Intervention de Sophie Joissains

Réunion du 20 mars 2018 à 21h30
Protection des données personnelles — Article 11

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

L’avis est très défavorable.

Cet amendement vise d’abord à étendre considérablement, sans aucune forme de garantie, la liste des personnes pouvant mettre en œuvre des traitements d’infractions pénales, de condamnations ou de mesures de sûreté dès lors qu’ils s’effectuent « sous le contrôle de l’autorité publique », sans autre précision. Cela s’entend hors des fichiers directement mis en œuvre par les autorités publiques qui, eux, restent mentionnés au 1° de l’article 9 de la loi de 1978.

Avec la suppression de l’ensemble du régime d’autorisation préalable des fichiers prévu actuellement par l’article 25 de la loi du 6 janvier 1978, le projet de loi tend désormais à encadrer les fichiers mis en œuvre par l’État plus strictement que les fichiers mis en œuvre par des personnes physiques ou morales. C’est paradoxal ! A fortiori en matière pénale, les risques pour les personnes, notamment d’atteinte à la vie privée et de négation du droit à l’oubli, peuvent provenir de l’utilisation à des fins privées de telles données.

Cet amendement vise ensuite à supprimer le régime d’autorisation préalable par la CNIL des fichiers mis en œuvre en matière pénale. Il s’agit, non d’une transposition, mais du droit en vigueur. Je rappelle que, selon le considérant 19 du règlement, « les États membres devraient pouvoir maintenir ou introduire des dispositions plus spécifiques » quand il s’agit de maintenir un niveau élevé d’exigences en matière de protection des données personnelles. Le règlement n’impose aucunement de baisser notre niveau d’exigence. Ce n’est pas de la surtransposition quand il s’agit de maintenir nos règles actuelles !

S’agissant de la directive, le considérant 15 prévoit ainsi : « Le rapprochement des législations des États membres ne devrait pas conduire à un affaiblissement de la protection des données à caractère personnel qu’elles offrent mais devrait, au contraire, avoir pour objectif de garantir un niveau élevé de protection dans l’Union. Il convient que les États membres ne soient pas empêchés de prévoir des garanties plus étendues que celles établies dans la présente directive pour la protection des droits et des libertés des personnes concernées à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes. »

Cet amendement vise enfin à supprimer toutes les garanties introduites par la commission s’agissant des fichiers en matière pénale mis en œuvre par toute personne physique ou morale. Ces garanties n’empêcheraient pas les associations de victimes de tenir de tels fichiers, puisque leurs missions légales sont fixées par la loi, notamment par l’article 10-2 du code de procédure pénale.

Les garanties prévues par la commission constituent, selon moi, le strict minimum pour répondre aux exigences constitutionnelles et, notamment, à sa décision n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004. Il est indispensable que le décret prévoie la durée maximale de conservation des informations enregistrées et que soient précisées les catégories de personnes, par exemple les associations de victimes, autorisées à être destinataires de tels traitements. Je rappelle que, en 2004, le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition similaire en raison de l’absence de précision sur les limites susceptibles d’être assignées à la conservation des mentions relatives aux condamnations.

L’élargissement de la possibilité de mettre en œuvre de tels traitements par les personnes morales, et à l’époque avec des formalités préalables, avait été censuré par le Conseil, qui avait considéré que, en raison de l’ampleur que pouvait revêtir les traitements de données personnelles ainsi mises en œuvre et de la nature des informations traitées, une telle disposition pourrait affecter, par ses conséquences, le droit au respect de la vie privée et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.

La rédaction de cette disposition est imprécise, car elle reste muette sur les conditions dans lesquelles les données traitées pourraient être partagées ou cédées, ou encore si pourraient y figurer des personnes sur lesquelles pèse la simple crainte qu’elles soient capables de commettre une infraction. Rien n’est dit sur les limites susceptibles d’être assignées à la conservation des mentions relatives aux condamnations.

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