territoriales !

Au sein de toutes ces structures, en particulier les plus petites et les moins bien informées, l’application du RGPD est un défi, un « changement de paradigme », comme l’ont évoqué certains, qui mériterait un meilleur accompagnement par l’État.

La plupart des collectivités ont anticipé l’échéance du 25 mai 2018 et l’adoption de ce projet de loi. Par exemple, au sein du conseil départemental des Hautes-Pyrénées, la mise en conformité, avec la nomination d’un délégué à la protection des données et la mise en place d’un meilleur ciblage du traitement concernant les données sensibles et les mineurs, a bouleversé les habitudes. Elle a également nécessité un ciblage des hébergements des données personnelles sous-traitées à l’extérieur du réseau du département, la mise en œuvre d’un registre des traitements priorisé sur les données sensibles, et, enfin, une communication à destination des usagers, notamment au vu des obligations en termes de consentement.

Ainsi, c’est toute une organisation, avec des processus et des mesures dont je vous épargnerai le nom, qui a dû être mise en place pour assurer la conformité avec ce règlement et une réelle protection des données de nos concitoyens. Il s’agit enfin d’un énorme travail à destination des agents, notamment en termes de formation sur le traitement des données sensibles et, surtout, sur la conservation des données de manière générale.

D’une part, le coût global de ces transformations est largement sous-estimé. D’autre part, l’absence de prise en compte des difficultés que rencontrent de nombreuses collectivités territoriales donne lieu à une protection inégale des données personnelles de nos concitoyens, selon qu’ils sont domiciliés dans une collectivité respectueuse ou non du RGPD.

C’est pourquoi je tiens à saluer le travail important effectué par notre collègue Sophie Joissains, qui a procédé à un grand nombre de modifications en faveur des collectivités territoriales, mais également des petites entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Malgré les difficultés matérielles de mise en œuvre, je souhaite insister sur plusieurs dispositions importantes du projet de loi qui permettront une amélioration de la protection de nos données personnelles. Je pense, par exemple, à la facilitation des actions en justice, notamment à la création d’une action de groupe. Je pense aussi à la possibilité donnée à la CNIL de saisir le Conseil d’État pour qu’il puisse ordonner la suspension du transfert des données en cause, dans l’attente d’une décision définitive de la Cour de justice de l’Union européenne. Ces dispositions contribueront effectivement à la protection des données personnelles des Français.

La question de la fixation d’un âge légal de consentement au partage de données personnelles devrait également donner lieu à de nombreux débats. Sur ce point, deux visions se dégagent, certains considérant que cet âge devrait être le même que celui de l’émancipation, d’autres souhaitant responsabiliser progressivement les adolescents. À nos yeux, cette question devrait être abordée dans le cadre d’une approche globale de l’accès à la majorité.

Après la phase de découverte des possibilités offertes par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, nous entrons dans une phase de prudence et de prise de conscience de l’impact potentiel de l’utilisation de ces technologies sur nos libertés publiques et individuelles. Nous regrettons donc que ce projet de loi ne réponde pas à l’ensemble des préoccupations des Français.

La question du consentement à l’utilisation des données personnelles est légitime, et reviendra sûrement au cours de nos prochains débats. Il convient de réfléchir au financement des services proposés par des sites internet, lesquels font valoir que l’exploitation des données personnelles à des fins de publicité est la contrepartie de la gratuité de leurs services. La création de droits sur les données personnelles remettrait en cause ce modèle de financement. Un tel sujet mérite d’être débattu, dès lors que les Français attendent une plus grande traçabilité des informations les concernant.

Il en va de même s’agissant des algorithmes utilisés par l’administration, à la suite des vives critiques qui se sont élevées contre le traitement automatisé du système admission post-bac. La solution proposée par Mme la rapporteur est plus satisfaisante que la version issue des travaux de l’Assemblée nationale, mais nous considérons que le dispositif pourrait encore être amélioré.

L’introduction d’un droit de rectification des archives fera probablement l’objet de nombreuses discussions. Il est à craindre que cette disposition, qui soulève d’importantes questions déontologiques, n’engorge nos services d’archives.

Enfin, l’existence de marges de manœuvre autorisées par le règlement européen nous inquiète, dès lors que celles-ci pourraient encourager la localisation de sous-traitants des responsables de données personnelles dans les États membres les moins protecteurs. C’est pourquoi nous avons proposé plusieurs amendements destinés à alerter le Gouvernement sur les risques que cela pourrait comporter pour nos concitoyens et sur la situation difficile dans laquelle se trouveront nos entreprises de traitement de données personnelles, très protectrices en la matière, face à leurs concurrents localisés dans les États offrant moins de garanties.

Si nous avons souhaité enrichir le débat en déposant des amendements, nous restons cependant conscients de l’obligation de mise en conformité avec le droit européen, et abordons donc ce texte de façon favorable.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, alors que le règlement européen relatif aux données personnelles doit entrer en vigueur à compter du 6 mai 2018, l’adoption du présent projet de loi revêt un caractère incontournable.

Toutefois, indépendamment de cette obligation liée à nos engagements européens, l’adaptation de notre législation au formidable défi soulevé par les questions liées aux big data n’en était pas moins urgente. En effet, pas plus que les géants de l’Internet, les pirates ou profiteurs de tout poil n’attendront pas l’adaptation de notre législation pour exploiter sans vergogne les données personnelles de nos concitoyens.

Pour organiser un dispositif de sécurité efficace, l’Union européenne est une chance pour la France, car elle constitue l’échelon le plus pertinent. Comme l’ont souligné Mme la rapporteur et M. Sutour, le RGPD permet aux États membres d’harmoniser leurs pratiques, en prenant exemple sur ce qui fonctionne chez leurs voisins, ce qui leur laisse une marge très appréciable pour mener leurs propres politiques d’adaptation.

Ils pourront d’ailleurs s’inspirer de la France, précurseur en matière de protection des données, puisque nous fêtons cette année les quarante années d’existence de la CNIL, d’ailleurs présidée en son temps par notre ancien collègue Alex Türk.

Les données personnelles touchent donc à la vie privée, à la santé, à nos comportements, par le biais de photos ou d’informations… bref, à l’intime. Il me semble que c’est déjà se faire une certaine idée de l’homme et de l’État de droit que de considérer que le citoyen ne peut être dépossédé de cette intimité. En affirmant son refus de laisser à des tiers une emprise sur nos existences, le Sénat remplit pleinement sa vocation de défenseur des libertés individuelles.

Au travers de ce projet de loi, c’est aussi l’occasion d’affirmer une certaine conception de la démocratie, d’autant que les révélations faites par deux journaux américains nous dessinent un horizon particulièrement sombre en la matière.

En effet, si elle était confirmée, la captation par l’entreprise Cambridge Analytica, pour des motifs prétendument académiques, de données recueillies sur Facebook émanant de 30 à 50 millions de comptes à des fins de profilage politique pour influencer le vote lors de la dernière élection présidentielle américaine montre l’acuité de la menace.

