Intervention de Marie Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 21 mars 2018 à 10h10
Proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Marie MercierMarie Mercier, rapporteur :

Nous vous avons déjà présenté en février le rapport de notre groupe de travail sur les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs qui a réuni l'ensemble de nos réflexions menées pendant quatre mois. La notion de violence sexuelle est inéluctablement liée à l'histoire de l'humanité. Cette notion a évolué en fonction des modèles de sociétés, des classes sociales, des contextes historiques, politiques, culturels, religieux, moraux et scientifiques.

Pourtant, dès le code d'Hammurabi (1792-1750 avant Jésus-Christ), l'interdit du viol et de l'inceste était posé.

Depuis 1832, le code pénal français réprime de manière spécifique les atteintes sexuelles commises à l'encontre d'un mineur. Le principe est clair : aucun majeur ne doit toucher à un mineur.

Le groupe de travail a réfléchi pour renforcer la protection des enfants. Il a refusé les annonces précipitées et a voulu prendre de la hauteur, en tenant compte des diverses auditions auxquelles il a procédé.

« Les fragments ignorent leurs coïncidences » dit-on. Nous avons écouté les enquêteurs, les magistrats, les victimes, les associations, les professionnels de santé... et tous ces témoignages se sont rassemblés en un texte cohérent.

Le constat accablant de la persistance, de l'ampleur et de l'insuffisante dénonciation des violences sexuelles commises à l'encontre des mineurs nous a guidés. Le Gouvernement s'est emparé du sujet et le Conseil d'État qui s'est prononcé hier a sans doute tenu compte de nos travaux.

La stratégie globale de protection des mineurs, que le groupe de travail a proposée, doit prendre en compte toutes les dimensions de la lutte contre les violences sexuelles. Elle repose sur quatre piliers : prévenir les violences sexuelles à l'encontre des mineurs ; favoriser l'expression et la prise en compte de la parole des victimes le plus tôt possible ; améliorer la répression pénale des infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs ; disjoindre la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles du procès pénal.

Que dit la proposition de loi ?

En premier lieu, l'essentiel des mesures préconisées par le groupe de travail pour assurer une protection effective des mineurs contre les infractions sexuelles ne relève pas du domaine de la loi. Elles figurent donc dans le rapport annexé approuvé par l'article 1er de la proposition de loi. Il faudra en priorité évaluer le nombre de victimes car le silence reste de mise sur ce sujet tabou.

Ensuite, la proposition de loi propose cinq évolutions en matière pénale qui peuvent être utiles pour lutter contre les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs.

L'article 2 vise à allonger les délais de prescription de l'action publique tant pour les viols subis par les mineurs (ce délai serait porté de vingt à trente ans) que pour les délits sexuels commis à leur encontre. À l'instar des délits de « violence aggravée sur mineur », d'agression sexuelle imposée à un mineur de quinze ans, « d'atteinte sexuelle aggravée sur mineur de quinze ans », tous les délits d'agressions sexuelles, aggravées ou non, se prescriraient désormais par vingt ans, à compter de la majorité des victimes.

Je vous propose d'adopter sans modification cet article.

L'article 3 est essentiel car il propose une méthode de réflexion novatrice : il vise à faciliter la répression criminelle des viols subis par les mineurs par l'instauration d'une présomption de contrainte applicable aux relations sexuelles entre un majeur et un mineur. Cette modification n'aurait ni pour objet ni pour effet de changer l'interdit pénal d'ores et déjà posé très clairement par le délit d'atteinte sexuelle sur mineur (article 227-25 du code pénal) : toute relation sexuelle d'un majeur avec un enfant de moins de 15 ans est interdite au risque de poursuites pénales. Cela ne peut pas être plus clair.

L'article 3 tend à faciliter la qualification criminelle de viol en permettant de mobiliser plus facilement l'élément de contrainte, élément constitutif de l'infraction de viol. Pour qu'il y ait viol, il faut qu'il y ait un acte de pénétration sexuelle mais également la démonstration de la preuve de l'existence d'une contrainte, menace, violence ou surprise. Avec cet article, nous inversons la charge de la preuve : nous présumons qu'il y a eu contrainte. Nous présumons aussi que la victime, étant contrainte, n'aura plus rien à démontrer. Nous n'avons pas voulu prévoir un seuil d'âge, solution qui paraît simple parce que simpliste.

Je prends un exemple : une jeune femme enceinte arrive aux urgences à 17 ans et dix mois : elle a une phlébite avec suspicion d'embolie pulmonaire. En principe, la pédiatrie est compétente. Mais quel intérêt pour la patiente de la soigner en pédiatrie plutôt qu'en obstétrique ? Son âge n'a effectivement pas de sens.

Si nous voulons protéger l'enfant, la présomption de contrainte est une évidence. Il faudra prendre le temps d'expliquer cette notion aux médias pour être compris et entendus. Je rappelle que la notion de non consentement n'existe pas sur le plan juridique, d'où cette présomption de contrainte ou présomption de culpabilité.

La notion de discernement a déjà fait l'objet d'une abondante jurisprudence tant en matière civile, pour déterminer la capacité d'entendre l'enfant en justice, qu'en matière pénale, puisque seul un mineur capable de discernement peut faire l'objet de poursuites pénales.

Je vous propose d'adopter sans modification l'article 3.

L'article 4 vise à permettre l'application de la surqualification pénale de l'inceste aux faits commis à l'encontre de majeurs. L'inceste reste l'inceste, que la victime ait deux mois, comme nous l'avons vu avec horreur, deux ans, douze ans ou vingt ans. L'inceste ne sera pas moins grave si la victime a 18 ans et deux mois.

L'article 5 tend à aggraver les peines encourues pour le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans. Le Gouvernement semble désormais avoir la même intention.

Actuellement, le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans est puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Par rapport aux infractions comparables dans les pays de l'Union européenne, les peines encourues en France peuvent apparaître moins élevées, même si notre système distingue les viols sur mineurs de 15 ans des atteintes sexuelles sur mineurs de 15 ans.

L'article 5 porte les peines encourues de cinq à sept ans d'emprisonnement et de 75 000 à 100 000 euros d'amende.

L'article 6 tend à affirmer le caractère continu de l'infraction de non-dénonciation des mauvais traitements infligés à un enfant. Lorsque vous êtes témoin de maltraitances sur un enfant, vous êtes tenu de les dénoncer immédiatement, sinon vous pouvez être l'objet de poursuites pénales.

Aujourd'hui, selon L'Enfant bleu, 97 % de nos concitoyens estiment que la maltraitance doit être une priorité nationale. Beaucoup a déjà été fait, notamment grâce à Mme Laurence Rossignol. L'inhumain continue pourtant à se produire, malgré les mesures de protection des enfants. Beaucoup reste à faire. Le terrorisme et la finance font les gros titres des médias...

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