S'agissant de mon indépendance et de ma capacité de résilience, sachez que j'ai exercé des fonctions dans plusieurs postes difficiles. Je pense notamment à celles de haut fonctionnaire de défense et de sécurité au ministère de l'écologie auprès de Gilles de Robien. J'ai été nommé à ce poste, qui visait à engager les différentes directions du ministère à tirer les conséquences de l'attentat survenu en 2001 à New-York, en raison justement de mon indépendance. J'ai, à plusieurs reprises, dû entrer en conflit avec ma propre administration ! Lorsque Gilles de Robien me remit la légion d'honneur, il rappela d'ailleurs mon indépendance et mon impertinence et m'encouragea à les conserver ! Je dus également faire preuve d'indépendance comme directeur général du Port autonome de Paris et directeur interrégional de Voie navigable de France (VNF), alors que je travaillais avec le préfet sur les questions environnementales et le risque d'inondation, notamment pour réviser le plan d'assainissement de la région Ile-de-France. Je sais donc faire bouger les lignes lorsque cela est nécessaire !
Plusieurs d'entre vous l'ont évoqué : l'Acnusa est une petite autorité indépendante, dont l'essentiel des modestes effectifs est occupé à l'instruction des plaintes. Il lui faut donc trouver les moyens d'exercer néanmoins ses autres missions. Je ne sous-estime pas non plus la délicatesse de son positionnement vis-à-vis de la DGAC. Au sens du règlement européen du 16 avril 2014, le Gouvernement a déclaré auprès de la Commission européenne que la DGAC était en charge des questions relatives aux nuisances sonores aéroportuaires, alors que l'Acnusa, autorité indépendante, dispose d'un pouvoir de surveillance, en particulier de la qualité et de la sincérité des documents, ainsi que de sanction.
Vous m'avez également interrogé sur les recommandations figurant au rapport de l'Acnusa de mars dernier. S'agissant du doublement de l'amende, il convient d'abord de rappeler qu'il en existe plusieurs : celle pour défaut de trajectoire est plafonnée à 20 000 euros ; elle concerne un certain nombre de plateformes, est établie souvent au plafond et semble convenablement fonctionner eu égard au faible nombre de contentieux et de classements sans suite - je rappelle ici l'importance de fonder juridiquement ces derniers par décret dès que le législateur aura réalisé les modifications rendues nécessaires par la récente décision du Conseil constitutionnel. Les manquements aux horaires de décollage et aux volumes sonores sont, pour leur part, passibles d'une amende de 40 000 euros, que mon prédécesseur proposait de doubler dans le rapport précité. Sans avoir d'opinion définitive, je m'interroge sur les conséquences possibles d'une telle décision sur les contentieux, alors même que le plafond de cette seconde amende est rarement utilisé, et sur son efficacité. Les compagnies les plus importantes, Air France en tête, ont modifié leurs comportements mais de nombreuses petites compagnies posent encore problème et sont fréquemment sanctionnées. Y aurait-t-il un effet mécanique si les amendes étaient encore plus dissuasives et utilisées au plafond ? Les experts qui se sont penchés sur cette question estiment qu'un équilibre doit être trouvé entre le niveau des sanctions et l'intérêt que trouvent les compagnies à s'affranchir des règles. Quel que soit le niveau de sanction, il est en effet délicat, monsieur Maurey, que l'autorité ne puisse pas faire appel lorsque ses décisions sont remises en cause... Je partage là l'analyse de mon prédécesseur.
S'agissant de mon expertise sur les questions environnementales, j'ai essentiellement travaillé sur les aspects relatifs au bruit et à l'eau ; ma formation initiale est d'ailleurs celle d'ingénieur hydraulicien. Je me suis également investi en faveur de la qualité de l'air comme directeur régional et interdépartemental de l'équipement et de l'aménagement de la région Ile-de-France, en travaillant sur les zones de circulation restreinte du Grand Paris et sur le plan de protection de l'atmosphère pour l'Ile-de-France, dont le volet aéronautique pourrait d'ailleurs être plus performant. Dans la mesure où, en Ile-de-France, les transports aériens ne représentent qu'une cause minoritaire de pollution, je me suis effectivement plutôt intéressé à d'autres modes de transport.