Il s’agit donc d’une question tout à fait cruciale pour la vie démocratique de nos sociétés. De la même manière, d’autres attaques impliquant des intérêts puissants, notamment d’États étrangers, soulèvent la question de la souveraineté nationale.

Mais l’existence de ces données personnelles peut aussi être, à condition de voir leur utilisation très solidement encadrée, une opportunité économique, et même une formidable chance pour la recherche médicale.

Sur le projet de loi tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale, le travail effectué par nos rapporteurs a été remarquable. Je tiens notamment à saluer les nombreux apports que Sophie Joissains a fait intégrer dans le texte adopté par la commission des lois.

Je ne reviendrai pas sur les nombreuses dispositions que comporte le texte du Gouvernement et qui viennent d’être amplement détaillées, mais je souhaite m’arrêter sur un point sur lequel vous avez, madame la rapporteur, apporté une avancée décisive : il concerne les collectivités locales.

En effet, il s’agissait là du parent pauvre du texte : rien sur l’état civil, les cadastres, les fichiers des centres communaux d’action sociale ou les listes électorales.

Parce qu’elles sont au centre de la vie quotidienne de nos concitoyens, les collectivités sont les premières concernées par l’utilisation de leurs données personnelles. Mais en imposant à la CNIL d’adapter les normes à leurs besoins, vous avez rendu possible ce qui, avec les moyens matériels et humains actuels, ne l’aurait sans doute pas été.

Parmi les avancées déterminantes intégrées par la commission des lois, je veux citer aussi : la mutualisation des services supports offerts par les syndicats mixtes au bénéfice des communes et des intercommunalités ; la création des dotations communales et intercommunales pour la protection des données personnelles qui seront prélevées – point essentiel à l’heure de la baisse des dotations – sur les recettes de l’État ; l’exonération des collectivités des amendes et astreintes administratives en cas de sanction.

En comblant ces lacunes, vous avez rappelé, madame la rapporteur, que le Sénat est plus que jamais l’assemblée des collectivités territoriales et celle des solutions pratiques. Voilà qui devrait faire réfléchir avant d’affaiblir le bicamérisme, lequel fait la richesse de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Il convient également de le saluer, vous avez proposé une entrée en vigueur différée de deux ans concernant la possibilité de lancer une action de groupe en responsabilité.

Ce nouveau délai est effectivement indispensable pour permettre non seulement à nos collectivités, mais aussi aux TPE-PME de s’organiser pour se conformer à leurs nouvelles obligations. Ne pas laisser aux responsables de traitement ce laps de temps aurait été parfaitement déloyal au regard de leurs moyens, et aurait eu pour conséquence de les exposer directement à des actions de groupe.

En effet, les nouvelles règles dont nous débattons aujourd’hui sont certes salutaires, mais aussi particulièrement lourdes à mettre en place. Peu nombreuses sont les PME qui disposent dans l’immédiat de l’ingénierie nécessaire.

Alors que nous venons d’adopter cet après-midi le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance qui admet le droit à l’erreur, il serait profondément inéquitable et choquant que l’administration soit plus prompte à sanctionner des PME que les GAFA, dont on connaît les ressources juridiques pour faire durer des procédures-fleuves.

Certes, on ne peut que déplorer que les précédents gouvernements n’aient pas pris la mesure du travail législatif à accomplir. Mais nous sommes nombreux à regretter, sur les travées de la Haute Assemblée, que le Gouvernement n’ait pas réalisé en amont le travail qui devait être mené auprès des PME et des collectivités locales. Il s’appuie à présent sur ses propres manquements pour justifier le recours aux ordonnances initialement inscrit à l’article 20 du texte transmis par l’Assemblée nationale, ce qui constitue une nouvelle illustration de la mise à distance d’un parlement amputé de ses prérogatives.

Pour recodifier la loi Informatique et libertés de 1978, le Gouvernement souhaite aujourd’hui légiférer dans l’urgence par ordonnances, alors que la publication, en avril 2016, du règlement et de la directive lui laissait amplement le temps d’agir. Permettez-moi donc de souscrire au signal que vous avez envoyé, madame la rapporteur, à l’heure où d’aucuns souhaitent réformer le Parlement pour pallier son supposé manque d’efficacité.

Je conclurai en formulant le vœu que ce texte soit interprété par le Gouvernement et par la CNIL comme un outil salutaire visant à protéger les citoyens, grâce à l’adoption d’armes efficaces contre les mastodontes de l’internet, et non comme un nouveau monstre juridique assommant nos collectivités locales et nos PME.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Très bien ! L’Ardèche est à la hauteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé les enjeux du texte qui s’inscrivent dans l’actualité. Je pense bien évidemment à l’affaire Facebook-Cambridge Analytica.

S’agissant du règlement, Simon Sutour qualifie dans son rapport le processus d’adoption de « malaisé ». La grande disparité des régimes de protection au sein de l’Union, l’attention aiguisée de certains États, particulièrement la France, sur les données dites sensibles, les enjeux de souveraineté et les demandes de simplification des entreprises illustrent la difficulté.

Élaboré par le Gouvernement dès le mois d’août 2017, le présent projet de loi, complexe à établir, a été envoyé ensuite à la CNIL, puis au Conseil d’État et, enfin, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale dès le mois de décembre dernier. La Chancellerie a donc déployé des efforts considérables pour mener à bien cette transposition extrêmement ardue dans des délais très courts. Seuls quelques experts en légistique, dont je ne fais pas partie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

… peuvent mesurer toute l’ampleur de la tâche.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Sur le fond, j’aborderai trois points.

Le premier concerne les collectivités territoriales, qui sont visées par ce texte, même si elles ne sont pas explicitement mentionnées. La commission des lois, consciente de l’inquiétude que peut susciter un nouveau cadre législatif, a proposé une série d’amendements. En effet, seuls 2 % de nos communes ont pris conscience du problème et commencé à engager un certain nombre de procédures, la campagne de sensibilisation de la CNIL n’ayant pas été entendue.

Ces amendements tendent à dégager de nouveaux moyens financiers pour aider les collectivités à se conformer à leurs nouvelles obligations, à prendre en compte, grâce à l’action de la CNIL, leurs besoins spécifiques, à les exonérer, au même titre que l’État, en raison de leurs prérogatives de puissance publique, de l’amende administrative et de l’astreinte, à faciliter la mutualisation des services numériques entre collectivités, ou encore à sécuriser le cadre juridique des prestations de services, notamment pour ce qui concerne les syndicats.

Le groupe La République En Marche souscrit aux objets de ces amendements et se saisit de cette opportunité pour souligner les difficultés rencontrées par nos territoires, notamment l’absence de prise en compte de ce sujet par les collectivités, principalement les communes.

Nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement ait entendu le Sénat, qui est pleinement dans son rôle dans le cadre de ce processus rapide et technique, en retenant, par exemple, la suppression pour les collectivités locales de l’amende administrative et de l’astreinte prévue à l’article 6 du texte.

Je veux également évoquer l’action de groupe, introduite en France très tardivement, en 2014. Notre collègue députée Paula Forteza a souhaité en étendre le champ en constatation d’un manquement du responsable de traitement ou de son sous-traitant. Quant à notre commission des lois, elle espère durcir ses conditions d’exercice. Or, en fait et en droit, très peu d’actions de groupe ont été engagées depuis l’introduction du dispositif en France. Cette procédure constitue un droit supplémentaire pour nos concitoyens et pour les consommateurs. En matière de données personnelles, elle était la seule pour laquelle l’action en réparation n’était pas ouverte. Aussi, sur ce point, le caractère précautionneux de la version du projet de loi examinée ce jour semble peut-être excessif.

Néanmoins, le texte issu des travaux de la commission reporte à deux ans l’entrée en vigueur de ce recours, ce qui permet aux acteurs concernés, particulièrement aux collectivités locales, de s’adapter.

Enfin, comme cela a pu être mentionné, la France avait été pionnière en se dotant d’une législation globale de protection des données à caractère personnel, avec la loi du 6 janvier 1978, mais également d’une autorité de contrôle, la CNIL. Le Gouvernement a fait le choix de maintenir la loi de 1978, car, au-delà de sa portée symbolique, elle n’était pas visée dans sa totalité par les nouvelles normes européennes, ce qui permet au Parlement de procéder à l’examen d’un texte ne contenant que les dispositions affectées par le droit européen, plutôt qu’à une remise en question des dispositions existantes et satisfaisantes de la loi de 1978, telle que modifiée. Les délais l’exigeaient sans doute également.

Le Gouvernement a donc sollicité du Parlement une habilitation pour codifier par la suite les modifications apportées à notre droit par le projet de loi que nous examinons, afin d’offrir un cadre juridique lisible aux citoyens et aux acteurs économiques.

La commission des lois a relevé une certaine illisibilité du texte. Il serait en conséquence paradoxal que le Sénat s’oppose à l’habilitation par voie d’amendement. Le Gouvernement s’est engagé à respecter le texte voté par les assemblées, l’habilitation proposée dans le texte initial fixant clairement un cadre. Les dispositions de fond ont été débattues à l’Assemblée nationale, elles le sont aujourd’hui au Sénat. Le temps parlementaire est précieux, cela est souvent relevé dans cette enceinte. Finalement, l’habilitation à légiférer par ordonnance permet de le respecter.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui a pour objet de mettre la loi de 1978 en conformité avec le droit de l’Union européenne. Il transpose le règlement 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et la directive 2016/680 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales.

Avant de traiter du fond, permettez-moi, mes chers collègues, quelques remarques liminaires sur la forme.

Ces deux instruments juridiques européens ont été adoptés en 2016, leur entrée en vigueur étant fixée au mois de mai 2018. Cette date était connue de tous, tout comme les modifications de notre droit qu’ils rendaient nécessaires.

Aussi regrettons-nous que, sur un sujet d’une telle importance, le Gouvernement ait tant tardé à déposer ce projet de loi et qu’il ait, une fois de plus, déclenché la procédure accélérée. Il propose en outre, par le biais de l’article 20, prétendument pour respecter les délais, de réformer la loi de 1978 par voie d’ordonnance. Ce qui tend à devenir une habitude ne semble pas très sérieux et ne permet pas un travail parlementaire approfondi.

Au regard des annonces faites dans le cadre de la réforme des institutions, ne s’agit-il pas plutôt d’une illustration supplémentaire du profond mépris du Gouvernement à l’endroit du Parlement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cela dit, venons-en, mes chers collègues, au fond du texte qui nous réunit aujourd’hui. Il contient des avancées fondamentales pour la protection des données personnelles de nos concitoyens.

Le temps qui m’est imparti ne me permettant pas de commenter chacune des dispositions de ce projet de loi dense et technique, je ne prendrai que deux exemples.

Premièrement, j’évoquerai l’aménagement et le renforcement des pouvoirs et des compétences de la CNIL, qui se voit désigner autorité nationale de contrôle chargée de veiller à l’application du règlement et de la directive. Le projet de loi prévoit la réduction des formalités préalables pour la mise en œuvre des traitements comportant le moins de risques et le passage d’un système de contrôle a priori à un système de contrôle a posteriori, plus adapté aux évolutions technologiques. En contrepartie, la CNIL voit ses pouvoirs de contrôle et de sanction renforcés, avec la possibilité d’infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial de l’organisme concerné.

Nous nous félicitons, bien sûr, de ces évolutions, mais nous partageons l’inquiétude de la CNIL, qui alerte, depuis plusieurs mois, sur un défaut de moyens matériels et humains qui ne lui permettra pas d’exercer efficacement ses nouvelles missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. C’est bien d’être approuvée ! Cela ne m’arrive pas souvent !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Deuxièmement, je rappellerai le renforcement, en matière pénale, des droits des personnes, puisque le texte crée un droit à l’information et prévoit l’exercice direct de droits tels que les droits d’accès, de rectification et d’effacement des données, donc le droit à l’oubli.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste se réjouit de l’adoption de ces mesures plus protectrices.

Finalement, ce n’est pas tant ce que le présent projet de loi contient qui appelle, de la part du groupe CRCE, des commentaires, que ce qu’il ne contient pas.

Nous considérons en effet que les prérogatives accordées aux services de renseignement français par la loi Renseignement de 2015 devraient également être mises en conformité avec les dispositions de la directive, et donc introduites dans le texte dont nous débattons aujourd’hui. Tel n’est toutefois pas le cas. Ce projet de loi, porté par un gouvernement qui ne souhaite en aucun cas rouvrir le débat sur ce sujet, ne contient aucune disposition de nature à mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne en la matière et à respecter, enfin, les droits fondamentaux de nos concitoyens, bafoués sur nombre de points par la loi Renseignement, votée sous le gouvernement précédent, je le précise.

Rappelons que cette même loi Renseignement a déjà été censurée trois fois par le Conseil constitutionnel, et que d’autres recours et questions prioritaires de constitutionnalité sont en cours d’examen.

C’est donc avec le sentiment d’une occasion manquée que le groupe CRCE s’abstiendra sur ce texte qui, s’il constitue, sans aucun doute, un pas de plus dans la construction du droit commun européen, aurait pu être plus ambitieux et garantir à l’ensemble de nos concitoyens le respect effectif de leurs libertés individuelles.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme le rapporteur et M. Loïc Hervé applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Daniel Chasseing applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet du projet de loi relatif à la protection des données personnelles est d’adapter notre droit au « paquet européen de protection des données personnelles », qui se compose d’un règlement général sur cette protection et d’une directive spécifique aux traitements mis en œuvre en matière policière et judiciaire. Les délais sont très limités : nous devons avoir transposé la directive avant le 6 mai prochain, et le règlement doit être directement applicable à partir du 25 mai !

Concernant en premier lieu le règlement européen, celui-ci doit constituer le nouveau cadre de la protection des données personnelles des Européens tout en protégeant la compétitivité des entreprises européennes. L’uniformité de son application est atténuée par l’existence de 56 marges de manœuvre, qui sont autant d’options facultatives ou de dérogations que les États peuvent introduire dans leur droit national.

