Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 21 mars 2018 à 10h10
Proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

Je m'associe aux manifestations de reconnaissance de la qualité du travail de notre rapporteur qui nous a éclairés sur la complexité de cette matière et la difficulté qu'il y a à trouver des solutions. Il est heureux que le débat se soit développé sur les moyens de mieux protéger nos enfants, après des décisions de justice que nos concitoyens n'ont pas comprises. Le Gouvernement a réagi très vite, un peu dans la précipitation. Nous avons voulu avec notre groupe de travail prendre le temps d'écouter et de réfléchir avant de nous prononcer sur la nécessité de modifier la loi pénale. Beaucoup de magistrats, d'avocats, d'associations n'y étaient pas favorables. Pour faire reculer les violences sexuelles sur mineurs, il fallait mettre l'accent sur l'éducation, la prévention, et sur l'accueil des victimes et l'écoute de leur parole. La modification de la loi pénale ne vient donc qu'après, même si le débat public a tendance à ne se réduire qu'à cette question.

Nous devons donc nous attacher à redéfinir les moyens des services de la gendarmerie, de la police, de la justice, des hôpitaux...

Nous avons mis en évidence très tôt que le Gouvernement était parti sur une fausse piste. C'est si vrai qu'il a dû y renoncer puisqu'à la suite de l'avis du Conseil d'État, toute idée de présomption irréfragable qu'un acte de pénétration en-deçà d'un certain âge serait un viol a été abandonnée. Le Conseil d'État a convaincu le Gouvernement que ce serait inconstitutionnel du point de vue des droits de la défense, l'auteur de l'acte n'ayant plus aucun moyen de s'exonérer de sa responsabilité pénale, mais que ce serait aussi contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Nous avions aussi montré que cette disposition serait inefficace pour la protection des enfants. Ainsi, un jeune homme de 17 ans entretient avec une jeune fille de 13 ans et demie une relation de tendresse avec une dimension sexuelle : à 18 ans, ce garçon serait devenu un violeur. Du point de vue de la victime, comment est-il possible de considérer qu'une règle d'âge pourrait impliquer un traitement nécessairement différent pour une jeune fille de 15 ans moins un jour et pour une jeune fille de 15 ans et un jour ? On voit l'absurdité de cette démarche.

Notre mission n'est pas de nous aligner sur la vox populi lorsqu'elle n'est pas suffisamment éclairée. La législation ne peut résulter de sondages d'opinion. Le travail que nous avons fait est enfin reconnu par le Conseil d'État et par le Gouvernement.

Enfin, la maturité sexuelle des jeunes filles varie considérablement de l'une à l'autre. Le seuil de 13 ans, proposé par nos collègues, serait méconnaître certains faits qui ne peuvent être qualifiés d'anecdotiques.

Nos travaux permettent d'aboutir à une solution pertinente en prenant en compte non pas l'âge, mais le discernement en tant que tel. Nous prenons aussi en compte la différence d'âge entre l'agresseur et la victime. Enfin, notre solution préserve les droits de la défense. Quelle que soit l'horreur que nous inspire le viol de mineurs par des adultes, les droits de la défense doivent être respectés : aucun accusé ne peut être condamné d'avance.

Si nous acceptons d'étendre le délai de prescription de l'action publique des viols commis à l'encontre de mineurs de 20 à 30 ans, ce n'est pas pour inciter les victimes à ne pas porter plainte. Il faut porter plainte le plus tôt possible.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion