Je rends hommage au travail de Mme Mercier qui a abouti à cette proposition de loi. Elle a eu à coeur d'envisager la question du viol dans tous ses aspects. Heureusement, la parole s'est libérée, même si l'on peut constater quelques dérives. Notre rapporteur insiste sur la prévention, l'accompagnement des victimes et les moyens dédiés à la justice. Nous avons tous été horrifiés par ces deux affaires de viol qualifiées d'atteintes sexuelles.
Il fallait cependant un certain courage pour ne pas tomber dans la vindicte populaire. Nous sommes dans une hystérisation médiatique du problème, et c'est bien dommage.
Les membres de mon groupe ne sont pas d'accord avec toutes les recommandations du groupe de travail, mais vous dites à juste titre que cette lutte contre les infractions sexuelles est avant tout un combat sociétal. La justice doit disposer de plus de moyens, les victimes doivent être mieux accompagnées, et la prévention renforcée. Ce chantier n'est pas seulement législatif mais aussi sociétal. Il remet en cause la loi du silence dans les familles et vise à renforcer les dispositifs d'aide et d'accompagnement à l'école, au travail, dans les services médicaux et sociaux, dans les commissariats. Les livres scolaires doivent être repensés : l'éducation sexuelle dans les livres de science naturelle est expliquée par l'accouplement des amibes. Dans les pays nordiques, l'éducation sexuelle est enseignée par étapes, avec des corps humains.
Je suis en désaccord avec l'article 2 qui allonge le délai de prescription des crimes à 30 ans après la majorité de la victime. Cet allongement constant des délais n'est pas une réponse adéquate. Ce matin, les radios évoquaient l'imprescriptibilité de ces faits. Je regrette cette absence de hiérarchie dans les peines.
L'article 3 prévoit d'instituer une présomption de contrainte : cette solution est plus satisfaisante que l'instauration d'une présomption irréfragable fondée sur un seuil d'âge qui entrerait en conflit avec la présomption d'innocence qui est un des fondements de la justice.
L'article 4, qui étend la surqualification pénale de l'inceste aux viols et agressions sexuelles, me convient.
Nous sommes opposés à l'article 5 qui aggrave les peines encourues pour le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans : cette modification vise à répondre à une émotion mais l'alourdissement perpétuel des peines n'est pas une réponse adéquate, même si la droite réclame cet alourdissement, face à une gauche supposée laxiste.
L'article 6 est peut être mal formulé : il convient de s'assurer de l'existence de véritables garanties contre une imprescriptibilité indirecte et d'éventuelles dérives. À l'occasion d'un héritage, on pourrait assister à des dénonciations calomnieuses de tel ou tel membre de la famille. Il serait opportun de réfléchir à la clarification de l'incrimination de viol.
Pour toutes ces raisons, mon groupe s'abstiendra sur ce texte, mais je salue le travail et l'engagement de notre rapporteur. Il ne faut pas envisager ce problème que sous l'angle de la victimisation : nous ne sommes pas que des victimes violées, des corps souillés. Nous voulons la parité, l'égalité des salaires, que notre parole soit écoutée et pas comme hier, lorsqu'une collègue, citant Clemenceau, a été conspuée en séance. C'est insupportable.