Les rédacteurs de ce règlement poursuivent principalement trois objectifs.

Il s’agit, premier objectif, de renforcer les droits des personnes dont les données sont utilisées : le règlement réaffirme les droits des personnes, introduit de nouveaux droits mieux adaptés à l’évolution des technologies numériques et facilite l’exercice de ces droits par des actions par mandataire, voire par des actions collectives, tout en promouvant le droit à réparation du préjudice subi.

Le deuxième objectif du règlement est de mieux graduer les obligations des acteurs en fonction des risques pour la vie privée.

Le troisième objectif est de doter les régulateurs de pouvoirs à la mesure des enjeux de souveraineté numérique. Le champ d’application territorial et matériel du droit européen est considérablement élargi : le règlement doit non seulement être appliqué lorsque le responsable de traitement est établi sur le territoire de l’Union européenne, mais il a également vocation à s’appliquer hors de l’Union, dès lors qu’un résident européen est visé par un traitement de données. Les règles de transfert des données personnelles hors de l’Union européenne sont précisées et la coopération entre régulateurs en cas de transferts transfrontaliers est considérablement renforcée.

Le règlement instaure, en cas de manquement, des amendes désormais dissuasives, jusqu’à 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial.

En second lieu, concernant la directive, celle-ci reprend l’essentiel des principes du règlement et est applicable à tout traitement de données à caractère personnel aux fins de prévention, de détection des infractions pénales, d’enquêtes, de poursuites ou d’exécution de sanctions pénales.

Lors de l’examen du texte en commission des lois, un certain nombre d’améliorations ont été apportées.

Ainsi, dans le domaine de la justice, la commission a rétabli l’autorisation préalable des traitements de données portant sur les infractions, condamnations et mesures de sûreté, précisé les conditions d’extension de la liste des personnes autorisées à mettre en œuvre ces fichiers, ainsi que le cadre juridique de la mise à disposition des décisions de justice, afin de prévenir tout risque d’atteinte tant à la vie privée des personnes qu’à l’indépendance de la justice.

La commission des lois a aussi strictement encadré l’usage des algorithmes par l’administration lorsque cette dernière prend des décisions individuelles. Elle a en outre renforcé les garanties de transparence en la matière, par exemple pour les inscriptions à l’université.

Je voudrais saluer ici le travail accompli par la rapporteur de la commission des lois, qui a répondu aux attentes et aux vives inquiétudes des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

En effet, sous la menace de sanctions pécuniaires, les collectivités devront assumer seules des coûts importants relatifs, entre autres, au renforcement de la sécurité en cas de données sensibles, à la nomination d’un délégué à la protection des données ou encore à l’adaptation de certains fichiers existants.

Face à cette situation, la commission des lois s’est attachée à dégager de nouveaux moyens financiers pour les aider à se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions, en fléchant le produit des amendes et astreintes prononcées par la CNIL à leur intention et en créant une dotation communale et intercommunale pour la protection des données personnelles.

La commission des lois a également facilité la mutualisation des services numériques entre collectivités territoriales.

Afin de réduire l’aléa financier pesant sur ces dernières, elle a supprimé la faculté pour la CNIL de leur imposer des amendes administratives et a reporté de deux ans l’entrée en vigueur de l’action de groupe en réparation de préjudices en matière de données personnelles.

Enfin, la commission des lois a encouragé la diffusion d’informations et l’édiction de normes de droit souple par la CNIL, adaptées aux besoins et aux moyens des collectivités territoriales comme des TPE et PME.

Madame la ministre, mes chers collègues, le sort réservé aux collectivités territoriales nous inquiète tout particulièrement, car le règlement s’imposera à elles aussi dès le mois de mai.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Je me réjouis donc que la commission des lois, par l’entremise de son rapporteur, dont je salue ici le travail très efficace, ait dégagé deux pistes très importantes : exonérer les collectivités de certaines sanctions et les aider à financer et à gérer les outils devenus nécessaires.

Aussi, la commission des lois ayant été attentive aux fortes préoccupations des collectivités territoriales et ayant renforcé par ailleurs les garanties en faveur des libertés individuelles, voterai-je, et mon groupe avec moi, pour l’adoption de ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement aux apparences, le texte que le Sénat est amené à examiner aujourd’hui n’est pas qu’un texte technique, qui n’intéresserait par définition que ceux d’entre nous qui attachent de l’importance aux questions numériques.

Non ! Si complexe soit-il, ce texte est éminemment politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

… et je tiens à remercier Mme le rapporteur pour les auditions tous azimuts qu’elle a conduites et surtout pour son travail de pédagogie, particulièrement indispensable là où droit de l’Union européenne et droit français s’entremêlent.

Quarante ans après l’adoption de la loi Informatique et libertés, en 1978, notre pays défend son modèle et réinvente, dans un cadre européen affirmé, la protection des données personnelles en l’adaptant aux temps nouveaux.

Bien que la loi Informatique et libertés ait été maintes fois modifiée, au gré des évolutions techniques et sociétales, ses grands principes sont confortés. Je m’en félicite d’autant plus que j’ai la chance de pouvoir siéger au sein de la CNIL, où je représente le Sénat avec notre collègue Sylvie Robert.

Mes chers collègues, les données personnelles sont le prolongement de notre vie, de notre corps, de nos habitudes, de nos mœurs. En un mot, elles sont le reflet de ce que nous sommes, y compris notre part la plus intime.

Parce qu’elles « appartiennent » à chaque citoyen, parce qu’elles nous caractérisent, parce que, massifiées, reliées, moulinées par un algorithme, elles peuvent avoir un intérêt majeur pour tout un tas d’acteurs, économiques ou autres, ces données méritent une protection législative tout à fait spécifique et la mise en place de garde-fous intangibles.

Quel meilleur exemple pouvions-nous trouver dans l’actualité que celui du scandale autour de la société Cambridge Analytica, qui prend, aux États-Unis d’Amérique, les accents d’une affaire d’État.

Mme le rapporteur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

On estime que cette société aurait « aspiré », puis conservé, les données personnelles de dizaines de millions d’électeurs américains dans le but de les cibler au profit de la campagne de Donald Trump. Cette collecte s’est faite, dans la majorité des cas, sans le consentement des utilisateurs du réseau social Facebook.

N’en déplaise, alors, aux Cassandre, aux chantres de la dérégulation à tous crins ou à ceux que notre ancien collègue sénateur et ancien président de la CNIL, Alex Türk, qualifiait de tenants du « rien à cacher, rien à me reprocher », notre législation constitue un véritable bouclier protecteur, que ce texte ne vient que renforcer.

Qu’il s’agisse des libertés publiques, de la sécurité et de la souveraineté, la question des données personnelles constitue bien la nouvelle frontière du monde nouveau.

Le changement de paradigme que vous avez évoqué, madame la ministre, réside dans la responsabilisation des acteurs eux-mêmes, qu’ils soient publics ou privés. La CNIL, comme ses homologues européens, se voit chargée d’un rôle d’accompagnement et, le cas échéant, d’un rôle de sanction largement renforcé.