L'équipe restreinte de l'Acnusa gagnerait à intégrer un expert en motorisation et en carburant. L'autorité doit progresser en matière d'information des riverains s'agissant des polluants et de leurs mécanismes de dispersion, comme, plus largement, dans ses connaissances scientifiques sur la pollution.
Je reviens aux recommandations du rapport de mars 2017, qui envisageait également le déplafonnement de la taxe sur les nuisances sonores aériennes. Lorsque la taxe a été déplafonnée, on a pu observer une augmentation du nombre de dossiers déposés, puis, dans la mesure où les recettes n'ont pas été à la hauteur des attentes, un accroissement problématique des délais d'attente pour les riverains. Plus de 6 100 dossiers sont ainsi en instance en Ile-de-France. Une discussion avec les services de Bercy me semble nécessaire, afin de mettre en place, par exemple, un système d'avances remboursables pour accélérer les procédures d'insonorisation des logements.
Les questions liées à la biodiversité au sein des aéroports, d'une part, et autour des aéroports, d'autre part, sont traitées de manière cloisonnée ou segmentée. L'articulation n'est pas parfaite entre les actions des collectivités territoriales à l'extérieur des aéroports - pour reconquérir les espaces, mettre en place des trames verte ou des corridors, etc. -, et les actions menées à l'intérieur des enceintes aéroportuaires. Il convient d'avancer pour que ces deux mondes ne s'ignorent pas.
La formule de calcul de la marge acoustique cumulée est fort complexe. Il n'y a pas d'équivalent pour le transport routier ou ferroviaire. L'Acnusa retient le seuil de 13 EPNdB (Effective Perceived Noise Decibel). C'est une valeur moyenne, retenue aussi par les associations. Cette formule a le mérite de prendre en compte les phénomènes de pics et de lissage. Il serait bon de communiquer les valeurs en temps réel, ou du moins avec un léger différé. La technologie permet de le faire. Il existe d'ailleurs déjà des applications mais elles ne sont pas normalisées. Il serait aussi pertinent de le faire pour les polluants.
L'Acnusa est composée d'une petite équipe de douze personnes. Celle-ci est sous pression car le nombre de dossiers à traiter est important. Il serait souhaitable que l'Acnusa se réunisse de manière régulière tous les mois afin de ne pas accumuler de retard dans le traitement des affaires. Si la loi n'est pas modifiée rapidement pour conforter l'Acnusa, le stock de dossiers pendants risque d'augmenter encore dans la mesure où elle ne pourra plus statuer. Les sanctions seront donc prononcées de manière tardive par rapport aux manquements, ce qui ne me parait pas être une bonne politique.
J'ai entendu vos remarques sur les interventions du préfet en Loire-Atlantique. L'Acnusa est une autorité indépendante. Son indépendance, son impartialité et son autorité doivent être garanties. En même temps, il est utile qu'elle entretienne une relation de confiance avec les autorités administratives, ne serait-ce que pour faciliter le suivi de ses observations et veiller à ce que ses recommandations ne restent pas lettre morte. L'Acnusa est une petite structure et n'a pas les moyens de mettre en oeuvre elle-même ses préconisations. La publication de ses recommandations a représenté une avancée. Elles donnent lieu depuis quelques années à une réponse écrite de la DGAC. Je ne comprends toutefois pas pourquoi la DGAC est la seule administration à répondre, alors que les recommandations peuvent concerner d'autres directions. La médiation de la DGAC est-elle justifiée pour des affaires concernant le financement de la rénovation énergétique et de l'insonorisation ? Il s'agit plutôt d'affaires relevant de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), qui appartient au ministère de la transition écologique, ou du ministère de la cohésion des territoires. Il importe là aussi que le président de l'Acnusa noue une relation de confiance avec la DGAC, comme avec les autres directions.