S’agissant de cette dernière capacité, une question subséquente se pose néanmoins – je remercie notre collègue Esther Benbassa de l’avoir dit aussi clairement – : celle des moyens de cette autorité administrative indépendante.

Tout le monde conviendra que, si le rôle de la CNIL change de nature, celle-ci devra recevoir du budget de l’État les moyens d’accomplir ses missions, au même niveau au moins que dans les grandes nations européennes qui nous entourent.

Le monde qui vient n’est pas un monde anxiogène, pas plus que ne l’était le monde de 1978.

Et c’est dans cet esprit positif que le groupe Union Centriste aborde ce texte, en soutenant les améliorations sur le fond apportées par la commission des lois sur les propositions de Mme le rapporteur et de certains de nos collègues.

À ce titre, je souhaiterais tout particulièrement insister sur la question des entreprises, des collectivités et des associations de petite taille ; l’enjeu est que les annonces que vous avez faites au cours de la discussion générale, madame la ministre, se traduisent concrètement, sur le terrain, par un véritable accompagnement.

Vous avez évoqué tout à l’heure la question de l’accompagnement par les préfets, que vous avez sensibilisés sur cette question lors d’une réunion organisée place Beauvau, chez eux, la semaine dernière. Il faut vraiment veiller concrètement à ce que cet accompagnement des collectivités puisse être mené par des personnels compétents de l’administration de l’État, qui auront reçu à cette fin une formation tout à fait particulière, adaptée, technique.

Il ne s’agit pas de sensibilisation générale – pour cela, en un sens, c’est trop tard. Il s’agit bien, de mon point de vue, d’accompagner les collectivités dans cette mutation très importante qu’elles vont connaître.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Sylvie Robert applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand le législateur s’intéresse aux questions d’innovation et aux questions numériques, il est confronté à une difficulté majeure : l’évolution de la société qu’il essaie de réguler est-elle achevée ?

Rappelez-vous des premières réactions apparues lorsque certains ont voulu porter le fer contre Airbnb : ils ont été accusés d’aller contre la disruption technologique, le progrès, l’ordre numérique des choses. Puis le berceau même d’Airbnb, la ville de San Francisco, a engagé un mouvement de régulation du site. Aujourd’hui, le mouvement est quasi global : à Londres, à Barcelone, à San Francisco ou à Paris, les pouvoirs publics cherchent à contrôler la plateforme, avec le soutien d’une opinion qui ne percevait pas encore, il y a quelques années, les effets pervers d’Airbnb sur l’environnement urbain et sur l’hôtellerie.

Qu’en est-il des mesures qui nous sont proposées aujourd’hui ? Bien sûr, la vision des enjeux relatifs à la protection des données personnelles contenue dans le projet de loi que nous étudions a déjà quelques années. Elle est directement issue de débats européens que l’on peut situer entre 2014 et 2016. Évidemment, le concept de données personnelles n’a pas énormément évolué depuis cette période. Mais peut-être en va-t-il différemment de notre perception ?

En 2014, je pouvais imaginer que mes données personnelles échappent à mon contrôle total. Le principal enjeu était sans doute le déréférencement de données personnelles traînant sur internet. Les GAFA, à cette époque, étaient perçus comme des champions enviables, qui pouvaient chercher, de temps à autre, à frauder le fisc. Mark Zuckerberg a été élu homme de l’année, en 2010, par le magazine Time.

Aujourd’hui, nous savons que des soldats français voient leur position confidentielle divulguée à cause de leur utilisation d’objets connectés ; nous savons que Donald Trump a utilisé les services d’une société qui a volé les données personnelles de millions d’Américains ; nous savons que des puissances étrangères n’hésitent pas à profiler des millions d’utilisateurs et à créer de faux profils pour influencer des élections dans d’autres pays. Nous savons aussi que le pays de naissance des GAFA commence à envisager de contrôler de manière beaucoup plus forte ses propres licornes numériques, de peur qu’elles ne deviennent incontrôlables.

À l’aune de ces quelques constats, je crois pouvoir affirmer que ce texte va dans le bon sens, même s’il ne règle pas l’ensemble des problématiques fluctuantes liées aux données personnelles.

Le débat, déjà riche à l’Assemblée nationale, a également été très intéressant, ici, en commission des lois, grâce au travail de notre rapporteur Sophie Joissains. Je pense d’abord aux aménagements proposés pour permettre aux collectivités locales – c’est le rôle du Sénat – de se mettre en accord avec les nouvelles dispositions relatives à la protection des données personnelles. Ces dérogations déplairont sans doute aux bons élèves qui ont déjà œuvré pour se mettre en conformité avec leurs obligations en amont des échéances légales. Mais elles permettront au peloton des nombreuses collectivités et des entreprises concernées dans notre pays de suivre le mouvement.

Ces dérogations permettront aussi que se déploie l’offre de services en direction des collectivités locales. Je pense plus particulièrement, ici, aux nécessaires mutualisations proposées aux 90 % de petites collectivités qui sont souvent encore ignorantes de leurs obligations en la matière. Ce rôle pourrait être confié, par exemple, aux centres de gestion de la fonction publique territoriale, dont certains se sont déjà positionnés sur ces services.

Le groupe socialiste et républicain a déposé une vingtaine d’amendements sur ce texte. Leur examen nous permettra, aujourd’hui et demain, de nous attarder sur le secret médical, de réfléchir à la sécurité des données intéressant la sûreté de l’État, d’envisager la suppression de l’agrément de l’autorité administrative auquel est aujourd’hui soumise toute action de groupe en matière de données personnelles, ou encore de limiter plus étroitement le recours aux algorithmes.

Je tiens par ailleurs à exprimer mon soutien aux initiatives visant à garantir que des contrats ne s’opposent plus à ce que les utilisateurs puissent bénéficier de choix de services protégeant mieux les données. Autrement dit, vive le moteur de recherche made in France ! Tel est le sens d’un amendement déposé par notre collègue Claude Raynal, adopté par la commission des lois avec la bienveillance de son président et de sa rapporteur.

Sur ces sujets éminemment modernes, le Sénat discute et le Sénat amende ; le Sénat prouve ainsi son utilité au Gouvernement, comme toujours sur la question très importante des libertés publiques. Vous serez d’accord avec moi, madame la ministre, pour constater qu’un tel travail est utile à l’exécutif. J’espère que le Président de la République en sera lui aussi convaincu, au moment où nous nous apprêtons à entrer en période de révision constitutionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste. – Mme Catherine Di Folco et M. Jean-Paul Émorine applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance de masse en ligne ont précipité la fin du mythe originel de l’Internet, lequel s’est révélé un instrument de puissance échappant à l’Europe, support d’un monde d’hypersurveillance et de vulnérabilité.

Au centre des enjeux de cette nouvelle économie dominée par le cartel monopolistique des GAFAM - Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft - figurent les données, or noir du numérique, qu’elles soient relatives aux personnes physiques, aux administrations ou aux entreprises. L’homme est devenu un algorithme produisant des milliards d’informations qui disent tout de sa vie privée. Des enjeux de sécurité se posent aussi, pour nos infrastructures les plus stratégiques et pour nos administrations. Pour nos entreprises, ce sont des questions d’intelligence économique qui sont soulevées.

Réjouissons-nous donc de voir enfin aboutir l’adoption du RGPD et sa transposition.

Mais notons qu’il aura fallu six ans, le sujet ayant fait l’objet d’un intense lobbying transatlantique. Certes, la vision de la privacy diffère entre l’Amérique et l’Europe, mais il y va avant tout d’enjeux de pouvoir et de domination économique. Des lobbyistes contestent les mesures prises par la Commission européenne pour lutter contre les abus de position dominante et les pratiques déloyales des plateformes horizontales dont l’intermédiation est quasi incontournable. Mais les traitements des masses de données et les progrès de l’intelligence artificielle exigent une transparence absolue des plateformes et des algorithmes utilisés, seule condition de la neutralité. De même faut-il garantir une liberté de choix des fournisseurs de logiciels ou de services nécessaires au fonctionnement de ces derniers.

S’agissant des marchés publics portant sur le traitement des données de nos administrations, nous exigeons un surcroît de rigueur du Gouvernement dans le choix des prestataires, notamment lorsqu’il s’agit des données publiques dites sensibles. Est-il raisonnable, de la part de l’éducation nationale, d’avoir traité – sans appel d’offres, d’ailleurs – avec Google et Microsoft ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il y a deux ans, avant que le lièvre ne soit levé, la direction générale des finances publiques a bien failli confier l’administration de nos données fiscales à un acteur privé dont les liens avec des agences de renseignement étrangères sont de notoriété publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

L’Europe doit donc se doter d’un régime très exigeant de protection des données, incluant les conditions de traitement de ces données, mais aussi, demain, les technologies de protection de la confidentialité, qui représentent les nouveaux instruments de la souveraineté pour l’Europe.

Or, madame la ministre, je ne vois pas de stratégie pour l’internet des objets. Pourtant, les objets connectés envahissent déjà notre quotidien, se développent dans des domaines aussi sensibles que la santé, les transports, l’environnement, l’énergie ; avec eux grandissent les inquiétudes quant aux usages qui peuvent être faits des données recueillies et quant à la sécurité des dispositifs.

Il faut donc une régulation pour renforcer cette sécurité et en même temps promouvoir une politique industrielle dynamique dans ce domaine, assortie, d’ailleurs, d’un droit au « silence des puces », c’est-à-dire à la désactivation. La protection et la sécurité des données personnelles devront aussi s’accompagner d’une obligation de localisation et de traitement des données sur le territoire de l’Union.

Un tout dernier mot : préparant aujourd’hui un rapport sur la formation au numérique, je confirme ce qui a été exprimé, plus tôt, à cette tribune, à savoir l’inquiétude des entreprises et des collectivités, qui se retrouvent du jour au lendemain responsables, en première ligne, de l’application du RGPD, ce qui leur impose un changement de culture, alors qu’elles sont souvent déjà très en retard en termes de digitalisation. Il y a là, madame la ministre, un enjeu extrêmement fort de formation et d’accompagnement et je ne suis pas sûre, en définitive, que le Gouvernement en ait pris toute la mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi ne doit pas seulement être considéré comme la conséquence du règlement européen relatif à la protection et à la libre circulation des données.

C’est un texte très important, pas simplement technique, mais – mon collègue Loïc Hervé l’a dit – très politique. Il recèle en effet de nombreux enjeux contemporains ayant trait au numérique : enjeux juridiques, avec la protection des données personnelles ; enjeux économiques, avec la stimulation et la diffusion de l’innovation ; enjeux scientifiques, avec la profusion de données rendues accessibles, ce qui ouvre de nouveaux champs d’exploration, notamment pour la recherche publique ; enjeux sécuritaires et géopolitiques, avec l’échange de données entre les États pour des motifs de maintien de l’ordre public ; enjeux philosophiques et culturels, enfin, car cette situation nous conduit nécessairement à interroger notre rapport au numérique, aux données, dans un contexte où bon nombre de nos concitoyens ont, à juste titre, des inquiétudes, et parfois l’impression, en la matière, de n’avoir aucune prise.

Ce projet de loi tendant à modifier en profondeur la loi fondatrice de 1978, il est en premier lieu légitime de veiller à ce que les droits et libertés inscrits à l’article 1er de cette grande loi soient toujours effectifs. Car le renversement de paradigme qui est opéré, avec le passage d’une logique de déclaration ou d’autorisation préalable à une logique de responsabilisation, mais aussi de contrôle des acteurs mettant en œuvre des traitements, ne doit bien sûr pas se traduire par un affaiblissement des libertés individuelles et publiques.

Le Sénat, on le sait, a toujours porté une vigilance aiguë au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, droit fondamental désormais inscrit à part entière dans l’ordre juridique européen. Ce fut en particulier le cas lors du débat que nous avons eu sur le projet de loi pour une République numérique.

Le groupe socialiste et républicain s’est bien sûr inscrit naturellement dans cette tradition ; c’est pourquoi nous proposons un certain nombre d’amendements sur les algorithmes ou les données sensibles – nous y reviendrons dans la soirée.

Indépendamment du développement des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle, qui irriguent désormais notre société, il ne faut jamais perdre de vue que la loi de 1978 est intrinsèquement et premièrement une loi protectrice des libertés individuelles et publiques. C’est une « loi socle », équilibrée, riche, reconnue et rassurante, aussi bien pour les acteurs concernés que pour les citoyens. En tant que parlementaires, nous devons nous assurer qu’elle ne soit pas affadie ni dépréciée.

C’est une institution reconnue et rassurante, également, que la CNIL, fortement impactée, elle aussi, par le règlement européen. Son rôle sera amené à évoluer dans deux directions, je l’ai dit : l’accompagnement des opérateurs, des entreprises, mais aussi des collectivités territoriales, en amont, et la consolidation du volet répressif, en aval : plaintes, contrôles et sanctions. Cette mutation substantielle est directement induite par le changement de paradigme que j’ai précédemment mentionné.

D’ailleurs, la CNIL a d’ores et déjà anticipé ces évolutions, en produisant des instruments de droit souple : les « packs de conformité », la valorisation des démarches, les codes de bonne conduite. Néanmoins, il est évident que l’application du RGPD, combinée à la démultiplication de ses missions, représente vraiment un changement d’échelle pour cette autorité administrative indépendante.

Par conséquent, afin que la CNIL puisse mener à bien son action et que, par son intermédiaire, nous continuions à maintenir un haut niveau de protection des données personnelles, conformément aux dispositions européennes, il se révèle essentiel de renforcer les moyens dont elle dispose.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Car ce texte est d’une très grande importance. Nous avons tous à cœur, en effet, de préserver la spécificité de la protection des données en France, la CNIL incarnant, en quelque sorte, ce modèle français et européen.

Pour être à la hauteur de cet enjeu, la CNIL a et aura besoin d’être renforcée ; c’est affaire de crédibilité aux yeux de nos concitoyens et des acteurs du secteur, mais c’est aussi affaire de légitimité, si nous voulons porter haut et fort ce modèle auquel nous tenons en dehors des frontières de l’Hexagone.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier Mme la sénatrice Joissains, rapporteur de ce texte, pour ses propos en général, et en particulier pour son évocation du rôle qui doit être tenu par la CNIL à l’égard des collectivités territoriales – ce point a été repris par nombre de vos collègues, madame la sénatrice.

Vous évoquez également l’importance des nouvelles missions de la CNIL. J’avais, je crois, répondu par anticipation à vos observations sur les collectivités territoriales. Quant aux moyens de la CNIL, nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la discussion des amendements. J’en dirai peut-être un mot tout à l’heure, mais sachez que je comprends évidemment vos préoccupations ; je puis vous dire qu’elles sont également les nôtres.

Je répète, en revanche, que je ne partage pas vos propos sur la « grande désinvolture » du Gouvernement…

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Vous le savez, tel n’est pas du tout l’état d’esprit dans lequel nous sommes. Au contraire, le souci avec lequel ce texte a été préparé – j’y reviendrai – témoigne du profond respect que nous avons pour le Parlement – je tiens ici à le redire.

Monsieur le sénateur Sutour, j’ai apprécié votre connaissance très fine de l’adaptation des textes européens en droit interne, et l’ensemble de vos propos me semblent tout à fait pertinents. Vous mesurez les singularités et les difficultés qui s’attachent aux transpositions de la directive et à l’application du règlement dans un même texte. Évidemment, tout ceci donne des choses assez complexes, et vous soulignez l’intérêt d’utiliser les marges de manœuvre, pour traiter notamment la question de l’âge du consentement – là encore, j’avais, me semble-t-il, répondu par anticipation, et nous aurons évidemment l’occasion d’y revenir.

Vous faites également mention de la charge nouvelle qui pèse sur les collectivités territoriales ; vous souhaitez – je vous cite – un « accompagnement adapté » et préconisez que la CNIL y soit associée. Je rappelle, en la matière, tous les éléments dont j’ai eu l’occasion de vous faire part tout à l’heure, qu’il s’agisse du guide de la CNIL ou du lien nécessaire avec les associations d’élus, l’ADF, l’Assemblée des départements de France, mais aussi l’AMF, l’Association des maires de France. Je souligne en outre que nous partageons évidemment la volonté, exprimée par le Sénat, qu’aucune sanction ne soit prononcée et qu’un certain nombre de dispositions voient leur entrée en vigueur reportée à 2020.

Monsieur le sénateur Ravier, je ne partage pas tout à fait les propos que vous avez prononcés. Vous avez bien entendu fait allusion à Big Brother, aux GAFA, tous termes destinés à susciter l’effroi. Vous avez, par leur entremise, souligné l’atteinte à notre souveraineté numérique.

Au contraire, en ce domaine complètement immatériel, face aux atteintes potentielles à nos libertés et à nos intérêts, je pense que l’Europe est la seule vraie réponse que nous pouvons apporter.

Au-delà de cette nécessaire prise en compte du problème au niveau européen, notre ambition, dans le cadre de ce texte, est bien de faire respecter nos valeurs telles qu’elles transparaissent dans la loi de 1978. Le rôle que la France a mené dans les négociations européennes a bel et bien consisté à faire partager ces valeurs et cette ambition. Nos préoccupations expriment bien le refus du repli national et du fantasme de l’isolationnisme numérique.

Madame la sénatrice Carrère, vous avez souligné, autour des notions de défi et de changement de paradigme, l’importance d’un meilleur accompagnement par l’État des collectivités territoriales et – je ne me souviens plus si vous les avez mentionnées – des entreprises.

En tout cas, vous avez souligné les coûts de mise en conformité pour les collectivités territoriales. Nous avons déjà répondu, me semble-t-il, par l’exonération des sanctions financières et la mobilisation des préfets, à laquelle j’ai fait allusion. Certes, M. Hervé a souligné qu’il était sans doute insuffisant d’en rester à un tel stade de généralité. Mais je crois que ces mesures sont tout de même importantes.

Nous partageons vos préoccupations sur l’action de groupe. Il s’agit d’une avancée importante. C’est pourquoi nous ne sommes pas revenus sur l’extension faite par l’Assemblée nationale aux actions en réparation, et nous ne souhaitons pas soumettre l’action des associations à un agrément préalable.

Nous avons déjà introduit une garantie en matière d’encadrement du recours aux algorithmes : la maîtrise par le responsable du traitement de l’algorithme et de ses évolutions. Nous reviendrons plus en détail sur le dispositif, par exemple à propos de Parcoursup, lors de l’examen de l’article 14.

Nous ne sommes pas favorables à la création de droits de propriété de l’individu sur ses données ; nous ne voulons pas d’une patrimonialisation de celles-ci. Mais le RGPD renforce évidemment les droits des individus sur leurs données.

Monsieur le sénateur Darnaud, je partage totalement votre point de vue lorsque vous indiquez que l’Union européenne est une chance pour la France, à la fois par l’harmonisation que proposent les textes européens, mais également par les marges de manœuvre ! Ces éléments se rejoignent. Vous avez même souligné que cela répondait à une conception de la démocratie très propre à l’Europe ; je suis en plein accord avec vous sur ce point.

Vous avez insisté sur l’attention que nous devons porter aux collectivités territoriales – je n’en dis pas plus, car nous aurons l’occasion d’en reparler –, en mentionnant les cadastres et les fichiers d’état civil.

En revanche, je suis en désaccord avec vous lorsque vous évoquez la « mise à distance » d’un Parlement qui serait « amputé » de ses prérogatives. Vous évoquiez les ordonnances, mais vous avez lié cette mise à distance au fait que nous n’aurions pas suffisamment répondu aux TPE et aux collectivités territoriales. L’ordonnance que nous proposons n’a rien à voir avec la non-réponse que vous pensez pouvoir relever. Encore une fois, l’ordonnance pour laquelle nous sollicitons l’habilitation du Parlement est exclusivement liée à un problème légistique de réécriture de la loi de 1978, sur la base exclusive du texte que le Parlement votera à l’issue de nos débats.

Monsieur le sénateur de Belenet, vous avez raison de souligner le travail qu’ont accompli les services de la Chancellerie dès le mois d’août. Nous ne sommes pas dans l’impréparation que d’aucuns ont bien voulu relever. Dès l’adoption de la loi sur le rétablissement de la confiance, que j’avais eu l’honneur de vous présenter, nous nous sommes immédiatement mis, avec l’ensemble des services de la Chancellerie, à la transposition du texte dont nous débattons.

Je dois vous remercier de votre soutien. Comme d’autres, vous avez évoqué l’affaire Cambridge Analytica. J’y vois précisément l’illustration de l’intérêt d’un cadre européen. Le projet de loi de transposition prévoit justement des mécanismes permettant à la CNIL de prêter son concours aux autres autorités de protection de données qui vont enquêter sur les violations des règles de protection des données ; ce concours entre autorités de protection me paraît très important.

Je suis en accord avec l’ensemble de vos propos, notamment lorsque vous soulignez la nécessité de maintenir le cadre de la loi de 1978. C’est le choix que nous avons expressément fait. Nous considérons la loi de 1978 à la fois comme un symbole de la représentation des valeurs portées par la France, mais aussi comme un cadre lisible qui nous semble essentiel.

Madame la sénatrice Benbassa, vous avez exprimé vos préoccupations sur la procédure accélérée et sur l’habilitation à légiférer par ordonnance. Je ne reprends pas ce que j’ai déjà répondu à vos collègues.

J’aimerais évoquer brièvement les moyens de la CNIL, au risque de fâcher Mme Robert et M. Hervé…

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Un rapport de la Cour des comptes rendu, je crois, en 2016 a montré que la CNIL avait déjà obtenu des moyens importants permettant de mettre en œuvre le RGPD. La Cour relevait notamment que le plafond d’emplois était passé de 140 à 198 entre 2010 et 2017, ce qui correspond tout de même à un nombre relativement important de créations d’emplois.

S’il y a des difficultés au sein de la CNIL, nous aurons l’occasion de les évoquer lors de l’examen du projet de loi de finances.

Enfin, vous avez fait à plusieurs reprises référence à la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Vous avez indiqué que le Conseil constitutionnel avait procédé à quelques annulations, ce qui est vrai, mais je vous rappelle que, dans le cadre de son contrôle exercé a priori, il a validé l’essentiel du texte, même s’il a annulé quelques dispositions par la suite. Le RGPD ne s’appliquant pas aux fichiers de renseignement, nous n’avons pas souhaité revoir l’équilibre apporté par la loi de 2015.

Monsieur le sénateur Marc, à l’instar de vos collègues, vous avez rappelé les dispositions adoptées par la commission des lois pour les collectivités territoriales. Je le redis : notre gouvernement est d’accord avec la suppression des sanctions et la nécessité que la CNIL porte un regard particulier – nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir – sur ces collectivités territoriales.

Monsieur le sénateur Hervé, vous avez déclaré que ce texte était non pas technique, mais éminemment politique. Nous sommes évidemment en plein accord. En effet, ce que la France a essayé de promouvoir, au travers tant de ces dispositions techniques que des négociations menées en amont à l’échelon européen, ce sont des valeurs qui la distinguent de ce qui peut exister dans d’autres États.

Vous avez évidemment eu raison d’insister sur le rôle fondamental que la CNIL, organisme que vous connaissez bien, doit jouer dans la défense de ces valeurs et l’accompagnement d’une telle évolution.

Vous avez souligné que les données personnelles nous caractérisent et qu’elles exigent, à ce titre, une protection législative spécifique et des « garde-fous intangibles » ; je crois que cette expression est absolument justifiée. À cet égard, l’accompagnement que vous sollicitez au bénéfice des TPE, des PME et des collectivités territoriales me semble pertinent. À mon sens, nous devons effectivement disposer de compétences sur le terrain allant au-delà de ce que j’ai pu faire par le rappel au préfet. L’idée est de créer de vrais centres de ressources. De ce point de vue, le travail qui pourrait être effectué avec l’AMF me paraît tout à fait important.

Monsieur le sénateur Durain, vous avez bien montré l’importance du travail qui a été accompli et de celui qui reste encore à faire. Vous avez souligné que notre réflexion, commencée voilà déjà quelques années, doit constamment s’adapter. Vous avez mentionné Airbnb ou l’exemple du jour. Voilà qui montre bien, à mes yeux, que la réflexion ne peut jamais être stabilisée sur un tel sujet ; il me semble important de le souligner.

Vous avez terminé votre propos en indiquant que le Sénat prouvait son utilité au Gouvernement dans la défense des libertés publiques. Vous espériez, je pense, que le Président de la République pourrait s’en souvenir. Je vous rassure : la révision constitutionnelle sera totalement conforme aux ambitions de la Ve République pour le bicamérisme tel qu’il a été installé ; il me semble effectivement devoir être respecté.

Exclamations.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je parle du bicamérisme tel qu’il a été installé par la Ve République, en 1958, évidemment dans une version un peu modernisée…

Madame la sénatrice Morin-Desailly, vous avez insisté sur la formation et l’accompagnement. Vous avez développé le problème de l’absence de stratégie pour l’Internet des objets, en soulignant l’importance à la fois d’une régulation pour renforcer la sécurité et d’une stratégie pour promouvoir les entreprises innovantes. C’est un spectre très large que vous avez couvert.

La question de la formation et de l’accompagnement est bien une question culturelle. De ce point de vue, je rappelle que le ministère de l’éducation nationale a engagé un processus assez fort d’accompagnement des élèves aux nouvelles stratégies du numérique et que toute la démarche de responsabilisation des acteurs que nous souhaitons par ailleurs promouvoir doit évidemment être articulée avec la lucidité et la vigilance des citoyens ; c’est un point qui mérite d’être travaillé.

Madame la sénatrice Robert, vous avez vous aussi souligné les enjeux politiques, philosophiques, culturels, en appelant à une vigilance aiguë quant à la protection de la vie privée des citoyens. C’est, là encore, un point que nous partageons. Je ne sais pas si nous aurons des désaccords au fur et à mesure de l’examen du texte, mais nous nous rejoignons sur ce point, et c’est essentiel.

(Sourires.) Je voudrais faire le pari qu’avec vous, la maturité des quarante ans ne viendra pas trop tard et que nous saurons ensemble travailler pour aller vers plus de progrès et de protection des citoyens !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

La loi de 1978 a quarante ans. Elle méritait donc nécessairement, même si nous sommes peut-être toujours un peu en retard par rapport aux événements, d’être revue, réadaptée. Dans L ’ Angoisse du roi Salomon, Romain Gary écrivait : « Ce qu’il y a de bête avec la maturité, c’est qu’elle vient toujours trop tard. » §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d ’ administration générale. Après des échanges dont nous avons tous pu saluer la grande élévation d’esprit et la hauteur de vues, mon rôle est maintenant d’intervenir comme mécanicien du travail législatif ; il en faut, madame la ministre…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, il faudrait intervertir le débat sur l’article 6 et celui sur l’article 5, en utilisant l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, afin de prononcer la réserve de l’article 5, pour qu’il soit examiné après l’article 6. Pourquoi ? Parce que l’article 6 introduit un paragraphe III, et que l’article 5 fait référence à ce paragraphe. Imaginez un seul instant que vous adoptiez l’article 5 et que vous rejetiez l’article 6 : qu’adviendrait-il de cette référence à un paragraphe III de l’article 6 qui n’aurait pas été adopté ?

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande instamment de soutenir la demande que je forme en direction de notre président de séance pour que la réserve soit acceptée, à condition, bien entendu, que Mme la ministre ne s’y oppose pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Face à une telle puissance de démonstration, je ne puis qu’émettre un avis favorable.

Nouveaux s ourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La réserve est ordonnée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.